Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Motifs et décision

Introduction

[1] Le 7 septembre 2016, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a conclu que la demanderesse avait fait appel de la décision du défendeur, qui lui refusait une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) au-delà de la limite maximale d’un an fixée par le paragraphe 52(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS). La division générale a donc refusé de proroger le délai pour faire appel.

[2] La demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler (demande) à la division d’appel du Tribunal le 7 octobre 2016, dans le délai prescrit de 90 jours.

[3] La demanderesse a présenté une demande de prestations du RPC en 2012. Le défendeur a rejeté cette demande initialement et après révision. La décision découlant de la révision était datée du 3 octobre 2012. Le délai prévu pour interjeter appel de la décision découlant de la révision était de 90 jours, soit jusqu’au 13 janvier 2013. Après cette date, pour interjeter appel, la demanderesse devait demander et obtenir une prorogation du délai.

[4] La demanderesse a déposé un appel incomplet auprès de la division générale le 30 juin 2016 et elle a complété l’appel ultérieurement. La division générale a jugé que l’appel était complet le 30 juin 2016.

[5] La division générale a conclu que l’appel avait été déposé plus d’un an en retard et qu’elle ne disposait pas de la discrétion nécessaire pour proroger le délai pour faire appel.

Question en litige

[6] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Droit applicable

[7] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS, « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[8] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

[9] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier:
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Observations

[10] Les motifs d’appel de la demanderesse peuvent être résumés de la façon suivante :

  1. après le rejet de la demande de prestations du RPC, elle s’est consacrée à sa réadaptation;
  2. elle ne savait pas qu’elle devait interjeter appel de la décision découlant de la révision dans un délai de 90 jours, car elle subissait encore un traitement;
  3. elle a essayé de se recycler, mais sans succès;
  4. elle a été mal renseignée par le personnel du défendeur;
  5. elle a interjeté appel après avoir essayé en vain de se réadapter et de se recycler.

Analysis

[11] La division générale se trouvait en présence d’un appel interjeté tardivement par la demanderesse contre la décision rendue par le défendeur en octobre 2012.

[12] La division générale a conclu que, étant donné que l’appel de la demanderesse devant la division générale a été présenté plus d’un après l’expiration de la période d’appel (de 90 jours), la division générale n’avait pas le pouvoir discrétionnaire de tenir compte des explications de la demanderesse à l’égard de son dépôt tardif de l’appel. La division générale a cité les dispositions législatives et la jurisprudence, et elle a conclu que l’appel a été présenté au-delà de la [traduction] « limite absolue » d’un an pour la prorogation du délai.

[13] La demande devant la division d’appel fait valoir essentiellement que la décision de la division générale était inéquitable et qu’elle ne tenait pas compte de la raison pour laquelle l’appel a été déposé en retard.

[14] L’article 52 de la Loi sur le MEDS, lequel est entré en vigueur le 1er avril 2013, prévoit ce qui suit :

Modalités de présentation

  • 52 (1) L’appel d’une décision est interjeté devant la division générale selon les modalités prévues par règlement et dans le délai suivant :
    1. a) dans le cas d’une décision rendue au titre de la Loi sur l’assurance‑emploi, dans les trente jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision;
    2. b) dans les autres cas, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision.
    (2) La division générale peut proroger d’au plus un an le délai pour interjeter appel.

[15] La division générale a renvoyé au paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS. Elle a conclu que la demanderesse avait jusqu’au 13 janvier 2013 pour interjeter appel de la décision découlant de la révision dans le délai prévu de 90 jours et le délai d’un an à partir du moment de la communication la décision découlant de la révision a pris fin le 15 octobre 2013. Elle a déposé l’appel le 30 juin 2016. Le délai d’un an est dépassé de plusieurs années.

[16] La demanderesse laisse entendre qu’elle a été mal orientée et traitée de façon inéquitable par le défendeur. Cependant, elle n’a pas expliqué de quelle façon la division générale aurait commis au moins une erreur susceptible de révision.

[17] Néanmoins, je souligne que le membre de la division générale a qualifié la limite d’un an prévue au paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS comme étant [traduction] « absolue » (aux paragraphes 1, 8 et 13 de la décision). Je ne partage pas cet avis. La division d’appel a précédemment conclu que le paragraphe 52(2) n’est pas nécessairement [traduction] « absolu », c’est-à-dire qu’il existe des circonstances où la limite d’un an ne s’applique pas.

[18] Avant le 1er avril 2013, il existait un délai de 90 jours pour interjeter appel, mais ni le RPC ni la Loi sur le MEDS n’imposaient une limite concernant le moment où une demande de prorogation de délai peut être présentée. Le paragraphe 82(1) du RPC prévoyait ce qui suit :

La personne qui se croit lésée par une décision du ministre rendue en application de l’article 81 ou du paragraphe 84(2) ou celle qui se croit lésée par une décision du ministre rendue en application du paragraphe 27.1(2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse ou, sous réserve des règlements, quiconque de sa part, peut interjeter appel par écrit auprès d’un tribunal de révision de la décision du ministre soit dans les quatre-vingt-dix jours suivant le jour où la première personne est, de la manière prescrite, avisée de cette décision, ou, selon le cas, suivant le jour où le ministre notifie à la deuxième personne sa décision et ses motifs, soit dans le délai plus long autorisé par le commissaire des tribunaux de révision avant ou après l’expiration des quatre‑vingt‑dix jours.

[19] Avant le 1er avril 2013, un demandeur n’était pas tenu de respecter un délai d’un an pour demander une prorogation du délai. Si une demande de prorogation du délai était présentée après un an, le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision rendrait une décision d’accorder ou de refuser cette demande selon les circonstances particulières et la jurisprudence à ce moment-là.

[20] La limite d’un an est entrée en vigueur le 1er avril 2013 lorsque la Loi sur le MEDS est entrée en vigueur.

[21] Il existe une règle générale en matière d’interprétation de la loi selon laquelle les nouvelles dispositions législatives ne doivent pas être interprétées comme ayant une application rétrospective. Dans l’affaire Tabingo c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 377, la Cour fédérale a déclaré que les dispositions législatives ne peuvent pas être interprétées d’une manière qui retire des droits existants en l’absence d’une intention claire du législateur en ce sens. Si le sens ordinaire et évident des dispositions législatives exige que la disposition soit rétrospective et qu’elle porte atteinte à des droits acquis, cela est valide, indépendamment de toute injustice perçue. De plus, l’alinéa 44c) de la Loi d’interprétation prévoit que, en cas d’abrogation et de remplacement, les procédures engagées sous le régime du texte antérieur se poursuivent conformément au nouveau texte, dans la mesure de leur compatibilité avec celui-ci.

[22] Il y avait des dispositions transitoires prévues dans la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable afin d’aborder les appels et les demandes non tranchés qui ont été déposés auprès des organisations ayant précédé le Tribunal et qui devaient être transférés et tranchés par le Tribunal. Ces dispositions couvraient la période du 1er avril 2013 au 1er avril 2014 (période de transition). Une fois les dispositions non nécessaires, elles ont été abrogées.

[23] L’appel n’a pas été interjeté auprès des organisations ayant précédé le Tribunal. Elle a été déposée en juin 2016, soit plus de trois ans après le début des activités du Tribunal.

[24] Dans les situations où une décision découlant de la révision a été rendue avant le 1er avril 2013 et où un appel a été interjeté devant le Tribunal avant le 1er avril 2014 (c.-à-d. durant la période de transition), la division d’appel a précédemment conclu que le délai d’un an prévu au paragraphe 52(2) ne s’applique pas nécessairement. Voir, par exemple, les décisions Ministre de l’Emploi et du Développement social c. J.P., 2016 TSSDASR 509, et Ministre de l’Emploi et du Développement social c. S.D., AD-16-239, 2017-01-27 (pas encore publiée).

[25] Cependant, la situation actuelle concerne une décision découlant d’une révision rendue avant le 1er avril 2013 et un appel déposé au Tribunal après le 1er avril 2014. Les cas de la division d’appel mentionnés au paragraphe 24 ci-dessus ne sont pas dans la même situation factuelle (c.-à-d. l’échéancier) qu’en l’espèce.

[26] En ce qui concerne les appels déposés au Tribunal après le 1er avril 2014, le paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS s’applique, et la division générale pourrait ne pas autoriser la prorogation du délai pour déposer un appel.

[27] La division générale n’a ni commis une erreur de droit en rendant sa décision, ni omis d’observer un principe de justice naturelle, ni autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence. La demanderesse n’a invoqué aucune erreur de droit que la division générale aurait commise et aucune conclusion de fait erronée qu’elle aurait tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, en rendant sa décision.

[28] Dans les circonstances précises de l’espèce, la division générale n’a pas le pouvoir discrétionnaire d’accorder une prorogation du délai. La division d’appel ne peut pas proroger le délai au-delà de la période maximale prévue au paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS.

[29] Pour les motifs ci-dessus mentionnés, je suis convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[30] La demande est rejetée.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.