Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 18 septembre 2016, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a conclu qu’une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) n’était pas payable. Il a été estimé que la demanderesse n’était pas invalide, car son invalidité n’était pas grave.

[2] La demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler incomplète devant la division d’appel du Tribunal le 4 janvier 2017. La demande a été complétée le 26 avril 2017, soit au-delà du délai prévu à l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS).

Questions en litige

[3] Je dois déterminer s’il convient d’accorder une prorogation du délai pour le dépôt de la demande de permission d’en appeler.

[4] Si j’accorde cette prorogation du délai, je dois décider si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[5] Conformément à l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur le MEDS, une demande doit être présentée à la division d’appel dans les 90 jours suivant la date à laquelle la demanderesse reçoit communication de la décision.

[6] Je dois examiner et soupeser les critères énoncés dans la jurisprudence. Dans l’affaire Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 883, la Cour fédérale a déclaré que les critères à prendre en considération sont les suivants :

  1. a) il y a intention persistante de poursuivre la demande ou l’appel ;
  2. b) la cause est défendable ;
  3. c) le retard a été raisonnablement expliqué ;
  4. d) la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie.

[7] Le poids qu’il faut accorder à chacun des facteurs énoncés dans l’affaire Gattellaro variera selon les circonstances et, dans certains cas, d’autres facteurs seront pertinents. La considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation du délai serait dans l’intérêt de la justice (Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204). Je vais aborder ces facteurs dans mon analyse.

[8] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la LMEDS, il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission, et c’est la division d’appel qui accorde ou refuse cette permission.

[9] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[11] En décidant s’il y a lieu d’accueillir l’appel, je dois déterminer si la cause est défendable. La Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une partie établie une cause défendable en droit revient à se demander si cette partie a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Canada (Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41 ; Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63. La demanderesse n’a pas à prouver sa thèse à cette étape ; elle n’a qu’à démontrer que l’appel a une chance raisonnable de succès, à savoir qu’elle dispose de « [...] certains motifs défendables grâce auxquels l’appel proposé pourrait avoir gain de cause » (Osaj c. Canada (Procureur général), 2016 CF 115, paragraphe 12).

Observations

[12] Sa justification pour avoir soumis sa demande en retard était qu’elle était en visite dans sa famille dans une autre ville canadienne. Les brefs motifs pour l’appel étaient illisibles sur sa demande initiale.

[13] Le 7 avril 2017, la demanderesse a demandé l’aide et la représentation d’un membre de sa famille. Ce représentant a donné de l’aide et a complété la demande le 26 avril 2017.

[14] Dans un courriel daté du 24 avril 2017, la demanderesse a indiqué que la raison pour l’appel était que la Division générale [traduction] « avait commis une erreur importante concernant les faits figurant dans le dossier d’appel. »  La correspondance indiquait que tous les dossiers médicaux liés à sa demande avaient été soumis et elle demandait que cette information soit examinée. De plus, dans son courriel, la demanderesse déclarait qu’elle avait eu des problèmes de santé et de la difficulté à écrire, et que c’était pour la raison de l’illisibilité de la demande initiale incomplète.

[15] La demanderesse ne fit aucune autre observation.

Analyse

Prorogation du délai de présentation de la demande de permission d’en appeler

[16] La décision de la division générale a été rendue le 16 septembre 2016. La décision a été envoyée à la demanderesse le 19 septembre 2016. La demande de permission d’en appeler avait été initialement déposée le 4 janvier 2017, toutefois celle-ci était incomplète. Elle a été complétée le 26 avril 2017.

[17] La demanderesse n’avait pas indiqué dans sa demande la date à laquelle elle avait reçu la décision de la division générale. Le paragraphe 19(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement) prévoit que la décision est présumée avoir été communiquée à une partie « ... le dixième jour suivant celui de sa mise à la poste ». Ce qui, dans le cas de la demanderesse, correspond au 29 septembre 2016.

[18] Conformément au paragraphe 57(1)b) de la Loi sur le MEDS, une demande de permission d’en appeler doit être présentée dans les 90 jours suivant la date à laquelle la décision a été communiquée à la demanderesse. Puisque la décision de la division générale est présumée avoir été communiquée le 29 septembre 2016, la demanderesse avait jusqu’au 28 décembre 2016 pour présenter une demande de permission d’en appeler. La demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler incomplète devant le Tribunal le 4 janvier 2017. Soit sept jours après de délai de 90 jours. Sa demande a été complétée le 26 avril 2017, bien après le délai de 90 jours.

[19] J’ai considéré les facteurs énoncés dans la décision Gattellaro, mentionnés précédemment, et je les traiterai séparément. En ce qui a trait à la première exigence, je conclus que la demanderesse n’a pas démontré une intention constante de poursuivre la demande. Pour ce qui est de cette exigence voulant que la demanderesse démontre une intention constante de poursuivre la demande, je juge qu’elle n’a pas démontré une intention constante. La division générale a été rendue le 26 septembre 2016. La demande incomplète a été initialement reçue après le délai de 90 jours, le 4 janvier 2017. Le Tribunal a envoyé une lettre à la demanderesse le 6 janvier 2017 l’avisant que sa demande était incomplète et qu’il considérerait la demande complète si la demanderesse fournissait les renseignements manquants et requis avant le 6 février 2017. La demanderesse ne répondit pas durant ce délai.

[20] La demanderesse contacta par téléphone le 7 avril 2017 et autorisa un membre de sa famille à la représenter. Le 26 avril 2017, la demanderesse envoya un bref courriel tel que préparé par son représentant. Le courriel demandait la permission d’interjeter appel.

[21] Je conclus que ceci ne démontre pas une intention constante de déposer un appel. La demanderesse ne prit aucune mesure durant le délai de 90 jours pour déposer un appel. De plus, elle n’a rien entrepris pour satisfaire à l’échéance du 6 février 2017, et ce n’est que le 26 avril 2017 que la demanderesse a demandé un réexamen.

[22] À l’égard du facteur, énoncé dans la décision Gattellaro, voulant que la cause soit défendable, je conclus qu’elle ne l’est pas. Canada (Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2006 CF 401 soutient qu’une cause défendable dans le contexte d’une demande de prorogation de délai exige qu’elle établisse en droit avoir une chance raisonnable de succès. La demanderesse n’a identifié aucun moyen d’appel, aucune erreur de fait ou de droit ou aucun manquement au principe de justice naturelle. Dans sa demande initiale et incomplète du 4 avril 2017, elle ne donne aucun motif. Dans son courriel du 26 avril 2017, elle indique seulement que la division générale [traduction] « a fait une erreur importante concernant les faits figurant dans le dossier d’appel. » Elle ne fournit pas d’autre information ou contexte à cette affirmation. De plus, elle affirma que toute la preuve médicale avait été soumise avec sa demande et elle pria que celle-ci soit évaluée. En résumé, la demanderesse demandait que les mêmes faits ou observations que ceux soumis précédemment à la division générale soient réexaminés, car elle n’était pas d’accord avec la décision de la division générale.

[23] La demanderesse ne se présenta pas à son audience devant la division générale le 15 août 2016. Il y eut de la confusion initialement quant à l’heure du début de l’audience. Le Tribunal l’avait contacté par téléphone le matin même et elle avisa le Tribunal qu’elle rappellerait ; cependant, elle n’appela pas pour se joindre à la téléconférence. Elle a été contactée plus tard ce matin-là et elle a été avisée par téléphone qu’elle devrait faire une demande d’ajournement par écrit.

[24] Le Tribunal contacta la demanderesse par téléphone le 30 août 2017, le 1er septembre 2017 et le 2 septembre 2017 [sic]. La demanderesse a été encouragée de demander par écrit un ajournement. La demanderesse avisa le Tribunal qu’elle le ferait en septembre 2017 [sic]. Cependant, la demanderesse ne fit aucune demande d’ajournement.

[25] L’instance s’est déroulée le 16 septembre 2016 sans la présence des parties. La division générale présenta sa justification en indiquant de malgré les multiples tentatives de communication avec la demanderesse, elle ne fit aucune demande d’ajournement et elle ne tenta pas de remettre l’audience à un autre temps.

[26] La demanderesse fournit des éléments de preuve subjectifs à la division générale qui indiquaient qu’elle souffrait d’arthrite sévère dans son genou droit tel que diagnostiqué par son médecin de famille ainsi que par un chirurgien. Ceci lui causait [traduction] « des douleurs intolérables et de la souffrance » et restreignait sa capacité à réaliser des activités ménagères routinières et à soulever des objets lourds. Elle marchait avec l’aide d’une canne et avait laissé son emploi le 20 avril 2013 à cause de son état de santé. De plus, ceci avait une incidence sur sa santé émotive et elle était déprimée.

[27] Dans sa décision, la division générale a conclu que la demanderesse avait commencé à recevoir une pension de retraite du RPC en avril 2013 et par conséquent, elle aurait dû être déclarée invalide le mois précédent celui où elle commença à recevoir la pension de retraite du RPC, comme prévu au paragraphe 66.1(1.1) du RPC.

[28] La division générale a examiné toute la preuve médicale soumise qui incluait un rapport médical rempli par son médecin de famille et daté du 5 novembre 2013. Ce rapport indique que la demanderesse souffre d’arthrose sévère dans son genou droit et qu’elle a possiblement un kyste de Baker. Ce rapport mentionnait aussi un adénome pituitaire, de l’hypothyroïdie, un anévrisme et de l’hypercholestérolémie. Le docteur a indiqué qu’une demande de consultation pour un remplacement du genou avait été faite pour la demanderesse et que ça serait ultimement réalisé en août 2014.

[29] La division générale a pris en considération les éléments de preuve subjectifs de la demanderesse qui indique dans le questionnaire du RPC que ses problèmes de genou limitent ses capacités. La demanderesse ne souleva pas d’autres problèmes.

[30] La division générale conclut que la demanderesse n’avait pas une incapacité qui était grave comme prévu au paragraphe 42(2)a) du RPC. Elle n’était pas convaincue que la demanderesse était [traduction] « incapable de régulièrement détenir toute occupation véritablement rémunératrice le ou avant le 31 mars 2013. »  Elle constate que la demanderesse avait continué de travailler après le 31 mars 2013.

[31] La division générale conclut qu’il n’y avait pas d’éléments de preuve indiquant que le travail de la demanderesse après le 31 mars 2013 n’était pas véritablement rémunérateur ni productif, était pour un employeur bienveillant et seulement en raison d’accommodations particulières. Elle considéra les éléments de preuve médicale et les éléments subjectifs.

[32] La division générale s’est penchée sur le critère relatif au caractère grave dans un contexte « réaliste », en appliquant le critère de l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248. Elle conclut que le travail de la demanderesse après le 31 mars 2013 empêche de conclure à une invalidité grave.

[33] La division générale n’a pas tenu compte de l’exigence voulant que l’invalidité soit « prolongée », car c’était inutile lorsque l’invalidité a été déterminée comme n’étant pas « grave ».

[34] Je conclus que la demanderesse n’a pas une cause défendable. Je constate que la division générale a examiné tous les éléments de preuve de manière appropriée. La demanderesse avait commencé à recevoir une pension de retraite du RPC en avril 2013. Elle a travaillé jusqu’au 20 avril 2013. Tel qu’affirmé au paragraphe 14de l’arrêt Klabouch c. Canada (Ministre du Développement social), 2008 CAF 33, c’est la capacité à travailler et non le diagnostic de sa maladie qui détermine la gravité de l’invalidité en vertu du RPC.

[35] Pour le critère dans l’affaire Gatellaro prévoyant que la demanderesse doit avoir des explications raisonnables pour un retard, je conclus qu’elle n’en avait pas. Dans la demande initiale incomplète, elle indiqua qu’elle était à l’extérieur en visite dans sa famille. Elle ne fournit pas d’autre explication pourquoi celle situation l’a empêché de compléter la demande. De plus, elle ne prit aucune mesure jusqu’au 26 avril 2017 et ne fournit aucune autre information expliquant le retard de sa demande.

[36] Pour le critère de l’affaire Gattellaro spécifiant que le potentiel d’un préjudice pour l’autre partie doit être considéré, je juge qu’il n’y a aucun préjudice pour le défendeur. Le défendeur aurait accès à toute l’information et tous les documents nécessaires pour présenter sa cause.

[37] Je considère que la demanderesse n’a pas satisfait aux exigences des critères de l’affaire Gattellaro comme expliqué précédemment. Par ailleurs, comme fait dans l’arrêt Larkman discuté précédemment, j’ai tenu compte de l’intérêt général de la justice et je ne considère pas que la demanderesse a satisfait aux exigences pour une prorogation du délai.

Est-ce que l’appel a une chance raisonnable de succès

[37] Comme j’ai rejeté la demande de permission d’en appeler, je n’ai pas à déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[38] La demande de prorogation de délai pour présenter une demande de permission d’en appeler est rejetée.

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