Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

[1]  L’appel est rejeté.

Introduction

[2]  Cet appel porte sur une décision de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) datée du 6 septembre 2016, où l’on rejetait de façon sommaire l’appel de l’appelant pour une prestation d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC), parce qu’il a été jugé qu’il ne peut pas remplacer sa pension de retraite par une pension d’invalidité, car il n’est pas devenu invalide avant le début du versement de sa pension de retraite. La division générale a rejeté l’appel parce qu’elle n’était pas convaincue que celui-ci avait une chance raisonnable de succès.

[3]  Aucune permission d’en appeler n’est requise dans le cas des appels interjetés au titre du paragraphe 53(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), car un rejet sommaire par la division générale peut faire l’objet d’un appel de plein droit.

[4]  Comme j’ai établi qu’il n’est pas nécessaire d’entendre davantage les parties, cet appel est instruit conformément à l’alinéa 37a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement sur le TSS).

Aperçu

[5]  L’appelant a fait une demande de pension de retraite du RPC, et elle lui a été versée à compter d’avril 2013, le mois suivant celui où il a atteint 60 ans. Il a présenté une demande de prestation d’invalidité du RPC le 14 août 2014. Dans sa demande, il a mentionné avoir travaillé pendant plus de 30 ans comme agent de correction, un emploi qu’il a dû quitter en août 2013, puisqu’une athérosclérose au pied droit ne lui permettait plus de se tenir debout ou de marcher longtemps.

[6]  L’intimé a rejeté la demande initialement et après révision, parce qu’elle a été présentée plus de 15 mois après que l’appelant ait commencé à toucher une pension de retraite du RPC. Le 19 mai 2015, l’appelant a interjeté appel de ces rejets devant la division générale. La division générale a informé l’appelant, au moyen d’une lettre datée du 5 août 2016, de son intention de rejeter son appel de façon sommaire. Après avoir révisé les observations de l’appelant, la division générale a rejeté l’appel de façon sommaire le 6 septembre 2016, sur la base que le droit ne permet pas de remplacer une pension de retraite par une pension d’invalidité plus de six mois après le début du versement d’une pension de retraite.

[7]  Le 19 décembre 2016, l’appelant a interjeté appel de la décision de rejet sommaire auprès de la division d’appel du Tribunal et alléguait que la division générale avait commis des erreurs. J’ai décidé qu’une audience de vive voix n’était pas nécessaire et que l’appel serait instruit sur le fondement du dossier documentaire pour les raisons suivantes :

  1. Le dossier ne présente aucune lacune et ne nécessite pas de clarification.
  2. Ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le TSS voulant que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Droit applicable

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

[8]  Le paragraphe 53(1) de la LMEDS prévoit que la division générale rejette de façon sommaire l’appel si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès. En vertu du paragraphe 56(2), aucune permission d’en appeler n’est requise pour interjeter appel d’un rejet sommaire devant la division d’appel.

[9]  Le paragraphe 54(1) de la LMEDS prévoit clairement que la division générale peut seulement rendre une décision qui aurait autrement été prise par le ministre. La division générale peut rejeter l’appel ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision visée par l’appel ou rendre la décision que le ministre ou la Commission aurait dû rendre.

[10] L’article 22 du Règlement sur le TSS prévoit que, avant de rejeter un appel de façon sommaire, la division générale doit aviser l’appelant par écrit et lui donner un délai raisonnable pour présenter des observations.

[11] Conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Régime de pensions du Canada

[12] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à une telle pension, un requérant doit :

  1. a) ne pas avoir atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne pas toucher une pension de retraite du RPC;
  3. c) être invalide;
  4. d) avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[13] L’exigence selon laquelle le demandeur ne doit pas toucher une pension de retraite du RPC figure aussi au paragraphe 70(3) du RPC, où il est énoncé qu’une fois qu’une personne commence à recevoir une pension de retraite du RPC, elle ne peut en aucun cas demander ni redemander une pension d’invalidité. Il y a une exception à cette disposition sous l’article 66.1 du RPC.

[14] L’article 66.1 du RPC et l’article 46.2 du Règlement sur le RPC autorisent un bénéficiaire à demander la cessation d’une prestation déjà versée si la demande de cessation de la prestation est présentée par écrit, dans les six mois suivant le début du paiement de la prestation.

[15] Conformément au paragraphe 66.1(1.1) du RPC, si le bénéficiaire ne demande pas la cessation de la prestation dans les six mois suivant la date où le paiement de la prestation a commencé, la seule façon d’annuler une pension de retraite et de la remplacer par une prestation d’invalidité serait pour le bénéficiaire d’être réputé être invalide avant le mois au cours duquel il a commencé à toucher sa pension de retraite.

[16] Le paragraphe 66.1(1.1) du RPC doit être lu en tenant compte de l’alinéa 42(2)b) du RPC, selon lequel en aucun cas une personne n’est réputée être devenue invalide à une date antérieure de plus de quinze mois à la date de la présentation d’une demande de prestation d’invalidité à l’intimé.

[17] En vertu de ces dispositions, le RPC ne permet pas de remplacer une pension de retraite par une pension d’invalidité lorsque la demande de pension d’invalidité est présentée quinze mois ou plus après le début du paiement de la pension de retraite.

[18] Conformément à l’article 69 du RPC, la pension d’invalidité est payable à compter du quatrième mois qui suit la date réputée du début de l’invalidité.

Questions en litige

[19] Les questions dont je suis saisi sont les suivantes :

  1. Dans quelle mesure la division d’appel doit-elle faire preuve de déférence à l’égard des décisions de la division générale?
  2. La division générale a-t-elle commis une erreur en rejetant de façon sommaire la demande de prestation d’invalidité du RPC de l’appelant parce que celui-ci touchait déjà une pension de retraite du RPC?

Observations

[20] Dans son avis d’appel, l’appelant a écrit qu’il demeure incapable de travailler et que même s’il a demandé une pension de retraite anticipée du RPC, il devrait avoir droit aux prestations d’invalidité du RPC. Il ne devrait pas être tenu responsable pour avoir envoyé sa demande à la mauvaise adresse. Il a travaillé et contribué au régime toute sa vie et il croit ne pas avoir été traité justement.

[21] L’intimé n’a présenté aucune observation.

Analyse

Degré de déférence attribuable à la division générale

[22] Jusqu’à tout récemment, il était convenu que les appels à la division générale étaient régis par la norme de contrôle établie par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Dunsmuir c. Nouveau-BrunswickNote de bas de page 1. Dans les affaires comportant des allégations d’erreur de droit, ou de manquements aux principes de justice naturelle, la norme de la décision correcte était la norme applicable, signifiant qu’un faible degré de déférence devait être accordé au premier palier de décision d’un tribunal administratif. Dans les affaires comportant des allégations de conclusions de fait erronées, la norme applicable était celle de la décision raisonnable, signifiant une réticence à intervenir dans les conclusions tirées par l’organe responsable d’entendre le témoignage factuel.

[23] Dans l’arrêt Canada c. HuruglicaNote de bas de page 2, la Cour d’appel fédérale a rejeté cette approche en concluant que les tribunaux administratifs ne devraient pas avoir recours à des normes de contrôle conçues aux fins d’application dans les cours d’appel. Les tribunaux administratifs devraient plutôt se rapporter en premier lieu à leur loi constitutive pour déterminer leur rôle.

[24] Bien que l’affaire Huruglica traite d’une décision qui provenait de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, elle comporte des incidences pour d’autres tribunaux administratifs. Dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’il était inapproprié d’importer les principes de contrôle judiciaire aux tribunes administratives, comme il en a été établi dans l’affaire Dunsmuir, car celles-ci pourraient refléter des priorités législatives autres que l’impératif constitutionnel de préserver la primauté du droit : « on ne doit pas simplement présumer que ce qui était réputé être la politique la plus appropriée pour les juridictions d’appel vaut également pour certains organismes administratifs d’appel ».

[25] Cette prémisse sert à la Cour dans sa détermination du critère approprié qui découle entièrement de la loi constitutive d’un tribunal administratif :

[L]a détermination du rôle d’un organisme administratif d’appel spécialisé est purement et essentiellement une question d’interprétation des lois, parce que le législateur peut concevoir tout type de structure administrative à plusieurs niveaux pour répondre à n’importe quel contexte. L’interprétation de la loi appelle l’analyse des mots de la LIPR [Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés] qui doivent être lus au regard de leur contexte global […] L’approche textuelle, contextuelle et téléologique requise par les principes d’interprétation législative modernes nous donne tous les outils nécessaires pour déterminer l’intention du législateur en ce qui a trait aux dispositions pertinentes de la LIPR et au rôle de la SAR [Section d’appel des réfugiés].

[26] En conséquence, la norme de la décision raisonnable ou de la décision correcte sera inapplicable en l’espèce, à moins que ces mots, ou leurs variantes, soient énoncés de façon précise dans la loi constitutive. À l’application de cette approche à la LMEDS, on peut voir que les alinéas 58(1)a) et b) ne qualifient pas les erreurs de droit ou les manquements à un principe de justice naturelle, ce qui signifie que la division d’appel ne devrait faire preuve d’aucune déférence à l’égard des interprétations de la division générale.

[27] Le mot « déraisonnable » est introuvable à l’alinéa 58(1)c), où il est question de conclusions de fait erronées. En revanche, le critère contient les qualificatifs « abusive ou arbitraire » et « sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ». Comme on le suggère dans l’arrêt Huruglica, on doit donner à ces mots leur propre interprétation, mais le libellé indique que la division d’appel devrait intervenir lorsque la division générale fonde sa décision sur une erreur flagrante ou en contradiction avec le contenu du dossier.

Rejet sommaire

[28] La division générale a rejeté l’appel de l’appelant parce que sa demande de prestation d’invalidité du RPC a été reçue en août 2014, plus de 15 mois après le début du paiement de sa pension de retraite.

[29] Après avoir révisé la décision, je suis convaincu que la division générale n’a pas manqué à un principe de justice naturelle ou commis une erreur de fait ou de droit. La division générale a examiné le dossier et conclu que l’appelant, en tant que bénéficiaire d’une pension de retraite du RPC, était en effet exclu du bénéfice des prestations d’invalidité du RPC. La division générale n’a constaté aucune cause défendable d’après les motifs soulevés par l’appelant, et je n’estime pas avoir de motif pour interférer avec son raisonnement. Je n’ai compétence que pour déterminer si l’un de ses motifs d’appel se rattache aux moyens d’appel admissibles, et si l’un d’eux confère à l’appel une chance raisonnable de succès. Bien que l’analyse effectuée par la division générale n’ait pas mené à la conclusion souhaitée par l’appelant, mon rôle est de déterminer si la décision est défendable par rapport aux faits et au droit, et non d’apprécier à nouveau la preuve.

[30] Comme la loi est rédigée, le moment auquel l’appelant pouvait véritablement être devenu invalide n’est pas pertinent. Conformément à l’alinéa 42(2)b), l’appelant pouvait être réputé être devenu invalide au plus tôt en mai 2013, soit 15 mois avant la présentation de sa demande de pension d’invalidité du RPC. Puisque le versement de la pension de retraite de l’appelant avait débuté en avril 2013, il ne pouvait pas être réputé être devenu invalide avant la réception de sa pension de retraite, et il lui était impossible d’annuler sa pension de retraite après le délai de six mois. Le dossier contenait une déclaration d’intention d’annuler la pension de retraite, mais elle était datée du 28 janvier 2014, soit plus de neuf mois après le début de la pension de retraite.

[31] L’appelant n’était sûrement pas au courant des implications d’une pension de retraite anticipée du RPC, mais je ne constate aucun recours pour lui qui soit prévu par la loi. La division générale était tenue de suivre le RPC à la lettre, tout comme je le suis. Conformément au paragraphe 66.1(1.1), le remplacement d’une pension de retraite par une pension d’invalidité est possible seulement si le demandeur peut être réputé invalide avant le début du versement de la pension de retraite. Dans son avis d’appel, l’appelant a déclaré ne plus pouvoir travailler, mais la question en l’espèce ne concerne pas le caractère « grave et prolongé » de son invalidité, il s’agit plutôt de savoir si son inadmissibilité à la prestation d’invalidité du RPC est prescrite, parce qu’il touche déjà une pension de retraite du RPC.

[32] L’appelant soutient qu’on ne devrait pas le pénaliser pour avoir présenté sa demande de prestations d’invalidité à la mauvaise adresse. Je n’ai pas trouvé la preuve au dossier que cet événement s’est réellement produit, mais même si tel était le cas, l’issue de l’affaire ne serait pas influencée. La division générale a correctement souligné que conformément au paragraphe 43(1) du Règlement sur le RPC, une demande de prestations doit être présentée par écrit à tout bureau du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences, dénomination antérieure de l’intimé.

[33] Si l’appelant me demande d’appliquer le critère d’équité et d’infirmer la décision de la division générale, je dois clarifier que je ne dispose pas du pouvoir discrétionnaire pour le faire. Je ne peux qu’exercer les compétences qui me sont conférées par la loi constitutive de la division d’appel. L’arrêt Pincombe c. CanadaNote de bas de page 3, tout comme d’autres cas, appuie cette position. Il prévoit qu’un tribunal administratif n’est pas une cour, mais un décideur prévu par la loi, et qu’il n’a pas la compétence d’accorder une quelconque forme de réparation équitable.

Conclusion

[34] Comme mentionné, même si l’appelant pouvait prouver qu’il était invalide, conformément à l’alinéa 42(2)b) du RPC, le mois le plus antérieur auquel il aurait pu être admissible aux prestations d’invalidité était en mai 2013, après le début du versement de sa pension de retraite du RPC. L’appelant n’a pas soumis d’élément de preuve qui fait montre de l’annulation de sa pension de retraite anticipée selon le délai prescrit de six mois, et il n’a pas démontré que la division générale a mal appliqué le droit.

[35] Pour les motifs précédemment exposés, l’appel est rejeté.

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