Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est accordée.

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) le 31 octobre 2016. La division générale avait précédemment tenu une audience par téléconférence et conclu que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) parce qu’il n’était pas atteint d’une invalidité « grave » durant sa période minimale d’admissibilité (PMA), laquelle a pris fin le 31 décembre 2011 ou subsidiairement, durant la période calculée au prorata du 1er janvier 2014 au 31 août 2014.

[2] Le 8 décembre 2016, dans les délais fixés, le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler incomplète à la division d’appel. Le 22 juin 2017, la division d’appel a demandé de plus amples renseignements, et le représentant autorisé du demandeur a répondu au moyen d’une lettre datée du 15 juillet 2017.

[3] Pour accueillir cette demande, je dois être convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

Régime de pensions du Canada

[4] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne reçoit pas une pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la PMA.

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

[5] Selon les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission », et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[6] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[7] Conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[8] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’il existe un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. La Cour d’appel fédérale a déterminé qu’une cause défendable en droit revient à une cause ayant une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[9] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond. C’est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais cet obstacle est inférieur à celui auquel elle devra faire face à l’audience relative à l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver sa thèse.

Questions en litige

[10] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[11] Dans sa demande de permission d'en appeler datée du 8 décembre 2016, le demandeur a prétendu que la division générale n'a pas accordé suffisamment de poids au fait que ses deux mains étaient déficientes, ce qui le rendait incapable d'effectuer des activités du quotidien ou des tâches liées à un emploi.

[12] Dans une lettre datée du 22 juin 2017, la division d'appel a rappelé au demandeur les moyens d’appel précis qui sont recevables conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS et il lui a demandé de préciser, dans un délai raisonnable, les motifs de sa demande de permission d’en appeler. Dans ses observations datées du 15 juillet 2017, le représentant dont le demandeur venait de retenir les services a souligné que, étant donné que l'audience devant la division générale a été tenue par téléconférence, son client avait de la difficulté à participer à l'instance avec aise. Le demandeur a laissé entendre qu'il avait de la difficulté à comprendre la variante de tamoul de l'interprète fourni par le Tribunal.

[13] Le demandeur a également affirmé que son médecin de famille de l'époque, Dr Loganathan, a été incapable de poser un diagnostic de problèmes aux mains à la première instance. Au fur et à mesure que la douleur s'est aggravée, le demandeur est devenu de plus en plus incapable d'assumer ses fonctions. Éventuellement, son nouveau médecin de famille, Dr Jeyashankar, a demandé une scintigraphie osseuse, qui a permis de déterminer le problème médical. Le demandeur a ensuite subi une chirurgie, mais cela a entraîné une déficience supplémentaire à la main gauche.

[14] Finalement, le demandeur soutient qu'il n'a pas communiqué à la division générale le fait qu'il souffrait de douleur à la main gauche et à la poitrine le 31 août 2014 ou avant cette date.

Analyse

Interprète

[15] Bien qu'il ne le qualifie pas ainsi, le demandeur laisse entendre que la division générale a omis d'observer un principe de justice naturelle en présidant une audience qui était entachée par une interprétation inadéquate.

[16] Il est de jurisprudence constante que le défaut de soulever une objection à la première occasion équivaille à une renonciation implicite à toute perception d’un éventuel manquement à l’équité procédurale ou à la justice naturelle. Dans l’affaire Nsengiyumva c. CanadaNote de bas de page 3, la Cour fédérale du Canada a abordé une situation comparable dans laquelle on prétendait que l’interprétation était fautive :

Lorsque le demandeur est conscient qu’il y a des problèmes avec l’interprète, il est raisonnable de penser que le demandeur formulera une opposition immédiatement. Dans la décision Mohammadian, 2000 CanLII 17118 (CF), [2000] 3 C.F. 371, au procès, le juge Pelletier (maintenant juge à la Cour d’appel fédérale) a conclu au paragraphe 28 :

La question de savoir s’il est raisonnable de s’attendre à ce qu’une plainte soit présentée est une question de fait, qui doit être déterminée dans chaque cas. Si l’interprète a de la difficulté à parler la langue du demandeur ou à se faire comprendre par lui, il est clair que la question doit être soulevée à la première occasion. Par contre, si les erreurs se trouvent dans la langue dans laquelle a lieu l’audience, que le demandeur ne comprend pas, il ne peut être raisonnable de s’attendre à ce qu’il y ait eu plainte à ce moment-là.

[17] À cette étape, je dispose seulement de la parole du demandeur selon laquelle l’interprète dont il disposait ne parlait pas son dialecte du tamoul. Un enregistrement audio de l’audience devrait faire la lumière sur cette question, mais il semble que le membre de la division générale présidant l’audience a malheureusement omis d’enregistrer l’instance. Bien évidemment, même si cet enregistrement existait, je ne serais pas en position d’évaluer la compétence ou la pertinence de l’interprète. Je ne peux ni parler ni comprendre le tamoul et je ne possède aucun moyen d’évaluer avec quelconque précision la qualité du travail de l’interprète. Dans le même ordre d’idées, je ne suis pas en position de déterminer si les dialectes respectifs de l’appelant et de l’interprète faisaient en sorte qu’ils ne se comprenaient pas l’un et l’autre. Cependant, il deviendrait rapidement évidemment, et ce même pour une personne ne parlant pas le tamoul, qu’il y avait un problème relativement à la traduction et je me doute que la division générale aurait consigné une objection ou une préoccupation soulevée par le demandeur à l’audience.

[18] Cela étant dit, le demandeur peut me convaincre de ce qui suit :

  • il y avait un problème important relativement à la qualité du travail de l’interprète;
  • il a tenté de soulever des préoccupations auprès de la division générale relativement à ce travail au cours de l’audience;
  • la division générale a ignoré ou fait abstraction de ces préoccupations sans tenir compte de la capacité du demandeur à présenter efficacement sa cause.

L’appel pourrait ainsi avoir une chance raisonnable de succès. En absence d’un enregistrement, je serai particulièrement intéressé à examiner la preuve du demandeur, par témoignage ou affidavit écrit, qui aborde les exemples précis dans lesquels il croit que ses mots ou ceux de la division générale ont été mal traduits et les conséquences importantes que ces mauvaises traductions auraient pu avoir sur l’issue de la cause.

Déficience aux mains

[19] Le demandeur maintient que ses mains sont atteintes d’une déficience, mais cela correspond à une récapitulation d’observations qu’il a déjà présentées devant la division générale. La division d’appel n’est pas habilitée à examiner de nouveau les demandes d’invalidité sur le fond. Bien que les demandeurs ne soient pas tenus de faire la preuve des moyens d’appel qu’ils invoquent au stade de la demande de permission d’en appeler, ils doivent néanmoins décrire, à l’appui de leurs observations, certains fondements rationnels qui cadrent avec les moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. Il ne suffit pas à un demandeur de simplement signifier son désaccord avec la décision de la division générale ni sa conviction persistante que ses problèmes de santé le rendent invalide au sens du RPC.

[20] Je ne vois aucune chance raisonnable de succès pour ce moyen d’appel proposé.

Douleur non divulguée

[21] Le demandeur soutient qu’il n’a pas [traduction] « communiqué » l’information concernant sa douleur à la main et à la poitrine à la division générale, mais la question de savoir s’il s’agissait d’une conséquente des prétendus problèmes d’interprétation mentionnés ci-dessus ou s’il a dissimulé les détails au moment de l’audience n’est pas claire. Quoi qu’il en soit, une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel ne représente pas une occasion pour un demandeur de transmettre de nouvelles observations portant sur le bien-fondé de la preuve. Le demandeur a eu amplement l’occasion de présenter sa preuve durant la période menant à l’audience, et rien ne démontre que la division générale a fait abstraction d’un élément important des documents portés à sa connaissance. Selon mon examen de la décision de la division générale, celle-ci a tenu pleinement compte de la preuve concernant les déficiences aux mains du demandeur, mais elle a conclu qu’elles ne l’empêchaient pas de détenir un emploi véritablement rémunérateur. De plus, la division générale a abordé la preuve relative à la douleur à la poitrine du demandeur en tirant une conclusion particulière selon laquelle il n’y a aucune preuve à cet égard précédant l’année 2015 (paragraphe 32).

[22] J’estime qu’il n’existe pas de cause défendable relativement à ce point.

Conclusion

[23] J’accorde la permission d’en appeler pour le seul motif que la division générale pourrait avoir omis d’observer un principe de justice naturelle en faisant abstraction des objectifs du demandeur concernant l’interprétation fautive durant l’audience du 11 octobre 2016. Si les parties décident de présenter des observations supplémentaires, elles sont libres de formuler leur opinion à savoir si une nouvelle audience s’avère nécessaire, et si tel est le cas, quel type d’audience est approprié.

[24] La décision qui accorde la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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