Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] La demanderesse sollicite la permission d’en appeler d’une décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) datée du 23 février 2017. La division générale avait alors rejeté la demande de la demanderesse relative à la prorogation du délai pour interjeter appel.

[2] Le défendeur refusa la demande initiale de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) de la demanderesse par une décision rendue le 15 février 2016, et après le réexamen daté du 18 juillet 2016. Le représentant de la demanderesse soumit une demande de révision de l’avis d’appel le 22 novembre 2016, soit au-delà du délai de 90 jours prévu à l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS). La division générale rejeta la demande de la demanderesse relative à la prorogation du délai pour interjeter appel.

[3] La demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler (demande) de la décision de la division générale devant la division d’appel du Tribunal le 29 mars 2017.

Questions en litige

[4] Je dois examiner les deux questions suivantes :

  1. Est-ce que la division générale a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon inappropriée lorsqu’elle a refusé d’accorder une prorogation du délai ?
  2. L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès ?

Droit applicable

[5] Selon les paragraphes 56(1) et 58(3) de la LMEDS, « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ». Accorder une permission d’en appeler est l’étape préliminaire à une audition au fond de l’affaire et c’est un premier obstacle qu’une demanderesse doit franchir ; toutefois, cet obstacle est inférieur à celui auquel il devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond.

[6] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ». La demanderesse doit établir qu’il existe un motif d’appel susceptible de donner gain de cause à l’appel pour que la permission d’en appeler soit accordée (Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 1999 CanLII 8630 (CF)). Pour être défendable en droit, il revient à déterminer, si sur le plan juridique, un appel a une chance raisonnable de succès : Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[7] Les seuls moyens d’appel selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Observations

[8] La demanderesse soutient que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance et basée sur les allégations suivantes :

  1. La division générale a erré en concluant que « le représentant [de la demanderesse] avait suffisamment de renseignements avec lesquels interjeter appel » car la demanderesse avait omis de fournir à son représentant une copie de la décision découlant de la révision lorsque celle-ci a été rendue. Par conséquent, le représentant n’a pu remplir un avis d’appel complet sans avoir lu la décision découlant de la révision et sans incluant une copie de celle-ci à l’avis d’appel.
  2. La division générale a erré en concluant que la demanderesse n’avait pas rencontré son représentant pour remplir un avis d’appel complet car la demanderesse devait signer l’avis d’appel ainsi que le formulaire d’autorisation de divulgation avant que l’avis d’appel soit soumis au Tribunal. Ceci nécessita une rencontre en personne.
  3. La division générale a erré en concluant que la demanderesse était capable de déposer son avis d’appel à temps, même si son représentant ne l’était pas.

Analyse

[9] Le paragraphe 52(2) de la LMEDS confère à la division générale le pouvoir discrétionnaire de proroger le délai pour interjeter appel. Dans la présente affaire, la division générale a conclu que la demanderesse ne satisfaisait pas à un des critères à respecter pour qu’un délai supplémentaire soit accordé. Selon la division générale, la demanderesse n’avait pas fourni d’explication raisonnable à son retard.

[10] Afin que l’appel soit accueilli, la demanderesse doit démontrer que la division générale a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon inappropriée lorsqu’elle a refusé d’accorder une prorogation du délai. Un membre exerce son pouvoir discrétionnaire de manière inappropriée lorsqu’il n’accorde pas assez d’importance à des facteurs pertinents, qu’il se fonde sur un mauvais principe de droit ou qu’il apprécie mal les faits, ou lorsque cela causerait une injustice.

[11] Pour les motifs qui suivent, je conclus que la demanderesse a démontré que la division générale n’aurait pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon appropriée dans la présente affaire et par conséquent la permission d’en appeler est accordée. La demanderesse a démontré correctement que la division générale aurait apprécié incorrectement les faits.

La division générale a-t-elle erré en concluant que le représentant de la demanderesse avait suffisamment de renseignements avec lesquels interjeter appel ?

[12] La demanderesse a soutenu qu’en concluant que « le représentant [de la demanderesse] avait suffisamment de renseignements avec lesquels interjeter appel » la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, conformément à l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS. Le représentant de la demanderesse soutient spécifiquement que le défendeur a omis de lui fournir une copie de la décision découlant de la révision lorsque celle-ci a été rendue malgré le fait qu’un formulaire de consentement à communiquer des renseignements à une personne autorisée avait été envoyé au défendeur par la poste le 14 juin 2016 ainsi que par télécopieur le 29 juin 2016. Le représentant soutient qu’il ne pouvait pas soumettre un avis d’appel complet sans avoir préalablement lu la décision de révision et sans l’avoir incluse dans l’avis d’appel.

[13] Aux termes de l’alinéa 52(1)b) de la LMEDS, une demande de permission d’en appeler doit être présentée à la division générale dans les 90 jours suivant la date à laquelle le demandeur reçoit communication de la décision.

[14] En l’espèce, la demanderesse a reconnu qu’elle avait reçu la décision de révision du défendeur le 25 juillet 2016. Une copie de la décision n’avait pas été envoyée à son représentant ; il a été informé par la demanderesse le 4 août 2016 que la décision rejetait sa demande de pension d’invalidité.

[15] L’article 24 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (RTSS) prévoit la forme et le contenu qu’une demande de permission d’en appeler à la division générale auxquelles une demande doit présenter pour être considérée complète. La disposition se lit comme suit :

24 (1) L’appel est présenté selon la forme prévue par le Tribunal sur son site Web et contient :

  1. (a) une copie de la décision rendue en application des paragraphes 81(2) ou (3) du Régime de pensions du Canada, du paragraphe 27.1(2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse ou de l’article 112 de la Loi sur l’assurance-emploi ;
  2. (b) la date à laquelle la décision a été communiquée à l’appelant ;
  3. (c) si une personne est autorisée à le représenter, le nom, l’adresse et le numéro de téléphone de cette personne et tout numéro de télécopieur et adresse électronique qu’elle possède ;
  4. (d) les moyens d’appel ;
  5. (e) tous les documents ou observations que l’appelant entend invoquer à l’appui de l’appel ;
  6. (f) le numéro identificateur du type précisé par le Tribunal sur son site Web en vue de l’appel ;
  7. (g) le nom complet de l’appelant, ses adresse et numéro de téléphone et tout numéro de télécopieur et adresse électronique qu’il possède ;
  8. (h) une déclaration selon laquelle les renseignements fournis sont, à la connaissance de l’appelant, véridiques.

[16] Lorsque la demanderesse a présenté sa demande d’appel devant la division générale, elle devait soumettre un formulaire d’autorisation de divulgation ainsi que son avis d’appel de manière à permettre au Tribunal de communiquer avec son représentant. Le représentant de la demanderesse avait planifié une rencontre avec la demanderesse dans le délai de 90 jours pour obtenir une copie de la décision découlant de la révision, préparer l’avis d’appel et le formulaire d’autorisation de divulgation et lui faire signer les deux formulaires. Cette rencontre a été annulée et le représentant n’a pas pu obtenir l’information nécessaire et les signatures requises sur les documents d’autorisation pour compléter l’appel.

[17] Je constate aussi, à la lecture de l’information fournie sur les deux formulaires du Tribunal ainsi que sur le site internet, que des instructions sont fournies aux demandeurs qui demande d’interjeter appel d’une décision de la division générale. Ces instructions sont présentées (en partie) comme suit :

Partie 4 :

Énoncez toutes les raisons pour lesquelles vous n’êtes pas d’accord avec la décision de révision et soyez précis. Vous pouvez utiliser une autre feuille de papier si vous manquez d’espace sur le formulaire. Veuillez fournir le plus de détails possible sur ces raisons, en expliquant pourquoi vous n’êtes pas d’accord avec la décision de révision et pourquoi le membre du Tribunal devrait la changer.

Partie 5 :

Envoyez des photocopies des documents au Tribunal. Conservez les documents originaux dans vos dossiers.

Joignez au formulaire des copies de tout document à l’appui de votre appel. Vous pouvez également envoyer des documents au Tribunal ultérieurement. Le Tribunal vous enverra des renseignements supplémentaires concernant le processus d’appel, y compris les dates limites pour envoyer des documents.

Partie 6 :

Vous devez indiquer si vous présenterez vous-même votre appel ou si quelqu’un d’autre vous représentera. Votre représentant peut être un membre de votre famille, un ami, un employé d’agence, un avocat, ou un autre professionnel. Si vous avez un représentant, la partie 6 doit être remplie. Votre représentant doit aussi apposer sa signature à la partie 7.

Partie 8 :

En signant le formulaire d’avis d’appel, vous confirmez que les renseignements fournis dans le formulaire et dans les documents que vous avez joints au formulaire sont exacts au meilleur de vos connaissances.

[18] Le représentant de la demanderesse fait valoir que la division générale a commis une erreur en déterminant que le représentant avait suffisamment d’information pour interjeter appel. Je conclus que cet argument est valable. La partie 4, donnée précédemment, exige que les demandeurs énoncent les raisons pour lesquelles ils interjettent appel. Ceci nécessite l’accès à la décision de révision ainsi que son examen, document qui n’avait pas été envoyé en copie au représentant de la demanderesse. Par conséquent, il n’était pas capable d’énoncer des raisons sans avoir reçu, de la demanderesse, une copie de la décision (copie qu’il affirme avoir voulu obtenir à la rencontre d’octobre). La partie 5 sollicite le dépôt de documents et d’éléments de preuve additionnels en appui à la demande d’appel de la demanderesse et indique que le délai de dépôt de documents sera donné dans une communication ultérieure. Le représentant de la demanderesse fait valoir qu’il ne pouvait déterminer quels renseignements additionnels ou éléments de preuve étaient nécessaires en appui à la demande d’interjeter appel de la demanderesse sans avoir examiné la décision de révision. La partie 6 spécifie que tant la demanderesse que son représentant doivent signer l’avis d’appel ainsi que la partie autorisant le Tribunal à communiquer, dans le futur, avec le représentant au nom de la demanderesse. Finalement, la partie 8 est une déclaration qui nécessite aussi la signature de la demanderesse.

[19] Le représentant de la demanderesse avait tenté d’obtenir l’information manquante avant que le délai de 90 jours ne soit écoulé, mais il fit valoir qu’il avait été incapable de déposer l’avis d’appel sans ces renseignements. Il affirme que la déclaration de la division générale au paragraphe 26 de sa décision, à savoir que le représentant de la demanderesse avait suffisamment d’information pour déposer l’avis d’appel, semble être une déclaration erronée sur les faits. Je considère que la demanderesse a correctement démontré que la division générale n’aurait pas exercé son pouvoir discrétionnaire en l’espèce, car celle-ci semble avoir mal compris les faits. Il s’agit d’un moyen d’appel pour lequel je suis prête à accorder la permission d’en appeler, car l’appel a une chance raisonnable de succès si le bien-fondé est prouvé.

[20] La Cour d’appel fédérale a déterminé, dans l’arrêt Mette v. Canada (Procureur général), 2016 CAF 276, qu’il n’est pas nécessaire que la division d’appel traite de tous les moyens d’appel invoqués par un demandeur. Dans l’arrêt Mette, le juge Dawson a affirmé que le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS [traduction] « ne requiert pas de rejeter des moyens d’appel individuellement […] les moyens d’appel peuvent être interdépendants à un point tel qu’il devient pratiquement impossible de les décortiquer, et un motif d’appel défendable peut donc suffire à l’obtention de la permission d’en appeler. » Les autres moyens d’appel soumis par le représentant de la demanderesse sont interreliés avec l’analyse du caractère de gravité et de duration des problèmes de santé de la demanderesse. Par conséquent, je n’ai pas à traiter des autres moyens que la demanderesse a soumis dans sa demande de permission d’en appeler.

Conclusion

[21] La demande est accordée.

[22] La présente décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

[23] J’invite les parties à soumettre des observations additionnelles dans le délai de 45 jours prévu, incluant des observations aux fins d’examen à savoir si une audience est nécessaire.

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