Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est accordée, et l’appel est accueilli.

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision datée du 8 décembre 2016, rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal). Après avoir tenu une audience par vidéoconférence le 2 novembre 2016, la division générale a conclu que le demandeur était admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC), parce que son invalidité était « grave et prolongée » au cours de la période minimale d’admissibilité (PMA), qui prendra fin le 31 décembre 2017.

[2] La division générale a aussi jugé que la date de début de l’invalidité était établie en novembre 2016, le mois au cours duquel l’audience a été tenue. En citant l’article 69 du RPC, la division générale a instauré la date du premier versement en mars 2017, soit quatre mois après la date de début de l’invalidité.

[3] Le 16 janvier 2017, dans les délais prescrits, le représentant autorisé du demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel. Pour accueillir cette demande, je dois être convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

Régime de Pensions du Canada

[4] Selon l’article 69 du RPC, lorsque le versement d’une pension d’invalidité est approuvé, la pension est payable pour chaque mois à compter du quatrième mois qui suit le mois où le requérant devient invalide.

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

[5] Conformément au paragraphe 56(1) de la Loi sur le Ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission.

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[8] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’un motif d’appel susceptible de donner gain de cause à l’appel soit présenté : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. La Cour d’appel fédérale a statué qu’une cause défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2. La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à l’instruction de l’affaire sur le fond. Il s’agit du premier obstacle qu’un demandeur doit franchir, mais il est inférieur à celui auquel il devra faire face lors de l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver sa thèse.

[9] Le paragraphe 59(1) de la LMEDS établit les pouvoirs de la division d’appel. La division d’appel peut rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen conformément aux directives qu’elle juge indiquées, ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale.

Question en litige

[10] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[11] Dans la demande de permission d’en appeler, le représentant du demandeur a présenté les observations suivantes :

  • Il ne désire pas contester la conclusion de la division générale concernant l’invalidité grave et prolongée de son client. Il souhaite plutôt obtenir la permission d’en appeler de la date à laquelle le demandeur a été réputéNote de bas de page 3 être devenu invalide, en novembre 2016, mois au cours duquel l’audience a été tenue.
  • Le demandeur a été blessé lors d’un accident de véhicule survenu le 3 janvier 2015. Il était dans son garage et se préparait à sortir du véhicule, quand celui-ci a reculé et l’a coincé entre un pilier et la porte ouverte du véhicule. Les dossiers du service d’urgence mentionnent qu’il a subi une fracture déplacée à la marge postéro-supérieure de l’os public [sic], et le 18 février 2015, une IRM a confirmé qu’il a subi une rupture complète à l’épaule droite. Le demandeur a subi une réparation arthroscopique à l’épaule droite en mai 2015 et il a ensuite suivi un important traitement de réadaptation.
  • Aucun fait ou élément de preuve présenté à la division générale n’appuie la conclusion que la date de début d’invalidité devait être établie en novembre 2016, plutôt qu’au 3 janvier 2015, date à laquelle le demandeur a subi de graves blessures permanentes lors d’un accident de véhicule. La division générale a établi la date de début d’invalidité de façon arbitraire, sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. La division générale a omis de présenter une raison quelconque pour expliquer le choix de novembre 2016, et aucun élément de preuve au dossier, documentaire ou provenant du témoignage, n’appuie cette conclusion.
  • En fait, tous les éléments de preuve accessibles appuyaient le 3 janvier 2015 comme date de début d’invalidité. L’omission de la division générale d’associer le début de la pension d’invalidité du demandeur à cette date représente une erreur de droit et un manque aux principes de justice naturelle.

Analysis

[12] Après avoir examiné les observations du demandeur par rapport au dossier, je suis obligé de convenir que le demandeur a une cause défendable selon les motifs soulevés. J’ajouterai que je suis également convaincu du bien-fondé de sa cause. Je suis convaincu que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance lorsqu’elle a établi la date de début de l’invalidité du demandeur en novembre 2016.

[13] Le dossier démontre que la demande de prestations d’invalidité du RPC du demandeur était entièrement fondée sur les blessures et les symptômes provoqués par l’accident de véhicule du 3 janvier 2015. D’ailleurs, la division générale a semblé le reconnaître à plusieurs reprises dans sa décision [traduction] :

[52] Le Tribunal a examiné la preuve médicale au dossier et le témoignage oral de l’appelant livré à l’audience et a déterminé que ce dernier est atteint d’une invalidité grave et prolongée au sens du RPC. L’appelant a souffert de blessures à l’épaule et à la région pelvienne, et la guérison n’a pas été observée malgré la médication et le traitement...

[55] Le Tribunal a déterminé que l’appelant n’a pas la capacité de travailler. Il a subi des blessures physiques lors d’un accident de véhicule, alors qu’il a été coincé dans son garage. L’appelant a suivi le traitement prescrit de physiothérapie et a subi une chirurgie réparatrice de l’épaule, sans succès. De plus, l’appelant a développé une dépression, et bien qu’il soit traité par son médecin de famille grâce à la médication et au counselling, l’état de l’appelant ne s’est pas amélioré jusqu’au point où il pourrait avoir retrouvé sa capacité de travailler.

[59] … Les restrictions fonctionnelles de l’appelant, lesquelles sont la conséquence de ses blessures subies lors d’un accident de véhicule, nuisent toujours à ses activités quotidiennes. De plus, l’appelant a développé des symptômes de dépression. [...]

[14] La division d’appel remet habituellement à la division générale les questions de fait, mais il n’est pas logique de conclure que l’invalidité du demandeur n’a pas dépassé le seuil de gravité avant le moment de l’audience devant la division générale. De plus, comme le demandeur l’a souligné, aucun élément dans la preuve ne permet d’appuyer une date de début d’invalidité établie en novembre 2016.

[15] Une question de justice naturelle est soulevée, ce qui signifie qu’une explication intelligible doit accompagner la décision. Dans l’arrêt R. c. R.E.M.Note de bas de page 4, la Cour suprême du Canada a énoncé le critère de suffisance des motifs dans le contexte du droit criminel, citant avec approbation une décision antérieure de la Cour d’appel de l’OntarioNote de bas de page 5 :

« En motivant sa décision, le juge de première instance essaie de faire comprendre aux parties le résultat et le pourquoi de sa décision » (je souligne). L’essentiel est d’établir un lien logique entre le « résultat » — le verdict — et le « pourquoi » — le fondement du verdict. Il doit être possible de discerner les raisons qui fondent la décision du juge, dans le contexte de la preuve présentée, des observations des avocats et du déroulement du procès.

[16] Cette logique est également applicable aux décisions des tribunaux administratifs. Il doit y avoir une série de faits, de dispositions juridiques et d’éléments logiques qui mène le lecteur à conclure que le résultat est défendable. Pour la question de la date de début d’invalidité, cette série est absente des motifs de la division générale.

Conclusion

[17] La permission d’en appeler est accordée, et l’appel même est accueilli.

[18] Malgré que je sois convaincu que la division générale ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée et rendu sa décision, en partie, de façon contraire au principe d’équité procédurale, la date de début d’invalidité du demandeur demeure une question en suspens. L’article 59 de la LMEDS accorde à la division d’appel le pouvoir de « rendre la décision que la division générale aurait dû rendre », mais pour la présente affaire, je crois plus approprié de renvoyer le dossier à la division générale pour réexamen, car elle a le mandat de conclure sur les faits, mais seulement par rapport aux questions de la date de début d’invalidité et de la date du premier versement. Afin d’éviter une possibilité de partialité, je demande que l’affaire soit assignée à un membre différent de la division générale. Je demande également au personnel du Tribunal de ne retirer aucun document du dossier existant.

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