Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] L'intimé a reçu la demande de pension d'invalidité du Régime de pensions du Canada de l'appelant le 25 mai 2012. L'appelant a déclaré être invalide en raison de blessures subies à la suite d'un accident de véhicule ayant entraîné une douleur chronique et des limitations physiques. L’intimé a rejeté cette demande initialement et après révision. L’appelant a interjeté appel de la décision découlant de la révision auprès du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale du Tribunal a tenu audience par vidéoconférence et, le 18 novembre 2015, a accueilli l’appel de l'appelant. L'intimé a interjeté appel de cette décision devant la division d’appel du Tribunal. Le 21 mars 2017, la division d'appel a accueilli l'appel et renvoyé l'affaire à la division générale en vue d'une nouvelle décision.

[2] Pour être admissible à une pension d'invalidité du RPC, l'appelant doit satisfaire aux exigences prévues par le ROC. Plus précisément, l'appelant doit être déclaré invalide au sens du RPC à la date de fin de la période minimale d'admissibilité (PMA) ou avant cette date. Le calcul de la date de fin de la PMA est fondé sur les cotisations de l'appelant au RPC. Le Tribunal estime que la date de fin de la PMA de l'appelant est le 31 décembre 2012.

[3] L'appel a été instruit par vidéoconférence pour les raisons suivantes :

  1. plus d’une partie participera à l’audience;
  2. un service de vidéoconférence était situé à une distance raisonnable de la résidence de l’appelant;
  3. ce mode d’audience était conforme à l'exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement) selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent;
  4. Les parties ont accepté d'aller de l'avant de cette manière au cours de la conférence préalable à l'audience.

[4] Les personnes suivantes ont participé à l'audience :

A. M., l'appelant

Judith Bayliss, la représentante de l'appelant

Chris White, l’avocat à l'appui de la Mme Bayliss

Heather Carr, la représentante de l'intimé

[5] Le Tribunal a conclu que l'appelant est admissible à une pension d'invalidité du RPC pour les motifs énoncés ci-dessous.

Questions préliminaires

Demande d’ajournement

[6] Le 18 mai 2017, une téléconférence préalable à l'audience a été tenue afin de discuter de questions concernant la procédure de l'appel. Au cours de la téléconférence, le Tribunal a décidé que l'audience relative à l'affaire serait accélérée. L'appelant a présenté une demande de pension d'invalidité il y a un certain moment, il a continué d'être atteint de problèmes de santé et il était en situation de détresse financière. Les parties ont convenu d'une date d'audience à la fin de juin 2017.

[7] Au cours de cette téléconférence, le représentant de l'intimé a également déclaré qu'il aurait besoin de plus amples renseignements de la part de l'appelant, ce qui comprend des renseignements concernant ses réussites à l'université. L'appelant a assuré à tous les participants à la téléconférence que ces documents étaient accessibles et que ceux-ci seraient présentés avant l'audience. Malgré cela, l'intimé a par la suite envoyé une demande écrite d'ajournement de l'audience étant donné qu'il n'avait pas reçu les documents demandés. Ceux-ci ont donc été fournis par l'appelant. Par conséquent, la demande d'ajournement a été rejetée.

Enregistrement de l'audience précédente devant la division générale

[8] Après l'audience initiale devant la division générale en l'espèce, l'intimé a demandé et reçu une copie de l'enregistrement de l'audience. L'appelant a reçu cet enregistrement juste avant l'audience en juin 2017. Au cours de cette audience, la représentante de l'intimé a informé avoir seulement reçu la copie de l'enregistrement la veille de l'audience lorsqu'elle a été envoyée aux Services juridiques de l'intimé. Avec consentement, les deux parties ont eu un délai supplémentaire après l'audience de vive voix pour fournir des observations écrites en fonction de l'enregistrement de l'audience et du temps pour répondre aux observations de l'autre partie.

Mode de l'audience en vue de la nouvelle décision

[9] L'article 59 de la Loi sur le ministère de l'Emploi et du Développement social (Loi) prévoit que la division d'appel ou le Tribunal peut renvoyer l'affaire à la division générale aux fins de réexamen conformément aux directives. En l'espèce, la division d'appel n'a fourni aucune directive à cet égard.

[10] La Loi ne définit pas un réexamen et la question de savoir si la division générale doit apprécier de nouveau l'ensemble de la preuve des parties ou si l'appel peut être tranché d'après la preuve qui a déjà été présentée au cours de la première audience. Le Tribunal a demandé aux deux parties de présenter des observations portant sur cette question en litige avant l'audience en juin 2017. L’Intimé n’a pas déposé d’observations. L'appelant a demandé que le Tribunal écoute l'enregistrement de l'audience antérieure devant la division générale, lise la décision antérieure de la division générale et tienne une autre audience seulement afin de préciser la preuve ayant déjà été présentée ou d'ajouter de nouveaux éléments.

[11] Le Tribunal estime qu'un réexamen de l'appel, à moins de l'existence de questions de justice naturelle, de partialité ou d'équité procédurale, peut être effectué pour ce motif.

[12] Dans l'affaire Re X, 2005 CarswellNat 6321, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada a conclu que le témoignage sous serment rendu par la partie demanderesse au cours de la première audience faisait partie intégrante du dossier. Je suis convaincue que l'enregistrement de l'audience précédente devant la division générale fait partie du dossier en l'espèce. Les parties savaient que l'audience était enregistrée à ce moment-là, l'enregistrement était offert à la division d'appel, et aucune partie ne s'est opposée. De plus, la division d'appel aurait pu demander que l'enregistrement soit retiré du dossier et elle ne l'a pas fait. Finalement, en l'espèce, la division d'appel a accueilli l'appel en l'espèce au motif d'une erreur de droit, et non d'un manquement aux principes de justice naturelle et d'équité procédurale.

[13] Il est prévu à l'article 3 du Règlement que le Tribunal doit veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent. Il est certainement plus rapide de trancher une question au moyen d'un examen approfondi de la preuve présenté précédemment que de faire comparaître toutes les parties et de leur faire répéter leur preuve. Les parties ont également reçu une copie de l'enregistrement de l'audience précédente avant celle-ci et elles ont eu l'occasion d'aborder cet enregistrement avant que la présente décision soit rendue. Il n'y a eu aucun manquement à un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale, et aucun préjudice n'a été causé à une des parties étant donné que celles-ci ont eu l'occasion de présenter d'autres éléments de preuve afin d'ajouter des éléments de preuve à ceux déjà présentés et de préciser ceux-ci.

[14] De plus, l'appelant ne devrait pas être tenu de témoigner à nouveau relativement aux mêmes faits, alors que la preuve est accessible et qu'elle n'a pas été contestée par l'intimé (celui-ci a seulement contesté la décision rendue d'après la preuve). Le fait d'agir ainsi allongerait de façon inutile l'audience relativement au réexamen.

[15] Le fait d'agir ainsi est également conforme à la directive prévue à l'article 2 du Règlement selon laquelle le Tribunal doit interpréter le Règlement afin d'apporter une solution qui soit juste et la plus expéditive et économique possible. Une nouvelle instruction complète de l'appel ne constituerait pas une solution expéditive ou économique. La solution la plus expéditive et économique était d'aller de l'avant au moyen d'un examen de l'enregistrement de l'audience antérieure et d'une audience afin d'ajouter des éléments de preuve et de préciser la preuve.

[16] De plus, le Règlement ne précise pas la façon dont une audience relative à un réexamen doit se dérouler. Le paragraphe 3(2) du Règlement prévoit que le Tribunal résout par analogie avec le Règlement toute question de nature procédurale qui, n’y étant pas réglée, est soulevée dans le cadre de l’instance. La directive relativement à cette question est donnée par les décisions de la Cour fédérale concernant les appels en matière d'immigration et de statut de réfugié. Le Règlement régissant cette procédure comprend une disposition semblable à l'article 2 du Règlement qui prévoit que le Tribunal doit trancher les questions de la façon la plus informelle et expéditive que les circonstances et l'équité le permettent. Dans l'arrêt Sitsabeshan c. Canada (Secrétaire d'État), 1994 CarswellNat 241, la Cour fédérale a déclaré que, bien qu'une ordonnance exige que le tribunal d'arbitrage tienne compte du dossier devant un tribunal précédent ne soit pas nécessaire, cette option était toujours loisible au second tribunal. La Cour a déclaré ce qui suit :

[traduction]
[...] le représentant m'a informé que des tribunaux de la SSR ont hésité au cours d'une nouvelle audience à faire quoi que ce soit afin de démarrer une nouvelle audience en ignorant l'ensemble de la preuve présenté devant le tribunal antérieur. Cela me semble être un important gaspillage de ressources. Bien que, comme en l'espèce, la preuve devant le tribunal antérieur puisse ne pas être pleinement satisfaisante, il devrait être possible de surmonter la lacune dans la preuve antérieure en complétant cette preuve. Il ne devrait pas être nécessaire de revenir à la case départ.

[17] De plus, dans l'arrêt Diamanama c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 1996 CarswellNat 57, la Cour fédérale a déclaré ce qui suit :

[traduction]
Le second tribunal doit être libre de tenir l'audience comme bon lui semble et de rendre sa décision en renvoyant à la preuve portée à sa connaissance. Bien évidemment, le second tribunal peut avoir recours à la transcription de la première audience à toutes fins utiles.

[18] Je suis convaincue que le renvoi à la transcription dans cette décision comprenait l'enregistrement de la première audience dans le contexte du Tribunal de la sécurité sociale.

[19] La Cour fédérale et la Cour d'appel fédérale ont également conclu que le recours à un enregistrement d'une audience antérieure peut être inapproprié dans des causes où il y a eu inobservation de la justice naturelle, mais je ne suis pas tenue de formuler un commentaire à cet égard en l'espèce.

Preuve

[20] L'appelant a affirmé dire la vérité au cours des deux audiences devant la division générale. Il a témoigné au cours de l'audience originale devant la division générale et, à la seconde, il a répondu aux questions posées par son représentant et le Tribunal afin de compléter et de préciser la preuve au dossier.

[21] L'appelant est né en X. Il a terminé ses études secondaires et a obtenu un permis à titre de mécanicien automobile. Il a travaillé comme mécanicien jusqu'à ce qu'il subisse une blessure à la suite d'un accident de véhicule en mai 2010. En raison de l'accident, l'appelant a subi une blessure à l'épaule gauche, qui a par la suite été rétablie au moyen d'une chirurgie. Il a confirmé que cette blessure n'était pas invalidante à la date de fin de la PMA. L'appelant a également souffert d'une fracture par tassement à la colonne lombaire et de dommages au tissu mou. Cela a causé des limitations physiques et une douleur chronique. Par conséquent, il peut demeurer en position assise ou debout pendant 30 minutes, il peut marcher de 15 à 20 minutes pendant les bons jours et il doit planifier toutes ses activités et connaître ses limitations lorsqu'il doit effectuer certaines activités. Il ne lui est pas recommandé de soulever et de transporter des charges. L'appelant a également déclaré dans le questionnaire rempli dans le cadre de la demande de pension d'invalidité que l'action de s'étirer pour atteindre un objet lui cause un inconfort à l'épaule gauche (il est gaucher), alors il essaie d'y parvenir avec son bras droit. Le fait de balayer et de nettoyer la salle de bain cause un [traduction] « serrement » au dos qui l'indispose pendant le reste de la journée lorsqu'il doit accomplir cette activité. Il ne peut pas assurer l'entretien de la pelouse ou le déneigement. Toute activité nécessitant l'utilisant de ses bras vers l'avant est difficile pour lui.

[22] L'appelant a également déclaré avoir aussi subi des conséquences non physiques à la suite de l'accident. Ses relations sociales ont changé parce qu'il ne peut plus participer à des activités sportives récréatives et aux activités sociales connexes. Il était très actif à cet égard avant l'accident. L'appelant a pris part à un nombre fixe de séances avec un psychologue en 2012 afin de l'aider à aborder ces problèmes et d'autres problèmes affectifs, y compris le fait d'apprendre à vivre avec la douleur. L'appelant a déclaré à la deuxième audience qu'il aurait continué de consulter le Dr Hartley, psychologue, à la fin de ces séances, mais il n'en avait pas les moyens. Il n'a aucune ressource communautaire en santé mentale à sa portée. L'appelant continue de rencontrer régulièrement la Dre Peacock, sa médecin de famille avec laquelle il discute de ses problèmes de santé. Il parle également à son épouse de ses problèmes affectifs.

[23] Monsieur Hartly, psychologue agréé, a produit un rapport pour l'assureur de l'appelant le 13 février 2012 (GD3-48). Selon le rapport, les niveaux de douleur généraux de l'appelant avaient diminué, et cela avait eu des répercussions favorables sur sa capacité à demeurer actif au cours de la journée et sur son sommeil. Cependant, l'appelant a continué de se sentir très invalide. Il a continué à éviter les activités qui, selon lui, causerait une douleur accrue et il a limité ses activités en réponse à la douleur comme principale technique de traitement de la douleur. Monsieur Hartley a également souligné que l'appel avait des problèmes de sommeil. Il a conclu que l'appelant ne semblait pas avoir connu d'importants changements au cours du traitement.

[24] L'appelant a également de la difficulté à dormir et il est atteint du syndrome des jambes sans repos. Il se réveille après une heure ou deux de sommeil. Il hésite à prendre des médicaments à cet égard étant donné qu'il ne veut pas y avoir recours [traduction] « telle une béquille ». L'appelant impute ses problèmes de sommeil à son incapable d'être physiquement actif pendant la journée.

[25] L'appelant a déclaré qu'il a été essentiellement cloué au lit pendant six mois immédiatement après l'accident. Il a ensuite suivi des séances de physiothérapie pendant environ deux ans pour améliorer son fonctionnement et sa douleur. Ce traitement comprenait également de l'acupuncture. Une fois le traitement terminé, on lui a recommandé d'effectuer un programme d'exercices à domicile, ce qu'il fait encore lorsqu'il le peut. Certaines journées, il est incapable en raison de la douleur. Il a précisé à la deuxième audience que le programme de physiothérapie à domicile comprenait des exercices au moyen d'un ballon léger, la marche et la natation une ou deux fois par semaine pendant environ 15 minutes. Encore une fois, l'appelant a déclaré qu'il a effectué ce programme les jours où il en était capable.

[26] L'appelant a déclaré que, même si son état s'est amélioré immédiatement après l'accident, il n'a pas continué à constater une amélioration. Il a une douleur sourde et constante qui s'aggrave et crée l'impression d'une douleur à type de brûlure lors d'une activité.

[27] L'appelant a déclaré avoir essayé un certain nombre de médicaments, y compris des analgésiques et des anti-inflammatoires pour traiter la douleur. Étant donné qu'il n'avait pas d'argent pour payer les médicaments pendant un certain moment et qu'il n'avait pas un régime d'assurance-maladie complémentaire, sa médecin lui a donné des échantillons de médicaments. Ils n'ont pas atténué la douleur. Il n'existe aucune clinique de traitement de la douleur à l'endroit où il vit à l'Île-du-Prince-Édouard. Il n'a pas continué les séances de physiothérapie, de chiropractie ou de massothérapie depuis que sa compagnie d'assurance a cessé de payer à cet égard, car il n'en a pas les moyens.

[28] Dre Peacock, médecin de famille de l'appelant, a déclaré le 11 septembre 2013 (GD2-3) que l'appelant était atteint d'une déchirure à l'épaule et d'une fracture par tassement de la colonne lombaire à la suite d'un accident de véhicule. La fracture de la colonne a fait en sorte qu'il était difficile pour l'appelant de continuer à travailler, car il ne pouvait pas marcher, se tenir debout, demeurer en position assise ou se plier sans souffrir de douleurs. Son invalidité a touché tous les aspects de son quotidien, car ces activités prenaient beaucoup de temps et qu'elles n'étaient pas accomplis dans un horaire établi, mais bien lorsqu'il se sentait en mesure de le faire. Elle a répété que l'appelant a pris part à un programme de physiothérapie pendant deux années et demie et qu'il a continué à faire des exercices à la maison.

[29] Dre Peacock a rempli une demande de consultation à l'intention de Dr Wotherspoon, chirurgien orthopédiste, le 11 septembre 2012. Dans cette note, elle a affirmé que l'appelant était atteint de raideurs et de douleurs chroniques et qu'une chirurgie à la colonne vertébrale n'était pas indiqué.

[30] Les rapports de Dr Wotherspoon ont été présentés au Tribunal et ceux-ci faisaient état que l'appelant souffrait de douleurs à l'épaule à la suite de l'accident de voiture et que celles-ci se sont amélioré après une chirurgie à l'épaule gauche. Il a également souligné que l'appelant souffrait de douleurs dorsales.

[31] L'appelant a donné un témoignage concernant ses activités régulières. Il a déclaré que son niveau d'activité est environ le même qu'en 2012. Il a affirmé ne pas prévoir ses activités. S'il a de [traduction] « grands plans », il fait de son mieux pour les accomplir. Au moment de la première audience, l'appelant passait son temps à étudier et à lire. Il parcourt de courtes distances en voiture et il consomme du Aleve s'il doit se déplacer à l'extérieur de l'île.

[32] L'appelant n'a apporté aucune modification à sa maison étant donné qu'il s'agit d'un plain-pied. Il s'occupe de ses soins personnels en prenant son temps, mais son épouse coupe ses ongles d'orteil. Il ne prend pas sa douche chaque jour et il a de la difficulté avec les tâches qui lui demande de se pencher au-dessus du lavabo (p. ex., tailler sa barbe). Il effectue les tâches ménagères qu'il peut accomplir et il aide les autres à cuisiner des plats. Au cours de la deuxième audience, l'appelant a précisé qu'il lui fallait une heure ou deux pour préparer des repas qu'une autre personne pourrait préparer en 15 minutes. La préparation d'un macaroni au fromage en boîte est une [traduction] « corvée ».

[33] L'appelant a déclaré que, en 2012, il a communiqué avec le conseil local de personnes handicapées pour obtenir de l'aide afin de trouver un travail qu'il pourrait accomplir malgré ses limitations. Il a découvert grâce à ce conseil qu'il ne pouvait occuper aucun poste. Il ne pouvait certainement pas retourner travailler comme mécanicien, car il ne pouvait pas se pencher, atteindre des objets, etc. Il a de la difficulté à dormir. Il n'était pas capable de travailler pendant quatre ou cinq heures à la fois. Il ne connaissait aucun emploi dans le cadre duquel il pourrait se reposer ou s'allonger après environ une heure de travail. L'appelant espère que, en complétant son éducation, il pourrait être capable de trouver un emploi à long terme.

[34] L'appelant a également affirmé avoir pris beaucoup de poids depuis l'accident. Il a essayé de perdre du poids et il a consulté une nutritionniste pour obtenir de l'aide. Malgré cela, il n'y est pas parvenu. Il croit que, en raison de ses limitations physique, il est incapable d'être suffisamment actif pour brûler plus de calories qu'il en consomme au quotidien. Il a également acquis un déséquilibre thyroïdien qui contribue à la difficulté de perdre du poids.

[35] L'appelant a subi une chirurgie au genou il y a un certain nombre d'années et il a commencé à avoir besoin d'une attelle de genou en 2013. Il ne s'est pas fondé sur ce problème comme étant un trouble invalidant au cours de l'instance.

[36] L'appelant a commencé à étudier à l'université en 2012. À l'époque, il conduisait pendant environ 15 minutes pour se rendre à l'école. L'appelant s'est inscrit à temps plein (cinq cours) au cours de la première année universitaire. Il a souffert de douleurs constantes et il a essayé en vain de prendre des médicaments pour les soulager. Entre les cours, il s'asseyait et s'étirait. Au retour à la maison, il était cloué au lit pendant cinq ou six heures. L'appelant a déclaré qu'il avait de la difficulté à étudier à l'extérieur de la salle de classe et qu'il n'étudiait pas beaucoup. Sa douleur influençait également sa capacité physique à demeurer en position assise sur une chaise. Son esprit errait en classe et il était [traduction] « agité ». Après cette année universitaire, il a pris deux cours durant la session d'été.

[37] Au cours de sa deuxième année universitaire, l'appelant a reçu de mesures d'adaptation de la part de l'école, y compris un permis de stationnement spécial, une chaise spéciale, un logiciel de dictée qui pouvait également lui lire des documents, des fonds pour avoir accès à des services de tutorat et du temps supplémentaire pour faire des examens. Au cours de la deuxième session de cette année, l'appelant a réduit sa charge à quatre cours. Il a également [traduction] « abandonné » un cours de chimie en laboratoire étant donné qu'il était beaucoup trop dur pour lui sur le plan physique d'accomplir le travail en laboratoire.

[38] Au cours de sa troisième année universitaire, l'appelant a réduit davantage sa charge à trois cours par session. Il a pris des dispositions afin d'aller à l'université le mardi et le jeudi, soit quatre à six heures par semaine. Au cours de la seconde audience, l'appelant a déclaré avoir passé de quatre à six heures par semaine en classe et de deux à quatre heures par semaine à étudier à l'extérieur de la salle de classe, au lit et à son propre rythme.

[39] L'appelant a déclaré avoir de la difficulté à lire et à étudier à l'extérieur de la salle de classe. Il lisait régulièrement au lit, où il pouvait s'allonger, et il utilisait l'ordinateur en s'assoyant sur un divan, qui était moins inconfortable. Il a trouvé qu'il était difficile de taper et il a reçu un logiciel de dictée par conséquent.

[40] Dans le cadre de son témoignage, l'appelant a confirmé n'avoir déployé aucun effort pour retourner travailler comme mécanicien automobile.

[41] L'appelant a subi une évaluation des capacités fonctionnelles en 2012. Il a déclaré avoir bel et bien effectué les tâches énoncées dans le rapport de janvier 2012. Il a également souligné que le rapport ne mentionnait pas la douleur dont il a souffert en subissant cette évaluation. Il [traduction] « s'est poussé à bout » et il était très endolori le lendemain. Il a également souligné que, s'il devait continuer de faire les activités faisant l'objet d'une évaluation chaque jour, cela lui causerait une fatigue supplémentaire, ce qui entraînerait une augmentation cumulative de sa douleur.

[42] Selon le rapport, l'appelant a fait tout ce qui a été exigé de lui, mais ce rapport a été axé sur la douleur. L'appelant a démontré une bonne amplitude de mouvements à l'épaule et au dos et un inconfort. Le rapport a recommandé un programme de facilitation du retour au travail avec des modifications étant donné que l'appelant était incapable de soulever des objets lourds. Selon le rapport, l'appelant a déclaré qu'il cherchait d'autres options d'emploi.

Observations

[43] L'appelant a soutenu qu'il est admissible à une pension d'invalidité pour les raisons suivantes :

  1. il était invalide en raison de l'accident de véhicule en raison des répercussions cumulatives de l'ensemble de ses troubles médicaux;
  2. on devrait accorder plus d'importance aux rapports de la Dre Peacock parce que celle-ci l'a traité de manière continue après l'accident et qu'elle communiquait régulièrement avec lui;
  3. sa capacité de fréquenter l'université ne démontre pas qu'il est régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice;
  4. les exigences concernant les études universitaires à temps plein ne sont pas les mêmes que celles concernant une personne dans un environnement de travail compétitif.

[44] L’intimé a soutenu que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. le trouble à l'épaule de l'appelant n'est pas grave;
  2. on devrait accorder moins d'importance à la preuve de la Dre Peacock, car elle pourrait se porter à la défense de l'appelant;
  3. l'appelant compose avec la douleur, sa dépression n'exigeait pas un traitement et il n'avait aucun autre trouble invalidant et important à la date de fin de la PMA;
  4. la fréquentation de l'université par l'appelant a démontré qu'il était capable de travailler;
  5. l'appelant n'a pas tenté de trouver un autre emploi après l'accident;
  6. la situation personnelle de l'appelant milite contre une conclusion d'invalidité en l'espèce.

Analyse

Critère relatif à une pension d’invalidité

[45] L'appelant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités ou qu'il est plus probable que le contraire, qu'il était invalide au sens du RPC à la date de fin de la PMA ou avant cette date, à savoir le 31 décembre 2012 en l'espèce.

[46] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les conditions d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n'a pas atteint l'âge de 65 ans;
  2. b) ne reçoit pas une pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la PMA.

[47] Au titre de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Caractère grave

[48] L'appelant doit convaincre le Tribunal qu'il était atteint d'une invalidité grave et prolongée à la date de fin de la PMA ou avant cette date. Le critère de gravité doit être évalué dans un contexte réaliste (Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248). Ainsi, pour déterminer si l’invalidité d’une personne est grave, le Tribunal doit tenir compte de divers facteurs comme l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de la vie. En l'espèce, l'appelant était âgé de 33 ans à la date de fin de la PMA. Il a obtenu un permis de mécanicien et, rien ne prouvait qu'il était atteint de troubles de langage ou d'apprentissage. Ces facteurs à eux seuls ne limitaient pas la capacité de l'appelant à trouver un emploi dans un marché du travail compétitif. Cependant, l'arrêt Villani prévoit également qu'un requérant n'est pas tenu de convaincre le Tribunal qu'il est incapable d'effectuer un emploi concevable, mais bien tout emploi réaliste dans le marché du travail compétitif étant donné ses limitations.

Limitations physiques

[49] Il n'est pas contesté que l'appelant a été blessé à la suite de l'accident en 2010. Il a subi une blessure à l'épaule. Il s'est fracturé la colonne vertébrale et a subi une blessure au tissu mou ayant entraîné une douleur chronique. Dr Wotherspoon, qui a traité l'épaule de l'appelant, a souligné que cette douleur s'est atténuée. L'appelant est d'accord. Je ne suis pas convaincue qu'une atténuation de la douleur à l'épaule signifie que le trouble de douleur chronique de l'appelant était donc résolu ou atténué. D'après la preuve, il était évident que la douleur de l'appelant causée par sa douleur à la colonne vertébrale avait continué.

[50] L'appelant était également atteint de troubles mentaux en raison de l'accident et des modifications que ceux-ci ont apporté à ses activités quotidiennes, y compris le fait de devoir vivre avec la douleur et les changements dans ses relations. J'accepte le témoignage de l'appelant selon lequel il a tiré profit du traitement donné par Monsieur Hartley et selon lequel il a mis fin à ce traitement pour des raisons financières. Je suis également convaincue que ce trouble à lui seul n'est pas invalidant.

[51] Après l'accident, l'appelant a pris du poids, a acquis des problèmes thyroïdiens et a par la suite eu besoin d'une attelle du genou. L'appelant a déclaré que ces troubles à eux seuls n'étaient pas non plus invalidants. La preuve médicale concernant ces troubles va en ce sens.

[52] Le principal trouble invalidant de l'appelant est sa douleur continue et les limitations associées. D'après la preuve, il était évident selon le témoignage de l'appelant et des rapports de la Dre Peacock que l'appelant est atteint de limitations importantes concernant la position assise, la position debout, la flexion, la marche et l'exécution de tâches quotidiennes et courantes. Ces restrictions ont continué malgré le suivi d'un long programme approfondi de physiothérapie, d'acupuncture, d'essais de médicaments et d'exercices à la maison selon les recommandations du physiothérapeute.

[53] Le témoignage de l’appelant était crédible. Il a été rendu de manière franche. Il était conforme au cours des deux audiences. Il était également conforme aux faits signalés par la Dre Peacock. L'appelant n'a pas amplifié ses limitations même s'il aurait été dans son intérêt d'agir ainsi sur le plan juridique. Le Tribunal a accordé beaucoup d'importance au témoignage de l'appelant au cours des deux audiences.

[54] Le Tribunal a également accordé beaucoup d'importance aux rapports produits par la Dre Peacock. Elle a traité l'appelant pendant une longue période et elle familière avec l'ensemble des troubles. Ses rapports écrits font état de l'ensemble des troubles de l'appelant. Les rapports sont objectifs et conformes au témoignage de l'appelant. Elle ne se portait pas à la défense de l'appelant. Elle a correctement déclaré que l'appelant ne pouvait pas travailler.

[55] En revanche, je n'ai pas accordé beaucoup de poids aux rapports du Dr Wotherspoon. Il a traité l'appelant pendant une période relativement courte, et son traitement s'est concentré seulement sur la blessure à l'épaule. Même s'il mentionne la douleur dorsale de l'appelant, il n'a pas traité ce trouble.

[56] Dans le même ordre d'idée, je n'ai pas accordé beaucoup d'importance au rapport sur l'évaluation des capacités fonctionnelles. Cette évaluation a été effectuée au cours d'une journée sans tenir compte du trouble de l'appelant (douleur accrue) après la journée d'évaluation. Elle n'a pas non plus tenu compte de la santé mentale de l'appelant.

[57] L'intimé a fait valoir que la douleur de l'appelant ne devrait pas être considérée comme étant grave parce qu'il ne prenait pas de médicaments pour la traiter et qu'il n'avait pas été dirigé vers une clinique de traitement de la douleur. Cependant, l'appelant a déclaré avoir essayé de nombreux analgésiques. Il y a eu plusieurs occasions où il ne pouvait pas se les offrir; il a donc utilisé des échantillons offerts par sa médecin. Malgré cela, sa douleur ne s'est pas atténuée. On peut comprendre qu'un requérant ne continue pas à prendre des médicaments desquels il ne tire aucun avantage. L'appelant a également précisé au cours de la deuxième audience qu'il n'existe aucune clinique de traitement de la douleur dans la province où il habite; il était donc impossible pour lui d'en fréquenter une.

Fréquentation de l'université

[58] La question en l'espèce est de savoir si la fréquentation de l'université par l'appelant à la date de fin de la PMA et après cette date prouvait que celui-ci n'était pas atteint d'une invalidité grave. Le critère permettant d’évaluer si une invalidité est « grave » ne consiste pas à déterminer si la personne souffre de graves affections, mais plutôt à déterminer si son invalidité l’empêche de gagner sa vie (Klabouch c. Canada (Développement social), 2008 CAF 33).

[59] Bien que la capacité de fréquenter l'université soit une preuve solide de sa capacité à travailler dans certaines situations, je ne suis pas convaincue que c'est le cas en l'espèce. L'appelant a reçu des mesures d'adaptation importantes à l'université afin de poursuivre ses études. Bien qu'il ne soit pas rare que des étudiants reçoivent des mesures d'adaptation, il n'est pas réaliste de s'attendre à ce qu'une personne dans le marché du travail commercial recevrait les mesures d'adaptations accordées à l'appelant, ce qui comprend un stationnement spécial, des fournitures spéciales, un logiciel qui lui permet de dicter au lieu de taper et de lire des documents à l'appelant, du temps supplémentaires pour accomplir des tâches, et la capacité de lire en étant allongé comme il le faisait pour étudier à la maison. De plus, l'appelant assistait à des cours magistraux d'une heure avec des pauses entre ceux-ci. Il a étudié à la maison à son propre rythme et il n'a pas passé beaucoup de temps à étudier. Lorsqu'il retournait à la maison après un cours, il se reposait pendant cinq ou six heures. Il souffrait de douleurs importantes. Il a seulement terminé ses études grâce à des mesures d'adaptation importantes et une charge de cours réduite. Cela n'est pas l'indication d'une incapacité de se présenter au travail avec certitude et prévisibilité, comme il est requis dans un milieu de travail.

[60] De plus, l'appelant a déclaré que son état de santé mentale a contribué à son invalidité. Je suis convaincue que l'appelant était également atteint de troubles de santé mentale à la date de fin de la PMA. Il était traité par un psychologue et il touchait une prestation pour ce faire. Ce traitement a pris fin pour des raisons financières, et non parce que celui-ci n'était plus nécessaire. L'appelant a déclaré avoir continué de discuter de ses problèmes avec sa médecin de famille et son épouse. J'estime qu'il s'agissait d'un traitement informel pour le trouble et que l'appelant est toujours atteint du trouble malgré le traitement.

[61] L'intimé a également soutenu que l'appelant aurait dû déployer des efforts pour trouver un emploi à l'exception de l'emploi qu'il occupait avant l'accident. Lorsqu’il y a des preuves de la capacité de travailler, une personne doit démontrer que les efforts qu’elle a faits pour trouver et conserver un emploi ont été infructueux pour des raisons de santé (Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117). En l'espèce, je ne suis pas convaincue que l'appelant avait la capacité de travailler compte tenu de l'ensemble de ses troubles. Il était très limité sur le plan physique en raison de sa douleur dorsale. Il avait des limitations à l'épaule. Il était atteint d'un trouble de santé mentale relativement à l'adaptation aux changements apportés à son mode de vie et à ses relations en raison de l'accident. N'ayant pas la capacité de travailler, l'appelant n'était donc pas obligé d'essayer de prouver qu'il ne pouvait pas obtenir ou conserver un emploi en raison de son invalidité. Cependant, si j'ai tort à ce sujet, je suis convaincue que la capacité de l'appelant à poursuivre ses études universitaire au moyen d’une charge réduite après sa première année a démontré qu'il ne pouvait pas maintenir ce niveau d'efforts en raison de son invalidité. Il a donc satisfait aux exigences prévues à l'arrêt Inclima.

Caractère prolongé

[62] Je suis également convaincue que l'appelant est atteint d'une invalidité prolongée. Il a subi une blessure en 2010. Il a suivi un traitement approfondi sans constater d'améliorations importantes. Rien ne démontre que le trouble de l’appelant s’améliorera dans l'avenir.

Conclusion

[63] Le Tribunal conclut que l’appelant était atteint d’une invalidité grave et prolongée au mois de mai 2010, moment où il a subi une blessure à la suite d’un accident de voiture. Aux fins du paiement, une personne ne peut être réputée invalide plus de 15 mois avant que l’intimé n’ait reçu la demande de pension d’invalidité (alinéa 42(2)b) du RPC). La demande a été reçue en mai 2012. Par conséquent, l’appelant est réputée être devenu invalide en février 2011. Selon l’article 69 du RPC, la pension d’invalidité est payable à compter du quatrième mois qui suit la date du début de l’invalidité réputée. Les paiements commenceront à partir juin 2011.

[64] L’appel est accueilli.

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