Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Motifs et décision

[1] Dans une décision rendue le 5 avril 2016, un membre de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a conclu que le défendeur avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’il a refusé la demande de révision tardive de la demanderesse relativement à la décision de rejeter la demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). La demanderesse demande la permission d’en appeler relativement à la décision de la division générale.

Contexte

[2] En mars 2013, la demanderesse a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC. Le défendeur a rejeté la demande au moyen d’une lettre à l’intention de la demanderesse datée du 16 septembre 2013 (décision initiale) au motif que, même si la demanderesse avait des limitations et des restrictions qui l’empêchaient de faire des travaux légers ou d’occuper un emploi à temps partiel étant plus adapté à ses limitations. Dans la lettre relative à la décision initiale, le défendeur a informé la demanderesse qu’elle avait 90 jours à partir de la date à laquelle elle a reçu la lettre pour demander au défendeur de réviser la décision initiale.

[3] Le représentant de la demanderesse, Monsieur Sarj Gosal, a envoyé une lettre au défendeur le 5 décembre 2014 (lettre de décembre 2014) (GD2-7) afin de demander la révision de la décision initiale. Il a souligné qu’il avait originalement envoyé une demande de révision à Service Canada le 10 décembre 2013 (lettre de décembre 2013). Il a joint à la lettre de décembre 2014 une copie de la lettre de décembre 2013 ainsi qu’une lettre datée du 5 décembre 2014 et signée par la demanderesse, dans laquelle on demande la révision de la décision initiale (GD2-9) et joint un document d’autorisation et de consentement concernant la représentation signé par la demanderesse et Monsieur Gosal.

[4] Une évaluatrice médicale, dont les services ont été retenus par le défendeur, a traité la lettre de décembre 2014 comme étant la demande de révision de la demanderesse. En utilisant la date de réception de la lettre de décembre 2014 par le défendeur, à savoir le 15 décembre 2014, comme date à laquelle la demande de révision avait été présentée, l’évaluatrice a calculé que la demande a été présentée 445 jours après la [traduction] « date étable de réception de la décision », qu’elle estimait être le 26 septembre 2013, à savoir 10 jours suivant la délivrance de la décision initiale.

[5] Au moyen d’une lettre datée du 6 janvier 2016 (GD2-4 et GD2-5), le défendeur a informé Monsieur Gosal que la demande de révision de la demanderesse présentée après le délai prévu de 90 jours a été refusée (décision de refuser la révision). Dans les motifs fournis, l’évaluatrice a refusé d’aller de l’avant avec la révision pour les raisons suivantes : i) il n’y avait aucune explication raisonnable pour justifier le retard à présenter la demande de révision; ii) il n’y avait aucune intention constante de demander une révision; iii) la demanderesse n’avait présenté aucune nouvelle preuve médicale, et la révision ne conférait à l’appel aucune chance raisonnable de succès; iv) étant donné qu’aucun des critères n’a été respecté, l’accord de la prorogation serait inéquitable à l’égard du défendeur (GD7).

[6] Dans la décision de refuser la révision, l’évaluatrice a souligné l’allégation de Monsieur Gosal selon laquelle il avait envoyé la lettre de décembre 2013 et [traduction] « l’autorisation originale » pour demander la révision de la décision initiale au nom de sa cliente. Elle a également fait remarquer que Monsieur Gosal avait fourni des copies de cette lettre ou de l’autorisation dans des communications avec le défenseur au cours de la période suivant décembre 2013, mais elle a conclu que ces copies étaient des [traduction] « photocopies invalides » et des [traduction] « documents non juridiques », car la version originale était requise. L’évaluatrice a passé en revue l’historique des communications du cabinet de Monsieur Gosal et de la demanderesse en juin et juillet 2014 afin d’effectuer un suivi de la demande de divulgation du dossier d’invalidité de la demanderesse et, au moyen d’une lettre et de deux conversations téléphoniques, un suivi de l’état de la demande de révision. L’évaluatrice a déclaré ce qui suit : [traduction] « Cette série d’événements montre que la cliente a été informée de l’absence de documents juridique, tout comme son avocat en juin 2014, à savoir six mois après l’expiration de son délai d’appel. » Elle a également déclaré ce qui suit : [traduction] « Il est raisonnable de conclure qu’un cabinet d’avocats est au courant des exigences juridiques relatives à la signature originale sur tous les formulaires gouvernementaux autorisant la représentation d’un client ou d’un demandeur de pension d’invalidité du RPC ou la communication au nom de celui-ci. » (GD7-5)

[7] L’évaluatrice n’a rendu aucune conclusion selon laquelle Monsieur Gosal n’avait jamais envoyé la lettre de décembre 2013 et une autorisation originale, même si elle a déclaré que le défendeur ne les avait pas reçues (GD7-5).

Critère relatif à la demande de permission d’en appeler

[8] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le Ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il n’y a que trois moyens qui peuvent autoriser un appel d’une décision rendue par la division générale : un manquement à un principe de justice naturelle; une erreur de droit; une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire par la division générale ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. L’utilisation du mot « seuls » au paragraphe 58(1) signifie qu’aucun autre moyen d’appel ne peut être accepté : Belo-Alves c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1100, paragraphe 72.

[9] Conformément au paragraphe 56(1) de la LMEDS, il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission. Selon le paragraphe 58(2) de la LMEDS, la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Par conséquent, la question dont je suis saisie relativement à cette demande consiste à déterminer si l’appel de la demanderesse a une chance raisonnable de succès.

[10] L’exigence relative à l’obtention de la permission d’en appeler devant la division d’appel vise à rejeter les appels qui n’ont aucune chance raisonnable de succès : Bossé c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1142, paragraphe 34. Dans ce contexte, une chance raisonnable de succès revient à « soulever des motifs défendables qui pourraient éventuellement donner gain de cause à l’appel » : Osaj c. Canada (Procureur général), 2016 CF 115, paragraphe 12.

Observations

[11] La demanderesse soutient que la question que devait trancher la division générale était celle sa voir si le défenseur a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire pour décider de ne pas accorder un délai prolongé pour demander la révision de la décision initiale. La demanderesse fait valoir que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle qui lui demandait d’agir de façon équitable et impartiale. À cet égard, elle soutient qu’elle a présenté des observations et des documents supplémentaires devant la division générale, mais la division générale n’a pas effectué un examen adéquat de l’ensemble de la preuve.

[12] La demanderesse affirme que son avocat était au courant des échéances et qu’une explication raisonnable a été fournie pour justifier le retard. Des copies de la lettre de décembre 2013, une lettre datée du 9 décembre 2013 demandant la divulgation au titre de la Loi sur la protection des renseignements personnels, le formulaire de Service Canada ISP 1603-07-08F intitulé « Consentement à communiquer des renseignements à une personne autorisée » signé par la demanderesse le 6 décembre 2013, et le recto de l’enveloppe originale envoyée à Service Canada le 10 décembre 2013 ont tous été fournis à la division générale (GD4-8 à GD4-11).

[13] La demanderesse soutient qu’elle ne devrait pas être blâmée parce qu’elle s’est fondée sur les actes et les problèmes de son avocat relativement au service postal.

[14] La demanderesse a joint à ses observations sur la demande de permission d’en appeler une lettre datée d’avril 2016 qu’elle avait signée et qui était à l’attention d’ [traduction] « À qui de droit » (AD1-20) ainsi qu’une lettre de son député datée du 16 juin 2016 (AD1-22). En ce qui concerne ces deux lettres, j’ai conclu qu’elles sont inadmissibles en tant que preuve relativement à la demande de permission d’en appeler. Comme la Cour fédérale l’a récemment confirmé dans l’affaire Parchment v. Canada (Procureur général), 2017 CF 354, au paragraphe 23 : [traduction] « Pour examiner l’appel, la division d’appel dispose d’un mandat limité. Elle n’a pas le pouvoir de procéder à une nouvelle audience […]. De plus, elle ne tient pas compte des nouveaux éléments de preuve [voir également Marcia v. Canada (Procureur général), 2016 CF 1367] ». Ces principes s’appliquent à l’étape de la permission d’en appeler ainsi qu’à l’étape de l’appel existe des exceptions limitées à la règle qui permettent d’exclure de nouveaux éléments de preuve, comme soulever une question d’équité procédurale ou fournir des renseignements contextuels : Daley v. Canada (Procureur général), 2017 CF 297, au paragraphe 14. En l’espèce, même si la demanderesse a prétendu qu’il y a eu manquement aux principes de justice naturelle en se fondant sur l’allégation selon laquelle la division générale n’a pas agi de façon équitable, la lettre est ni probante ni pertinente en ce qui concernant la question en litige. Elle ne constitue pas non plus des renseignements contextuels. Par conséquent, j’estime que ces documents sont inadmissibles et je ne les ai pas examinés davantage.

Preuve présentée à la division générale

[15] Les documents du défendeur, présentés à la division générale, comprenaient ce qui suit :

  1. a) La lettre de décembre 2013 (GD2-8), qui faisait état de ce qui suit :

    [traduction]
    Je représente [la demanderesse]. Vous trouverez ci-joint le consentement de communiquer des renseignements à une personne autorisée.

    [La demanderesse] demande la révision de la décision rendue le 16 septembre 2013 de refuser la pension d’invalidité du RPC. [La demanderesse] est d’avis qu’elle est incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en raison d’une blessure au dos et d’une douleur chronique de nature grave et prolongée.
  2. La lettre de décembre 2014 (GD2-7) et les pièces jointes. La lettre de décembre 2014 faisait état de ce qui suit :

    [traduction]
    Nous représentons [la demanderesse]. Ci-joint se trouvent notre autorisation et notre consentement concernant la représentation.

    Veuillez noter que notre demande originale, accompagnée de notre autorisation originale, a été envoyée à Service Canada le 10 décembre 2013. En raison de l’absence de réponse de la part de Service Canada, une copie de la demande et de l’autorisation originales a été envoyée le 19 novembre 2014.

    [La demanderesse] a encore une fois demandé la révision de la décision rendue le 16 septembre 2013 de refuser la pension d’invalidité du RPC. [La demanderesse] est d’avis qu’elle est incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en raison d’une blessure au dos et d’une douleur chronique de nature grave et prolongée. [caractères soulignés dans la version originale]
  3. Une lettre datée du 5 décembre 2014 et signée par la demanderesse visant à demander la révision de la décision initiale.
  4. Un document d’autorisation et de consentement concernant la représentation, signé le 5 décembre 2014 par la demanderesse et Monsieur Gosal à titre de représentant de celle-ci.
  5. Une lettre datée du 26 novembre 2014 du défendeur à l’intention de Monsieur Gosal (GD2-11), dans laquelle il est fait état de ce qui suit :

    Nous avons reçu votre lettre datée du 24 novembre 2014Note de bas de page 1 dans laquelle vous demandez la révision de la décision concernant la demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) de [la demanderesse].

    Afin d’aller de l’avant avec la demande de révision, nous avons besoin de votre demande originale et d’une autorisation comprenant le consentement écrit de notre client. L’autorisation doit aborder le Régime de pensions du Canada dans son énoncé, être datée au plus tôt un an avant la date de réception au bureau et contenir une signature originale.

    L’autorisation fournie ne peut pas être utilisée afin de traiter votre demande pour les raisons suivantes :

    • elle ne comprenait pas la signature originale de [la demanderesse];
    • le formulaire d’autorisation à communiquer qui a été fourni n’était qu’une copie. Nous avons besoin de la version originale.
      Veuillez noter qu’une télécopie ou une photocopie peut seulement être acceptée si la version originale est transmise à l’unité responsable des appels.
    Après avoir reçu la demande originale et la bonne autorisation, nous serons heureux de traiter votre demande. Merci de votre coopération. [caractères gras dans l’originale, caractères soulignés ajoutés]

[16] Les documents ci-dessus étaient tous à la disposition de l’évaluatrice lorsqu’elle a rendu la décision de refuser la prorogation du délai afin que la demanderesse puisse demander la révision.

[17] Dans ses documents présentés à la division générale, la demanderesse a joint les documents suivants :

  1. La lettre de décembre 2013 et le formulaire de Service Canada ISP 1603-07-08F intitulé « Consentement à communiquer des renseignements à une personne autorisée » et signé par la demanderesse le 6 décembre 2013 et Monsieur Gosal (GD4-8 et GD4-9). Selon la décision de refuser la révision, les photocopies de ces documents ont été fournies au défendeur.
  2. Une lettre de Monsieur Gosal à l’intention du défendeur datée du 9 décembre 2013 dans laquelle il demande [traduction] « une copie complète de tous les documents concernant le dossier d’invalidité [de la demanderesse] » au titre de la Loi sur la protection des renseignements personnels et dans laquelle il joint une autorisation de communication des documents à son égard (GD4-10). La question de savoir si ce document a été reçu par le défendeur n’est pas claire.
  3. Une lettre de Monsieur Gosal à l’intention du défendeur datée du 17 mars 2014 dans laquelle il présente [traduction] « une autre demande de divulgation » au titre de la Loi sur la protection des renseignements personnels, joint une autorisation de communication des renseignements de sa cliente à son intention et demande que le défendeur fournisse à son cabinet une copie complète de tous les documents dans le dossier d’invalidité de la demanderesse (GD4-13). La question de savoir si ce document a été reçu par le défendeur n’est pas claire.
  4. Une lettre datée du 16 juin 2014 (GD4-16 et GD4-17) à l’intention du défendeur pour demander des renseignements à propos de la demande en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et pour se plaindre que, malgré ses lettres du 9 décembre 2013 et du 17 mars 2014 concernant cette demande, il n’avait toujours par reçu une copie complète de tous les documents concernant le dossier d’invalidité de la demanderesse. Il a également demandé des renseignements sur l’état de sa demande de révision. La partie de la lettre portant sur la demande de révision fait état de ce qui suit :

    [traduction]
    Nous demandons également une mise à jour sur la demande de révision [de la demanderesse]. Une demande de révision de la décision du 16 septembre 2013 de refuser les prestations d’invalidité du RPC a été envoyée à Service Canada le 10 décembre 2013.
  5. Il est évident que le défendeur a reçu la lettre du 16 juin 2014, car elle a répondu à la lettre le 11 juillet 2014. La réponse du défendeur (GD4-19) traitait de la lettre du 16 juin comme étant une demande originale du dossier d’invalidité de la demanderesse au titre de la Loi sur la protection des renseignements personnels. La réponse du défendeur n’a pas fait mention de la correspondance de Monsieur Gosal du 9 décembre 2013 ou du 17 mars 2014 et de sa demande de mise à jour sur la demande de révision de la demanderesse.
  6. Un affidavit (du superviseur administratif du cabinet d’avocats de Monsieur Gosal) fait sous serment le 7 mars 2016 (affidavit), qui jurait que les renseignements étaient véridiques, y compris le fait que la lettre de décembre 2013 [traduction] « a été envoyée par la poste normale (impossible à localiser) à Service Canada le 10 décembre 2013 » (GD5-3).
  7. Diverses notes de service consignant les appels effectués par le personnel du cabinet d’avocats de Monsieur Gosal à Service Canada ou par la demanderesse (GD4-12, GD4-15, GD4-21, et GD4-26 à GD4-28).
  8. Un compte rendu rédigé par un avocat du cabinet de Monsieur Gosal à l’intention de la demanderesse et daté du 24 juin 2014 (GD4-18).
  9. Des documents médicaux comprenant une lettre datée du 17 décembre 2013 et produite par Dr Navdip Gill, médecin de famille; une lettre de Dr A. Mutat, neurochirurgien; rapports d’imagerie médicale datés du 16 janvier 2013 et du 6 novembre 2013 (GD1-9 à GD1-14).
  10. Copies du recto de deux enveloppes estampillées à l’intention des [traduction] « Programmes de sécurité du revenu ». Rien ne démontre sur les enveloppes qu’elles ont été envoyées par la poste (c.-à-d. que les timbres ne sont pas affranchis).

[18] L’évaluatrice disposait des documents décrits aux paragraphes 17a), 17d) et 17e) lorsqu’elle a rendu la décision de refuser la révision.

[19] L’évaluatrice ne disposait pas des documents mentionnés aux paragraphes 17f) à 17i) lorsqu’elle a rendu sa décision.

[20] La question de savoir si l’évaluatrice disposait des documents décrits aux paragraphes 17b), 17c) et 17j) lorsqu’elle a rendu la décision de refuser la révision n’est pas claire.

Dispositions législatives pertinentes

[21] Le paragraphe 81(1) du RPC prévoit qu’une partie ou quiconque de leur part qui n’est pas satisfait d’une décision rendue par le défendeur peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant le jour où il est avisé de la décision ou de l’arrêt, ou dans tel délai plus long qu’autorise le ministre avant ou après l’expiration de ces quatre-vingt-dix jours, demander par écrit à celui-ci, selon les modalités prescrites, de réviser la décision ou l’arrêt.

[22] Le paragraphe 74.1(1) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada (Règlement sur le RPC) prévoit que la demande de révision est faite par écrit et énonce les renseignements à y inclure.

[23] Les paragraphes 74.1(3) et 74.1(4) énoncent les facteurs que le défendeur doit prendre en considération lorsqu’il rend la décision d’autoriser la prorogation du délai de 90 jours pour présenter une demande de révision. Ces paragraphes prévoient ce qui suit :

  1. 74.1(3) Pour l’application des paragraphes 81(1) et (1.1) de la Loi et sous réserve du paragraphe (4), le ministre peut autoriser la prolongation du délai de présentation de la demande de révision d’une décision ou d’un arrêt s’il est convaincu, d’une part, qu’il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai et, d’autre part, que l’intéressé a manifesté l’intention constante de demander la révision.
  2. (4) Dans les cas ci-après, le ministre doit aussi être convaincu que la demande de révision a des chances raisonnables de succès et que l’autorisation du délai supplémentaire ne lui porte pas préjudice ni d’ailleurs à aucune autre partie :
  3. a) la demande de révision est présentée après 365 jours suivant celui où il est avisé par écrit de la décision ou de l’arrêt;
  4. b) elle est présentée par une personne qui demande pour la seconde fois la même prestation;
  5. c) elle est présentée par une personne qui a demandé au ministre d’annuler ou de modifier une décision en vertu du paragraphe 81(3) de la Loi.

[24] Par conséquent, selon le Règlement sur le RPC, si une demande de révision est présentée après le délai de 90 jours, mais dans les 365 jours suivant la journée à laquelle le requérant a été informé de la décision initiale, le défendeur doit être convaincu que les deux critères établis au paragraphe 74.1(3) du Règlement sur le RPC ont été respectés. Si la demande de révision est présentée plus de 365 jours après la journée pendant laquelle le requérant a été informé de la décision initiale, le ministre doit également être convaincu que les deux critères établis au paragraphe 74.1(4) du Règlement sur le RPC ont été respectés. Autrement dit, si la demande de révision est présentée après la période de 365 jours, le ministre doit refuser la demande de prorogation de délai afin de demander la révision s’il n’est pas convaincu que l’ensemble des quatre critères ont été respectés.

Analyse

[25] Aux paragraphes 4 et 5 des motifs de la division générale, le membre a énoncé les dispositions législatives, y compris les critères à respecter conformément au paragraphe 74.1(3) du Règlement sur le RPC. Cependant, le paragraphe 74.1(4) du Règlement sur le RPC et les critères à respecter selon ce paragraphe ne sont mentionnés nulle part dans les motifs.

[26] Au paragraphe 7, le membre a correctement déclaré que la question dont elle est saisie était de déterminer si le défendeur, en décidant de ne pas accorer la prorogation du délai afin que la demanderesse demande la révision de la décision initiale de refuser sa pension d’invalidité, a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. Elle a correctement énoncé le droit applicable aux paragraphes 29 et 30 de ses motifs selon lesquels un pouvoir discrétionnaire n’est pas exercé « de façon judiciaire » s’il peut être établi que le décideur :

  • a agi de mauvaise foi;
  • a agi dans un but ou pour un motif irrégulier;
  • a pris en compte un facteur non pertinent;
  • a ignoré un facteur pertinent;
  • a agi de manière discriminatoire.

Justice naturelle

[27] La demanderesse prétend que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle parce qu’elle n’a pas agi de manière équitable, allégation correspondant à l’alinéa 58(1)a) de la LMEDS. À cet égard, la demanderesse prétend qu’elle avait présenté des observations et des documents supplémentaires à la division générale. Cependant, celle-ci n’a pas effectué un examen adéquat de l’ensemble de la preuve.

[28] L’omission d’examiner la preuve pertinente ne constitue pas en soi une inobservation des principes de justice naturelle. Si la division générale a omis d’examiner la preuve pertinente, cela constituerait plutôt une erreur susceptible de révision correspondant à l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS.

[29] Dans le cadre de l’appel devant la division générale, le représentant de la demanderesse a présenté un certain nombre de documents dont le défendeur ne disposait pas au moment de rendre la décision de refuser la révision (documents énumérés aux paragraphes 17f) à 17i) ci-dessus).

[30] Dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Dunham, [1997] 1 C.F. 462, la Cour d’appel fédérale a tenu compte de la compétence d’un conseil arbitral d’intervenir dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Commission de l’emploi et de l’immigration (Commission). La Cour a souligné que la Commission a exercé un pouvoir purement administratif, et non un pouvoir quasi judiciaire, et qu’une audience devant le conseil arbitral était une audience de novo. La Cour a déclaré in obiter :

[L]e Conseil est-il limité à regarder les faits que la Commission avait devant elle ou peut-il se baser sur la preuve qu’il a lui-même reçue? [...] je n’hésite pas à penser que ce n’est pas trahir l’intention du Parlement de dire que le Conseil arbitral n’est pas limité aux faits qui étaient devant la Commission. Il peut, en vérifiant l’exercice de la discrétion, tenir compte des faits dont il prend lui-même connaissance.

Le même principe s’applique à la division générale lorsqu’elle examine l’exercice du pouvoir administratif du défendeur d’accorder ou de refuser la prorogation du délai pour présenter une demande de révision. L’appel interjeté devant la division générale contre la décision du défendeur est également une instance de novo.

[31] En l’espèce, le membre de la division générale n’a fait aucun renvoi à la nouvelle preuve présentée par la demanderesse. Le décideur n’est pas tenu de faire référence à chacun des éléments de preuve dont il dispose, mais il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve : Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82. Cependant, cette présomption peut être réfutée si la valeur probante de la preuve à laquelle aucune référence formelle n’est faite est telle qu’on aurait dû y faire référence : Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1998 CanLII 8667 (CF), paragraphes 14 à 17.

[32] La nouvelle preuve présentée par la demanderesse à la division générale avait une valeur probante à l’égard des questions devant la division générale, y compris la question de savoir si la demanderesse avait demandé la révision avant l’expiration du délai prévu de 90 jours et celle de savoir si elle avait une explication raisonnable pour justifier le retard et l’intention constante de demander la révision. L’affidavit et les notes de service consignant les appels effectués par le personnel de Monsieur Gosal étaient pertinents relativement à ces questions.

[33] Rien ne démontre que le membre de la division générale a tenu compte de la preuve lorsqu’elle a conclu que le ministre avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. Comme il semble que le membre pourrait avoir tiré des conclusions de fait sans tenir compte de l’ensemble des documents dont elle disposait, j’estime que la demanderesse a soulevé un motif défendable grâce auquel l’appel proposé pourrait avoir gain de cause.

[34] En ce qui concerne la question principale devant la division générale, soit celle de savoir si le défendeur avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, comme il est expliqué ci-dessous, je crois que l’évaluatrice n’a pas agi de façon judiciaire en tenant compte de facteurs non pertinents et qu’elle a ignoré des facteurs pertinents lorsqu’elle a évalué les critères établis au paragraphe 74.1(3) du Règlement sur le RPC (explication raisonnable du retard et intention constante de demander la révision) et le second facteur établi au paragraphe 74.1(4) du Règlement sur le RPC (aucun préjudice à l’égard du défendeur). Le membre de la division générale n’est pas revenu sur ces questions et, par conséquent, elle pourrait avoir fondé sa décision selon laquelle le défendeur avait agi de façon judiciaire sur des conclusions de fait, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, à savoir une erreur susceptible de révision correspondant à l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS.

Omission de tenir compte d’éléments de preuve pertinents

Critères prévus au paragraphe 74.1(3) du Règlement sur le RPC

[35] L’évaluatrice a conclu que le défendeur n’a pas reçu la lettre de décembre 2013. Étant donné que le paragraphe 74.1(1) prévoit qu’une demande de révision doit être présentée à l’écrit, il est possible de faire valoir que l’évaluatrice a agi de façon raisonnable lorsqu’elle n’a pas jugé que la lettre de décembre 2013 constituait la demande de révision ou que le 10 décembre 2013 n’était pas la date à laquelle la demande de révision avait été présentée.

[36] Cependant, si l’évaluatrice avait tenu compte de la preuve selon laquelle la lettre de décembre 2013 avait été envoyée (même si le défendeur ne l’a jamais reçue), elle aurait pu voir différemment les communications ultérieures de Monsieur Gosal et de son cabinet lorsqu’elle a évalué s’il y avait une explication raisonnable justifiant le retard et une intention constante de demander la révision, à savoir deux critères devant être respectés selon le paragraphe 74.1(3) du Règlement sur le RPC. La preuve de ces communications comprenait : la lettre envoyée par Monsieur Gosal le 16 juin 2014 pour demander des renseignements, entre autres, sur l’état de la demande de révision présentée le 10 décembre 2013; des appels téléphoniques effectués par le personnel de Monsieur Gosal en juin 2014 pour demander des renseignements sur l’état de la demande de révision; et la lettre du 19 novembre 2014 rédigée par Monsieur Gosal (reçue par le défendeur le 24 novembre 2014) et accompagnée de la lettre de décembre 2013 (auquel le défendeur renvoie dans sa réponse datée du 26 novembre 2014 [GD2-11]). De plus, l’évaluatrice avait le droit d’avoir connaissance d’office du fait que Monsieur Gosal, avocat et officier de justice, a l’obligation envers les cours et les tribunaux de ne pas tenter d’induire une cour ou un tribunal en erreur en présentant une fausse preuve ou des faits erronés. Cela a donné de la crédibilité à sa déclaration selon laquelle la lettre de décembre 2013 avait été envoyée.

[37] Pour sa part, le membre de la division générale semble ne pas avoir tenu compte de la nouvelle preuve, y compris l’affidavit, et de la preuve soulignée dans le paragraphe précédente pour examiner si les critères établis dans le paragraphe 74.1(3) du Règlement sur le RPC avaient été respectés. Le membre pourrait ainsi avoir omis de tenir compte de l’ensemble de la preuve lorsqu’elle a conclu que le défendeur avait agi de façon judiciaire en concluant que la demanderesse n’avait pas une explication raisonnable pour justifier le retard et qu’elle n’avait pas l’intention constate de demander la révision de la décision initiale. J’estime que cet argument, correspondant au moyen prévu à l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS, confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[38] L’évaluatrice a désigné un certain nombre de documents envoyés par Monsieur Gosal dans le cadre de ses communications avec le défendeur après décembre 2013 comme étant [traduction] « invalides » ou [traduction] « non légaux » parce qu’il s’agissait de photocopies, et non de versions originales. La division générale a accepté cette désignation sans la remettre en question.

[39] L’article 81 du RPC prévoit qu’une personne peut présenter une demande de révision au nom d’un cotisant. Le paragraphe 74.1(1) du Règlement sur le RPC prévoit que, si l’auteur de la demande n’est pas le cotisant, la demande de révision doit préciser le nom, l’adresse et le lien de cette personne avec le cotisant. La lettre de décembre 2013 de Monsieur Gosal a satisfait à toutes les exigences prévues au paragraphe 74.1(1) du Règlement sur le RPC.

[40] Le Règlement sur le RPC ne précise pas que seulement les documents [traduction] « originaux » doivent être envoyés. Je souligne également que le formulaire ISP 1603-07-08F intitulé « Consentement à communiquer des renseignements à une personne autorisée », qui a été signé par la demanderesse et Monsieur Gosal, ne mentionne pas que seulement les versions originales seront acceptées (GD4-9).

[41] Dans sa décision, l’évaluatrice n’a pas mentionné le fondement de l’avis selon lequel seuls les documents originaux étaient acceptables. Dans la mesure où le défendeur avait une politique prévoyant la présentation de documents originaux seulement, il ne s’agissait pas d’une exigence prévue dans le RPC ou dans le Règlement sur le RPC. Par conséquent, l’évaluatrice pourrait s’être fondée sur un facteur non pertinent en ne tenant pas compte de photocopies de la lettre de décembre 2013 et des autorisations signées par la demanderesse à titre d’éléments de preuve à l’appui des deux critères établis au paragraphe 74.1(3) du Règlement sur le RPC. Pour sa part, le membre de la division générale, en acceptant sans remettre en question le rejet par l’évaluatrice des photocopies à titre d’éléments de preuve de l’explication du retard par l’appelant ou de son intention constante de demander la révision, pourrait avoir fondé sa décision selon laquelle le défendeur avait agi de façon judiciaire sur une conclusion de fait erronée, tirée sans avoir tenu compte des éléments portés à sa connaissance. J’estime que cet argument, qui concerne l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS, confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Critères prévus au paragraphe 74.1(4) du Règlement sur le RPC

[42] Étant donné que la demande de révision a été reçue après la période de 365 jours, le défendeur devait également être convaincu que la demande de révision conférait à l’appel une chance raisonnable de succès et qu’elle ne causerait aucun préjudice au ministre, comme il est prévu au paragraphe 74.1(4) du Règlement sur le RPC. Le Règlement sur le RPC prévoit que le défendeur doit être convaincu que ces deux facteurs sont respectés.

[43] Monsieur Gosal a joint une copie de la lettre de décembre 2013 à sa lettre du 19 novembre 2014 à l’intention du défendeur (que celui-ci a reçu le 24 novembre 2014). Si le défendeur n’avait pas imposé une exigence selon laquelle la demande de révision doit être la version originale, elle pourrait avoir accepté la lettre de novembre 2014 au lieu de la lettre de décembre 2014 en tant que demande de révision de la demanderesse, ce qui a reporté d’environ trois semaines la date à laquelle la demande de révision a été présentée. Cela n’a aucune incidence en l’espèce, mais la question de savoir si on utilise le 24 novembre 2014 ou le 15 décembre 2014 comme date à laquelle la demande a été présentée n’est pas importante pour l’analyse étant donné que les deux lettres ont été reçues par le demandeur 365 jours après que la demanderesse a été informée de la décision initiale, ce qui a fait en sorte que l’exigence selon laquelle les quatre critères établis au paragraphe 74.1(3) et 74.1(5) devaient être respectés afin que le défendeur exerce son pouvoir discrétionnaire pour accepter la demande de révision tardive.

[44] En ce qui concerne le critère relatif à l’absence de préjudice, l’évaluatrice a conclu ce qui suit : [traduction] « Étant donné qu’aucun des trois autres critères n’a été respecté, il serait inéquitable à l’égard du ministre d’aller de l’avant avec la révision d’une demande présentée avec plus de 365 jours de retard. » (GD7-6) J’ai deux motifs de croire que l’évaluatrice n’a pas agi de façon judiciaire en rendant cette conclusion. Tout d’abord, l’évaluatrice n’a rendu aucune conclusion relativement à un [traduction] « préjudice ». Elle a plutôt conclu qu’il serait [traduction] « inéquitable » que le défendeur ait de l’avant avec la révision. Le préjudice est un obstacle supérieur à surmonter par rapport à celui de l’iniquité : le préjudice comprend la notion de blessure, ce qui n’est pas le cas pour l’iniquité. Ensuite, son avis selon lequel les trois autres critères n’avaient pas été respectés n’était pas pertinent pour trancher la question de savoir si un préjudice serait causé à l’égard du défendeur. Il doit y avoir un fondement indépendant sur lequel il est possible de conclure que le défendeur subirait un préjudice si la demande de révision était autorisée à aller de l’avant. Par conséquent, l’évaluatrice a fondé sur des facteurs non pertinents sa conclusion selon laquelle le critère relatif à l’absence de préjudice n’avait pas été respecté.

[45] Pour sa part, le membre de la division générale a relaté la conclusion de l’évaluatrice selon laquelle il serait [traduction] « inéquitable » à l’égard du ministre d’aller de l’avant avec une révision au paragraphe 25 de ses motifs, mais elle n’a autrement rien dit au sujet de cette question. Le membre de la division générale pourrait avoir conclu que le défendeur avait agi de façon judiciaire relativement à l’absence de préjudice sans tenir compte du fait que l’évaluatrice avait fondé sa conclusion sur des facteurs non pertinents.

[46] Finalement, le membre n’a pas mentionné ou tenu compte du critère qui devait être respecté selon le paragraphe 74.1(4) du Règlement sur le RPC. Cela pourrait avoir constitué une erreur de droit correspondant à l’alinéa 58(1)b) de la LMEDS.

[47] En raison de ce qui précède, j’estime que la demanderesse a soulevé un certain nombre de motifs défendable au titre du paragraphe 58(1) de la LMEDS pouvant donner gain de cause à l’appel.

Décision

[48] La demande de permission d’en appeler est accordée. La décision accordant la permission d’en appeler ne présume bien sûr aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

[49] Conformément au paragraphe 58(5) de la LMEDS, la demande de permission d’en appeler est ainsi assimilée à un avis d’appel. Dans les 45 jours suivant la date à laquelle la permission d’en appeler est accordée, les parties peuvent a) soit déposer des observations auprès de la division d’appel, b) soit déposer un avis auprès de la division d’appel précisant qu’elles n’ont pas d’observations à déposer : article 42 du Règlement sur le TSS.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.