Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Aperçu

[1] Le 19 juin 2015, l’appelante a présenté une demande de pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC). L’appelante prétendait être invalide en raison d’une douleur chronique au bas du dos et de restrictions à l’épaule droite découlant d’une blessure liée au travail. Selon l’intimé, la preuve ne permet pas de conclure que l’appelante était invalide au sens du RPC à l’échéance de sa période minimale d’admissibilité (PMA) ou avant cette date et qu’elle l’est demeurée par la suite.

[2] L’intimé a rejeté la demande au stade initial et après révision. L’appelante a interjeté appel de la décision de révision devant le Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal).

[3] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, l’appelante doit remplir les exigences prévues au RPC. L’appelante doit, plus précisément, être réputée invalide au sens du RPC à l’échéance de sa PMA ou avant cette date. Le calcul de la PMA est fondé sur les cotisations que l’appelante a versées au RPC. Le Tribunal constate que la PMA de l’appelante a pris fin le 31 décembre 2005.

[4] L’appel a été instruit par comparution en personne pour les raisons suivantes :

  1. L’appelante sera la seule partie qui participe à l’audience;
  2. Les questions en litige ne sont pas complexes;
  3. L’information au dossier est complète et ne nécessite aucune clarification;
  4. Ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[5] Les personnes suivantes ont pris part à l’audience :

S. N., appelante

S. M., mère de l’appelante

Personne n’a comparu pour l’intimé.

[6] Pour les motifs exposés ci-dessous, le Tribunal a conclu que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité du RPC.

Preuve

[7] L’appelante est âgée de 51 ans. Elle a terminé une 12e année puis a étudié à la International Academy of Merchandizing and Design pour devenir une créatrice de mode. Elle est ensuite devenue mère au foyer. Elle a déménagé à X puis à X. L’appelante a témoigné qu’elle avait travaillé à temps plein, en 2001, comme opératrice de presse pour Tran Industries, une division de Magna (un fabricant de pièces automobiles). C’était un emploi exigeant sur le plan physique. En 2011, elle avait subi une blessure indemnisable à l’épaule et avait commencé un programme de réadaptation avec l’aide de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents de travail (CSPAAT).

[8] Durant le programme de six ans, elle a suivi un programme d’éducation pour adultes afin de perfectionner ses compétences en mathématiques, en sciences et en anglais. Elle a ensuite suivi et terminé un programme de certificat de trois ans en décoration intérieure (2009) au Collège Fanshawe. En 2010, elle a obtenu un emploi chez Casey’s Creative Kitchens où elle devait pouvoir mettre en pratique le métier qu’elle avait choisi. En y travaillant comme remplaçante d’employé en congé de maternité de 8 mois et demi, elle avait appris un programme informatique de décoration intérieure, mais avait principalement été affectée au service à la clientèle. Elle a témoigné qu’il n’y avait pas de travail à X lui permettant d’utiliser ses compétences en décoration intérieure et qu’elle devait aller à Kitchener ou à Toronto si elle voulait travailler dans ce domaine. Elle ne l’a pas fait. Elle avait cherché du travail à X pendant la période où elle avait touché des prestations régulières d’assurance-emploi, qui l’obligeaient à le faire.

[9] En juillet 2011, elle a obtenu un emploi à la boulangerie X. Elle y avait fait du travail de cuisinière à la chaîne. Le rythme de cet emploi était intense mais elle avait rapporté ne pas avoir eu de difficulté à répondre aux exigences de l’emploi. Elle a témoigné qu’elle y travaillerait probablement encore si elle n’avait pas été impliquée dans un accident de la route, le 13 novembre 2011. Dans sa demande, elle a déclaré se sentir incapable de travailler depuis novembre 2011 (après l’accident) en raison d’une douleur chronique au bas du dos et de restrictions à l’épaule droite. Elle a affirmé qu’elle prenait régulièrement du Tylenol avant l’accident, lorsque sa douleur à l’épaule droite s’intensifiait occasionnellement. Depuis son accident de la route, les médicaments qu’elle prenait étaient moins conservateurs.

[10] En 2010, elle a versé des cotisations au RPC en touchant de gains supérieurs au seuil d’une occupation véritablement rémunératrice (17 681 $). En 2011, ses gains avaient aussi été supérieurs au montant mensuel véritablement rémunérateur, correspondant aux 4,5 mois de travail qu’elle avait déclarés. Ce travail avait été fait après le dernier mois lui permettant d’être admissible à une pension d’invalidité, soit décembre 2005.

[11] L’appelante a soumis un questionnaire daté du 12 juin 2015 à l’appui de sa demande. Dans ce questionnaire, elle affirme que des restrictions à l’épaule droite (tendinite), des problèmes au dos et une douleur chronique sont les déficiences qui l’empêchent de travailler. Son dernier employeur était la boulangerie X, pour qui elle avait fait du travail de cuisine de juillet à novembre 2011. Elle a noté qu’elle avait cessé toute activité (passe-temps, etc.) le 13 novembre 2011. Elle a noté une blessure liée au travail remontant à 2001 et qui avait donné lieu à une demande d’indemnisation auprès de la CSPAAT. En date de 2015, ses limitations fonctionnelles étaient les suivantes :

  1. position debout ou assise pendant au plus 30 minutes;
  2. marche lente sur deux ou trois pâtés de maisons;
  3. transport d’objets de moins de cinq livres;
  4. extension limitée de l’épaule droite (restriction);
  5. inclinaison du corps limitée;
  6. difficulté à répondre à ses besoins personnels (manger, laver ses cheveux, s’habiller, etc.);
  7. vessie et transit irréguliers;
  8. aide nécessaire pour l’entretien ménager (préparation des repas, nettoyage, courses, et activités personnelles semblables);
  9. douleur remarquée au réveil;
  10. conduite pour se rendre chez le physiothérapeute et à ses rendez-vous.

[12] Elle a affirmé ne plus être capable de travailler pour des raisons de santé depuis le 13 novembre 2011. Le questionnaire ne mentionnait pas son état fonctionnel en date de décembre 2005.

Rapport médical intial

[13] La demande de pension d’invalidité était accompagnée d’un « rapport médical initial » daté du 25 mai 2015. Le docteur Bhooma Bhayana (médecin de famille) a établi un diagnostic de grave douleur chronique chez l’appelante, qui avait débuté avec la blessure à son épaule indemnisée par la CSPAAT (restriction statique) en 2001, et qui l’empêche de soulever des objets ou de faire du travail répétitif avec ses membres supérieurs. En 2011, elle s’était ensuite blessée au bas du dos dans un accident de la route, et avait depuis des maux de tête post-traumatiques. Le médecin note que l’amplitude du mouvement de la colonne lombaire de sa patiente est très limitée, et qu’elle a une sensibilité au niveau des facettes vertébrales lombaires et des muscles paradorsaux de son cou et du haut de son dos. Elle est incapable de rester assise ou debout pendant plus de 30 minutes. Elle ne peut pas soulever des objets ou se pencher de façon répétitive. Son épaule l’empêche de soulever des objets ou de faire du travail répétitif avec ses membres supérieurs. Elle ne peut faire aucune tâche ménagère comme passer l’aspirateur ou faire la lessive, et sa douleur limite sa capacité à prendre soin d’elle. Des traitements pour soulager sa douleur lui sont administrés en clinique, notamment des injections dans ses facettes vertébrales lombaires pour son dos. Des antidouleurs et des anti-inflammatoires lui sont prescrits. Elle fait de la physiothérapie de façon régulière. Selon son pronostic, elle est atteinte du syndrome de douleur chronique et il est peu probable que son état s’améliore au fil du temps. Elle continuera vraisemblablement d’avoir des limitations chroniques permanentes et, conséquemment, d’être incapable de reprendre un emploi rémunérateur. Le rapport ne sépare pas l’état fonctionnel et la capacité de travail pour la période précédant l’accident de la route.

Rapports médicaux supplémentaires

[14] L’appelante a consulté plusieurs spécialistes pour la douleur au bas du dos dont elle se plaignait, résultant de son accident de la route du 13 novembre 2011. Il y a peu de rapports médicaux et de résultats objectifs rapportés entre 2001 et 2011 en ce qui concerne sa blessure à l’épaule indemnisée par la CSPAAT. Le docteur Mendonca, neurologue, [juin 2012, GD1-10 à 11] l’avait examinée relativement à la douleur et à l’engourdissement à la jambe gauche dont elle disait souffrir. Le docteur Mendonca a rapporté que les résultats de l’examen étaient essentiellement normaux et que l’électromyogramme avait aussi révélé des résultats normaux. Il a conclu qu’aucun processus neurologique n’avait été décelé.

[15] Le docteur Karnath, un omnipraticien, a évalué l’appelante dans une clinique de traitement de la douleur [novembre 2012]. Il a noté qu’elle avait, jusqu’à son accident de la route, travaillé comme cuisinière à la chaîne, emploi qu’il a qualifié d’intensif. Elle a fait savoir au médecin qu’elle avait été incapable de reprendre un emploi depuis son accident en raison de douleur et des limitations affectant son dos. Le docteur Karnath a observé que sa douleur était de nature neuropathique et suggéré une série de médicaments ainsi que de possibles injections.

[16] L’appelante avait également été évaluée par le docteur Wong, physiatre, à la demande de sa compagnie d’assurance et de son avocat. Le docteur Wong a lui aussi noté qu’elle avait été impliquée dans un accident de la route. Elle avait été examinée à l’hôpital et avait reçu son congé et elle faisait de la physiothérapie depuis. Sa douleur s’était améliorée, jusqu’à l’interruption de ses prestations d’assurance. Le docteur Wong a déclaré qu’elle avait des limitations et une douleur à l’épaule droite avant son accident, mais elle avait dit ne pas avoir besoin de médicaments comme elles étaient de nature légère. Il a rapporté qu’elle faisait des activités autres que son travail avant son accident, notamment de la course à raison de 20 minutes par jour, de la danse et de la natation, ainsi que des activités sociales. Il était écrit dans le questionnaire relatif à sa demande qu’elle avait arrêté ces activités en 2011, après son accident. Les résultats à des examens ont révélé une certaine diminution de l’amplitude de mouvement de sa colonne cervicale, thoracique et lombaire, attribuable à la rigidité et à la douleur. Rien n’avait été décelé sur le plan neurologique. Il était d’avis qu’elle était atteinte des différents problèmes suivants, tous attribuables à son accident de la route de novembre 2011 : une douleur myofaciale modérée, des céphalées cervicogènes, une costochondrite (inflammation du cartilage reliant une côte au sternum), de l’insomnie post-traumatique et une certaine anxiété.

[17] Un traitement par injection avait été administré par le docteur Bhardwaj, physiatre, qui a rapporté [novembre 2014, GD1-28] que l’appelante avait dit qu’elle n’avait pas travaillé pendant un certain temps après s’être blessée à l’épaule au travail en 2001. Lorsqu’elle avait recommencé à travailler, elle ne pouvait plus faire son travail. Elle avait donc arrêté de travailler en 2011. Elle se rappelle avoir reçu des injections de cortisone à l’épaule pour soulager sa douleur et avoir fait de la physiothérapie, et s’être fait imposer des restrictions permanentes pour l’épaule droite, l’empêchant de faire tout travail au-dessus du niveau des épaules ou travail répétitif et de soulever des objets lourds. Après l’accident de la route, il a diagnostiqué une douleur mécanique au bas de son dos et une douleur myofaciale dans sa colonne cervicale et thoracique. Il a recommandé des injections à L3-L4 et L4-L5. Elle a rapporté que les dernières injections administrées le 21 octobre 2014 avaient exacerbé sa douleur pendant environ un jour; cependant, elle s’était ensuite sentie beaucoup mieux et avait été capable de faire bien plus d’activités. Elle a seulement besoin d’analgésiques occasionnellement, entre ses injections.

[18] Le 14 mars 2016, le médecin de famille a déposé une lettre d’appui affirmant que sa patiente était incapable de recommencer à travailler. Il a écrit qu’elle avait subi une blessure à l’épaule en 2001 au travail. Elle avait par la suite développé une douleur chronique et avait d’abord essayé de travailler mais n’en avait pas été capable. Elle avait plus tard essayé de retravailler en 2010, mais avait suivi un autre accident, entraînant chez elle une douleur au dos, au cou et à l’épaule. Elle avait vaillamment essayé de reprendre un emploi, mais avait eu beaucoup de difficulté à travailler compte tenu de son degré de douleur actuel. Elle reçoit toujours des injections aux facettes vertébrales lombaires pour sa douleur chronique. Elle n’est pas capable de reprendre un emploi en raison de sa douleur. Il appuie son appel dans le cadre du RPC.

Observations

[19] L’appelante soutient qu’elle est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. La douleur et le dysfonctionnement découlant d’une blessure de travail affectant son épaule ressurgissent toujours.
  2. Depuis son accident de la route, elle n’a pas été capable de chercher un emploi. Sans cet accident, elle travaillerait sûrement encore.
  3. Sa mère a confirmé son niveau d’invalidité actuel.

[20] L’intimé a soutenu que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité, pour les raisons suivantes qu’il a fournies par écrit :

  1. Les résultats médicaux ne révèlent pas une inaptitude au travail depuis l’échéance de sa PMA en décembre 2015.
  2. Elle s’est recyclée par l’entremise de la CSPAAT et a obtenu un diplôme en 2008, ce qui démontre qu’elle est capable de faire certains types d’emplois en dépit de ses restrictions. Cela a suivi l’échéance de son admissibilité à une pension en 2005. C’est ensuite en 2011 qu’est survenu un accident causant des problèmes médicaux supplémentaires.
  3. Ses activités suivant sa PMA démontrent que, bien qu’elle puisse avoir certaines limitations résiduelles à l’épaule droite, elle s’y était manifestement bien adaptée et n’était pas lourdement handicapée par celles-ci.
  4. Elle a touché des gains véritablement rémunérateurs en 2010 et des gains rémunérateurs en 2011. Le travail qu’elle a fait après sa PMA témoigne d’une capacité de travail, ce qui la rend inadmissible à une pension d’invalidité.

Question en litige

[21] La question que doit trancher le Tribunal, en l’espèce, est de savoir si l’appelante a démontré qu’elle était invalide au sens du RPC à l’échéance de sa PMA, le 31 décembre 2005, ou avant cette date, et qu’elle l’est demeurée de façon continue par la suite.

Analyse

Critères relatifs à une pension d’invalidité

[22] L’appelante doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable, soit selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était invalide au sens du RPC à l’échéance de sa PMA ou avant cette date.

[23] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les conditions d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à une telle pension, un requérant doit :

  1. a) être âgé de moins de 65 ans;
  2. b) ne pas toucher une pension de retraite du RPC;
  3. c) être invalide;
  4. d) avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la PMA.

[24] Conformément à l’alinéa 42(2)a) du RPC, une personne est considérée comme invalide si elle est déclarée atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Période minimale d’admissibilité

[25] Le Tribunal constate que la PMA est le 31 décembre 2005.

Grave

[26] En 2005 (comme aujourd’hui), l’appelante était toujours dans une période d’emploi de sa vie. Elle avait acquis de nouvelles compétences grâce à un programme de recyclage de la CSPAAT, ce qui lui avait permis de décrocher un emploi rémunérateur après sa PMA. Elle maîtrisait très bien l’anglais. Au moment de son accident de la route, elle possédait de nombreuses compétences transférables. Elle a suivi une formation professionnelle avancée et perfectionné ses compétences scolaires grâce au programme de la CSPAAT. Même si ses expériences de travail et de vie étaient limitées, elle possède des compétences professionnelles dans le domaine d’emploi qu’elle a choisi ainsi que de l’expérience en relations avec la clientèle, qu’elle a mises en pratique dans le cadre de son travail après sa PMA. Le critère relatif à la gravité de l’invalidité doit être évalué dans un contexte « réaliste » (Villani c. Canada [Procureur général], 2001 CAF 248). Autrement dit, pour déterminer si une personne est atteinte d’une invalidité grave, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que son âge, son niveau de scolarité, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vie.

[27] Le critère permettant d’évaluer si une invalidité est « grave » ne consiste pas à déterminer si la personne souffre de graves affections, mais plutôt à déterminer si son invalidité l’empêche de gagner sa vie. La gravité d’une invalidité n’est pas fondée sur l’incapacité d’une personne d’occuper son emploi habituel, mais plutôt sur son incapacité d’effectuer un travail, c’est-à-dire une occupation véritablement rémunératrice (Klabouch c. Canada [Développement social], 2008 CAF 33). L’appelante a témoigné qu’elle est limitée dans la plupart des activités physiques de la vie quotidienne, et qu’elle est seulement capable de conduire pour aller à ses rendez-vous et ses séances de physiothérapie. On lui avait prescrit un relaxant musculaire, du Tylenol 3 (analgésique narcotique) et du trazodone (un antidépresseur également utilisé pour favoriser le sommeil). Elle a rapporté qu’elle faisait de la physiothérapie, de l’acupuncture et de l’aquaforme, de la stimulation par ultrasons et de l’électrostimulation, et qu’elle recevait des injections facettaires. Selon le docteur Bhayal [mai 2015], elle avait reçu un diagnostic de [traduction] « trouble de douleur chronique grave » qui était apparu avec sa blessure à l’épaule droite et lui imposait des restrictions permanentes. Il a noté qu’elle avait été impliquée dans un accident de la route en 2011, lui causant une douleur chronique au cou, au haut et au bas du dos, ainsi que des maux de tête post-traumatiques. C’est cet accident qui a bouleversé sa vie.

[28] Elle avait été traitée de façon continue dans une clinique antidouleur, et des traitements supplémentaires étaient envisagés dans son cas. Après s’être blessée en travaillant en 2011, elle s’était recyclée et avait obtenu un diplôme en terminant son programme scolaire et professionnel. Cela démontre qu’elle avait une certaine capacité de travail après l’échéance de son admissibilité. De plus, elle avait déclaré des gains rémunérateurs et véritablement rémunérateurs après l’échéance de son admissibilité. Lorsqu’il y a des preuves d’une capacité de travail, une personne doit démontrer que ses efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé (Inclima c. Canada [Procureur général], 2003 CAF 117). Conformément à cette exigence, elle avait effectivement obtenu des emplois chez Casey’s et X’s, et fait savoir qu’elle y travaillerait encore si l’accident de la route ne s’était pas produit.

[29] L’état d’un requérant doit être évalué dans sa totalité. Toutes les détériorations doivent être examinées, pas seulement les détériorations les plus importantes ou la détérioration principale (Bungay c. Canada [Procureur général], 2011 CAF 47). L’information au dossier révèle que c’est l’accident de la route de 2011 qui a entraîné chez elle une douleur au bas du dos, ainsi qu’une douleur aux fesses, aux genoux, au cou et au haut du dos, ainsi que des maux de tête post-traumatiques. Ces problèmes sont liés à l’accident de 2011, et non à l’incapacité initiale touchant son épaule. Ils sont apparus six ans après l’échéance de son admissibilité à la pension et ne l’empêchaient pas de travailler en date de décembre 2005.

[30] Le Tribunal doit déterminer si la requérante a démontré qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée avant l’expiration de sa PMA, et qu’elle l’est demeurée par la suite. Malgré le témoignage très éloquent de l’appelante et le soutien bienveillant de sa ère, le Tribunal n’en est pas convaincu. Malheureusement, la détérioration de son état après sa PMA n’a aucune pertinence. L’appelante a été examinée et traitée pour des blessures qu’elle a subies dans l’accident de la route du 13 novembre 2011. Elle prétend qu’elle a été incapable de travailler depuis. Les blessures découlant de cet accident ne sont donc pas pertinentes. La preuve de travail rémunérateur en 2010 et 2011 le confirme.

[31] Il existe une jurisprudence pertinente qui appuie la conclusion voulant que l’appelante n’était pas atteinte d’une invalidité grave à l’échéance de sa PMA. Dans Stratton c. MDS (17 octobre 2006), CP 24370 (CAP), la Commission d’appel des pensions a conclu que le fait que monsieur Stratton était allé à l’école pendant deux ans révélait qu’il était capable de faire du travail sédentaire ou léger. En effet, après s’être recyclée, l’appelante avait été capable d’occuper un emploi moins exigeant sur le plan physique, en dépit de ses restrictions. Dans Butler c. MDS (27 avril 2007), CP 21630 (CAP), la Commission d’appel des pensions a examiné l’appel de madame Spencer, qui souffrait de douleur chronique au cou, aux épaules et au dos. La Commission d’appel des pensions a déclaré ceci : « Comme la Commission l’a souvent conclu dans le passé, la douleur chronique ou la fibromyalgie ne constituent pas à proprement parler des affections invalidantes au point d’empêcher un patient d’effectuer quelque travail que ce soit. En effet, comme on l’a également constaté, la vaste majorité des personnes atteintes sont en mesure de continuer à travailler, maîtrisant leur douleur grâce à des médicaments, à des traitements passifs, à la pratique d’exercices réguliers et, dans certains cas, à des thérapies visant le contrôle de la douleur. » Cela semblait avoir été le cas pour l’appelante, jusqu’à ce qu’elle se blesse malheureusement davantage dans un accident de la route (après sa PMA).

[32]  Le Tribunal fait la même observation en ce qui concerne l’état de l’appelante avant son accident de la route. Grâce à son recyclage et à sa détermination, l’appelante avait eu une capacité de travailler, qu’elle avait concrétisée en 2010. Il n’existe aucun rapport de l’époque de la PMA du 31 décembre 2005 qui porterait à croire que l’appelante était alors régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Le rapport de décembre 2016 de son médecin de famille appuie quant à lui une conclusion d’invalidité. Cependant, il ne commentait pas sa capacité de travail en date de 2005. Au moment où son médecin de famille a rédigé le rapport, l’appelante avait déjà réussi a terminé un programme de recyclage de trois ans. Rien ne révèle, dans le rapport du médecin de famille, que l’appelante souffrait alors d’une douleur au cou ou au dos ou de maux de tête. La question que le Tribunal doit trancher n’est pas de savoir si l’appelante est actuellement atteinte d’une invalidité grave et prolongée, ni de savoir si elle est devenue invalide après sa PMA du 31 décembre 2015. Il doit plutôt déterminer si l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée avant l’échéance de sa PMA. L’avis du Tribunal tient compte de nombreux facteurs : la réussite d’un programme de recyclage de trois ans après la PMA de l’appelante; l’absence de rapports d’enquête qui auraient révélé une pathologie grave à l’époque de sa PMA; la nature conservatrice des traitements que suivait l’appelante durant sa PMA; la preuve de l’appelante voulant que son état médical ne l’empêchait pas de travailler avant 2011; et la preuve de l’appelante voulant que son état de santé s’était considérablement aggravé après l’échéance de sa PMA, concurremment aux blessures subies dans l’accident de la route.

[33] Il y a une jurisprudence pertinente, comme l’affaire Miller c. Canada (Procureur général), 2007 FAC 237, portant sur une demande de contrôle judiciaire portant sur une décision rendue le 7 octobre 2005 par la Commission d’appel des pensions. La Commission avait confirmé la décision du 27 mai 2004 du tribunal de révision, concluant que madame Miller ne correspondait pas à la définition de l’invalidité à l’échéance de son admissibilité, à la fin de 2000.

[34] La preuve dont disposait la Commission révélait que madame Miller avait repris un emploi et déclaré de gains de plus de 10 000 $ et 38 000 $ pour 2003 et 2004. La Commission est arrivée à la conclusion suivante :

[traduction]
Vu les circonstances, il est impossible à la Commission de conclure que ses limitations physiques découlant de la fibromyalgie et du syndrome de fatigue chronique la rendaient régulièrement incapable de détenir un emploi raisonnablement rémunérateur pour une période longue et indéfinie. La loi ne permet pas de conclure à l’invalidité dans ces circonstances.

La capacité de régulièrement occuper un emploi rémunérateur représente précisément l’antithèse d’une invalidité grave et prolongée, au sens de la loi.

[35] Le Tribunal adopte les motifs de la décision Miller. Conformément à l’article 68.1 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada, « véritablement rémunératrice » se dit d’une occupation qui procure un traitement ou un salaire égal ou supérieur à la somme annuelle maximale qu’une personne pourrait recevoir à titre de pension d’invalidité.

[36] Le Tribunal est convaincu que l’appelante possédait une capacité de travail après sa PMA et que son emploi était le fruit d’un retour au travail réussi. Malheureusement, l’accident de la route ne peut être pris en compte. Il ne peut aider l’appelante à remplir le critère d’admissibilité à une pension d’invalidité en date de décembre 2005. Tout cela mène le Tribunal à sa conclusion. C’est à l’appelante qu’il incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était admissible à une pension d’invalidité du RPC. L’appelante n’est pas parvenue à établir qu’elle était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice à l’échéance de sa PMA, le 31 décembre 2005, ou avant cette date. Le Tribunal conclut donc que l’appelante n’était pas atteinte d’une invalidité grave à l’échéance de sa PMA ou avant cette date.

Caractère prolongé

[37] Comme le Tribunal a conclu que l’appelante n’était pas atteinte d’une invalidité grave, il n’est pas tenu de se prononcer sur le caractère prolongé de l’invalidité.

Conclusion

[38] L’appel est rejeté.

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