Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 12 janvier 2017, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a conclu que le demandeur n’avait pas répondu à la définition d’incapacité prévue aux paragraphes 68(8) à (10) du Régime de pensions du Canada (RPC), et qu’il n’était donc pas admissible à des prestations rétroactives de plus. Le 21 décembre 2015, le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler (demande) à la division d’appel du Tribunal.

Question en litige

[2] Je dois déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[3] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission, et la division d’appel accorde ou refuse cette permission.

[4] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[5] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Pour déterminer s’il convient d’accorder la permission d’en appeler, je dois déterminer s’il existe une cause défendable. À ce stade-ci, le demandeur n’a pas à prouver sa thèse; il doit seulement démontrer que son appel a une chance raisonnable de succès, c’est-à-dire qu’il dispose de « certains motifs défendables grâce auxquels l’appel proposé pourrait avoir gain de cause » : Osaj c. Canada (Procureur général), 2016 CF 115, au paragraphe 12.

[7] La Cour d’appel fédérale a statué que la question de savoir si une partie dispose d’une cause défendable en droit revient à se demander si cette partie a une chance raisonnable de succès d’un point de vue juridique : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41; Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

Observations

[8] Le demandeur soutient que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou qu’elle a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence du fait qu’elle n’a pas mené le processus en personne ou par téléphone. Il prétend que le processus est [traduction] « extrêmement demandant et fondamentalement injuste », comme [traduction] « la façon dont l’information est communiquée et dont le processus avance n’est pas suffisamment claire et transparente ». Il soutient qu’il n’y avait pas d’échange d’information, que le processus était un [traduction] « processus quasi juridique », et qu’il faudrait sûrement avoir un avocat pour [traduction] « naviguer dans ce processus ».

[9] Le demandeur soutient que la division générale a tiré une conclusion de fait erronée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, du fait qu’elle n’a pas tenu compte de l’information qu’il avait fournie ou de [traduction] « l’incidence considérable de lésions cérébrales sur la capacité d’un individu à fonctionner, que ce soit de la manière dont ces lésions restreignent un individu, ou dont les comportements externes peuvent témoigner d’une capacité de fonctionner plus grande qu’elle ne l’est. »

Analyse

Justice naturelle

[10] Le demandeur prétend que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence, aux termes de l’alinéa 58(1)a) de la Loi sur le MEDS.

[11] Au nom de la justice naturelle, il faut qu’un appelant bénéficie d’une occasion juste et raisonnable de présenter sa cause. La Cour suprême s’est exprimée comme suit dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au paragraphe 30 : « Au cœur de cette analyse, il faut se demander si, compte tenu de toutes les circonstances, les personnes dont les intérêts étaient en jeu ont eu une occasion valable de présenter leur position pleinement et équitablement. »

[12] Au paragraphe 27 de l’arrêt Baker, la Cour a également statué ce qui suit : « [L]’analyse des procédures requises par l’obligation d’équité devrait également prendre en considération et respecter les choix de procédure que l’organisme fait lui-même, particulièrement quand la loi laisse au décideur la possibilité de choisir ses propres procédures […]. »

[13] En l’espèce, le représentant du demandeur a déposé un avis d’appel auprès de la division générale et, dans une lettre d’accompagnement datée du 16 décembre 2015, a fait savoir ce qui suit : [traduction] « J’espère avoir l’occasion de vous parler en personne pour que nous puissions vous donner davantage de précisions sur l’histoire [du demandeur]. »

[14] Le 29 février 2016, le demandeur a rempli un Formulaire de renseignements en matière d’audience. Voici ce qui est indiqué sur la première page du formulaire :

L’information que vous fournissez dans ce document aidera le membre du Tribunal à :

  1. a. décider du mode d’audience approprié (questions et réponses écrites, téléconférence, vidéoconférence ou comparution en personne des parties);
  2. b. fixer la date de l’audience.

[15] Sur la deuxième page du formulaire, il était demandé au demandeur de spécifier les « modes d’audience auxquels [il] ne pourr[ait] pas participer. » Il y avait une case pour chaque mode d’audience. Dans le cas de l’appelant, il avait coché les cases correspondant à « Questions et réponses écrites » et à « Vidéoconférence »; cependant, une note manuscrite à côté des cases indiquait [traduction] « ignorez ». Une autre note manuscrite à côté des cases précisait que [traduction] « n’importe quelle / toutes ces options fonctionnent pour nous », et aussi ceci : [traduction] « Le représentant [nommé] sera capable d’utiliser n’importe quelle forme d’audience. Le demandeur pourrait être capable d’y participer, lui aussi. »

[16] Le 4 octobre 2016, le Tribunal a envoyé au demandeur et à son représentant une lettre comportant la mention suivante : « Avis d’audience — Questions et réponses écrites ». Le formulaire comportait trois questions auxquelles le demandeur devait répondre, et le demandeur devait le soumettre au plus tard le 7 novembre 2016. La lettre comportait également une section nommée « Mode d’audience », précisant ce qui suit :

[traduction]

Le membre du Tribunal a décidé de tenir l’audience au moyen de questions et de réponses écrites pour les raisons suivantes :

  • Ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent. [mis en évidence dans l’original]

[17] Le 18 octobre 2016, le représentant du demandeur a envoyé au Tribunal un courriel demandant une prorogation du délai jusqu’au 21 novembre 2016, pour répondre à ces questions. Rien ne permettait de croire, dans ce courriel, que le mode d’audience était une source d’inquiétude pour le demandeur ou son représentant. Le Tribunal a accordé une prorogation de deux semaines à la suite de cette demande. Le demandeur a répondu aux questions dans une lettre datée du 25 novembre 2016. Le demandeur n’a jamais exprimé d’inquiétudes quant au mode d’audience.

[18] Par ailleurs, j’estime qu’il n’y a aucun fondement à l’observation du demandeur selon laquelle le processus est [traduction] « extrêmement demandant et fondamentalement injuste », étant donné que [traduction] « la façon dont l’information est communiquée et dont le processus avance n’est pas suffisamment claire et transparente », qu’il n’y avait pas d’échange d’information, que le processus était un [traduction] « processus quasi juridique », et qu’il faudrait sûrement avoir un avocat pour [traduction] « naviguer dans ce processus ». Durant le processus d’appel, le demandeur n’a jamais soulevé de problèmes relativement au processus ou à la procédure qui étaient suivis. Le demandeur a suivi tous les processus et les exigences. Il avait, au besoin, demandé des délais supplémentaires, lesquels lui avaient été accordés, comme je l’ai mentionné précédemment. De plus, le demandeur était représenté durant le processus, et il a eu l’occasion de présenter des éléments de preuve et des observations. Il a également eu l’occasion de répondre à des questions par l’entremise d’une audience au moyen de questions et de réponses écrites, et il a fourni des réponses en conséquence.

[19] J’ai pris en considération la lettre initiale envoyée au Tribunal, dans laquelle le représentant disait avoir hâte de parler en personne avec le membre de la division générale pour lui présenter le contexte plus en détail. Je juge que le demandeur et son représentant avaient déterminé que le mode d’audience ne posait pas problème quand la mention suivante avait été inscrite dans le formulaire de renseignements sur l’audience : [traduction] « Le représentant [nommé] sera capable d’utiliser n’importe quelle forme d’audience. »

[20] Pour ces raisons, en ce qui concerne l’observation du demandeur selon laquelle la division générale n’avait pas observé un principe de justice naturelle ou avait autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence, je juge que le demandeur a bénéficié d’une occasion de présenter sa position pleinement et équitablement, conformément à Baker, susmentionné. De plus, tout au long du processus, des renseignements amples et clairs ont été fournis au demandeur sur le processus et la procédure qui était suivie. Je juge que cet argument n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion de fait erronée

[21] Le demandeur soutient que la division générale a tiré une conclusion de fait erronée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, aux termes de l’alinéa 58(1)c) du RPC [sic], du fait qu’elle n’a pas tenu compte de l’information qu’il avait fournie ou de [traduction] « l’incidence considérable de lésions cérébrales sur la capacité d’un individu à fonctionner, que ce soit de la manière dont ces lésions restreignent un individu, ou dont les comportements externes peuvent témoigner d’une capacité de fonctionner plus grande qu’elle ne l’est. » La division générale a tenu compte de l’ensemble des éléments de preuve médicale soumis par les différents médecins, ainsi que de la preuve subjective du demandeur.

[22] Plus précisément, la division générale a examiné la preuve médicale documentaire du docteur Throton, psychiatre, qui a fait savoir que le demandeur était atteint de déficiences physiques et cognitives considérables et que, même si les médicaments l’aidaient, certains problèmes, comme l’impulsivité émotionnelle et des limitations physiques, persistaient (paragraphe 12 de la décision). De plus, elle a tenu compte des rapports du docteur Golden, un autre psychiatre, qui traitait le demandeur depuis 2006, et qui avait noté que la cognition, l’attention, la concentration et l’humeur du demandeur étaient toutes affectées de façon chronique (paragraphe 13 de la décision). Le membre de la division générale a examiné la preuve médicale du docteur Ouchterlony, traumatologue et neurochirurgien, qui a affirmé que le demandeur était [traduction] « complètement invalide et incapable de travailler, dans n’importe quelle mesure » (paragraphe 15 de la décision).

[23] La division générale a également examiné la preuve du docteur Golden, qui a spécifié que les limitations psychiatriques et cognitives du demandeur et les [traduction] « séquelles de sa lésion cérébrale », découlant de son ACV, avaient gravement réduit sa [traduction] « capacité à recevoir et à retenir des informations complexes et à agir en conséquence » (paragraphe 17 de la décision).

[24] La division générale a examiné la preuve médicale du docteur Jaakkimainen, médecin de famille, qui avait, en septembre 2016, précisé que le demandeur souffrait de lésions permanentes cerveau, notamment d’un manque de concentration et de motivation et d’une capacité amoindrie de résolution de problèmes. Il a aussi fait savoir que son invalidité pourrait ne pas être manifeste aux yeux de personnes qui ne le connaissent pas (paragraphe 19 de la décision).

[25] Aux paragraphes 30 et 31 de sa décision, la division générale a reconnu que le demandeur était atteint de limitations physiques et cognitives et qu’il avait besoin d’aide; cependant, elle a conclu que le demandeur avait eu la capacité de présenter une demande de pension du RPC, notant qu’il vivait de façon autonome depuis 2002, qu’il s’occupait de ses propres opérations bancaires et de ses activités quotidiennes, et qu’il se rendait seul à ses rendez-vous médicaux.

[26] La division générale a tenu compte de la jurisprudence concernant l’arrêt Sedrak c. Canada (Développement social), 2008 CAF 86, qui précise que « […] l’intention de faire une demande de prestations n’est pas de nature différente de la capacité de former une intention relativement aux autres possibilités qui s’offrent au demandeur de prestations. » La division générale a aussi fait référence à l’arrêt Canada (Procureur général) c. Danielson, 2008 CAF 78, où la Cour a affirmé qu’il fallait tenir compte de la preuve médicale, et s’est dite d’accord pour dire que « les activités de la personne en cause […] peuvent être pertinentes pour nous éclairer sur son incapacité permanente de former ou d’exprimer l’intention requise, et devraient donc être examinées. »

[27] La division générale a conclu que le demandeur ne répondait pas aux critères de l’incapacité au sens du RPC, et a rejeté l’appel. Rien ne me permet de croire qu’une erreur de fait ait été commise. Je comprends que le demandeur n’est pas d’accord avec la conclusion de la division générale; cela dit, je conclus qu’elle n’a pas commis une erreur de fait, et que sa décision était plutôt fondée sur la totalité des éléments de preuve qui lui ont été présentés.

Conclusion

[28] La demande est rejetée.

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