Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] Le 17 mars 2014, l’intimé a reçu la demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) de l’appelante. L’appelante prétend qu’elle est invalide en raison d’un syndrome post-commotion accompagné de maux de tête, de migraines, d’étourdissements, et de sensibilité à la lumière et au bruit. L’intimé a rejeté cette demande initialement et après révision. L’appelante a interjeté appel de la décision découlant de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[2] Pour recevoir une pension d’invalidité du RPC, l’appelante doit se conformer aux exigences énoncées dans le RPC. Plus précisément, l’appelante doit être réputée comme étant invalide au sens du RPC à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA) ou avant cette date. Le calcul de la PMA est fondé sur les cotisations de l’appelante au RPC. Le Tribunal a établi que la PMA de l’appelante a pris fin le 31 décembre 2016.

[3] L’appel a été instruit par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. L’appelante sera la seule partie à assister à l’audience;
  2. Les questions en litige sont complexes;
  3. Ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[4] Le Tribunal a tranché que l’appelante n’était pas admissible à une pension d’invalidité du RPC pour les raisons sous mentionnées.

Question préliminaire

[5] Initialement, l’affaire devait être instruite par vidéoconférence le 8 février 2017. Toutefois, l’appelante était en retard puisqu’elle a eu de la difficulté à trouver le centre de Service Canada. De plus, elle n’avait pas de copie du dossier du Tribunal; cela a eu des répercussions durant l’audience puisque le membre du Tribunal souhaitait poser plusieurs questions concernant des documents au dossier du Tribunal. Elle a aussi mentionné vouloir présenter de nouveaux documents, mais elle en a été incapable puisque son état de santé l’empêchait de le faire. Elle a aussi suggéré qu’elle n’était pas certaine des documents qu’elle a déposés devant le Tribunal. Dans ces circonstances, le membre du Tribunal a tranché qu’il serait approprié d’ajourner l’affaire afin de permettre à l’appelante de se préparer convenablement pour l’audience et de transmettre des éléments de preuve pertinents pour qu’ils soient potentiellement examinés par le Tribunal.

[6] L’audience a été ajournée jusqu’au 8 mai 2017; une fois de plus, elle devait se tenir par vidéoconférence. Aucun document n’a été déposé avant la tenue de l’audience. L’appelante n’a pas participé à l’audience ni avisé le Tribunal de tout problème relativement à sa participation. Toutefois, un employé du Tribunal a communiqué avec l’appelante et on lui a mentionné qu’elle ne pouvait pas participer à l’audience en raison d’une maladie.

[7] En raison des difficultés préalables de l’appelante à trouver le lieu de l’audience, le membre du Tribunal a changé le mode d’audience afin qu’elle soit tenue par téléconférence le 10 juillet 2017. Le 12 mai 2017, l’appelante a signé l’accusé de réception de l’avis d’audience. Le 26 juin 2017, un employé du Tribunal lui a également laissé un message sur sa boîte vocale pour lui rappeler la date de l’audience à venir et lui donner le numéro sans frais du Tribunal en cas de problème. L’appelante n’a pas participé à la téléconférence du 10 juillet 2017 ni avisé le Tribunal de tout problème relativement à sa participation. Au moment de rendre cette décision, elle n’a toujours pas communiqué avec le Tribunal pour justifier son absence à l’audience par téléconférence ou demander un ajournement. De plus, elle n’a pas déposé de nouveau document.

[8] Le Tribunal est convaincu que l’appelante a reçu l’avis d’audience. Étant donné que l’audience a déjà été ajournée à deux reprises et que l’appelante n’a pas participé à la téléconférence du 10 juillet 2017 ou fourni une explication pour son absence, le Tribunal a décidé de rendre sa décision sur le fond du dossier plutôt que d’ajourner l’audience pour une troisième fois. L’ensemble de la preuve au dossier du Tribunal sera examinée, bien qu’on fasse uniquement référence à la preuve la plus pertinente dans le sommaire suivant.

Preuve

[9] L’appelante est âgée de 31 ans et réside à X, en Ontario. Elle possède un diplôme de 12e année ainsi qu’un diplôme d’ambulancière paramédicale et un diplôme d’un an à la suite d’une formation préparatoire de lutte contre les incendies. Elle a aussi travaillé à titre d’étudiante-tutrice au Collège Humber. Elle a participé au cross-country pour équipe Ontario au collège où elle s’est classée 3e au niveau national. Elle a occupé son dernier emploi à titre d’ambulancière paramédicale à temps plein pour les services médicaux Toronto Emergency Medical Services. Elle a conservé cet emploi du 20 mai 2009 au 14 décembre 2012. Le 21 décembre 2012, elle a mentionné ne plus être capable de travailler en raison d’une commotion cérébrale subie le même jour. Elle a subi d’autres commotions cérébrales le 20 mai et le 15 octobre 2103. Rien ne démontre au dossier qu’elle aurait subi d’autres commotions avant le 21 décembre 2012.

[10] L’appelante a mentionné dans son questionnaire du 20 février 2014 qu’elle n’était plus en mesure de travailler à compter du 21 décembre 2012, car son emploi d’ambulancière paramédicale était trop demandant physiquement. Plusieurs fois quotidiennement, elle devait soulever des sacs d’équipement, des civières, des chaises-civières et des patients. Cependant, toute hausse de pouls et tension artérielle entraîne chez elle des maux de tête et une pression accrue sur sa tête. Elle devait être en mesure de se concentrer, car elle devait conduire pendant plusieurs heures quotidiennement en plus de s’occuper de divers appareils, dont la radio, le système CPS et les sirènes. Elle ne pouvait pas regarder un écran pendant plus de 30 minutes, lire plus de 10 pages d’un livre, se concentrer ou se remémorer ce qu’elle venait de lire. Autrement, elle se disait en bonne santé.

[11] La lettre de docteur Wes Clayden datée du 18 octobre 2013 est le premier document médical au dossier. Docteur Clayden a mentionné que l’appelante est demeurée symptomatique en raison de la commotion cérébrale de décembre 2012, ce qui concorde avec le diagnostic de syndrome post-commotion. Elle n’a pas été capable de reprendre le travail. Bien qu’elle souhaite régler complètement ses symptômes persistants et reprendre ses tâches régulières, docteur Clayton n’a pas été en mesure de donner un échéancier précis. Toutefois, il était encouragé puisqu’elle montrait des progrès.

[12] Le 30 janvier 2014, docteur Golberg Araghi (médecin de famille) a rédigé un rapport médical pour l’appelante. Il a rendu un diagnostic de commotion cérébrale, du syndrome post-commotion et un historique de maux de tête attribuable à des migraines. En plus des maux de tête, elle souffrait de douleurs cervicales, était incapable d’effectuer des exercices physiques et avait de la difficulté à se concentrer. Elle traitait la douleur et la raideur cervicales à l’aide de traitements de massothérapie et de physiothérapie. Elle a aussi visité une clinique de médecine sportive pour traiter son syndrome post-commotion. Elle devait continuer à suivre la série de traitements de physiothérapie, de massothérapie, d’acuponcture et de médecine sportive. Bien que docteur Araghi était incapable d’offrir un pronostic et souhaitait que l’état de santé de l’appelante s’améliore avec le temps, on pouvait remarquer une légère amélioration.

[13] L’appelante a énuméré plusieurs restrictions fonctionnelles dans son questionnaire du 20 février 2014, dont conduire pendant plus de 45 minutes, une sensibilité importante à la lumière qui la force à porter des lunettes fumées à l’extérieur, une sensibilité au bruit, lever et porter des charges et des interruptions de sommeil. Toutefois, elle n’a pas de restriction physique lorsqu’elle est assise, qu’elle est debout, qu’elle parle et qu’elle s’étire. Elle a cessé toutes ses activités sportives et sociales à la suite de sa commotion du 21 décembre 2012.

[14] Le 26 septembre 2014, l’appelante a mentionné à docteur Araghi qu’elle souhaitait consulter un spécialiste en commotion cérébrale. Elle a aussi rapporté des symptômes de dépression. Docteure Shannon Bauman (médecin de famille avec spécialisation en commotion cérébrale) a mené l’évaluation initiale le 17 octobre 2014; les diagnostics font état d’une commotion cérébrale accompagnée de migraine post-traumatique, de fatigue, d’anxiété et de dépression. Docteure Bauman a prescrit de la réadaptation vestibulaire et du Zoloft, et a recommandé l’appelante à un optométriste pour stabiliser le regard. Docteure Beauman a affirmé que l’appelante n’était pas prête à reprendre le travail à ce moment.

[15] En octobre 2014, l’appelante a aussi visité de son propre chef le centre de lésions cérébrales Carrick (centre Carrick). Il semble s’agir d’une clinique privée située à Marietta, en Géorgie (États-Unis) et spécialisée en soins post-commotion. Le 4 novembre, docteure Diana Albertin (neurologue chiropraticienne au centre Carrick) a rapporté que l’appelante faisait de bons progrès, même si ses symptômes perdurent. Ces symptômes l’empêchaient de travailler; docteure Albertin a recommandé à l’appelante de se concentrer sur les thérapies cérébrales prodiguées au centre Carrick plutôt que de reprendre le travail. Dans sa lettre du 11 novembre 2014, docteur James Duffy (neurologue chiropraticien au centre Carrick) pose un diagnostic de syndrome post-commotion accompagnée d’une atteinte vestibulaire centrale. On lui a donné des exercices à effectuer à la maison et recommandé une réévaluation dans 3 mois.

[16] Le 2 décembre 2014, l’intimé a appelé l’appelante qui lui a mentionné que son traumatisme cérébral s’améliorait. Elle a aussi rapporté une déficience neurologique, des tremblements à la main droite et des restrictions concernant la mémoire et la résolution de problèmes. Dans sa lettre du 17 janvier 2015, docteure Bauman évoque également des améliorations, malgré d’intenses maux de tête. Son syndrome post-commotion comprend actuellement des migraines et des maux de tête post-traumatique, de la fatigue, des difficultés visuelles ainsi que des problèmes vestibulaires et cognitifs. Il semble qu’elle n’ait jamais pris de Zoloft.

[17] Le 19 janvier 2015, l’appelante a envoyé une longue lettre faisant état de ses problèmes de santé dans laquelle elle demande une révision du rejet initial de l’intimé. Elle croyait que son invalidité était grave puisque même en ne travaillant pas, elle n’était pas en mesure de reprendre ses activités normales et sa routine quotidienne. Bien qu’elle a admis mieux se sentir, elle n’était pas certaine quand elle serait de nouveau capable de fonctionner normalement. Elle mentionne qu’en plus de ses trois commotions subies de décembre 2012 à octobre 2013, elle a souffert de deux blessures à la tête antérieures qui ont entraîné des pertes de conscience ainsi que deux autres commotions qui n’en ont pas occasionné. Elle a aussi parlé de ses mésaventures avec la Nortriptyline, et comment elle a obtenu de bien meilleurs résultats par la méditation et la prise de conscience.

[18] L’appelante décrit ses symptômes actuels comme suit : migraines quotidiennes (accentuées à l’utilisation d’un ordinateur, en lisant, en se concentrant, en interagissant, en conduisant plus de 20 minutes et lors de conversations avec plusieurs personnes), points de pression constant à la tête (accentués lors de quelconque exercice physique), vision trouble (accentuée par les écrans ou la lecture), acouphène, nausées, étourdissements, sensibilité à la lumière et au bruit, troubles émotifs (tel que l’irritabilité et l’anxiété), difficultés à se concentrer, fatigue (elle dort plus de 12 heures par nuit et 2 jours par jour) et dérèglement du système nerveux autonome. Ses restrictions fonctionnelles sont : marcher (10 minutes), regarder la télévision (10 minutes par jour), texter sur son cellulaire et être dans des lieux bondés ou bruyants. Elle a fourni une liste détaillée des nombreux spécialistes qu’elle a consultés et des traitements qu’elle a suivis, dont plusieurs qu’elles suivaient par elle-même.

[19] L’appelante a aussi mentionné qu’elle travaillait sur des quarts de 12 heures, en plus des heures supplémentaires, et qu’elle devait conduire pendant une heure aller et retour pour se rendre au travail. Elle participait aussi à des compétitions de triathlon et s’entraînait de 3 à 5 fois par semaine dans les trois disciplines de ce sport. Elle jouait de la guitare, allait en expéditions de canot, lisait et voyageait. Cependant, elle a dû retourner chez ses parents afin qu’ils s’occupent d’elle et qu’ils la conduisent à ses rendez-vous. Elle s’ennuyait de son emploi et voulait le reprendre, mais elle a jugé que de dépasser ainsi ses limites nuirait à sa réadaptation.

[20] Le 16 février 2016, docteure Bauman a mentionné que l’appelante progressait lentement mais sûrement, si elle se fiait aux améliorations remarquées par l’appelante de ses symptômes. Sa vision était moins trouble, et elle pouvait faire davantage d’exercice physique et conduire sur de courtes distances sans ressentir de symptôme. Docteure Bauman a considéré qu’elle était présentement incapable de reprendre son travail et d’effectuer des tâches d’ambulancière paramédicale. Elle mentionne que la capacité de reprendre son travail de l’appelante serait réévaluée ultérieurement, dès que cette dernière n’aurait plus de symptôme.

[21] Un changement important est survenu en mai 2015 alors que l’appelante a contracté la maladie de Lyme après avoir été mordue par une tique. L’appelante a d’abord été traitée par docteur Araghi à ce sujet. Le 27 mai 2015, l’intimé a appelé l’appelante et on l’a informé qu’elle suivait des traitements pour contrer la maladie de Lyne et le Babesia. L’appelante a mentionné qu’elle consultait encore docteure Bauman tous les mois, et qu’elle a visité docteur Duffy au centre Carrick pendant une semaine en mars 2015. Elle correspondait chaque semaine par courriel avec docteur Duffy et attendait un nouveau rapport médical rédigé par ce dernier.

[22] Le 8 juin 2015, docteure Bauman a rapporté que l’état de santé général de l’appelante s’améliorait, mais que des symptômes étaient revenus en raison de la maladie de Lyme et d’autres infections connexes (Babesia, bartonellose et anasplasmose) résultant de la morsure de tique. Pensant sa visite du mois de mars au centre Carrick, elle a éprouvé des améliorations concernant la sensibilité à la lumière et sa maîtrise des contextes sociaux; elle se sentait davantage elle-même. Toutefois, la morsure de tique a causé une vision trouble, des migraines, des vomissements et une perte de poids.

[23] Le 9 juin 2015, l’appelante a consulté docteur Shahzad Qureshi (spécialiste en soins de courte durée) relativement à la maladie de Lyme et aux symptômes connexes. L’appelante mentionne que son état de santé concernant les commotions cérébrales s’améliorait, mais que de nouveaux symptômes virulents se sont manifestés depuis la morsure. Docteur Qureshi se questionne si les démangeaisons et l’aggravation des symptômes des derniers jours n’étaient pas liées à une réaction à un médicament. Il a ensuite référé l’appelante à docteur Lingley (infectiologue).

[24] Le 19 juillet 2015, docteure Bauman a remis une lettre détaillée à l’intimé. Elle y confirme le diagnostic de syndrome post-commotion et remarque que l’appelante a suivi par elle-même des traitements au centre Carrick; elle a aussi assisté à des thérapies indépendantes de prise de conscience. Elle souhaitait guérir et participait activement aux traitements recommandés. Ses maux de tête étaient moins graves, sa vision était de moins en moins trouble, et sa capacité de socialiser et d’effectuer des tâches quotidiennes s’améliorait. Ses résultats à des tests objectifs effectués au centre Carrick étaient également meilleurs. Bien qu’il s’agisse d’améliorations mineures et graduelles, on les décrivait tout de même comme étant [traduction] « prometteuses ». Toutefois, elle n’était toujours pas en mesure de reprendre le travail puisque des symptômes persistaient et elle éprouvait quotidiennement de la difficulté à effectuer ses activités quotidiennes.

[25] Docteure Bauman a aussi commenté les récentes complications infectieuses, et elle a remarqué qu’elles ont entraîné une régression subjective et objective dans les signes et symptômes liés à sa commotion cérébrale. Docteure Bauman croit qu’une fois les infections traitées, l’appelante pourra retourner au même niveau de réadaptation de commotion cérébrale, et avec optimisme, elle pourra continuer une réadaptation lente, mais positive. À ce stade, il est impossible de fixer une date précise de réadaptation. Un appel de l’intimé adressé à docteure Bauman et daté du 22 juillet 2015 confirme les améliorations et la reprise de réadaptation de l’appelante dès que les infections seront soignées. Une fois que l’appelante aura reçu son congé, elle pourra entamer un programme de retour progressif et graduel au travail.

[26] Docteur Araghi a fourni des renseignements supplémentaires dans une lettre datée du 29 juillet 2015. Il a mentionné que malgré des évaluations prolongées et exhaustives, l’appelante n’a pas répondu complètement et elle n’a jamais retrouvé son niveau de fonctionnement habituel. Elle a aussi sombré dans une dépression et a suivi des traitements d’accompagnement psychologique. Ses réponses n’étaient pas suffisantes à lui permettre de reprendre le travail et de retrouver son niveau de fonctionnement habituel. Ses symptômes sont devenus chroniques et il était difficile de déterminer si elle reviendrait un jour à son niveau de fonctionnement habituel. De plus, il semble que les symptômes relatifs à sa plus récente morsure de tique sont apparemment aussi devenus chroniques et qu’elle a continué d’être suivie par des infectiologues.

[27] Le 15 septembre 2015, docteure Maureen McShane (spécialité inconnue), médecin originaire de Plattsburgh dans l’état de New York (États-Unis) a fourni une longue lettre qui en plus des antibiotiques et d’autres médicaments semble préconiser une approche plus globale et naturelle pour soigner la maladie de Lyme et répondre aux préoccupations connexes de l’appelante. On y mettait surtout l’accent sur le régime. On n’y énonçait pas de pronostic et la longue liste de recommandations de régimes et de traitements semblait souvent générique, et non personnalisée à l’appelante. Bien qu’on y est noté son historique de commotions cérébrales, la liste problématique enregistrée par docteure McShane faisait uniquement mention de l’anaplasmose, de la maladie de Lyme chronique, de Babesia et de bartonellose. Il s’agit de la dernière preuve médicale objective au dossier du Tribunal.

[28] Le 19 octobre 2015, l’appelante a présenté une longue lettre soulignant son état de santé et interjetant appel devant le Tribunal. Elle mentionne que la morsure de tique a aggravé ses symptômes liés à sa commotion cérébrale. Le traitement pour régler les problèmes relatifs aux tiques l’a aussi rendue très malade. Elle n’était toujours pas capable de conduire sur de longues distances, de regarder un écran d’ordinateur pendant plus de 5 minutes, de se concentrer ou d’être exposée à plusieurs stimuli. Elle n’était toujours pas capable d’effectuer des exercices simples (tel que marcher), de mener ses activités quotidiennes ou de socialiser normalement avec ses amis. Bien qu’elle a admis faire des progrès, la commotion cérébrale qui a tout déclenché est survenue il y a près de trois ans. Elle a consulté davantage de docteurs et de spécialistes afin de régler ses nouveaux symptômes qui s’étaient aggravés. Elle s’est aussi légèrement cogné la tête un mois auparavant, ce qui a de nouveau aggravé l’ensemble des symptômes liés à sa commotion cérébrale et l’a cloué au lit pendant une semaine. Elle se sentait extrêmement fatiguée, frustrée, dépressive et anxieuse.

[29] L’appelante a écrit que son état de santé déclinait depuis mai en raison de symptômes, tels que douleurs à la poitrine, essoufflements, difficultés à se déplacer, épisodes de vision trouble extrême, crises de panique, désespoir, engourdissements et insensibilité aux membres. Parfois, elle perdait même l’usage neurologique de ses bras et de ses genoux. La maladie de Lyme a aggravé ses symptômes liés à sa commotion cérébrale et au point de détériorer son état de santé. La plupart du temps, il n’était pas capable de sortir du lit tellement qu’elle était fatiguée. Elle rêvait de profiter d’une promenade avec son chien sans ressentir de douleur et de fatigue, ou sans que ses fonctions cérébrales soient altérées. Elle souhaitait accomplir davantage de tâches que de simplement passer l’aspirateur chez elle.

[30] L’appelante ne pouvait imaginer d’autre emploi qu’elle serait en mesure de détenir. Elle mentionne que de conduire pour se rendre à son emploi poserait problème, puisqu’elle vivait en campagne. Tout emploi qui demandait de lire, d’utiliser des écrans d’ordinateur ou dans un environnement bruyant ou illuminé était hors de portée, même si elle ne souffrait pas de douleurs extrêmes à ce moment. Elle ne pouvait pas parler à personne et son corps ne fonctionnait pas comme avant. De plus, elle ne pouvait pas se concentrer. Elle a conclu en affirmant qu’elle avait honte de demander des prestations d’invalidité, mais elle était toutefois reconnaissante qu’on lui offre la possibilité. Elle comptait consulter d’autres docteurs et fournir la documentation qu’ils rédigeraient après consultation.

Observations

[31] L’appelante n’a pas présenté d’observation pendant l’audience, puisqu’elle n’y a pas assisté. Toutefois, elle a soutenu dans le passé qu’elle était admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. elle souffre de graves migraines et elle ne peut pas penser, lire, regarder un écran, conduire, parler ou fonctionner comme avant;
  2. elle ignore si elle peut détenir un emploi. En plus de sa santé chancelante, son état peut décliner puisque n’importe quelle activité (même les soupers de famille) entraîne une fatigue extrême le lendemain;
  3. son état de santé s’est aggravé en raison de la maladie de Lyme et d’autres maladies infectieuses, et des traitements requis pour combattre ces maladies;
  4. elle a tout fait pour guérir, y compris de suivre des traitements médicaux spécialisés de son propre chef aux États-Unis.

[32] L’intimé soutient que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité, pour les raisons suivantes :

  1. La preuve médicale ne montre aucune pathologie ou affection grave qui la réputerait indéfiniment comme étant atteinte d’une invalidité ou non employable à tous égards. Dans les faits, plusieurs évaluateurs, et même l’appelante, ont remarqué une amélioration constante de son état de santé;
  2. bien qu’elle ne soit pas capable d’accomplir son travail habituel en raison de ses problèmes de santé, elle n’a pas tenté de reprendre un autre emploi moins demandant physiquement ou sédentaire;
  3. elle ne prend pas de médicament pour ses maux de tête, et n’a pas été évaluée par un neurologue, une psychiatre, un spécialiste en gestion de la douleur ou en psychiatrie, ou elle n’a pas effectué de test cognitif officiel ou d’évaluation de la capacité fonctionnelle;
  4. même si la maladie de Lyme a ralenti ses progrès, il s’agit d’une situation temporaire dont la résolution est bientôt prévue grâce aux antibiotiques.

Analyse

Critère d’admissibilité à une pension d’invalidité

[33] L’appelante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité grave au sens du RPC à la fin de sa PMA ou avant cette date.

[34] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à cette pension, le demandeur :

  1. a) doit avoir moins de 65 ans;
  2. b) ne doit pas toucher de pension de retraite du RPC;
  3. c) doit être invalide;
  4. d) doit avoir versé des cotisations valables au RPC pendant au moins la PMA.

[35] Au titre de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour qu’une personne soit considérée comme invalide, elle doit être déclarée atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Discussion préliminaire concernant la gravité

[36] Le critère de gravité doit être évalué dans un contexte réaliste (Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248). Cela signifie que pour déterminer si l’invalidité d’une personne est grave, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau de scolarité, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie. En l’espèce, l’appelante est très jeune, instruite et maîtrise bien l’anglais, elle a travaillé dans des postes dynamiques et participé régulièrement à des loisirs ou des activités physiques. Avant d’examiner ses symptômes et restrictions, elle semblait destinée à une longue carrière dans une occupation véritablement rémunératrice.

[37] Le Tribunal apprécie dans sa totalité l’argument selon lequel l’appelante était active et dynamique avant que surviennent les nombreuses commotions cérébrales. Elle éprouvait une grande satisfaction et valeur concernant son emploi et ses loisirs. Le Tribunal apprécie aussi l’argument selon lequel jusqu’en date du 19 octobre 2015, elle était déterminée à améliorer son état de santé et elle semblait prendre toutes les mesures nécessaires selon ses restrictions. En fait, les nombreux traitements suivis par l’appelante aux États-Unis démontrent une remarquable volonté à améliorer son état de santé. Le Tribunal apprécie aussi l’argument selon lequel l’appelante n’était pas capable de détenir son emploi d’ambulancière paramédicale du 21 décembre 2012 au 19 octobre 2015.

[38] Toutefois, les prestations d’invalidité du RPC sont fondées sur l’incapacité de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Être incapable de détenir son ancienne occupation ne constitue pas un argument déterminant. La preuve de l’appelante jusqu’au 19 octobre 2015 appuie une telle invalidité. Il est cependant moins clair que ses médecins soient du même avis; ils se concentraient sur l’emploi d’ambulancier paramédical, ou en d’autres cas, il n’était pas certain si leurs conclusions relativement à l’incapacité de travailler de l’appelante s’appliquaient à une occupation véritablement rémunératrice, ce qui rend la conclusion concernant la gravité assez difficile à tirer.

[39] D’une plus grande importance, aucune documentation médicale objective n’a toutefois été présentée depuis la lettre de docteure McShane du 15 septembre 2015 et aucune preuve n’a été déposée depuis la lettre de l’appelante du 19 octobre 2015. De plus, la lettre de docteure McShane semble porter presque exclusivement sur les problèmes de santé découlant de la morsure de tique survenue plus tôt dans l’année. La liste de diagnostics dressée par docteure McShane ne fait même pas mention à la commotion cérébrale de l’appelante. L’appelante a mentionné à plus d’une occasion que de la documentation additionnelle serait présentée sous peu, mais le Tribunal n’a rien reçu.

[40] Le Tribunal doit déterminer que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave en date du 31 décembre 2016 ou avant cette date, qui s’est poursuivie jusqu’à la date de l’audience. Il serait difficile de conclure que les symptômes de l’appelante l’ont invalidé pendant près de deux ans suivant le dernier dépôt de preuve documentaire. Étant donné que l’appelante n’a pas participé à l’audience, il n’y a même pas de preuve orale récente sur laquelle le Tribunal peut se fier. Même si l’appelante pouvait être atteinte d’une invalidité grave en date du 19 octobre 2015, le Tribunal est moins certain que ce problème de santé aurait perduré jusqu’à la date de l’audience.

[41] Toutefois, le Tribunal n’est pas strictement tenu de tirer une conclusion sur la gravité de l’invalidité. Étant donné que le critère d’invalidité compte deux éléments, le Tribunal n’est pas tenu de tirer de conclusion sur la gravité de l’invalidité s’il conclut que celle-ci n’est pas prolongée.

L’invalidité de l’appelante est-elle prolongée?

[42] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès. Toutefois, rien ne suggère que l’état de santé de l’appelante pourrait entraîner sa mort. Son invalidité serait ainsi uniquement prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie.

[43] Avant d’être atteinte de la maladie de Lyme, la réadaptation de l’appelante concernant ses nombreuses commotions était en constante progression. Plusieurs éléments de preuve font référence à l’amélioration de ces améliorations de l’état de santé de l’appelante : lettre de docteur Clayden datée du 18 octobre 2013, lettre de docteure Diana Albertin du 4 novembre 2014, appel de l’intimé à l’appelante du 2 décembre 2014, lettre de docteure Bauman du 17 janvier 2015, lettre de l’appelante du 19 janvier 2015 et lettre de docteure Bauman du 16 février 2015. De plus, docteure Bauman a rapporté que la visite de l’appelante au centre Carrick en mars 2015 a entraîné des améliorations concernant sa sensibilité à la lumière et sa maîtrise des contextes sociaux; elle se sentait davantage elle-même. De 2013 à début 2015, seul docteur Araghi (le 30 janvier 2014) a remarqué que les améliorations étaient seulement légères. Compte tenu de l’approbation de l’appelante sur ces améliorations, le Tribunal conclut que son état de santé s’améliorait lentement jusqu’en mai 2015, puis le progrès se serait accentué à compter de mars 2015.

[44] La preuve démontre également que la morsure de tique survenue au printemps 2015 a considérablement ralenti la réadaptation de l’appelante. Le 8 juin 2015, docteure Bauman mentionnait une amélioration générale, mais que l’appelante ressentait davantage de symptômes en raison de la maladie de Lyme et d’autres infections connexes. L’appelante a affirmé au docteur Qureshi que son état de santé général concernant les commotions cérébrales s’améliorait, mais que de nouveaux symptômes virulents se sont manifestés depuis la morsure.

[45] Dans sa lettre du 19 juillet 2015, docteure Bauman a noté des améliorations concernant les maux de tête de l’appelante, sa vision trouble, et sa capacité de socialiser et d’effectuer des tâches quotidiennes. Bien qu’il s’agisse d’améliorations mineures et graduelles, on les décrivait tout de même comme étant [traduction] « prometteuses ». Concernant les complications attribuables à la morsure de tique, docteure Bauman a affirmé que cela a entraîné une régression subjective et objective chez l’appelante des symptômes liés à sa commotion. Toutefois, docteure Bauman croit qu’une fois les infections traitées, l’appelante pourra retourner au même niveau de réadaptation de commotion cérébrale, et avec optimisme, elle pourra continuer une réadaptation lente, mais positive. L’appel de l’intimé adressé à docteure Bauman et daté du 22 juillet 2015 confirme les améliorations et la reprise de la réadaptation de l’appelante dès que les infections seront soignées. Une fois que l’appelante aura reçu son congé, elle pourra entamer un programme de retour progressif au travail.

[46] La lettre du 19 juillet rédigée par docteure Bauman est particulièrement importante. Elle a traité l’appelante sur une longue période et elle est spécialiste en traitements liés aux commotions cérébrales; des nombreux professionnels qui ont soigné l’appelante, docteure Bauman est probablement la mieux placée pour évaluer les progrès et offrir un pronostic. Le Tribunal accorde une grande importance à la preuve de docteure Bauman et apprécie l’argument selon lequel l’appelante pourra reprendre son programme de réadaptation graduelle pour les commotions cérébrales une fois que les infections seront soignées et qu’un retour progressif au travail est à venir. Ces affirmations ont été confirmées dans l’appel du 22 juillet 2015 de l’intimé à docteure Bauman. La preuve, en plus des améliorations graduelles antérieures, ne suggère pas que l’invalidité de l’appelante va durer pendant une période longue, continue et indéfinie.

[47] Il n’y a que deux documents médicaux objectifs. Une semaine plus tard, docteur Araghi a mentionné que l’appelante n’a pas répondu complètement et elle n’a jamais retrouvé son niveau de fonctionnement habituel. Toutefois, ne pas retrouver son niveau de fonctionnement habituel ne constitue pas un élément déterminant au titre du RPC; un prestataire est uniquement admissible aux prestations d’invalidité du RPC s’il est incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. Bien que la possibilité que l’appelante soit atteinte de la maladie de Lyme chronique ait été évoquée par docteur Araghi, aucune preuve objective n’appuie ce diagnostic. Le Tribunal conclut que la lettre de docteur Araghi ne remet pas en question le pronostic de docteure Bauman.

[48] La dernière preuve médicale est la lettre rédigée par docteure McShane le 15 septembre 2015. La spécialité de docteure McShane demeure inconnue, bien que ses diagnostics suggèrent qu’elle se concentrait sur les infections de l’appelante plutôt que sur les symptômes de commotion cérébrale. Il s’agissait simplement d’une première consultation, et docteure McShane n’a pas fait de déclaration pronostique, tant sur la commotion cérébrale que sur les symptômes liés aux infections. Le Tribunal conclut que la lettre de docteure McShane ne remet pas en question le pronostic de docteure Bauman.

[49] Finalement, il reste la longue lettre rédigée par l’appelante du 19 octobre 2015. La lettre met en lumière la récente aggravation des symptômes liés à la morsure de tique survenue plus tôt dans l’année. L’appelante a écrit que son état de santé déclinait depuis mai et qu’elle s’est légèrement cogné la tête, ce qui a de nouveau aggravé l’ensemble des symptômes liés à sa commotion cérébrale. En l’absence de documentation récente ou de preuve orale de l’appelante, le Tribunal conclut que son état de santé en date du 19 octobre 2015 était largement affecté par une hausse temporaire des symptômes en raison de la morsure de tique et des infections connexes. Selon la prépondérance des possibilités, l’état de santé de l’appelante devrait vraisemblablement revenir au niveau de mars 2015 et s’améliorer graduellement une fois que les infections seront traitées.

[50] Le fardeau de la preuve incombe à l’appelante. Étant donné les améliorations probables à venir comparativement à son état de santé de mars 2015, lorsqu’elle se sentait de nouveau elle-même, le Tribunal n’est pas convaincu qu’une des invalidités graves subies par l’appelante pourrait durer pendant une période longue, continue et indéfinie. Par conséquent, le Tribunal conclut que l’invalidité de l’appelante n’est pas prolongée et qu’elle ne peut avoir gain de cause dans son appel.

[51] Le Tribunal reconnaît que certains éléments de preuve, surtout ceux provenant de docteur Araghi, appuient l’argument d’une invalidité grave. Toutefois, les améliorations éprouvées par l’appelante (surtout au début 2015) ne permettent pas de conclure selon la prépondérance des probabilités qu’une des invalidités serait aussi prolongée. La plus récente preuve objective sur cette question a été préparée seulement quatre mois suivant l’apparition de la maladie de Lyme. Dans les faits, la plus récente preuve en tout genre a été préparée seulement cinq mois suivant l’apparition de la maladie de Lyme. Compte tenu de la preuve de docteure Bauman de juillet 2015 concernant la possibilité d’une amélioration constante de l’état de santé une fois les infections soignées, l’autre preuve de 2015 n’est simplement pas suffisamment convaincante pour appuyer la conclusion d’invalidité « prolongée » tirée en juillet 2017. En raison de cette conclusion, il n’est pas nécessaire de tirer de conclusion sur la gravité de l’invalidité de l’appelante.

[52] Le Tribunal reconnaît aussi les observations exhaustives de l’appelante; elle a aussi tenu compte des observations susmentionnées ainsi que de celles énoncées dans les lettres du 19 janvier et du 19 octobre 2015. Bien que certaines d’entre elles aient déjà été traitées explicitement dans l’analyse ci-dessus, les autres observations ne réussissent pas à convaincre le Tribunal en raison de l’absence de preuve depuis 2015. En raison de la hausse importante et potentiellement temporaire des symptômes suivant la morsure de tique, le Tribunal ne peut tout simplement pas s’appuyer fortement sur une preuve ou des observations présentées à l’époque sans être saisi de preuve corroborante plus récente. Dans un même ordre d’idées, la pertinence des observations et de la preuve de janvier 2015 est remise en question par la preuve subséquente démontrant une amélioration de l’état de santé de l’appelante.

Conclusion

[53] L’appel est rejeté.

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