Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 22 août 2016, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a conclu qu’une pension d’invalidité était payable au titre du Régime de pensions du Canada (RPC).

[2] La division générale a tenu une audience en personne et conclu ce qui suit :

  1. la période minimale d’admissibilité (PMA) de la défenderesse a pris fin le 31 décembre 2015;
  2. sa preuve était vraisemblable et crédible;
  3. elle a cessé de travailler en 2013 en raison de troubles de santé;
  4. les troubles de santé mentale de la défenderesse incluent un trouble anxieux généralisé, des crises de panique, une dépression et une phobie sociale;
  5. son manque d’éducation, de compétences transférables, d’antécédents professionnels et d’expérience de vie fait qu’elle ne peut pas être embauchée dans un contexte « réaliste »;
  6. l’impact de ses troubles de santé mentale est accablant en comparaison avec son mode de vie et sa capacité de travailler;
  7. la défenderesse souffrait d’une invalidité grave qui existait au cours de sa PMA et qui perdure;
  8. son invalidité est prolongée.

[3] Sur le fondement de ces conclusions, la division générale a accueilli l’appel.

[4] Le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler (demande) à la division d’appel du Tribunal le 17 novembre 2016, avant la fin du délai prescrit de 90 jours.

Question en litige

[5] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Droit applicable

[6] Conformément à l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), la demande doit être présentée à la division d’appel dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision faisant l’objet de l’appel.

[7] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS, il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission et la division d’appel accorde ou refuse cette permission.

[8] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prescrit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[9] Le paragraphe 58(1) de la Loi prévoit que les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Observations

[10] Le demandeur fait valoir, à titre de moyens d’appel, que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle et qu’elle a tiré des conclusions de fait erronées en rendant sa décision. Les arguments du demandeur peuvent être résumés de la façon suivante :

  1. La division générale a fondé sa décision sur des éléments de preuve qui n’ont pas été présentés aux parties. Elle s’est fondée sur une recherche externe qui n’avait pas été soumise comme preuve par une partie.
  2. La provenance des renseignements qui se trouvent du paragraphe 43 au paragraphe 51 de la décision de la division générale n’est pas claire. La division générale a utilisé cette recherche externe pour évaluer l’employabilité de la défenderesse.
  3. La division générale a omis d’observer un principe de justice naturelle quand elle s’est fondée sur la preuve, sans permettre aux parties de présenter leurs observations à cet égard.
  4. La division générale a tiré des conclusions de fait sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance quand elle a ignoré les notes médicales du Dr Chalal. Le paragraphe 40 de la décision fait brièvement référence au Dr Chalal, mais la division générale n’a pas tenu compte des inquiétudes du médecin par rapport aux effets de la marijuana sur l’anxiété de la défenderesse et de son besoin possible de counselling pour ses dépendances, du diagnostic d’anxiété sans autres précisions, du problème de consommation de cannabis ou d’un possible trouble d’apprentissage.
  5. Elle a également erré en fait sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance quand elle a jugé que la consommation limitée de marijuana de la défenderesse n’était pas un facteur déterminant d’après son état de santé global et sa capacité fonctionnelle d’emploi. Les notes du Dr Chalal démontrent clairement qu’il a évalué que la consommation de marijuana de la défenderesse influençait sa santé et son employabilité. D’autres rapports médicaux soulignaient également la consommation régulière de marijuana de la défenderesse.

Analyse

Justice naturelle

[11] Du paragraphe 43 à 51 de la décision de la division générale, l’on traitait du trouble anxieux généralisé, du trouble dépressif majeur et du trouble panique. Le membre de la division générale a alors conclu que les symptômes décrits sous ces paragraphes [traduction] « décrivaient véritablement les observations faites par plusieurs médecins qui ont examiné [la défenderesse], et qui, de façon plus importante, ont été exposées par celle-ci. »

[12] La Cour fédérale, dans la décision Canada (Procureur général) c. Blackman, 2016 CF 488, a établi que de fonder une décision sur une preuve sans qu’il ait été rendu possible au demandeur de la contester ou d’en faire des observations représente « une atteinte fondamentale à la capacité d’une partie entendue devant un adjudicateur et de participer pleinement au débat ». La Cour a mentionné que « [s]i la présidente indépendante se fonde sur une preuve quelconque, elle devrait permettre aux parties d’être entendues sur celle-ci pour permettre d’être contestée et qu’on argumente à son sujet. » La Cour fédérale a jugé que le décideur avait fondé sa décision uniquement sur l’information non révélée qui n’avait pas été testée par les parties. Un manquement à l’équité procédurale en a découlé.

[13] Le demandeur fait valoir que la division générale a manqué à l’équité procédurale en omettant de permettre aux parties de présenter leurs observations par rapport à la preuve mentionnée dans la décision et sur laquelle la division générale s’est fondée pour en arriver à ses conclusions.

[14] Le demandeur fait également valoir que si la division générale avait connaissance d’office de cette preuve, le seuil est très strict pour dispenser de l’obligation de prouver les faits, et ce seuil n’a pas été atteint dans le cadre de la présente affaire. Le demandeur s’appuie sur les décisions R. c. Find, [2001] 1 RCS 863, 2001 CSC 32 et Smith c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1194.

[15] Je juge que le moyen d’appel du demandeur fondé sur un manquement à l’équité procédurale a une chance raisonnable de succès.

[16] La division générale a en effet mentionné une preuve qui ne semble pas avoir été présentée aux parties avant que la division générale ne rende sa décision. S’il en a été ainsi en raison de la connaissance d’office de cette preuve, ce n’est pas exposé de façon apparente à la lecture de la décision, ou même dans une analyse quelconque sur la question de savoir si la preuve atteignait le seuil approprié pour avoir connaissance d’office.

[17] Bien que le demandeur devra établir, pour le fondement de cet appel, que la preuve en cause n’était pas devant les parties avant l’audience de la division générale, ou pendant celle-ci, ou avant que la décision ne soit rendue, ses observations sur ce point, comme elles sont présentées dans la demande, sont suffisantes pour me convaincre que l’appel a une chance raisonnable de succès à l’étape de la permission d’en appeler.

[18] Je souligne que, pour le fondement de cet appel, la division d’appel devra déterminer si en choisissant de ne pas se présenter à l’audience de la division générale, le demandeur n’a pas saisi l’occasion de tester la preuve devant la division générale. Des observations précises sont nécessaires quant à cette question (en plus de celles qui concernent les autres questions pertinentes à cet appel).

Allégations de conclusions de fait erronées

[19] Le demandeur fait valoir que la division générale a tiré une conclusion de fait erronée lorsqu’elle a conclu que la défenderesse était atteinte d’une invalidité prolongée, car les rapports médicaux qui se trouvaient au dossier d’appel ont été ignorés.

[20] Dans la décision Mette v. Canada (Procureur général), 2016 CAF 276, la Cour d’appel fédérale a précisé qu’il n’est pas nécessaire pour la division d’appel d’aborder tous les motifs d’appel invoqués par le demandeur. En réponse aux arguments de la défenderesse voulant que la division d’appel doive refuser la permission d’en appeler dès lors que l’un des moyens d’appel invoqués s’avère être sans fondement, la juge Dawson a affirmé que le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS [traduction] « ne requiert pas de rejeter des moyens d’appel individuellement […] les moyens d’appel peuvent être interdépendants à un point tel qu’il devient pratiquement impossible de les décortiquer, et un motif d’appel défendable peut donc suffire à l’obtention de la permission d’en appeler ». La demande correspond à l’une des situations décrites dans l’arrêt Mette.

[21] Étant donné que l’allégation de manquement à la justice naturelle peut être reliée à l’analyse de la question de savoir si l’état de santé de la défenderesse était grave et prolongé, je n’examinerai pas davantage les moyens d’appel à cette étape de l’instance.

Conclusion

[22] La demande est accueillie.

[23] La présente décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume aucunement de l’issue de l’appel sur le fond du litige.

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