Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Motifs et décision

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler d’une décision de la division générale du 2 août 2016 dans laquelle on conclut que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada puisque la division générale a jugé que son invalidité n’était pas « grave » avant ou à la date de fin de la période minimale d’admissibilité de la demanderesse, le 31 décembre 2015.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès ?

Analyse

[3] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[4] Le demandeur soutient que la division générale a commis une erreur en vertu de ces moyens d’appel.

[5] Avant de pouvoir accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincu que les motifs d’appel se rattachent à l’un des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale a confirmé cette approche dans la décision Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

(a) Erreur de droit

Ensemble de la preuve

[6] Le demandeur soutient que la division générale n’a pas tenu compte de l’ensemble de la preuve portée à sa connaissance particulièrement en omettant de considérer ses problèmes physiques et mentaux.

[7] La division générale déclara dans la section concernant la preuve que le demandeur avait affirmé souffrir de dépression et que son médecin de famille lui avait prescrit des antidépresseurs [traduction] « il y a cinq ou six mois », ce qui coïncide avec la fin de la période minimale d’admissibilité. La division générale nota qu’il n’avait pas été référé à des spécialistes pour sa dépression. La division générale consigna que la mère du demandeur avait aussi témoigné à savoir que le demandeur souffrait de dépression. La division générale a aussi constaté que le médecin de famille avait donné au demandeur un diagnostic de dépression accompagné d’autres maladies.

[8] Au paragraphe 76, la division générale a indiqué qu’elle avait considéré la totalité des problèmes de santé et avait conclu qu’ensemble ceux-ci ne prévenaient pas le demandeur de détenir, selon ses limites, une occupation véritablement rémunératrice. Cependant, au paragraphe 74 où la division générale reconnut que le demandeur avait des problèmes de santé multiples, elle lista que ceux-ci incluaient seulement [traduction] « hanche, genou, dos, arthrite et troubles d’apprentissage. » Bien qu’il y ait quelques éléments de preuve, toutefois limités, concernant les problèmes de santé mentale du demandeur, la division générale n’y fit pas référence et, de toute évidence, ne les prit pas en compte dans son analyse. En conséquence, je suis d’avis que le demandeur a soulevé une cause défendable selon laquelle la division générale pourrait ne pas avoir considéré la preuve dans son intégralité dans son analyse et, pour ce motif, je suis prêt à accorder la permission d’en appeler.

[9] Le demandeur a invoqué plusieurs autres motifs en appui à sa demande de permission d’en appeler. La Cour d’appel fédérale a déterminé, dans l’arrêt Mette v. Canada (Procureur général), 2016 CAF 276, qu’il n’est pas nécessaire que la division d’appel traite de tous les moyens d’appel invoqués par un demandeur. Comme j’ai déjà accordé la permission d’en appeler, il n’est pas nécessaire d’examiner chaque moyen à cette étape, toutefois je vais faire des commentaires sur certains.

Caractère prolongé

[10] Le demandeur ajoute que la division générale était tenue de déterminer si son invalidité avait été prolongée à sa date de fin de la période minimale d’admissibilité.

[11] La division générale a déterminé qu’il n’était pas nécessaire de tirer une conclusion sur le critère du caractère prolongé. Une invalidité est prolongée si on considère qu’elle va vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès. Le critère relatif à l’invalidité comporte deux volets, et un requérant qui ne satisfait pas à l’un ou l’autre des aspects de ce critère en deux volets n’aura pas satisfait aux exigences relatives à l’invalidité conformément au Régime de pensions du Canada. Il n’est pas nécessaire de procéder à une analyse sous l’angle du caractère prolongé alors que la demanderesse n’a pas démontré qu’elle était gravement invalide. La Cour d’appel fédérale a affirmé ce qui suit au paragraphe 10 de l’arrêt Klabouch c. Canada (Développement social), 2008 FCA 33 :

[...] Les deux exigences de l’alinéa 42(2)a) du [Régime de pensions du Canada] sont cumulatives, de sorte que si un demandeur ne satisfait pas à l’une ou l’autre condition, sa demande de pension d’invalidité en vertu du [Régime de pensions du Canada] sera rejetée.

[12] De plus, dans l’arrêt McCann c. Canada (Procureur général), 2016 CF 878, la Cour fédérale a affirmé que « […] le fait de traiter d’un seul élément du critère et de ne pas rendre de conclusion sur le second […] ne constitue pas une erreur […] ». La Cour fédérale a conclu que l’argument de monsieur McCann, selon lequel la division d’appel aurait dû lui accorder la permission d’en appeler au motif que la division générale n’avait pas examiné le caractère « prolongé » faisant partie du critère relatif à l’invalidité, était voué à l’échec.

[13] Parce que la division générale avait conclu que le demandeur n’était pas gravement invalide, il n’est pas nécessaire de déterminer si l’invalidité du demandeur pourrait être considérée comme prolongée. Cette question ne soulève pas une cause défendable.

(b) Manquement à la justice naturelle

[14] Le demandeur soutient que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle lorsqu’elle ne lui a pas accordé une audience équitable. En particulier, le demandeur prétend qu’il a été victime de discrimination de la part de la division générale sur la base de son âge, ses troubles d’apprentissage et ses limites. Le demandeur précise qu’il a de la difficulté à expliquer ses douleurs physiques chroniques et son état de santé, et qu’un examen en profondeur de son dossier est nécessaire. Toutefois, sans faits sous-jacents pour appuyer cette allégation, rien ne permet de conclure que le membre a fait preuve de discrimination envers lui.

[15] Bien qu’il soit vrai que la division générale a tenu compte de l’âge du demandeur, de ses troubles d’apprentissage et de ses limites, elle l’a fait dans le contexte de l’évaluation de la gravité de l’invalidité du demandeur. La Cour d’appel fédérale a constamment conclu qu’une évaluation doit avoir une approche [traduction] « réaliste », qui tient compte de la situation particulière du prestataire : Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248 et Bungay c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47. Il était tout à fait indiqué que la division générale considéra la situation particulière du demandeur lorsqu’elle évalua la gravité de son invalidité.

(c) Conclusions de fait erronées

[16] Le demandeur a identifié plusieurs conclusions de fait prétendues erronées. Cependant, pour se rattacher à l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS, il faut que la division générale ait fondé ses conclusions sur ce constat et que celui-ci ait été fait de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à la connaissance de la division générale.

[17] Généralement, les éléments de preuve se retrouvent sous la rubrique « Preuve », tandis que les conclusions de fait sont sous la rubrique « Analyse » ; souvent un membre peut ne pas faire de conclusions de fait avec certains éléments de preuve. Même si la division générale a mal exposé des éléments de preuve, pourvu que sa décision n’ait pas été fondée sur cela, ces énoncés incorrects ne constituent pas une conclusion de fait erronée dans la perspective de l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS. Par exemple, le demandeur prétend que la division générale fit une erreur au paragraphe 16 en soulignant qu’il [traduction] « utilisa un déambulateur pendant une semaine à l’hôpital, » quand en fait il n’y a été que deux jours. La division générale n’a pas fondé sa décision sur le fait qu’elle avait compris que le demandeur avait utilisé un déambulateur durant une semaine à l’hôpital. Le fait, voulant que le demandeur ait passé deux jours ou une semaine à l’hôpital, n’est pas pertinent et, par conséquent, il ne constitue pas une conclusion de fait erronée.

[18] Il y a d’autres exemples de conclusions de fait prétendument erronées, incluants : au paragraphe 9, où la division générale a écrit que le demandeur affirma qu’il a un trouble du déficit de l’attention (TDA), ce qu’il nie ; aux paragraphes 10 et 12, où la division générale a écrit que le demandeur travaillait depuis 1984 ; au paragraphe 35, où la division générale indiqua que le demandeur conduit un camion et une motocyclette ; au paragraphe 22, où la division générale écrit que l’emploi du demandeur a été délocalisé à X en avril 2014.

[19] Je n’ai pas écouté l’enregistrement sonore pour vérifier le témoignage du demandeur en ce qui a trait à la nature de son trouble d’apprentissage et pour déterminer si le demandeur a affirmé qu’il avait un TDA ou si c’était une opinion énoncée par le membre. Toutefois, je considère que ce fait est sans conséquence, parce que la division générale n’a pas fondé sa décision sur le fait que le demandeur a ou n’a pas un TDA.

[20] De même, bien que la division générale ait clairement commis une erreur en écrivant que le demandeur travaillait depuis 1984, alors qu’il n’avait que 11 ans, la division générale ne fonda pas sa décision sur la question à savoir quand le demandeur entra dans le marché du travail. Il est plus que probable que ces références à 1984 soient des erreurs typographiques. En fin de compte, au paragraphe 31, la division générale nota que le demandeur avait affirmé dans sa demande de pension d’invalidité qu’il avait terminé sa douzième année [5e secondaire] en 2014 et qu’il avait travaillé dans un entrepôt entre février 1994 et octobre 2013.

[21] Au paragraphe 35, la division générale a écrit que le demandeur conduit un camion et une motocyclette, mais il nie avoir conduit une motocyclette au cours des dix dernières années, ou à peu près. Outre le fait que la division générale n’a pas fondé sa décision à savoir si le demandeur avait continué ou non de conduire des motocyclettes, le paragraphe 35 traite exclusivement des conclusions et opinions énoncées dans un rapport d’un groupe de counseling professionnel daté du 22 novembre 2005.

[22] Le demandeur affirme que son emploi a été délocalisé en 2004 plutôt qu’en 2014. Au paragraphe 69, la division générale semble faire allusion au fait que ce travail n’était plus disponible, mais finalement la division a convenu que les exigences de cet emploi surpassaient les capacités physiques du demandeur. Autrement dit, la division générale n’a pas fondé sa décision à savoir quand l’emploi a pu être délocalisé, par conséquent ce fait n’est pas non plus pertinent.

[23] Une grande partie de la demande de permission d’en appeler du demandeur est composée d’arguments en réponse à la décision de la division générale. Essentiellement, le demandeur demande que la division d’appel réévalue et réexamine la preuve concernant sa douleur et ses limites pour en arriver à une conclusion différente sur son admissibilité à une pension d’invalidité. Cependant, comme la Cour fédérale l’a établi dans l’affaire Tracey, ce n’est pas le rôle de la division d’appel d’examiner de nouveau la preuve pour déterminer si la permission d’en appeler devrait être accordée ou refusée, car une nouvelle appréciation ne correspond à aucun des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS. Comme la Cour fédérale l’a également conclu dans l’affaire Hussein v. Canada (Procureur général), 2016 CF 1417, [traduction] « l’évaluation et l’examen de la preuve sont au cœur du mandat et de la compétence de la [division générale]. Ses décisions doivent faire preuve d’une importante déférence. »

[24] Comme je l’ai indiqué précédemment, il n’est pas nécessaire pour moi d’analyser chacun des arguments restants, car je suis disposé à accorder la permission d’en appeler.

Conclusion

[25] La demande de permission d’en appeler est accueillie, bien que cette décision ne présume aucunement du succès de l’appel.

[26] Conformément au paragraphe 58(5) de la LMEDS, la demande de permission d’en appeler est ainsi assimilée à un avis d’appel. Dans les 45 jours suivant la date de cette décision, les parties peuvent a) soit déposer des observations auprès de la division d’appel, b) soit déposer un avis auprès de la division d’appel précisant qu’elles n’ont pas d’observations à déposer. Les parties peuvent joindre des observations concernant le mode d’audience à privilégier pour l’instruction de l’appel (ex. téléconférence, vidéoconférence, en personne ou basée sur les observations écrites présentées par les parties) avec les observations sur le fond de la cause en appel.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.