Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler d’une décision de la division générale datée du 14 mars 2016, qui déterminait que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada, puisque la division générale a jugé que son invalidité n’était pas « grave » à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité, le 30 avril 2012, le mois précédant celui où il a commencé à toucher une pension de retraite. Le demandeur a déposé une demande de permission d’en appeler le 3 mai 2016 et faisait valoir plusieurs moyens d’appel.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Analyse

[3] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[4] Pour accorder la permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel se rattachent aux moyens d’appel figurant au paragraphe 58(1) de la LMEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale du Canada a confirmé cette approche dans Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

[5] Le demandeur soutient que la division générale a commis une erreur en vertu de chacun de ces moyens d’appel. Essentiellement, il soutient que la division générale a erré en droit, particulièrement parce qu’elle a omis d’appliquer les principes de la décision Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, et de tenir compte de sa situation.

[6] Le demandeur a subi des blessures au bas du dos lors d’un accident de travail qui a eu lieu en 2006. Il soutient que depuis cet événement, il ne peut pas rester assis plus de 15 minutes. Cependant, la division générale a souligné la preuve médicale, dont l’avis du Dr Ivanov, lequel a déclaré en mars 2012 que le demandeur pouvait travailler en position assise pendant des périodes limitées. La division générale a déterminé que le demandeur démontrait une capacité résiduelle de travail pour des occupations qui diffèrent de son emploi précédent de pilote de ligne, et donc, qu’il se devait de déployer des efforts pour obtenir et conserver un emploi ou de démontrer que de tels efforts ont été infructueux en raison de son état de santé.

[7] Le demandeur fait valoir que la division générale, en analysant son invalidité au titre du Régime de pensions du Canada, aurait dû tenir compte de sa résidence et de son âge. Il a vécu au Luxembourg au cours des 25 dernières années. Il ne peut pas être admissible à un permis de travail parce qu’il n’est pas citoyen de l’Union européenne. Il ne peut donc pas travailler dans ce pays. De toute façon, il soutient ne pas avoir les compétences langagières requises (en luxembourgeois, en français et en allemand) pour occuper un emploi au Luxembourg. Il soutient que son âge et sa résidence nuisent à son employabilité, de même que son niveau d’éducation limité, et cette nuisance le rend donc invalide aux fins du Régime de pensions du Canada.

[8] Bien que la division générale n’ait pas réalisé une analyse exhaustive de la situation particulière du demandeur dans un contexte « réaliste », il est clair qu’elle a tenu compte de son âge, de ses aptitudes linguistiques, de son niveau de scolarité, de ses antécédents de travail et de son expérience de vie. La division générale a jugé que ces facteurs n’étaient pas pertinents dans un contexte « réaliste » lorsqu’elle a fait l’évaluation de la gravité de l’invalidité du demandeur. Malgré la brièveté de l’analyse, je ne constate pas de motif pour interférer avec l’évaluation du membre. Après tout, la Cour d’appel fédérale a commandé la précaution par rapport aux interventions dans l’évaluation des circonstances d’un demandeur par un décideur, dans la mesure où le décideur a appliqué le critère juridique indiqué en matière de gravité.

[9] La division générale était consciente que le demandeur habite au Luxembourg. Au paragraphe 22, elle a souligné que le demandeur ne pouvait pas travailler au Luxembourg et qu’il n’avait pas cherché du travail à l’extérieur de ce pays. La division générale a aussi conclu que la preuve faisait clairement montre de l’existence d’un fort effet dissuasif financier à l’embauche, puisque le demandeur serait inadmissible à une pension généreuse du gouvernement du Luxembourg s’il occupait un emploi. La division générale a souligné que le demandeur se sentait aussi attaché au Luxembourg, car la fille de celui-ci habitait en France. Cependant, la division générale a tenu compte de la résidence du demandeur dans le contexte de savoir s’il répondait aux critères établis dans la décision Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117, voulant qu’un appelant qui démontre la capacité de travailler doive démontrer que ses efforts pour trouver et conserver un emploi ont été infructueux en raison de son état de santé.

[10] La division générale n’a pas tenu compte de la résidence du demandeur dans son analyse réaliste prévue dans Villani.Cependant, la Cour d’appel fédérale, dans la décision Villani, n’a pas étudié la résidence comme l’un des types de circonstances particulières qui doivent être prises en considération dans l’évaluation de la gravité de l’invalidité d’une personne. Au paragraphe 38, la Cour d’appel fédérale a énuméré certains facteurs pertinents, « par exemple son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie ».

[11] La décision Canada (Ministre du développement des ressources humaines) c. Rice, 2002 CAF 47 est d’une certaine pertinence. Le ministre a désiré obtenir le contrôle judiciaire d’une décision de la Commission d’appel des pensions, dans laquelle on concluait que monsieur Rice était invalide. La Cour d’appel fédérale a tenu compte de la question de savoir si la Commission d’appel des pensions avait erré en droit en tenant compte de considérations socio-économiques. Monsieur Rice habitait dans une petite communauté où la pêche représentait l’industrie principale, et la possibilité qu’il obtienne un emploi dans cette communauté était faible, voire inexistante. La Cour d’appel fédérale a déterminé que la résidence de monsieur Rice et sa possibilité d’obtenir un emploi n’étaient pas des facteurs pertinents. Elle a convenu avec le ministre que « des facteurs socio-économiques comme les conditions du marché du travail » ne sont pas pertinents dans une décision visant à déterminer si une personne est invalide.

[12] Au paragraphe 10, la Cour d’appel fédérale a poursuivi et déterminé que la référence du juge Isaac à « l’occupation hypothétique » indique clairement que « ce qui est pertinent c’est l’existence de n’importe quelle occupation véritablement rémunératrice au regard de la situation personnelle du requérant, mais non la question de savoir si des emplois sont véritablement disponibles sur le marché du travail ».

[13] Je suis consciente des différences factuelles évidentes entre l’affaire Rice et la situation du présent demandeur. Dans la situation de monsieur Rice, l’emploi était inaccessible dans sa communauté. En l’espèce, le demandeur soutient que, parce qu’il vit au Luxembourg, l’emploi lui est inaccessible. Néanmoins, je juge que la Cour d’appel fédérale a clairement déterminé dans l’affaire Rice que la résidence et la possibilité d’emploi sont des considérations non pertinentes et, à cet égard, cette décision s’applique à la situation du demandeur.

[14] Dans la décision Ministre du développement des ressources humaines c. Angheloni,2003 CAF 140, aux paragraphes 13 et 14, et dans la décision Canada (Ministre du développement des ressources humaines) c. Harmer, 2002 CAF 321, la Cour d’appel fédérale a établi que des conditions économiques ne sont pas pertinentes pour évaluer la gravité de l’invalidité d’un requérant. Pour ces deux causes, la Cour a déterminé que le sous-alinéa 42(2)a)(i) du Régime de pensions du Canada fait référence à la capacité d’un individu de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice, et non pas à la question de savoir si, dans le contexte du marché du travail, il est possible de se trouver un emploi. De façon similaire, pour l’instance dont je suis saisie, le demandeur soutient qu’il est gravement invalide, particulièrement dans le contexte de sa résidence, alors que l’on devrait mettre l’accent sur sa capacité de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. Je constate des similarités entre ces précédents et l’instance dont je suis saisie.

[15] Je juge aussi, selon une perspective d’emploi, qu’aucun motif impérieux n’expliquerait pourquoi le demandeur ne peut pas se rendre dans un autre pays, dont le Canada, où il serait libre de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice qui conviendrait à ses limitations physiques. Le fait que s’il déménageait pourrait compromettre la pension qu’il reçoit présentement du Luxembourg, ou le fait que sa fille habite aussi en Europe ne sont d’aucune pertinence pour l’évaluation de la gravité de son invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada.

[16] Finalement, au soutien de sa demande de pension d’invalidité, le demandeur a déposé à nouveau un rapport médical daté du 7 mai 2014 du Dr Ranney, consultant en orthopédie. Cependant, ni la demande de permission d’en appeler ni l’appel devant la division d’appel ne permettent de réévaluer la preuve soumise à la division générale ou de rendre une nouvelle décision à son égard, à moins qu’une erreur susceptible de contrôle ait été commise relativement à la preuve. Le demandeur ne soutient pas que ce soit le cas. Cette preuve a déjà été soupesée par la division générale. Comme l’a confirmé la Cour fédérale dans la décision Tracey, le rôle de la division d’appel, conformément à la LMEDS, ne consiste pas à apprécier de nouveau la preuve ou à soupeser de nouveau les facteurs déjà présentés à la division générale pour déterminer si la permission d’en appeler devrait être accordée ou refusée.

Conclusion

[17] Compte tenu des considérations qui précèdent, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

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