Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision rendue le 31 mai 2016 par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada, qui a statué que la défenderesse était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en août 2012, quand elle avait arrêté de travailler. La division générale a également conclu qu’elle avait donc droit à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, payable à compter de décembre 2012.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Analyse

[3] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[4] Le demandeur soutient que la division générale a commis les erreurs prévues aux alinéas 58(1)b) et c) de la Loi sur le MEDS.

[5] Avant de pouvoir accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel invoqués se rattachent aux moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale a confirmé cette approche dans Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

Erreurs de droit reprochées

a. Régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice

[6] Le demandeur soutient que la division générale a commis une erreur de droit comme elle n’a pas déterminé si la défenderesse était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, mais plutôt si elle était incapable d'occuper son ancien emploi.

[7] Au paragraphe 39, la division générale a expliqué pourquoi elle avait conclu que la défenderesse était atteinte d’une invalidité grave [traduction] « la rendant régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice ». Ses motifs comprenaient le fait qu’un psychologue, un avocat et le médecin de famille de la défenderesse croyaient qu’elle n’était pas du tout prête à recommencer à travailler dans un avenir proche en raison de sa douleur et de ses problèmes émotionnels, comme elle n’avait pas réussi une tentative de retour au travail et parce que sa douleur l’empêcherait de reprendre un emploi. La division générale a noté que le médecin de famille de la défenderesse avait confirmé qu’elle avait des limitations fonctionnelles pour rester debout et marcher. Au paragraphe 40 de sa décision, la division générale a conclu que la fibromyalgie, l’état de stress post-traumatique, la dépression et le trouble d’adaptation chronique dont souffrait la défenderesse [traduction] « entraînent par leur interaction des limitations relatives à son humeur et à sa capacité de gérer le stress, ainsi que des limitations physiques (marcher et rester debout) qui ont rendu [la défenderesse] régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice depuis qu’elle a arrêté de travailler, en août 2012. »

[8] La division générale s’est fondée en partie sur une preuve qui révélait que la défenderesse n’était pas prête à réintégrer son ancien milieu de travail. Malgré cela, comme la division générale a expressément affirmé à deux occasions (aux paragraphes 39 et 40) qu’elle avait cherché à savoir si la défenderesse était « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice », je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sous prétexte que la division générale n’a pas cherché à déterminer si la défenderesse était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[9] Les observations du demandeur donnent à penser que la division générale aurait dû chercher à déterminer si la défenderesse avait satisfait à Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117, soit si elle avait démontré que ses efforts pour obtenir un emploi et le conserver avaient été infructueux pour des raisons de santé. Le demandeur soutient que la défenderesse ne pouvait pas avoir satisfait aux exigences de la cause Inclima, comme elle n’avait pas réussi à trouver un autre emploi que son ancien emploi. Cependant, la Cour d’appel fédérale a fait savoir qu’un requérant doit seulement démontrer que ses efforts pour obtenir et conserver un emploi ont été infructueux pour des raisons de santé lorsqu’il existe des preuves de capacité de travail. En l’espèce, la division générale a conclu que la défenderesse n’avait aucune capacité de travail et, de ce fait, il n’était pas nécessaire de déterminer si ses efforts pour obtenir un emploi et le conserver avaient été infructueux pour des raisons de santé.

b. Villani

[10] Le demandeur soutient que la division générale a commis une erreur de droit puisqu’elle n’a pas cité l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, et puisqu’elle n’a pas mené une analyse « réaliste » qui tienne compte de la situation particulière de la défenderesse, comme son âge, ses antécédents professionnels, son expérience de la vie, son niveau d’instruction et ses aptitudes linguistiques. Le demandeur a également cité la cause Garrett c. Canada (Procureur général) [sic], 2005 CAF 84, dans laquelle la Cour d’appel fédérale a écrit ce qui suit :

En l'espèce, la majorité n'a pas mentionné l'arrêt Villani et elle n'a pas effectué son analyse conformément aux principes qu'il consacre. Cela constitue une erreur de droit. Plus précisément, la majorité n’a pas fait état des éléments de preuve indiquant que les problèmes de mobilité de la demanderesse étaient aggravés par la fatigue et qu’il lui faudrait alterner les périodes où elle est assise et les périodes où elle est debout; des facteurs qui lui rendraient concrètement difficile les emplois de bureau sédentaires ou de même type. Tel est le contexte « réaliste » de l'analyse exigée par l'arrêt Villani.

[11] Le demandeur note que la défenderesse avait 47 ans au moment où elle a présenté sa demande, et que son relevé de cotisations montre qu’elle a travaillé presque continuellement tout au long de sa vie. Le demandeur note aussi que la preuve révèle qu’elle avait occupé des emplois très variés, et qu’elle avait notamment travaillé comme gérante dans des restaurants McDonald’s. Le demandeur prétend que la défenderesse avait donc un éventail de compétences transférables et d’expériences d’emploi. Le demandeur soutient que la division générale aurait vraisemblablement conclu que la défenderesse n’était pas atteinte d’une invalidité grave si elle avait tenu compte de ses antécédents professionnels et personnels.

[12] J’estime qu’un décideur n’est pas tenu de citer Villani dans la mesure où il mène une analyse « réaliste » lorsqu’il évalue la gravité de l’invalidité d’un requérant. Cela dit, il n’est pas manifeste que la division générale ait mené une telle analyse. Pour cette raison, je suis prête à accorder la permission d’en appeler. Néanmoins, la Cour d’appel fédérale semble avoir jugé qu’une approche « réaliste » consiste à donner une construction large et libérale au Régime de pension du Canada. Au paragraphe 29 de Villani, elle a écrit que « […] le sens des mots utilisés [au sous-alinéa 42(2)a)(i)] doit être interprété d’une façon large et libérale, et toute ambiguïté découlant de ces mots doit se résoudre en faveur de la personne qui demande des prestations d’invalidité. » Le demandeur doit se préparer à expliquer pourquoi l’arrêt Villani devrait être appliqué d’une façon aussi restrictive qu’il le propose.

c. Critère relatif à une invalidité prolongée

[13] Le demandeur soutient également que, même si la division générale a correctement cité le critère relatif à une invalidité prolongée, elle a commis une erreur puisqu’elle n’a pas tenu compte de facto de la dimension « indéfinie » de ce critère, prévu à l’alinéa 42(2)a) du Régime de pensions du Canada.

[14] Le demandeur soutient qu’une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès. Le demandeur fait valoir que le problème de santé doit durer pendant une période indéfinie de façon à répondre à la dimension « prolongée » du critère relatif à l’invalidité.

[15] Le demandeur affirme que la division générale semble s’être attardée à la dimension « longue et continue » du critère, sans pourtant en analyser la dimension « indéfinie ». Le demandeur fait valoir que cela est particulièrement important compte tenu des différents rapports du médecin et du psychiatre de la défenderesse qui précisent qu’elle est présentement incapable de travailler.

[16] Conformément au sous-alinéa 42(2)a)(ii) du Régime de pensions du Canada, une invalidité n’est prolongée « que si elle est déclarée, de la manière prescrite, devoir vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès ».

[17] Au paragraphe 45 de sa décision, la division générale a présenté son analyse portant sur le critère relatif à une invalidité prolongée.

[traduction]

Pour les raisons suivantes, le Tribunal juge que l’appelante est atteinte d’une invalidité prolongée :

a) son problème de santé mentale ne s’est pas amélioré en dépit des traitements, incluant un essai de médicaments et des consultations auprès d’un psychologue depuis 2010;

b) son problème de santé mentale persiste depuis une période longue et continue, et la preuve médicale datant d’aussi loin que 2003 montre que l’appelante avait des difficultés à gérer ses émotions;

c) même si son problème de santé mentale s’améliorait, la preuve au dossier ne permet pas de croire que la douleur éprouvée par l’appelante en raison de sa fibromyalgie puisse s’améliorer au point de la rendre de nouveau capable de travailler.

[18] Même si la division générale n’a pas expressément parlé d’une « période indéfinie » au paragraphe 45c) de sa décision, elle semble avoir traité de la dimension « indéfinie » du critère relatif à une invalidité prolongée, comme elle s’est penchée sur ce à quoi pourrait ressembler le problème de santé de la défenderesse s'il durait pendant une période indéterminée ou inconnue. Pour cette raison, je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès à cet égard.

Conclusions de fait erronées reprochées

[19] Le demandeur soutient aussi que la division générale a fondé sa décision sur plusieurs conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Cela dit, comme j’ai déjà décidé d’accorder la permission d’en appeler, il m’est inutile de les aborder à ce stade-ci.

Conclusion

[20] La demande de permission d’en appeler est accueillie. Cette décision accordant la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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