Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est accordée.

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler d’une décision rendue le 2 décembre 2016 par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal). Après avoir tenu une audience par vidéoconférence le 3 novembre 2016, la division générale a conclu que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) parce qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité gave durant sa période minimale d’admissibilité (PMA), qui a pris fin le 31 décembre 2016.

[2] Le 25 janvier 2017, dans les délais fixés, la demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel. Pour accueillir cette demande, je dois être convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

Régime de pensions du Canada

[3] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à une telle pension, un requérant doit :

  1. a) ne pas avoir atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne pas toucher une pension de retraite du RPC;
  3. c) être invalide;
  4. d) avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la PMA.

[4] Le calcul de la PMA est important puisqu’une personne doit prouver qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à l’échéance de sa PMA ou avant cette date.

[5] Conformément à l’alinéa 42(2)a) du RPC, une personne est considérée comme invalide si elle est atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

[6] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission, et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission.

[7] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur MEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[8] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’il existe un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. La Cour d’appel fédérale a déterminé qu’une cause défendable en droit revient à un appel ayant une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[10] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond de l’affaire. S’il s’agit d’un premier obstacle à surmonter pour un demandeur, cet obstacle est moins imposant que celui auquel il devra faire face lors de l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, la demanderesse n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[11] La division d’appel doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Observations

[12] Dans sa demande de permission d’en appeler, la demanderesse prétend avoir reçu, quatre jours après l’audience, une lettre du défendeur datée du 1er novembre 2016. Le personnel du Tribunal lui a fait savoir que cette lettre aurait dû lui être livrée avant la tenue de l’audience. Comme elle a une lésion cérébrale, elle dit que cette lettre l’avait laissée très perplexe.

[13] La demanderesse prétend aussi que la division générale a erré en affirmant qu’elle :

  • avait immigré au Canada en 1984 (paragraphe 8);
  • n’aime pas dépendre de médicaments (paragraphe 9);
  • avait abusé de médicaments (paragraphe 11);
  • avait montré des difficultés à maîtriser son taux de glycémie (paragraphe 11);
  • avait réduit ses médicaments (paragraphe 15).

[14] La demanderesse a joint une lettre datée du 23 décembre 2016 du docteur Michael Rathbone, neurologue et professeur à l’Université McMaster.

Analysis

[15] À ce stade, je vais seulement traiter de l’argument qui, à mon avis, donne à la demanderesse la meilleure chance de succès en appel. Même si elle ne l’a pas présenté de cette façon, la demanderesse laisse entendre que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle, du fait qu’elle a rendu sa décision sans lui donner la possibilité de répondre à une observation présentée tardivement par le défendeur.

[16] Le 11 juillet 2016, la division générale a prévu une audience par vidéoconférence pour le 3 novembre 2016, et a avisé les parties qu’elles pouvaient soumettre d’autres documents jusqu’au 2 septembre 2016. Le Tribunal a également établi une période de réponse venant à échéance le 3 octobre 2016.

[17] Le 22 août 2016, la demanderesse a soumis un rapport du docteur Rathbone daté du 10 août 2016. Le 1er novembre 2016, bien après l’échéance de la période de réponse, l’intimé a déposé auprès du Tribunal un document intitulé « Addenda aux observations du ministre » (GD8). Ce document complétait un argument écrit que le ministre avait soumis en novembre 2015, et portait non seulement sur le rapport du 10 août 2016 du docteur Rathbone, mais également sur son rapport daté du 4 novembre 2015, qui portait sur sa consultation initiale.

[18] Les rapports du docteur Rathbone décrivaient des tests neurologiques poussés, et il semble avoir été le premier médecin à diagnostiquer la sclérose en plaques de la demanderesse. Dans sa décision, la division générale a résumé les deux rapports (aux paragraphes 21 et 23) et y a fortement recouru dans sa propre analyse :

[traduction]

[28] […] En août 2016, son neurologue, le docteur Michel P. Rathbone, a posé des diagnostics de sclérose en plaques et de syndrome postcommotionnel chez l’appelante. Il n’a pas fait de commentaires sur ses limitations fonctionnelles, sa réponse au traitement ou son pronostic.

[…]

[32] […] L’appelante est suivie par le docteur Rathbone, un neurologue. Il a posé des diagnostics de sclérose en plaques et de syndrome postcommotionnel chez elle, mais n’a pas commenté ses maux de tête documentés, ni la question de savoir si ces maux de tête étaient invalidants au point de la rendre incapable de travailler ou s’ils nuisaient à sa capacité de travailler.

[…]

[36] Les diagnostics de l'appelante, comme le docteur Rathbone en a fait état en août 2016, incluaient la sclérose en plaques et le syndrome postcommotionnel. Rien ne permet présentement de conclure que ces problèmes de santé ont entraîné chez elle des complications qui affecteraient sa capacité à travailler. Le docteur Rathbone n’a pas fait de commentaires sur son état fonctionnel ou sur des déficiences ou limitations qui pourraient avoir une incidence sur sa capacité à travailler. En fait, aucun de ses médecins n’a dit qu’elle était incapable de travailler. […]

[19] Même si le défendeur a déposé son addenda après la période de réponse, le dossier ne révèle aucunement que la division générale se soit aperçue du délai échu, et certainement rien ne permet de penser que cette observation tardive ait potentiellement été problématique. La division générale n’a, ni dans sa décision ni dans ses remarques durant l’audience, abordé la question de savoir s’il fallait admettre l’addenda; je remarque cependant que l’analyse qu’a faite la division générale des rapports du docteur Rathbone s’apparentait étroitement à celle du défendeur :

Le docteur Rathbone n’a pas fait de commentaires sur l’état fonctionnel ou sur les déficiences et limitations qui pourraient affecter madame R. E. Il a simplement affirmé qu’elle avait reçu des diagnostics de sclérose en plaques et de syndrome postcommotionnel, et qu’il l’avait prise en charge et la traitait.

[20] Ceci laisse croire que la division générale a rejeté l’appel en se fondant sur l’addenda, et ce même si le dossier révèle que la demanderesse ne l’avait pas encore reçu — et qu’elle n’en avait même pas eu connaissance — avant la tenue l’audience. Si la division générale avait accès à l’addenda instantanément après que le défendeur l’ait téléversé sur un serveur partagé, la demanderesse l’a seulement reçu le 7 novembre 2016, soit quatre jours après l’audience, et, à sa réception, elle a téléphoné au Tribunal pour essayer de savoir ce qu’il signifiait. Un employé du Tribunal a documenté leur conversation téléphonique de la façon suivante dans une note de service :

[traduction]

L’appelante a téléphoné pour obtenir des clarifications sur la lettre du TSS datée du 1er nov. qu’elle vient de recevoir, comme l’audience a eu lieu le 3 nov.

Je lui ai expliqué qu’il s’agissait d’un addenda aux observations de l’intimé qu’elle aurait dû recevoir avant l’audience.

Elle s’est aussi renseignée sur les observations après l’audience. Je lui ai dit qu’elle était libre d’en présenter mais qu’il revenait au membre du Tribunal de les admettre ou non.

[21] Selon moi, la demanderesse dispose d’une cause défendable au motif que, pour des questions d’équité procédurale, la division générale aurait dû l’informer durant l’audience du fait que l’intimé avait déposé tardivement un document auquel elle n’avait pas encore accès. La demanderesse dispose également d’une cause défendable au motif que la division générale aurait dû donner la possibilité aux parties de présenter des observations sur la question de savoir si l’addenda, transmis quatre semaines après l’échéance de réponse, avait été admis correctement au dossier. Enfin, la demanderesse dispose d’une cause défendable comme, en ayant décidé unilatéralement d’admettre l’addenda (auquel elle s’est ensuite fiée), la division générale aurait dû expliquer pourquoi elle avait procédé ainsi et donner à la demanderesse l’occasion, soit durant l’audience ou par l’entremise d’observations après l’audience, de répondre au commentaire du défendeur sur les rapports du docteur Rathbone.

[22] S’il est vrai que la demanderesse a été informée de la possibilité de soumettre des observations après l’audience, cette information ne provenait pas directement de la division générale, mais bien d’un employé du Tribunal, qui lui a clairement fait savoir qu’il reviendrait à la division générale de décider si elle voudrait admettre les documents additionnels. En l’occurrence, la division générale s’était déjà dite hésitante à admettre des documents après la tenue de l’audience, lorsque la demanderesse avait, vers la fin de ses observations orales, le 3 novembre 2016, fait allusion à la possibilité qu’elle transmette un autre rapport médical. À 1 h 5 min 30 s de l’enregistrement de l’audience, on peut entendre le membre de la division générale qui présidait l’audience dire à la demanderesse qu’elle avait déjà eu l’occasion de soumettre de la documentation et qu’il allait rédiger sa décision dès qu’il le pourrait. Ainsi, il ne serait pas étonnant que la demanderesse en ait déduit qu’il était trop tard pour répondre à l’addenda du défendeur.

[23] En terminant, je note que la demanderesse a soumis un rapport médical conjointement à sa demande de permission d’en appeler, préparée après que la décision de la division générale ait été rendue. Normalement, un appel à la division d’appel ne donne pas la possibilité de faire examiner de nouveaux éléments de preuve, compte tenu des restrictions du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, qui ne confère pas à la division d’appel l’autorité de rendre une décision sur le fond de l’affaire.

Conclusion

[24] J’accorde la permission d’en appeler sans restriction au motif que la division générale pourrait ne pas avoir observé un principe de justice naturelle en se fondant sur un addenda aux observations du défendeur déposé tardivement, sans avoir donné à la demanderesse la possibilité d’y répondre.

[25] Si les parties décident de présenter des observations supplémentaires, elles peuvent exprimer leur point de vue sur la nécessité de tenir une autre audience et, si une audience s’avère nécessaire, sur le mode d’audience indiqué.

[26] La présente décision accordant la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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