Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La prolongation du délai pour interjeter appel est refusée.

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) datée du 4 novembre 2015. La division générale avait précédemment tenu une audience par vidéoconférence et avait conclu que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). Elle avait conclu que son invalidité n’était pas « grave » avant la période minimale d’admissibilité (PMA), qui a pris fin le 31 décembre 2014.

[2] Le 20 janvier 2016, le demandeur a présenté une demande incomplète de permission d’en appeler devant la division d’appel du Tribunal. À la suite d’une demande de renseignements, le demandeur compléta sa demande de permission d’en appeler le 21 novembre 2016, soit au-delà du délai prévu à l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS).

Questions en litige

[3] Pour accorder cette demande, je dois d’abord décider si l’appel tardif du demandeur peut être pris en considération, puis être convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès. C’est seulement après avoir décidé si la demande, même si en retard, n’est pas frappée de prescription, que je pourrai déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

[4] Selon le paragraphe 56(1) de la LMEDS, un appel à la division d’appel peut être interjeté seulement si une permission d’en appeler est accordée.

[5] Aux termes de l’alinéa 57(1)b) de la LMEDS, un appel doit être interjeté devant la division générale dans les 90 jours suivant la date à laquelle la décision est communiquée à l’appelant. En application du paragraphe 57(2), la division d’appel peut proroger le délai pour interjeter appel, mais en aucun cas un appel ne peut être interjeté plus d’un an suivant la date où la décision a été communiquée à l’appelant.

[6] Conformément au paragraphe 58(1), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la demande de permission d’en appeler est rejetée si la division d’appel est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[8] Une demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond. C’est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel il devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver sa thèse.

[9] La Cour d’appel fédérale a déterminé que la question à savoir si une partie dispose d’une cause défendable en droit revient à se demander si cette partie a une chance raisonnable de succès d’un point de vue juridique : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. HogervorstNote de bas de page 1 ; Fancy c. Canada (Procureur général)Note de bas de page 2.

Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale

[10] Conformément au paragraphe 19(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement TSS), une décision de la division générale faite selon le paragraphe 54(1) de la LMEDS est considérée comme ayant été communiquée à une partie :

  1. (a) si elle est transmise par la poste ordinaire, le dixième jour suivant celui de sa mise à la poste ;
  2. (b) si elle est transmise par courrier recommandé ou messagerie
    1. (i) soit à la date indiquée sur l’accusé de réception,
    2. (ii) soit à la date à laquelle elle a été livrée à la dernière adresse connue de la partie ;
  3. (c) si elle est transmise par télécopieur, courriel ou par un autre moyen électronique, le premier jour ouvrable suivant sa transmission.

[11] Le paragraphe 19(2) prévoit que le paragraphe (1) s’applique également à tout autre document que fait parvenir le Tribunal à une partie.

[12] Au titre du paragraphe 40(1) du Règlement TSS, une demande de permission d’en appeler faite à la division d’appel doit respecter les exigences énoncées par le Tribunal et figurant sur son site Web et elle doit inclure :

  1. (a) une copie de la décision faisant l’objet de la demande de permission d’en appeler ;
  2. (b) si une personne est autorisée à le représenter, le nom, l’adresse et le numéro de téléphone de cette personne et tout numéro de télécopieur et adresse électronique qu’elle possède ;
  3. (c) Les moyens de la demande ;
  4. (d) tous les énoncés des faits ayant été présentés à la division générale et sur lesquels le demandeur s’appuierait pour les fins de la demande ;
  5. (e) si la demande émane d’une personne autre que le ministre ou la Commission, le nom complet, l’adresse et le numéro de téléphone du demandeur et tout numéro de télécopieur et adresse électronique qu’il possède ;
  6. (f) si la demande émane du ministre ou de la Commission, les adresses, numéro de téléphone, numéro de télécopieur et adresse électronique du ministre ou de la Commission, selon le cas ;
  7. (g) le numéro identificateur du type précisé par le Tribunal sur son site Web aux fins de la demande ;
  8. (h) une déclaration selon laquelle les renseignements fournis dans la demande sont, à la connaissance du demandeur, véridiques.

Observations

[13] Dans sa lettre, datée du 20 janvier 2016, où le demandeur sollicite une permission d’en appeler, il écrit qu’il avait accepté de participer à une vidéoconférence pour présenter sa défense, mais le moment venu [traduction] « il n’y avait personne. » Il s’est senti comme si son dossier n’avait aucune importance.

[14] Le demandeur a aussi critiqué la décision de la division générale, contestant les conclusions suivantes :

  • La division générale a déterminé que tous types de travail n’étaient pas exclus pour lui. Toutefois, elle a ignoré des éléments de preuve décrivant qu’il souffre d’épisodes de perte de conscience et qu’il ne peut pas marcher, même de petites distances, sans devoir s’arrêter et récupérer. Personne n’embaucherait quelqu’un avec ses limites.
  • La division générale a constaté que son travail bénévole de conducteur pour les personnes âgées démontrait une capacité. Cependant, elle fit abstraction du fait qu’il avait cessé cette activité craignant de mettre des vies en danger à cause de son état de santé.
  • La division générale mentionna que son divorce était un facteur pour sa dépression, mais que cette information personnelle ne devrait pas avoir d’incidence sur la décision. Le demandeur dit qu’il prend du Cymbalta pour aider à réduire (sans toutefois guérir) ses maux de tête. Il a pris de nombreux médicaments pour essayer d’en trouver qui soient efficaces.
  • La division générale tira une conclusion injustifiée de l’engagement du Dr Dyck fait en novembre 2014 et voulant qu’il fasse le suivi de la santé du demandeur avec comme objectif que celui-ci puisse retourner au travail. Le demandeur affirme que les espoirs de son médecin de famille à savoir qu’il redevienne productif ne sont pas une raison valable pour la division générale de rejeter son appel.

[15] Le demandeur a soutenu que son invalidité est grave et prolongée, et que son état s’est détérioré depuis octobre 2012. Il a besoin d’aide pour se baigner, s’habiller et préparer ses repas. Il est sujet à des évanouissements et des chutes fréquentes. Il ne conduit plus et a peur de s’aventurer à l’extérieur de sa maison.

[16] Dans une lettre datée du 26 janvier 2016, un employé de la division d’appel avisa le demandeur que sa demande de permission d’en appeler était incomplète. Il lui demanda d’envoyer, par écrit, les renseignements manquants suivant :

  • une explication indiquant pourquoi le demandeur croyait que sa demande de permission d’en appeler devant la division d’appel avait une chance raisonnable de succès ;
  • tous énoncés des faits ayant été présentés à la division générale et sur lesquels le demandeur s’appuierait dans le cadre de cette demande ;
  • une déclaration signée par le demandeur attestant que les renseignements fournis pour l’appel étaient, à sa connaissance, véridiques.

[17] Une note au dossier indique que le 11 avril 2016 le demandeur téléphona au Tribunal pour demander où en était son dossier. On lui demanda s’il avait reçu la lettre datée du 26 janvier 2016 et il répondit que ni lui ni son représentant ne l’avait reçu. La journée suivante, l’employé du Tribunal posta une copie de la lettre au demandeur.

[18] Le 9 mai 2016, le demandeur appela le Tribunal pour l’aviser qu’il avait reçu une copie de la lettre l’informant que sa demande était incomplète.

[19] Le 11 janvier 2016, le représentant du demandeur appela le Tribunal pour savoir ce qu’il advenait de l’appel. Un membre du personnel du Tribunal prit la conversation en note dans un mémorandum :

[traduction]
Je l’ai informée qu’elle [la demande de permission d’en appeler] était incomplète. Elle dit que son mari, le demandeur, avait posté une réponse « il y a un bon deux mois. » J’expliquai que nous ne l’avions pas reçu. Elle ajouta qu’elle réviserait son dossier de manière à trouver la réponse pour pouvoir la resoumettre. Elle demanda aussi s’il serait possible de renvoyer la lettre incomplète, juste au cas. Elle dit qu’elle allait revoir son dossier pour essayer de trouver la réponse pour qu’elle puisse la resoumettre. Elle demanda aussi si nous pouvions envoyer une nouvelle fois la lettre incomplète, au cas où.

[20] Une seconde copie de la lettre « incomplète » fut postée au demandeur le 14 octobre 2016.

[21] Le Tribunal ne reçut pas de communication de la part du demandeur ou de son représentant avant le 21 novembre 2016. À ce moment, l’épouse du demandeur soumis une lettre demandant la permission d’en [traduction] « réappeler » pour les raisons suivantes :

  • Dr Krauss mentionna dans une lettre que le demandeur est un père à la maison. Ceci est faux, car les enfants sont généralement à la garderie ou à l’école.
  • Leur docteur avait écrit une lettre indiquant qu’il ne voyait pas de retour au travail possible pour son mari. Le demandeur avait reçu un diagnostic de syndrome de la fatigue chronique. Dans certaines administrations, cet état de santé est accepté comme motif d’invalidité. Elle doit, de plus en plus, réaliser des tâches de soins personnels pour lui, car il ne peut plus le faire lui-même.
  • Lorsqu’ils ont eu leur téléconférence [sic] devant la division générale, on leur avait dit que trois personnes seraient présentes. Toutefois, ils n’ont parlé qu’avec une seule. Ils ont senti qu’ils n’avaient pas été pris au sérieux et ont soupçonné que la décision avait déjà été prise.

[22] Une lettre du Dr Dyck datée du 5 décembre 2015 est incluse avec ces observations ainsi qu’une déclaration à savoir que tous les renseignements fournis par le demandeur étaient véridiques. À cette étape, le demandeur a été notifié que sa demande de permission d’en appeler était déclarée complète.

Analyse

[23] En l’espèce il s’agit de déterminer si le demandeur satisfait aux exigences techniques de soumission d’une demande de permission d’en appeler. Le paragraphe 40(1) du Règlement sur le TSS donne la liste des renseignements nécessaires à quiconque voulant contester une décision de la division générale. Le paragraphe 57(2) de la Loi sur le MEDS prévoit un délai ferme d’un an durant lequel tous les renseignements doivent être fournis.

[24] Après avoir étudié le dossier, je dois conclure, avec regret, que le demandeur n’a pas la possibilité de présenter sa demande de permission d’en appeler. La division générale a rendu sa décision le 4 novembre 2015 et l’a posté au demandeur la journée même à l’adresse résidentielle qui était au dossier. Aux termes de l’alinéa 19(a) du Règlement TSS, une décision est présumée avoir été communiquée à la partie le dixième jour suivant celui de sa mise à la poste. À partir de là, conformément à l’article 57, un demandeur a 90 jours pour interjeter appel. Toutefois, aucune prorogation ne sera accordée après qu’une année se soit écoulée.

[25] En l’espèce, une demande de permission d’en appeler a été déposée à la division d’appel le 20 janvier 2016, soit moins de 90 jours après que la décision de la division générale ait été rendue. Cependant, l’employé du Tribunal la jugea incomplète. Après avoir examiné la demande du demandeur faite à ce moment-là, je suis obligé de convenir qu’il manque, au moins, la déclaration requise confirmant que les renseignements fournis sont, à la connaissance du demandeur, véridiques, et ce conformément à l’alinéa 40(1)h) du Règlement TSS. Les notes au dossier indiquent que le demandeur et sa représentante autorisée affirment tous deux ne jamais avoir reçu la lettre du Tribunal du 26 janvier 2016 les avisant que leur demande était incomplète. Toutefois, bien qu’ils aient certainement reçu une copie de ladite lettre le 9 mai 2016, ils mirent six mois à y répondre et par ce temps le délai d’un an était bien dépassé.

[26] Pour les demandes de permission d’en appeler soumise plus d’un an après que la décision de la division générale soit rendue, la loi est stricte et sans ambiguïté. En l’espèce, le décompte s’est mis en marche le 14 novembre 2015, soit 10 jours après que la décision de la division générale ait été postée, et il s’est arrêté le 21 novembre 2016, date à laquelle le demandeur a satisfait à toutes les exigences de soumission de demande conformément au paragraphe 40(1) du Règlement sur le TSS. Bien que le demandeur ait réussi à compléter sa demande de permission d’en appeler seulement une semaine après le délai d’un an, il est clair qu’il a manqué ce délai ferme enchâssé dans le Règlement. Dans des correspondances précédentes, le demandeur laissa entendre que sa réponse à la demande de fournir les renseignements manquants avait été perdue lors de la transmission à un moment donné durant l’été 2016. Cependant, je juge cette explication improbable et, de plus, un préavis que sa demande était incomplète avait été donné au demandeur le 11 octobre 2016, soit plus d’un mois avant le délai ferme. De toute manière, le libellé du paragraphe 57(2) élimine pratiquement le champ d’application d’un décideur dans lequel il exerce son pouvoir discrétionnaire ou tient compte des circonstances atténuantes une fois que le délai d’un an s’est écoulé.

[27] Effectivement, il est malheureux qu’un retard dans le dépôt d’une demande ait empêché le demandeur de se pourvoir en appel, mais je suis tenu d’appliquer la loi à la lettre. Mes pouvoirs comme membre de la division d’appel me permettent de n’exercer que les compétences conférées par ses lois et règlements. Je ne peux simplement renoncer au délai de dépôt même si le demandeur est sympathique. Un appui à cette position se retrouve entre autres dans la décision Pincombe c. CanadaNote de bas de page 3, qui prévoit qu’un tribunal administratif n’est pas une cour, mais un décideur prévu par la loi, et par conséquent, il n’a pas la compétence d’accorder une quelconque forme de réparation équitable.

Conclusion

[28] Puisque la demande de permission d’en appeler du demandeur a été présentée plus d’un an après qu’il eut reçu communication de la décision de la division générale, je n’ai pas à me demander si l’appel du demandeur a une chance raisonnable de succès.

[29] La demande est rejetée.

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