Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d'en appeler d’une décision de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) datée du 21 septembre 2016, dans laquelle il avait été déterminé qu'elle n’était pas admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC) puisque son invalidité n’était pas « grave » à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), soit en date du 31 décembre 2013.

Contexte

[2] La demanderesse a présenté une demande de pension d’invalidité au titre du RPC le 5 décembre 2011. Dans sa demande, elle a déclaré avoir 45 ans et l’équivalent d’un diplôme d’études primaires de l'Iran, son pays d’origine. Après avoir immigré au Canada en 1992, elle a occupé divers emplois de préposée à l'entretien. De janvier 2007 à juin 2011, elle avait été embauchée comme couturière par un manufacturier de vêtements, emploi qu'elle a quitté en raison de lésions au dos dues au travail répétitif.

[3] L'intimé a rejeté la demande initiale et après révision, au motif que l'invalidité alléguée par la demanderesse n'était pas grave à la date de fin de la PMA. En juillet 2012, la demanderesse a interjeté appel de ces décisions devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR), et son appel fut transféré au Tribunal en avril 2013.

[4] À la suite d'une audience par questions et réponses, la division générale a rejeté l'appel dans sa décision du 24 août 2015. La demanderesse a interjeté appel de cette décision à la division d'appel, qui lui a accordé la permission d'en appeler le 9 mars 2016, concluant que la cause était défendable et que la division générale n'avait pas appliqué de façon correcte le critère du « contexte réel » prévu dans l'arrêt Villani c. CanadaNote de bas de page 1. Par la suite, sur consentement  de l'intimé, la division d'appel a renvoyé l'affaire à la division générale pour une audience de novo. Le 20 septembre 2016, un autre membre de la division générale a tenu une audience par vidéoconférence, mais a de nouveau conclu que l'invalidité alléguée par la demanderesse ne répondait pas au critère de gravité établi à l'alinéa 42(2)a) du RPC.

[5] Le 6 février 2017, dans les délais prescrits, le représentant nommé par la demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel en y détaillait les erreurs alléguées que la division générale aurait commises dans sa deuxième décision.

Question en litige

[6] La division d’appel doit déterminer si cet appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[7] Selon les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission. La division d’appel accorde ou refuse cette permission.

[8] Conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[10] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut présenter un motif défendable qui puisse éventuellement conférer gain de cause à l’appel : Kerth c. CanadaNote de bas de page 2. La Cour d'appel fédérale a déterminé que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si l'appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 3.

[11] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond de l'affaire. C’est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel il devra faire face lors de l’audience relative à l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, la demanderesse n’a pas à prouver sa thèse.

Observations

[12] Dans un courriel daté du 20 décembre 2016, le représentant nommé par la demanderesse a déposé une demande de permission d'en appeler au nom de sa cliente et a demandé que sa cause soit instruite à nouveau. Il y a joint les documents médicaux suivants :

  • Lettre provenant de Mohammad Sabouba, médecin de famille, datée du 18 décembre 2016;
  • Des rayons X de la colonne lombaire, du sacrum, du coccyx et des deux chevilles datés du 27 juillet 2016;
  • Un rapport d'Arthur W. Vanek, spécialiste du sommeil, daté du 6 décembre 2014;
  • Une IRM de la colonne lombaire datée du 14 septembre 2014;
  • Une échographie de la colonne cervicale datée du 9 avril 2013;
  • Des résultats de test sanguin de laboratoire datés du 3 août 2016.

[13] Dans une lettre datée du 5 janvier 2017, le Tribunal a rappelé au représentant de la demanderesse les moyens d'appel précis permis au paragraphe 58(1) de la LMEDS et lui a demandé de fournir, dans un délai raisonnable, des justifications plus détaillées pour la demande de permission d'en appeler. Le 6 février 2017, il a répondu que les éléments de preuve de la demanderesse étaient suffisants en soi et qu'ils contenaient tous les critères requis pour attester d'une invalidité « grave et prolongée » présente avant la date de fin de la PMA. Il a allégué que la division générale a erré lors de son évaluation des faits médicaux, car ces derniers indiquaient que la demanderesse souffrait d'incapacités à la fois physiques et psychologiques qui l'empêchaient de travailler, quel que soit l’emploi. Il a ajouté que plus particulièrement, la division générale n'avait pas reconnu et tenu compte des composantes psychologiques de l'invalidité de l'appelante.

Analyse

Nouveaux documents

[14] La demande de permission d'en appeler était accompagnée de divers rapports médicaux qui n'ont apparemment jamais été présentés à la division générale; en effet, un de ceux-ci n'a été émis qu'après que la division générale eut rendu sa décision. Je note qu'au moment de sa deuxième audience devant la division générale, la demanderesse poursuivait son appel depuis plus de trois ans – selon toute norme raisonnable, une période de temps suffisante pour recueillir des éléments de preuve médicale pertinents.

[15] Quoi qu'il en soit, en raison des contraintes imposées par le paragraphe 58(1) de la LMEDS, habituellement, la division d'appel ne reçoit pas d'arguments sur le fondement de l'invalidité et ne considère pas non plus des éléments de preuve qui ont été, ou qui auraient pu être, déposés devant la division générale en tant que juge des faits. Une fois qu'une audience a eu lieu, il y a très peu de fondement permettant de soulever des renseignements, qu'ils soient nouveaux ou additionnels, bien qu'un demandeur ait l'option de demander à la division générale d'infirmer ou de corriger sa décision. Toutefois, dans ce cas, un demandeur devrait se conformer aux exigences prévues à l'article 66 de la LMEDS, ainsi qu'aux articles 45 et 46 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, qui imposent des délais précis et qui exigent que le demandeur démontre que tout fait nouveau est essentiel et n'aurait pas pu être connu au moment où l'audience a eu lieu sans faire preuve de diligence raisonnable.

Défaut allégué de considération des éléments de preuve médicale

[16] La plupart des observations de la demanderesse sur ces motifs réitèrent la preuve et les arguments qui, d’après ce que j’ai pu constater, ont déjà été présentés à la division générale. Essentiellement, la demanderesse fait valoir que la division générale n’a pas tenu adéquatement compte des éléments de preuve parce qu’elle avait le sentiment d’avoir démontré qu’elle souffrait d’une invalidité grave et prolongée à la date de l’audience.

[17] En l'espèce, la division générale a rendu sa décision après avoir procédé à ce qui semble être une évaluation approfondie de la preuve au dossier. S’il se peut que la demanderesse ne souscrive pas aux conclusions de la division générale, un tribunal administratif est libre d’examiner les faits pertinents, d’évaluer la qualité des éléments de preuve, de décider, le cas échéant, ceux qu’il convient d’admettre ou d’écarter, et d’en déterminer la valeur. La demanderesse allègue que la division générale n'a pas tenu compte de son état psychologique, mais mon examen de la décision indique qu'elle a bien tenu compte de cet élément dans son analyse :

[traduction]

L'appelante déclare qu'elle est déprimée en raison de la douleur et qu'elle souffre d'apnée du sommeil. Toutefois, l'appelante ne prend aucun médicament pour son apnée du sommeil ou sa dépression. Il est difficile de mesurer l'effet de la dépression sur l'appelante en l'absence de prise de médicaments et ou du manque de recommandation à un spécialiste qui peut l'aider.

[18] Les tribunaux se sont déjà penchés sur la question dans d’autres affaires où l’on alléguait que les tribunaux administratifs n’avaient pas examiné l’ensemble de la preuve. Dans Simpson c. CanadaNote de bas de page 4, la représentante de l'appelant a défini un certain nombre de rapports médicaux qui selon elle, ont été ignorés, mal compris, ou mal interprétés par la Commission d'appel des pensions, ou auxquels trop de poids a été accordé. En rejetant la demande de contrôle judiciaire, la Cour d’appel fédérale a indiqué ce qui suit :

Premièrement, un tribunal n’est pas tenu de mentionner dans ses motifs chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés, mais il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve. Deuxièmement, le poids accordé à la preuve, qu’elle soit orale ou écrite, relève du juge des faits. Ainsi, une cour qui entend un appel ou une demande de contrôle judiciaire ne peut pas en règle générale substituer son appréciation de la valeur probante de la preuve à celle du tribunal qui a tiré la conclusion de fait contestée.

[19] Autrement, la demanderesse me demande d’examiner et d’apprécier de nouveau certaines preuves documentaires et de trancher en sa faveur. Je ne peux cependant pas honorer ce souhait, car je n’ai compétence que pour déterminer si les motifs d’appel de la demanderesse se rattachent aux moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1), et si l’un deux confère à l'appel une chance raisonnable de succès. Puisqu’aucune erreur précise n’a été alléguée, je ne crois pas qu’il existe une cause défendable voulant que la division générale n’ait pas suffisamment tenu compte des éléments de preuve médicale.

Conclusion

[20] Comme la demanderesse n’a invoqué aucun des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS qui conférerait à l’appel une chance raisonnable de succès, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

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