Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision datée du 24 janvier 2017 rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal), laquelle concluait qu’il était inadmissible à des prestations de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). La division générale a jugé que le demandeur n'avait pas démontré qu’il souffrait d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de la période minimale d’admissibilité ou avant cette date, qui était en l’espèce le 31 décembre 2010.

[2] Conformément à l'article 55 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), « [t]oute décision de la division générale peut être portée en appel devant la division d’appel [...] ». Le demandeur a déposé une demande de permission d’en appeler (demande) auprès de la division d'appel du Tribunal le 3 avril 2017.

Question en litige

[3] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Droit applicable

[4] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS, « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et « [la division d’appel] accorde ou refuse cette permission ». Trancher sur la permission d'en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond et un premier obstacle que le demandeur doit franchir, toutefois, cet obstacle est inférieur à celui auquel il devra faire face à l’étape de l'audience relative à un appel sur le fond.

[5] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ». Pour que la permission d’en appeler soit accordée, le demandeur doit présenter un motif défendable qui donnerait éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 1999 CanLII 8630. Une cause défendable en droit revient à une cause ayant une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41; Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[6] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Observations

[7] Le demandeur soutient que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, en contravention à l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS, puisqu'elle :

  1. i. n'a pas tenu compte des opinions de quatre médecins qui fournissaient des soins au demandeur;
  2. ii. n'a pas pris en compte le manque de sommeil dont souffrait le demandeur en conséquence de son état de santé;
  3. iii. a mal cité la preuve au paragraphe 17 de sa décision qui indiquait que le demandeur se soutenait financièrement lui-même à l'aide de petits boulots, mais qu'il avait été incapable de gagner assez d'argent pour survivre;
  4. iv. a mal interprété la preuve au dossier en ce qui a trait à l'effet d'amélioration que certains médicaments avaient eu sur l'état de santé du demandeur à long terme;
  5. v. a mal cité la preuve au paragraphe 27 de la décision pour ce qui est des tentatives de physiothérapie du demandeur;
  6. vi. a mal interprété le succès du demandeur à obtenir son permis d'agent immobilier comme preuve de sa capacité à travailler;
  7. vii. a mal interprété le fait que le demandeur n'a pas présenté de demande de pension d'invalidité en 2006, mais a plutôt tenté de retrouver une certaine indépendance;
  8. viii. n’a pas tenu compte du fait que l'invalidité du demandeur est prolongée.

Analyse

[8] Le demandeur a affirmé que la division générale a omis de tenir compte des opinions de quatre médecins qui avaient fourni des soins médicaux au demandeur. Le demandeur a inclus des rapports de chacun des médecins dont l'opinion, selon ce qu'il allègue, n'avait pas été examinée, incluant : un rapport du Dr R. Nicoll daté du 8 décembre 2015, un rapport du Dr R. Reid daté du 11 octobre 2016, un rapport Dr M. McNab daté du 9 mai 2016 et une lettre du Dr P. Pathak datée du 21 juin 2016. Ces documents avaient tous été présentés à la division générale pour examen. Dans chacun des documents, plusieurs phrases ont été surlignées, ce qui, selon moi, permettait au demandeur d'attirer l'attention sur ces passages. Il y a également plusieurs notes et commentaires écrits sur chacun des documents à divers endroits qui, selon moi, ont été inclus par le demandeur dans le but de faire référence aux observations qu'il a présentées ci-dessus.

[9] Lors de mon examen de la demande de permission d'en appeler présentée par le demandeur, je reconnais que les observations susmentionnées au paragraphe 7, plus particulièrement les points ii. à iiv., sont en corrélation avec son observation initiale du paragraphe [7] i., selon laquelle la division générale n'a pas tenu compte des opinions des médecins contenues dans les documents déposés par le demandeur. Les observations ii. et iiv. constituent des exemples précis où le demandeur allègue que la division générale n'a pas tenu compte des éléments portés à sa connaissance, aux termes de l'alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS. Par conséquent, j'examinerai chaque exemple fourni par le demandeur dans le contexte de son affirmation globale selon laquelle la division générale n'a pas tenu compte des éléments de preuve médicale fournis par les quatre médecins et qu'elle a également omis d'expliquer comment les éléments de preuve avaient influencé la décision de la division générale.

[10] Je commencerai par noter qu'il est de jurisprudence constante, en droit administratif, qu’un tribunal n’est pas tenu de mentionner chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés, mais qu’il est plutôt réputé avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve : Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82. Je reconnais également qu'en tant que juge des faits, la division générale avait la tâche de déterminer la pertinence des éléments de preuve, d’apprécier la qualité de ceux-ci et de déterminer ceux qu’il convient d’admettre ou d’écarter. La division générale a également le pouvoir d’accorder le poids qu’elle estime approprié à certains éléments de preuve et ultimement, d'en venir à une décision fondée sur son interprétation et son analyse de la preuve qui lui est présentée. Toutefois, lorsqu'un élément de preuve est préféré à un autre, des raisons justificatives doivent être présentées : Canada (Procureur général) c. Fink, 2006 CAF 354.

[11] Le demandeur a fait valoir que la division générale n'a pas démontré avoir tenu compte des problèmes de sommeil du demandeur lorsqu'elle a évalué sa capacité à travailler. Dans les documents médicaux accompagnant sa demande de permission d'en appeler, le fait que ses médecins ont noté à plusieurs reprises que le demandeur avait de la difficulté à dormir. Le Dr Nicoll a indiqué que la qualité de sommeil du demandeur laissait à désirer, et qu'il souffrait d'un trouble de sommeil organique. Le Dr Reid indique que la douleur ressentie par le demandeur cause des difficultés à dormir, ce qui entraîne une fatigue chronique. Le rapport du Dr McNab mentionne également les troubles de sommeil du demandeur ainsi que sa fatigue chronique et que sa fatigue affecte sa capacité à fonctionner physiquement et mentalement. L'opinion du Dr Pathak concorde avec le rapport du Dr McNab selon lequel la capacité du demandeur à fonctionner sur une base quotidienne est compromise par son manque de sommeil et sa fatigue chronique.

[12] Au moment de son audience devant la division générale, les observations du demandeur, comme indiqué au paragraphe 38 de la décision, incluaient le fait qu'il devrait être déclaré invalide parce qu'il [traduction] « […] ne dort pas en raison de son état de santé. Il ne peut pas dormir pendant plus d’une heure à la fois ». La demande de prestations d'invalidité du RPC du demandeur n'avait toutefois pas établi les troubles du sommeil comme l'une des contraintes l'empêchant de travailler.

[13] La division générale a reconnu que les éléments de preuve médicale au dossier datés d'avant la date de fin de la PMA du demandeur, ainsi que les éléments de preuve qui antidate la date de fin de la PMA, reflètent le fait que le demandeur avait de la difficulté à dormir. Particulièrement, la décision de la division générale indique ce qui suit :

[traduction]

[18] Dans une consultation du 19 février 2009, le Dr Bond, anesthésiste, a expliqué que l'appelant avait été traité avec dans le passé avec de la lidocaïne pour des points de douleur importants à deux reprises, mais que sa douleur était revenue. L'appelant a fait mention de sensation de brûlure et par conséquent, un essai clinique de Lyrica fut tenté. L'appelant a bien répondu au traitement et sa sensation de brûlure s'est améliorée ainsi que son sommeil.

[…]

[26] Dans un avis médical daté du 11 octobre 2016, le Dr Reid a émis l'opinion que l'appelant était atteint à ce moment de douleur chronique causée par son traumatisme passé ainsi que par ses importantes et multiples interventions chirurgicales antérieures. Sa douleur avait pour conséquence un trouble de sommeil menant à la fatigue chronique ainsi que des problèmes de mobilité liés à sa compression de la moelle épinière.

[…]

[30] L'appelant a expliqué en détail que son problème de moelle épinière causait des spasmes et des douleurs musculaires. Son trouble du sommeil s'est également intensifié et par conséquent, il a dû arrêter de travailler. Il a profité de cette occasion pour prendre soin de sa grand-mère.

[14] Même si la division générale, en effectuant le sommaire de la preuve, a noté les éléments de preuve au dossier en ce qui a trait à la difficulté à dormir du demandeur, il n'y a aucune mention de cet aspect de santé particulier dans l'analyse du critère de « gravité » de l'invalidité du demandeur produite par la division générale. Peut-être que la division générale a jugé que les rapports joints à la demande de permission d'en appeler du demandeur étaient datés bien après la date de fin de la PMA et que leurs valeurs probantes étaient minimes. En fait, au paragraphe 45 de sa décision, la division générale affirme qu'elle a accordé moins d'importance au rapport du Dr McNab parce qu'il avait été produit bien après la date de fin de la PMA et que le Dr McNab n'était pas un spécialiste. La division générale indique que, dans la plupart des cas, plus d'importance est accordée aux rapports produits par des spécialistes plutôt qu'à ceux produits par des médecins de famille, si les spécialistes ont eu l'occasion de suivre et de fournir des traitements aux demandeurs.

[15] Toutefois, en ce qui concerne les autres rapports joints à la demande de permission d'en appeler du demandeur, ils incluent plusieurs passages surlignés qui font référence aux troubles de sommeil continuels du demandeur. Comme susmentionné au paragraphe 13, les troubles de sommeil du demandeur étaient présents avant sa date de fin de PMA et, après avoir examiné la preuve au dossier, je juge qu'ils semblent avoir eu un impact continuel sur sa capacité à fonctionner. Il semble que la division générale n'a pas examiné en profondeur l'effet que les troubles de sommeil du demandeur ont eu sur sa capacité à fonctionner sur une base quotidienne ou quels sont, le cas échéant, les impacts de ses troubles de sommeil sur sa capacité à travailler. Peut-être que la division générale a également jugé que la preuve constituée par les rapports des spécialistes n'avait qu'une valeur probante minime puisque plusieurs étaient datés bien après la date de fin de la PMA du demandeur, mais si c'est le cas, les motifs devraient être clairement expliqués dans la décision de la division générale. De la façon dont la décision est rédigée, elle indique que la division générale a préféré les avis inclus dans les rapports des spécialistes.

[16] Le demandeur soutient que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle a tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, en vertu de l'alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS. Je juge que le demandeur a soulevé un moyen d’appel qui a une chance raisonnable de succès, et la permission d’en appeler est accordée sur ce moyen.

[17] La Cour d’appel fédérale a affirmé dans l’arrêt Mette v. Canada (Procureur général), 2016 CAF 276, qu’il n’est pas nécessaire pour la division d’appel d’examiner tous les moyens d’appel soulevés par un demandeur. En effet, dans l'arrêt Mette, le juge Dawson a soutenu que le paragraphe 58(1) de la LMEDS [traduction] « ne requiert pas de rejeter chacun des moyens d’appel […], chacun des moyens d’appel peut être interdépendant à un point tel qu’il devient pratiquement impossible de les décortiquer, et un moyen d’appel défendable peut donc suffire à l’obtention de la permission d’en appeler ». Les autres moyens d’appel présentés par la demanderesse sont interdépendants de l’analyse servant à déterminer si son état de santé était grave et prolongé. Par conséquent, je n’ai pas l’obligation d’examiner les autres moyens d’appel présentés par le demandeur dans sa demande de permission d’en appeler.

Conclusion

[18] La demande est accueillie.

[19] J'invite les parties à déposer des observations supplémentaires dans le délai prescrit de 45 jours, et elles peuvent inclure des observations quant à la nécessité d'une audience.

[20] La présente décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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