Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Motifs et décision

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision datée du 18 mars 2016 rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal), laquelle concluait qu’elle était inadmissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC).

[2] Conformément au paragraphe 56(1) de la Loi sur le Ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), « [il] ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission ». Conformément au paragraphe 58 (1), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. (c) c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Le paragraphe 58(2) prévoit que la demande de permission d’en appeler est rejetée si la division d’appel est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[3] Dans ce contexte, une chance raisonnable de succès revient à « soulever des motifs défendables qui pourraient éventuellement donner gain de cause à l’appel » : Osaj c. Canada (Procureur général), 2016 CF 115, paragraphe 12.

Contexte

[4] La demanderesse a présenté une demande de pension d’invalidité en février 2014. Le défendeur a rejeté cette demande initialement et après révision. La demanderesse a interjeté appel de la décision de révision auprès de la division générale, qui a tenu une audience le 1er mars 2016.

[5] Dans ses motifs soumis le 18 mars 2016, le membre de la division générale a conclu que la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA) était le 31 décembre 2015. Le membre reconnut que la demanderesse souffre de narcolepsie avec cataplexie. Au paragraphe 26 des motifs, il constata que [traduction] « les effets de son invalidité sur la demanderesse avaient été significatifs. Ses problèmes de santé avaient causé des restrictions dans sa capacité à travailler à temps plein et à participer pleinement des activités quotidiennes de la vie. »

[6] Le membre ajouta :

[traduction]
[26] [...] La question est de déterminer si les symptômes et les restrictions mènent à ce qu’elle soit régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Les effets sur la demanderesse ne l’ont pas menée à être incapable de faire « tout » travail véritablement rémunérateur. Elle était incapable de conserver son emploi à temps plein précédent, mais elle avait été capable d’obtenir et de garder un emploi véritablement rémunérateur en travaillant à la maison pour une organisation de soins à domicile.

[7] Après avoir déterminé que la demanderesse, malgré ses problèmes de santé, était en mesure de travailler et de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice, le membre conclut que son invalidité ne satisfaisait pas à la définition de grave dans le RPC. Par conséquent, il rejeta l’appel.

Analyse

Nouveaux éléments de preuve

[8] La demanderesse affirme dans sa demande de permission d’en appeler qu’elle a dû arrêter de travailler pour des raisons médicales de santé (AD1-5). Il n’est pas contesté que la demanderesse travaillait à sa date de PMS, le 31 décembre 2015 et comme à la date de l’audience devant la division générale.

[9] La division d’appel n’a que des pouvoirs limités selon la LMEDS. Son rôle est d’examiner la légalité de ce qu’a fait la division générale pour déterminer si elle a commis une erreur parmi un ou plusieurs des trois moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS. La division d’appel n’est pas une instance d’enquête factuelle et il ne lui est pas permis de fouiller ou de restatuer sur le fond de la décision de la division générale. En conséquence, comme règle générale et comme confirmé dans l’affaire Parchment v. (Procureur général), 2017 CF 354, la preuve documentaire devant la division d’appel est limitée à la preuve au dossier dont disposait la division générale. Le fait que la demanderesse a quitté son travail est un nouvel élément de preuve qui n’est pas pertinent à cette demande de permission d’en appeler et c’est pourquoi je ne l’ai pas considéré en décidant si la permission d’en appeler devrait être accordée.

[10] Quoi qu’il en soit, selon le RPC, une prestataire doit prouver un handicap grave et prolongé à la date ou avant la date marquant la fin de la PMA. La demanderesse était encore au travail à la date de la PMA, soit le 31 décembre 2015, et c’est cette date qui est pertinente pour déterminer si la demanderesse était invalide au sens du RPC.

Analyse des observations

[11] Dans ses observations à l’appui de sa demande de permission d’en appeler, la demanderesse déclare que la division générale a tiré plusieurs conclusions erronées, une affirmation qui relève de l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS. À cet égard, elle soutient que [traduction] « toute l’ampleur de [son] invalidité due à la narcolepsie n’avait pas été présentée correctement et complètement dans les éléments de preuve. » Elle fait aussi valoir que la division générale a tiré des conclusions de fait erronées basées sur [traduction] « des préjugés et de la discrimination », car [traduction] « des suppositions ont été faites sur la base de son âge et de son niveau de scolarité » (AD1-2 et AD1-7).

[12] La demanderesse prend une approche détaillée paragraphe par paragraphe pour pointer les motifs du membre qui, selon elle, génèrent des motifs d’appel. Je vais traiter les observations de la demanderesse de la même manière.

Motifs — paragraphe 9

[13] La demanderesse soutient que le membre commit une erreur lorsqu’il donna, au paragraphe 9, les raisons pour lesquelles elle n’avait pas de sommeil paradoxal, ce qui causait une privation de sommeil. Elle fait valoir qu’elle avait dit à l’audience qu’elle souffrait d’un manque de [traduction] « sommeil profond », pas de sommeil paradoxal. Elle soutient que son témoignage sur la portée de sa fatigue n’avait pas complètement présenté tous les détails et que le membre avait grossièrement sous-évalué l’importance de sa fatigue.

[14] Le membre résuma la preuve de la demanderesse sur les effets de son état de santé comme suit :

  1. [traduction]
    [9] La demanderesse a témoigné à savoir que son état de narcolepsie est une maladie sans cure qui durera jusqu’à sa mort. La communauté médicale comprend mal ce qui cause cette maladie et comment la traiter. Elle affirma qu’elle avait déjà des symptômes lorsqu’elle était à l’école secondaire et qu’elle souffrait de somnolence excessive durant le jour. Elle tombait endormie même en conduisant. Elle ne dort pas d’un sommeil profond la nuit et à cause d’un manque de sommeil paradoxal, elle souffre de manque de sommeil. Elle est donc tout le temps fatiguée et est plus sujette à avoir des accidents.
  2. [10] Les symptômes incluent de la somnolence le jour, de la paralysie du sommeil (le cerveau est actif, mais elle ne peut pas se lever). Par exemple, elle croit entendre une alarme ou de la musique même si ces sons n’existent pas. Sa cataplexie fait qu’elle s’effondre physiquement, échappe des choses et perd de la coordination musculaire. Ceci affecte aussi son élocution et sa dextérité. Elle décrit cet état comme si elle était éveillée, mais dans un état de rêve avec des hallucinations auditives.

[15] L’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS prévoit qu’il est fondé d’interjeter appel si la division générale a basé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[16] Ici, le membre reconnaît clairement que la demanderesse souffre de manque de sommeil : rien n’est pertinent dans la description du membre des éléments de preuve à savoir si son manque de sommeil était le résultat d’un manque de sommeil paradoxal ou de sommeil profond. Le membre n’a pas basé sa décision sur ce que la demanderesse affirme a été mal examiné. Il est clair que le membre a évalué la portée de l’invalidité de la demanderesse, qu’il conclut qu’elle est significative. Il était d’avis que les problèmes de santé de la demanderesse avaient causé des restrictions dans sa capacité à travailler à temps plein et à participer pleinement des activités quotidiennes de la vie. Il fonda sa décision voulant que son invalidité n’était pas « grave », comme défini dans le RPC, sur le fait qu’elle était capable de détenir régulièrement une occupation rémunératrice à la date de fin de sa PMA.

[17] J’estime que cette observation ne soulève pas de motif défendable qui conférerait à l’appel proposé une chance de succès.

Motifs - paragraphes 12-15, 24, 27-28

[18] Dans ses observations, la demanderesse fait valoir que son emploi avec l’organisation de soins à domicile [traduction] « était similaire à un travail pour un employeur bienveillant » (AD1-6) et par conséquent le membre aurait dû conclure qu’elle travaillait pour un employeur bienveillant. Elle soutient que son travail pour l’organisation de soins à domicile ne s’est pas [traduction] « concrétisé en un emploi convenable et rémunérateur » (AD1-6) et que la division générale a tiré une conclusion de fait erronée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance lorsqu’elle a conclu que la demanderesse était capable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.

[19] Dans la section « Preuve » de ses motifs, le membre de la division générale résuma, comme suit, les éléments de preuve de la demanderesse liés à sa situation de travail :

  1. [traduction]
    [12] [...] Elle chercha un autre emploi adapté à ses limitations entre juin 2013 et octobre 2014. Elle a été incapable de trouver un travail qu’elle sentait qu’elle pourrait faire. En octobre 2014, elle obtint un travail à la maison avec un établissement de soins de santé à domicile. Elle a eu de la formation en octobre et a commencé le travail en novembre 2014. L’organisation de soins de santé à domicile offre des services aux patients en soins palliatifs. La demanderesse travaillait à la maison et s’occupait de patients soit par téléphone ou par courriel. Il est nécessaire que l’organisation ait un employé disponible après 16 h 30, heure de fermeture. L’appelante (la demanderesse) reçoit l’information des patients et contacte des infirmières si nécessaire. Le travail lui permettait de travailler à son rythme, car chaque minute qu’elle est sur appel n’est pas occupée et elle est capable de travailler de sa maison.
  2. [13] L’appelante témoigna qu’elle travaille environ 44 heures toutes les trois semaines. Son horaire varie d’une semaine à une autre. Certaines semaines, elle pouvait ne pas travailler du tout. Ses heures étaient tard l’après-midi/le soir et chaque troisième fin de semaine. Le quart de travail de fin de semaine était de 12 heures sur appel. Certaines semaines, elle travaillait jusqu’à 44 heures, si elle travaillait du lundi au vendredi et le quart de travail de la fin de semaine. Elle indiqua qu’en moyenne elle travaillait 16 heures par semaine.
  3. [14] L’appelante affirma que pour l’année civile 2015, elle gagna 13 693 $. Elle confirma qu’elle était encore au travail avec ce même employeur à la date de l’audience. Elle fit valoir qu’elle pourrait avoir à couper ses heures dans le futur, car elle trouve que c’est difficile. Elle ajouta qu’elle planifie déménager en Colombie-Britannique prochainement et qu’elle espère pouvoir continuer de travailler pour le même employeur.

[20] En ce qui a trait à la question de l’employeur bienveillant, le membre s’y référa, comme suit, seulement dans son résumé de la preuve de la demanderesse :

[traduction]
[15] L’appelante affirma que de son point de vue elle ne travaille pas pour un employeur bienveillant. Elle expliqua qu’elle tire cette conclusion, car la description du poste était déjà existante, et que l’employeur n’avait pas modifié les tâches à accomplir pour accommoder l’appelante.

[21] Dans sa demande de permission d’en appeler, la demanderesse affirme ce qui suit :

[traduction]
Je n’ai pas affirmé que « de son point de vue je ne travaille pas pour un employeur bienveillant. » J’ai affirmé que ma situation est « similaire à celle de travailler pour un employeur bienveillant », j’ai seulement été chanceuse de trouver un travail qui satisfait mes besoins plutôt que ce soit mon employeur qui ait besoin de faire des adaptations pour moi. La petite quantité de travail répartie durant la journée, comme décrite précédemment, est en partie ce qui rend cet emploi similaire à travailler pour un employeur bienveillant, pas un emploi régulier sur le marché du travail. [mis en évidence par le soussigné] (AD1-6)

[22] Le membre n’a pas tiré de conclusion à savoir si la demanderesse travaillait pour un employeur bienveillant. Sa conclusion, voulant que son travail constituât une occupation véritablement rémunératrice, était basée sur les caractéristiques de son emploi qu’il détermina être une occupation véritablement rémunératrice.

[23] Dans l’affaire Atkinson c. Canada (Procureur général), 2014 CAF 187, la Cour d’appel fédérale a précisé ce qui suit :

[3] La définition de l’invalidité consacrée par le RPC est très restrictive ; l’accent est mis sur les limites physiques et mentales qui altèrent la capacité de travail du prestataire. Ainsi, les personnes atteintes de problèmes de santé graves et prolongés peuvent être inadmissibles à des prestations d’invalidité si elles sont jugées capables de détenir une occupation régulière véritablement rémunératrice. [mis en évidence par le soussigné]

[24] Dans ses motifs, la division générale reconnaissait que la demanderesse devait faire face à des défis de santé significatifs et prolongés. Cependant, le membre a conclu qu’ [traduction] « Elle était incapable de conserver son emploi à temps plein précédent, mais elle avait été capable d’obtenir et de garder un emploi véritablement rémunérateur en travaillant à la maison pour une organisation de soins à domicile » (paragraphe 26). Conformément à l’arrêt Miller c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 237, le membre conclut que la demanderesse avait la capacité d’occuper régulièrement une occupation rémunératrice et que ceci constituait l’antithèse même d’une invalidité grave et prolongée.

[25] En l’espèce, je ne peux être d’accord avec la demanderesse à savoir que la division générale fit une erreur d’examen en concluant que la demanderesse était capable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. Cette conclusion a été clairement appuyée avec les éléments de preuve exposés dans les motifs. Je note que la demanderesse reconnaît dans sa demande que l’information qui apparaît au paragraphe 13 est correcte (AD1-5). Sa position est que, même si elle travaillait quelques quarts de travail de 12 heures, elle avait besoin de moins travailler que ça, car elle avait un poste sur appel qui lui permettait de travailler en petites étapes durant la journée. Ceci, à son avis, veut dire que ce n’était pas [traduction] un emploi « normal » ou « régulier » et par conséquent le membre a erré en concluant que son travail constituait une occupation véritablement rémunératrice.

[26] Le critère permettant d’évaluer si une invalidité est « grave » ne consiste pas à déterminer si la demanderesse souffre de graves affections, mais plutôt à déterminer si son invalidité « l’empêche de gagner sa vie » (voir : Granovsky c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [2001] 1 R.C.S. 703, paragraphes 28 et 29). En d’autres termes, c’est la capacité de la demanderesse à travailler et non le diagnostic de sa maladie qui détermine la gravité de l’invalidité en vertu du RPC. Comme corollaire à ce principe, la détermination de la gravité de l’invalidité n’est pas fondée sur l’incapacité de la demanderesse d’occuper son emploi régulier, mais plutôt sur son incapacité d’effectuer un travail, c’est-à-dire « une occupation véritablement rémunératrice » (voir l’arrêt Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Scott, 2003 CAF 34, aux paragraphes 7 et 8).

[27] Le terme « employeur bienveillant » n’est pas défini dans le RPCNote de bas de page 1. Pourvu qu’il applique de façon appropriée la loi aux éléments de preuve qui lui ont été présentés, il en revenait entièrement au membre de conclure que la demanderesse avait la capacité de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice sans aucune référence au fait qu’elle travaillait ou non pour un « employeur bienveillant », un terme qui n’est pas défini dans le RPC.

[28] En considérant le résumé des éléments de preuve fait par le membre au sujet du travail de la demanderesse avec l’organisation de soins à domicile (voir précédemment au paragraphe 19), son employeur ne fit aucune adaptation pour la demanderesse. Dans sa demande, la demanderesse n’a pas réfuté l’observation voulant que [traduction] « la description du poste existait déjà et l’employeur n’a pas modifié les tâches pour accommoder la demanderesse », tel que présenté dans les motifs (paragraphe 15). Elle confirme, dans sa propre description des éléments de preuve faite lors de l’audience, que l’employeur n’avait pas modifié l’emploi pour elle. Dans les observations qu’elle a soumises dans sa demande, elle fait valoir [traduction] « j’ai été chanceuse de trouver un emploi qui satisfait mes besoins plutôt que ça soit mon employeur qui ait à faire des mesures d’adaptation pour moi » (AD1-6).

[29] Il n’y a pas d’éléments de preuve soumis à la division générale qui indiquerait que l’employeur de la demanderesse a varié les conditions de travail ou qu’il s’attendait à moins de la part de la demanderesse comparativement aux autres employés occupant le même poste.

[30] J’ai conclu que les arguments de la demanderesse à savoir que le membre de la division générale aurait dû conclure qu’elle était à l’emploi d’un employeur bienveillant, et par conséquent qu’il erra en concluant qu’elle était capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, n’ont pas une chance raisonnable de succès.

[31] La demanderesse fit aussi valoir que le membre erra lorsqu’il affirma (au paragraphe 12) qu’elle avait commencé à chercher du travail en juin 2013, car elle ne commença pas avant juin 2014. Il est vrai que le membre a affirmé qu’elle cherchait du travail entre juin 2013 et octobre 2014 lorsqu’elle obtint une position avec l’organisation de soins de santé à domicile. Cependant, rien dans la décision du membre traite de la date à laquelle la demanderesse commença à chercher du travail ; pour cette raison, il ne peut être dit que la division générale basa sa décision voulant que son invalidité n’était pas sévère sur une conclusion de fait erronée. Je considère que ce moyen n’a pas de chance raisonnable de succès en appel.

[32] Pour ce qui est du paragraphe 27 des motifs, la demanderesse fait valoir (AD1-6) :

La conclusion à savoir que j’avais mis du temps à trouver un emploi à cause du marché du travail n’est pas une déclaration exacte. Je mis six mois à trouver quelque chose, pas à cause du marché du travail, mais à cause du nouveau niveau de limites de ma capacité à faire des choses depuis que je ne prends plus de stimulants (limites qui n’ont pas été présentées correctement et complètement dans les éléments de preuve). Plusieurs emplois « normaux » qui étaient à temps partiel pour quelques heures par semaine étaient offerts, mais à cause de mes limites graves liées à mon invalidité, je n’étais pas capable de faire ce type de travail. Le fait que j’ai pu trouver quelque chose que je peux faire était seulement un coup de chance.

[33] Dans ce qui suit, je traite de l’affirmation de la demanderesse voulant qu’au paragraphe 39, le membre n’ait pas présenté correctement n’y complètement ses limites en ce qui a trait à la prise de stimulants.

[34] Dans ses motifs, le membre détermina que la demanderesse avait mis un certain temps pour trouver un emploi convenable [traduction] « à cause du peu de postes offerts et des conditions du marché du travail » (paragraphe 27). Le membre de la division générale a correctement cité et appliqué la loi précisant que les facteurs socioéconomiques, incluant les conditions du marché du travail, ne sont pas pertinents pour déterminer si une personne est invalide au sens du RPC : Canada (Ministre du développement des ressources humaines) c. Rice, 2002 CAF 47. Le terme « conditions du marché du travail » réfère à l’état du marché d’emplois, qui inclut les différents types de postes qui sont disponibles à un moment donné. Le membre prit en considération qu’une raison pour laquelle la demanderesse mit du temps à trouver un emploi convenable était liée au manque de postes appropriés pour ses limites. Il appliqua correctement la loi en concluant qu’il n’était pas pertinent de déterminer si elle satisfaisait au sens d’invalidité prévu par le RPC. J’estime que cet argument ne soulève aucun motif défendable qui pourrait donner gain de cause à l’appel.

Motifs — paragraphes 10-11 et 16

[35] La demanderesse conteste un certain nombre de points de l’évaluation de la preuve médicale faite par le membre (aux paragraphes 10-11 et 16). Elle affirme que le membre n’a pas mentionné dans les motifs le fait qu’elle a du microsommeil et un comportement automatique qui ont [traduction] « un impact maximal sur sa capacité de faire de choses » et, par conséquent, ceci aurait dû être souligné. Elle dit aussi qu’il n’y avait pas [traduction] « de référence au fait qu’elle ne prenait plus de stimulants » et qu’elle [traduction] « n’est pas capable de prendre plus que de faibles doses de stimulants à cause de problèmes cardiaques : tachycardie [...] et palpitations. »

[36] Dans l’arrêt Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82, la Cour d’appel fédérale examina l’argument du demandeur voulant que la Commission d’appel des pensions avait ignoré, accordé trop de poids, mal compris ou mal interprétés la preuve médicale. En rejetant la demande de contrôle judiciaire, la Cour déclara ce qui suit :

Premièrement, un tribunal n’est pas tenu de mentionner dans ses motifs chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés, mais il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve. Deuxièmement, le poids accordé à la preuve, qu’elle soit orale ou écrite, relève du juge des faits. Ainsi, une cour qui entend un appel ou une demande de contrôle judiciaire ne peut pas en règle générale substituer son appréciation de la valeur probante de la preuve à celle du tribunal qui a tiré la conclusion de fait contestée. [...]

[37] Ainsi, il est établi en droit qu’un tribunal administratif chargé de tirer des conclusions n’est pas tenu de mentionner dans ses motifs chacun des éléments de preuve, mais qu’il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve. La présomption peut être réfutée si une demanderesse peut établir que la preuve avait une telle valeur probante que le décideur se devait de la prendre en considération.

[38] En l’espèce, le membre était clairement au fait que les effets de la maladie de la demanderesse étaient significatifs, causant des restrictions de sa capacité à travailler à temps plein et à participer dans les activités quotidiennes de la vie. Le fait qu’il ne s’est pas référé explicitement au microsommeil et au comportement automatique ne permet pas de conclure que son interprétation constatant que la demanderesse était capable d’occuper régulièrement une occupation rémunératrice était une erreur susceptible de révision.

[39] Pour ce qui est de la capacité de la demanderesse à prendre des stimulants pour soigner sa condition, elle affirme dans ses observations : « je ne suis pas capable de prendre plus qu’une faible dose de stimulants à cause de mes problèmes cardiaques » (AD1-6). Elle estime que le membre n’a pas tenu compte de ceci. Je ne peux être d’accord : le membre mentionna (au paragraphe 16) le fait que la demanderesse ne pouvait prendre que de faibles doses de stimulants à cause [traduction] « d’effets secondaires tels que des tremblements et des migraines » et que ceux-ci exacerbaient les symptômes de tachycardie. Il a clairement compris que la demanderesse ne pouvait prendre que de faibles doses de stimulants. J’estime qu’il n’y a aucun fondement sur lequel conclure que le membre a commis une erreur susceptible de révision concernant cet aspect de la condition de la demanderesse.

[40] Après avoir pris en considération la totalité des allégations de la demanderesse, je ne vois pas de chance raisonnable de succès au motif voulant que la division générale ait commis une erreur en ce qui a trait à la preuve médicale comme le prévoit l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS.

Motifs — paragraphes 29 et 30

[41] La demanderesse soutient (au paragraphe 29 des motifs) : [traduction] « Prétextant que je suis jeune et éduquée, et par conséquent j’ai des compétences transférables que je pourrais utiliser, est de l’âgisme et de la discrimination. » En ce qui a trait à cette allégation, la demanderesse affirme : « je reconnais que j’ai des compétences, mais ce paragraphe (paragraphe 29 des motifs) ne reflète pas le fait qu’à cause de mon nouvel état de santé, sans prise de médicament, je ne suis plus capable physiquement et cognitivement de faire quoi que ce soit avec ces compétences. » La demanderesse ajoute en exprimant son désaccord avec les conclusions des motifs au paragraphe 30, car dans un contexte réaliste, elle [traduction] « n’est pas capable de faire les choses lui permettant d’utiliser ses compétences et son éducation, et d’obtenir un emploi et d’exécuter le travail » (AD1-7).

[42] Bien que formulé en termes de discrimination, l’essence de l’argument de la demanderesse est que le membre erra dans l’application des facteurs identifiés par la Cour fédérale d’appel dans l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), [2002] 1 RCF 130, 2001 CAF 248, car il n’a pas tenu compte de l’importance des limites imposées par son état. Si le membre avait appliqué les facteurs de l’arrêt Villani incorrectement, ceci aurait constitué une erreur de droit comme prévu à l’alinéa 58(1)b) de la LMEDS.

[43] Dans l’arrêt Villani, la cour a conclu :

[38] [...] sous-alinéa 42(2)a)(i) [du RPC] donne fortement à penser que le législateur avait l’intention d’appliquer l’exigence concernant la gravité de l’invalidité dans un contexte « réaliste ». Exiger d’un requérant qu’il soit incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice n’est pas du tout la même chose que d’exiger qu’il soit incapable de détenir n’importe quelle occupation concevable. Chacun des mots utilisés au sous-alinéa doit avoir un sens, et cette disposition lue de cette façon indique, à mon avis, que le législateur a jugé qu’une invalidité est grave si elle rend le requérant incapable de détenir pendant une période durable une occupation réellement rémunératrice. À mon avis, il s’ensuit que les occupations hypothétiques qu’un décideur doit prendre en compte ne peuvent être dissociées de la situation particulière du requérant, par exemple son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie. [en italique dans l’original, mis en évidence en soulignant fait par le soussigné]

[44] La conclusion cruciale du membre est, qu’à la date de fin de la PMA, l’invalidité de la demanderesse n’était pas grave aux termes du RPC, car elle occupait régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. À la date de fin de la PMA et à la date de l’audience, la demanderesse travaillait pour l’organisation de soins à domicile tel que décrit dans les paragraphes 12 à 14 des motifs. L’application des facteurs de l’arrêt Villani par le membre doit être examinée dans ce contexte. Je suis incapable de conclure que son application des facteurs de l’arrêt Villani, dans la situation de la demanderesse, est déraisonnable ou n’est pas appuyée par la preuve. La façon avec laquelle le membre a tenu compte des facteurs identifiés par la Cour fédérale d’appel dans l’arrêt Villani ne supporte pas l’allégation de discrimination ou de partialité. Je considère que ce moyen n’a pas de chance raisonnable de succès en appel.

[45] J’ai gardé à l’esprit la décision de la Cour fédérale dans l’affaire Griffin v. Canada (Procureur général), 2016 CF 874, dans laquelle le juge Boswell a fourni des directives sur la façon dont la division d’appel devrait traiter les demandes de permission d’en appeler :

[20] Il est bien établi que c’est à la partie demandant l’autorisation d’interjeter appel qu’il incombe de produire l’ensemble des éléments de preuve et des arguments requis pour satisfaire aux exigences du paragraphe 58(1) : voir, par exemple, Tracey, précitée, au paragraphe 31 ; voir aussi Auch c. Canada (Procureur général), 2016 CF 199 (CanLII), au paragraphe 52, [2016] ACF no 155. Néanmoins, les exigences prévues au paragraphe 58(1) ne devraient pas être appliquées de façon mécanique ou de façon sommaire. Au contraire, la division d’appel devrait examiner les rapports sous-jacents et déterminer si la décision n’avait pas tenu compte des éléments de preuve : Karadeolian c. Canada (Procureur général), au paragraphe 10, [2016] ACF No 615.

[46] J’ai examiné le dossier sous-jacent et je n’ai relevé aucune occurrence où le membre de la division générale n’aurait pas tenu compte correctement d’éléments de preuve.

Décision

[47] Après avoir considéré les observations de la demanderesse et le dossier sous-jacent, j’ai conclu que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Par conséquent, la demande de permission d’interjeter appel est rejetée.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.