Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) datée du 30 mai 2016, laquelle concluait qu’une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) n’était pas payable. La demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler (demande) à la division d’appel du Tribunal le 25 août 2016.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Droit applicable

[3] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et « [la division d’appel] accorde ou refuse cette permission. » La décision de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une instruction de l’affaire sur le fond et il s’agit du premier obstacle qu’un demandeur doit franchir, mais cet obstacle est inférieur à celui auquel il devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond.

[4] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. » La demanderesse doit présenter un motif d’appel susceptible de donner gain de cause à l’appel pour que la permission d’en appeler soit accordée (Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 1999 CanLII 8630)). Une cause défendable en droit revient à une cause ayant une chance raisonnable de succès sur le plan juridique (Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63).

[5] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Observations

[6] La demanderesse soutient que la division générale a ignoré certains éléments de preuve du dossier porté à sa connaissance et omis d’accorder le poids approprié à la preuve médicale, particulièrement en ce qui concerne la déficience psychologique de la demanderesse.

[7] La division générale a aussi rejeté certains éléments de preuve médicale sans justification, dont les avis du Dr Kleinman, du psychologue et du physiatre de la demanderesse qui portaient sur sa capacité à travailler. La demanderesse fait valoir que la division générale, en conséquence, a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Analyse

[8] Dans l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, la Cour d’appel fédérale a établi les critères à utiliser pour évaluer la gravité de l’invalidité aux termes du RPC et a établi que ces critères doivent être évalués dans un contexte réaliste selon l’approche suivante :

[50] [...] [L]a méthode à suivre pour définir l’invalidité ne signifie pas que quiconque éprouve des problèmes de santé et des difficultés à se trouver et à conserver un emploi a droit à une pension d’invalidité. Les requérants sont toujours tenus de démontrer qu’ils souffrent d’une « invalidité grave et prolongée » qui les rend « régulièrement incapables de détenir une occupation véritablement rémunératrice ». Une preuve médicale sera toujours nécessaire, de même qu’une preuve des efforts déployés pour se trouver un emploi et de l’existence des possibilités d’emploi.

[9] Ce sera la capacité à travailler de la demanderesse qui établira la gravité, et non le diagnostic de sa maladie (Klabouch c. Canada (Développement social), 2008 CAF 33), et s’il existe une preuve de capacité de travail, la demanderesse doit démontrer les efforts déployés pour se trouver un emploi. Si les efforts sont déployés en vain, l’échec doit être attribuable aux problèmes de santé (Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117). Je souligne de plus que la détermination de la gravité de l’invalidité ne dépend pas de l’incapacité de la demanderesse d’occuper son emploi régulier, mais plutôt de sa capacité d’exécuter quelque travail que ce soit (Kabouch).

[10] Pour cette affaire, la période minimale d’admissibilité (PMA) de la demanderesse, ou la date limite à laquelle on doit établir son invalidité grave et prolongée, est du 31 décembre 2008. La demanderesse a été impliquée dans un accident de la route en janvier 2007 et elle y attribue la détérioration de son état de santé.

[11] Avant cet accident, elle avait terminé sa 12e année et avait acquis une expérience de travail à temps partiel dans une boulangerie pendant trois mois et à temps plein comme concierge dans un immeuble à logements pendant près de trois années. Ses compétences linguistiques étaient bonnes.

[12] En avril 2007, trois mois après l’accident de la route, la demanderesse a tenté de travailler dans le service du travail général sur une chaîne de montage. Elle a occupé cet emploi pendant six ou sept semaines et elle déclare avoir pris congé régulièrement en raison de son état de santé. Elle a aussi régulièrement fait des demandes d’aide à ses collègues dans l’accomplissement de ses tâches de travail. Elle a enfin quitté cet emploi. Du paragraphe 22 à 24 de sa décision, la division générale souligne que depuis le départ de cet emploi, la demanderesse n’a pas tenté de trouver un autre emploi adéquat pour ses limitations et n’a pas cherché à se recycler pour un travail léger ou sédentaire, vu son incapacité à se concentrer, s’asseoir à un bureau ou utiliser un ordinateur.

[13] Le représentant de la demanderesse conteste la conclusion de la division générale sur le fait que la demanderesse a la capacité d’occuper un emploi rémunérateur. Le représentant défend que la preuve médicale et les avis des médecins traitants et des spécialistes au dossier contredisent les conclusions de la division générale. La division d’appel ne peut pas apprécier de nouveau la preuve que la division générale a déjà examinée. Comme il est mentionné précédemment au paragraphe 5, les moyens selon lesquels la division d’appel peut accorder la permission d’en appeler ne comprennent pas un nouvel examen de la preuve qui a déjà fait l’objet d’un examen par la division générale. La division générale a le pouvoir discrétionnaire d’examiner la preuve dont elle dispose et, si la division générale estime qu’un élément de preuve est plus fiable qu’un autre, elle doit présenter des raisons pour justifier la préférence. Cependant, la demanderesse a fait valoir que la division générale n’a pas présenté de raisons adéquates pour avoir préféré certains éléments de preuve et pour avoir rejeté les avis de professionnels de la santé fiables. La demanderesse a aussi fait valoir que la division générale a conclu par erreur que les avis cités dans la preuve médicale fiable étaient contraires à ceux trouvés dans une preuve différente. La demanderesse affirme que la preuve médicale au dossier est cohérente.

[14] En examinant la preuve au dossier dans son ensemble, je ne constate pas que la division générale a écarté des éléments de preuve ou qu’elle a omis d’en tenir compte conformément au cadre juridique applicable à l’évaluation de l’invalidité aux termes des dispositions du RPC et de la jurisprudence pertinente. Du paragraphe 28 à 39 de la décision, la division générale présente un résumé de la preuve médicale qu’elle considère comme étant la plus convaincante. L’argumentation de la division générale n’est pas arbitraire. La preuve médicale au dossier provient de la période entre 2007 – avant la fin de la PMA – et 2015, près de huit années après la fin de la PMA. Au paragraphe 50, la division générale déclare que la preuve médicale qui se rapproche de la date d’expiration de la PMA est préférée parce qu’elle représente mieux l’état de santé de la demanderesse à la date de fin de sa PMA, date avant laquelle la demanderesse doit être déclarée invalide, comme je l’ai déjà mentionné.

[15] La demanderesse soutient que la division générale n’aurait pas dû juger que l’avis du Dr Kleinman manquait d’objectivité pour la simple raison que son évaluation médico-légale avait été commandée dans le cadre de procédures. Le représentant de la demanderesse soutient que le rapport du Dr Kleinman a été écrit peu après la fin de la PMA de la demanderesse et il soutient aussi, à la page des observations écrites, que [traduction] :

L’avis du Dr Kleinman a été demandé selon le cours normal de la procédure, où un représentant peut demander l’avis d’un expert conformément aux Règles de procédure civile. La base même des déterminations d’invalidité pour les cas de délit civil dépend de la supposition que les experts responsables des évaluations médicales présentent des avis justes et impartiaux. La déclaration d’invalidité et de dommages est une formule routinière à tous les niveaux judiciaires fondée sur la preuve présentée par les experts responsables des évaluations médicales. Leurs avis ne doivent pas être rejetés ou affaiblis sans justification.

[16] Je souligne que la division générale déclare accorder moins d’importance au rapport du Dr Kleinman, parce qu’il a été commandé par le représentant de la demanderesse dans le cadre de procédures associées à l’accident de la route, et qu’elle ne présente pas d’autre raison, explication ou exemple du rapport pour étayer cette conclusion. Je souligne également que le rapport du Dr Kleinman était daté du 19 octobre 2009, 10 mois après la date de fin de la PMA. Bien que la division générale puisse avoir erré en omettant de présenter des motifs suffisants pour avoir rejeté l’avis du Dr Kleinman, je dois évaluer si ce moyen d’appel a une chance raisonnable de succès.

[17] Je tiens pour acquis que la division générale a jugé que le rapport du Dr Kleinman n’était pas suffisamment objectif sur le fondement que des rapports produits par des experts médicaux sont considérés comme des [traduction] « rapports d’une tierce partie ». En tant que rapports d’une tierce partie, ceux-ci sont produits aux fins d’un processus dirigé par une tierce partie (c.-à-d. par une instance judiciaire), plutôt que pour la prestation de soins de santé. Je souligne aussi que, lors d’instances civiles devant une cour, les experts peuvent être contre-interrogés et leurs conclusions sont étudiées en ce qui concerne l’objectivité, l’impartialité, le champ d’expertise, l’exhaustivité et l’exactitude. Je suppose aussi qu’il s’agit d’un facteur sur lequel la division générale a fondé ses conclusions, quoiqu’elle se devait d’expliquer pourquoi elle ne pouvait pas juger le rapport du Dr Kleinman comme objectif dans cette situation.

[18] À la lecture minutieuse du rapport du Dr Kleinman, lequel a été fait neuf mois après la fin de la PMA de la demanderesse, je souligne que ses conclusions par rapport aux critères pour déterminer une invalidité conformément au RPC appuient les conclusions de la division générale à tout égard. À la dixième page de son rapport médico-légal, le Dr Kleinman écrit [traduction] :

L’accident a eu lieu depuis plus de deux ans maintenant. Son critère d’invalidité inclurait donc de savoir si elle est totalement inapte à détenir tout type d’occupation qui conviendrait de façon raisonnable à son éducation, à sa formation ou à son expérience. Je souligne que madame Palacios possède un diplôme d’études secondaires et des compétences professionnelles limitées. Je ne crois pas qu’il soit raisonnable de s’attendre à ce qu’elle puisse occuper un emploi rémunérateur en ce moment, compte tenu de son déconditionnement important et de sa douleur chronique. Je crois qu’elle est totalement invalide et qu’on ne peut pas l’embaucher dans son état actuel. [mis en évidence par la soussignée]

Comme mentionné, je crois qu’on devrait la suivre dans un programme de traitement des douleurs chroniques. À la suite d’un tel programme, l’on pourrait considérer une évaluation professionnelle pour déterminer si un type d’emploi lui conviendrait raisonnablement selon son éducation, sa formation et son expérience. Je ne crois pas qu’elle pourra un jour occuper un emploi de type physique, et elle devra envisager le recyclage professionnel pour occuper un emploi de type sédentaire. [mis en évidence par la soussignée]

[19] Ce précédent avis mentionne que la demanderesse est incapable de travailler au moment où le rapport a été rédigé, mais l’on ne précise pas que l’invalidité de la demanderesse est grave et prolongée. Selon le Dr Kleinman, la demanderesse n’est sûrement pas capable d’occuper un emploi qui est difficile physiquement, mais qu’elle pourrait trouver un emploi qui convient à ses limites si elle se recycle. Cet avis ne permet pas de conclure que la demanderesse est atteinte d’une invalidité grave et prolongée.

[20] Les avis des autres médecins traitants, Dr Kapoor et Dr Patel, ont aussi été produits peu de temps après la date de fin de la PMA de la demanderesse. Leurs éléments de preuve, datés respectivement de janvier 2009 et d’octobre 2009, concernaient l’imagerie diagnostique du rachis cervical et lombaire normal de la demanderesse. À cette époque, la demanderesse avait reçu le diagnostic de syndrome de douleur myofaciale et de dépression. Le Dr Kapoor a recommandé un traitement pour le syndrome de la douleur, lequel incluait la physiothérapie, du baclofène et une rencontre à la clinique de gestion de la douleur pour un autre avis. Le Dr Patel, expert en gestion de la douleur, a jugé que la colonne de la demanderesse se situait dans les [traduction] « limites normales » et que les membres supérieurs et inférieurs n’étaient pas touchés par un déficit moteur ou sensoriel. Sa recommandation de traitement comportait la thérapie aquatique, le yoga, la physiothérapie et la massothérapie. Il a aussi recommandé qu’elle perde du poids pour mieux gérer sa douleur et qu’elle participe à une thérapie psychiatrique. Toutefois, la demanderesse n’a pas obtenu les services recommandés. Elle n’a pas cherché à obtenir une quelconque forme d’aide psychiatrique pendant plus de deux ans, jusqu’en 2011. La division générale n’a pas jugé que le traitement conservateur recommandé pour les déficiences physiques de la demanderesse, en association avec le fait qu’elle n’ait pas suivi le traitement recommandé pour ses troubles psychologiques, représentait la preuve d’une invalidité grave. Les rapports des Dr Kleinman, Dr Kapoor et Dr Patel, lesquels ont tous été rédigés près de la date de fin de la PMA de la demanderesse, n’appuyaient pas la conclusion que la demanderesse était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice quelconque à la date de fin de sa PMA, et de façon continue par la suite.

[21] Je considère que la demanderesse n’a pas invoqué un moyen d’appel qui présente une chance raisonnable de succès. Certes, la division générale n’a pas complètement expliqué pourquoi l’avis du Dr Kleinman n’était pas aussi convaincant que celui des autres médecins traitants qui se rapprochait davantage de la fin de la PMA, mais sa conclusion allait dans le même sens que les avis des autres médecins qui ont présenté une preuve médicale qui se rapprochait de la date de fin de la PMA, en ce qui concerne la déclaration d’invalidité aux termes du RPC. Finalement, la conclusion tirée par la division générale serait la même si l’avis du Dr Kleinman avait compté pour autant. J’ai aussi constaté que la division générale a tenu compte de l’ensemble de la preuve documentaire et je ne considère pas qu’un élément de preuve pertinent aurait été ignoré (Bungay c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47). De plus, je ne considère pas que la division générale ait mal interprété la preuve, le témoignage oral ou la preuve documentaire dans la décision.

[22] La permission d’en appeler ne peut pas être accordée au titre du motif que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée.

Conclusion

[23] La demande est rejetée.

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