Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est accordée.

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler relativement à la décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) le 7 novembre 2016. La division générale a tenu une audience par vidéoconférence et statué que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC), parce qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité « grave » avant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), soit le 31 décembre 2011.

[2] Le 1er février 2017, dans les délais prescrits, le représentant de la demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel.

Droit applicable

Régime de pensions du Canada

[3] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à une telle pension, un requérant doit :

  1. (a) avoir moins de soixante-cinq ans ;
  2. (b) ne pas recevoir de pension de retraite du RPC ;
  3. (c) être invalide ;
  4. (d)  avoir versé des cotisations de base au RPC pendant au moins la PMA.

[4] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

[5] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission, et la division d’appel accorde ou refuse cette permission.

[6] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la demande de permission d’en appeler est rejetée si la division d’appel est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[7] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[8] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’un motif d’appel susceptible de donner gain de cause à l’appel soit présenté : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. La Cour d’appel fédérale a statué que la question de savoir si une affaire est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[9] Une demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond. S’il s’agit d’un premier obstacle à surmonter pour un demandeur, cet obstacle est moins imposant que celui auquel il devra faire face lors de l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[10] Afin que cette demande soit accueillie, la division d’appel être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Observations

[11] Le représentant de la demanderesse présenta un sommaire contenant des critiques détaillées de la décision de la division générale que j’ai résumé et classé comme suit :

Conclusions de fait erronées

[12] La demanderesse plaide que la division générale a fondé sa décision sur la conclusion de fait erronée suivante, qu’elle a tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance :

  • Au paragraphe 43 de sa décision, la division générale détermina qu’« aucune pathologie grave » n’avait été mise en évidence dans les quatre rapports d’imagerie. La demanderesse maintient que les rapports précités tout comme l’opération qu’elle a subie à son épaule gauche en novembre 2011 montrent, en fait, qu’elle souffre d’une « pathologie grave ». La demanderesse ajoute aussi que la division générale a commis une erreur en appliquant un critère de « pathologie grave » en évaluant son invalidité.
  • Au paragraphe 43, la division générale a écrit : [traduction] « Dr Mor affirma que la demanderesse n’était pas considérée comme étant véritablement incapable d’offrir les services de tâches d’entretien et de nettoyage domestique auxquels elle se livrait avant son accident. » En fait, le rapport d’examen de l’évaluation psychologique pour l’assureur écrit par Dr Mor et daté du 17 janvier 2012 tirait une conclusion qui était significativement différente de la caractérisation faite par la division générale.
  • Au paragraphe 43, la division générale écrit que Dr Gagnon et Dr Kaplan ont observé que la demanderesse avait fait des progrès considérables à gérer ses humeurs et ses symptômes de panique. En fait, le rapport Kaplan-Gagnon en date du 10 août 2012 mentionne : [traduction] « Mme F. K. a fait un progrès considérable en réalisant que son corps ne lui permet pas de faire autant d’activités durant la journée. »
  • Au paragraphe 44, la division générale a écrit que Dr Ghouse a déterminé que la demanderesse [traduction] « n’[est] pas restreinte dans l’amplitude des mouvements de son cou, de ses épaules et de son dos à un point qui empêcherait tout travail. »  En fait, le rapport d’évaluation en physiatrie du Dr Ghouse daté du 16 mai 2011 ne tira pas une telle conclusion. La division générale affirme aussi que le rapport ne fait aucune recommandation de traitement, mais Dr Ghouse, dont les services avaient été retenus par l’assureur de la demanderesse pour effectuer un examen médical indépendant, n’avait pas le mandat de traiter de cette question.
  • Au paragraphe 45, la division générale conclut que la demanderesse ne pouvait être considérée comme invalide à travailler d’un point de vue psychiatrique. Ce faisant, elle se fonda sur un rapport de congé de l’unité de gestion des douleurs chroniques dans lequel on citait la demanderesse qui avait affirmé qu’elle avait [traduction] « plus de contrôle » sur ses mauvaises pensées et sa colère, moins de crises de panique et moins de dépression. Toutefois, la division générale prit ces déclarations, qui ne représentent pas des opinions d’un médecin, hors contexte ; à aucun endroit dans le rapport de congé du 27 mai 2014 il n’est mentionné que la demanderesse était capable de retourner au travail.
  • Au paragraphe 46, la division générale nota que la demanderesse consulta Dr Ayeni pour une douleur bilatérale au genou en 2014 : [traduction] « Comme le problème est survenu bien après la date de fin de sa PMA, le Tribunal n’a pas considéré ses douleurs au genou comme étant un obstacle à son retour au travail. » En fait, comme documenté dans plusieurs documents médicaux portés à la connaissance de la division générale, la demanderesse se plaignait d’une blessure au genou bien avant le 31 décembre 2011.
  • Au paragraphe 48, la division générale se fonda sur le rapport de congé du programme de gestion de la douleur pour déterminer que l’état psychiatrique de la demanderesse s’était [traduction] « considérablement amélioré » depuis son accident de véhicule. À vrai dire, la division générale aurait dû accorder davantage d’importance à l’évaluation psychiatrique de Dr Suhail datée du 15 février 2011, qui estimait qu’en addition à ses limites fonctionnelles, la demanderesse souffrait de manière importante de dépression, d’anxiété et de stress qui empêchaient son retour au travail.

Erreurs de droit

[13] La demanderesse prétend qu’en rendant sa décision la division générale commit une erreur de droit en ces termes :

  • Au paragraphe 49, la division générale a appliqué le mauvais critère juridique lorsqu’elle détermina que la demanderesse n’avait pas des [traduction] « problèmes de santé graves » qui l’empêcheraient de [traduction] « faire tout type de travail » à la date de fin de sa PMA. Selon l’alinéa 42(2)a), il est nécessaire qu’une demanderesse démontre qu’elle avait une invalidité grave et, non seulement, des [traduction] « problèmes de santé. »  De plus, une demanderesse doit démontrer qu’elle ne peut détenir toute occupation véritablement rémunératrice, plutôt que « tout type » de travail.
  • Au paragraphe 50, la division générale constata que la demanderesse n’avait pas satisfait à ses obligations de recherche d’un autre emploi conformément à l’affaire Inclima c. CanadaNote de bas de page 3. Ce faisant, la division générale a mal appliqué le critère qui exige qu’en premier lieu il y ait un constat de capacité de travail résiduelle. En l’espèce, la preuve étaye amplement le fait que la demanderesse n’a pas cette capacité résiduelle.

Analyse

[14] À ce stade, je vais seulement traiter des arguments qui, à mon avis, confèrent à la demanderesse la plus grande chance de succès en appel.

Le rapport ghouse

[15] À la lumière des pièces justificatives, j’ai examiné le passage de la décision pertinent et je constate une cause défendable du fait que la division générale a mal interprété les conclusions de l’évaluation de Dr Ghouse. Il est clair que la division générale a fondé en partie sa décision, en partie, sur la conclusion alléguée du physiatre à savoir que l’amplitude des mouvements de la demanderesse n’est pas restreinte au point d’empêcher tout travail :

[traduction]

Dr Ghouse, physiatre, a indiqué en 2011 que la demanderesse n’est pas restreinte dans l’amplitude des mouvements de son cou, de ses épaules et de son dos à un point où toute activité liée au travail soit contre-indiquée particulièrement si les restrictions résultent principalement de douleurs et non de handicaps structuraux ou neurologiques. Dr Ghouse ne formula aucune recommandation de traitement.

[16] Bien que Dr Ghouse, dans son rapport daté du 16 mai 2011 (GD2-115), a conclu que la demanderesse était, de manière substantielle, incapable d’effectuer les tâches essentielles de son emploi précédent comme gérante d’une garderie, je ne vois aucun passage où il déclare qu’il serait impossible pour la demanderesse d’occuper tout emploi. Comme indiqué par la demanderesse, cette question débordait apparemment de la portée de ce rapport, rapport qui avait été demandé par son assureur et était lié à sa demande de prestations pour son accident de véhicule.

[17] Le même constat peut être fait qu’en à l’absence de recommandations de traitement de la part de Dr Ghouse, qui selon la division générale suggérait être un signe que les problèmes de santé de la demanderesse n’étaient pas assez sérieux pour mériter davantage d’attention. Je crois que l’on peut défendre que cette déduction fait abstraction du contexte des circonstances qui ont mené la demanderesse à voir Dr Ghouse : une consultation unique pour des fins étroitement définies et non thérapeutiques.

[18] Finalement, la décision de la division générale laissait croire que Dr Ghouse tira une conclusion à propos des restrictions de la demanderesse, car elles [traduction] « résultent principalement de douleurs et non de handicaps structuraux ou neurologiques. » Je trouve remarquable que ni cette phrase ni rien qu’y s’y rapproche apparaît dans le rapport de Dr Ghouse, et que rien de ça ne concorde avec l’essence de son avis. Ceci semble plutôt venir des observations écrites du défendeur datées du 30 octobre 2015, qui tentent de contrebalancer le rapport Ghouse en opposant des éléments de preuve divergents.

Douleur au genou

[19] Au paragraphe 46, la décision de la division générale se lit comme suit :

[traduction]

La demanderesse a consulté Dr Ayeni pour une douleur bilatérale au genou en 2014. Comme ce problème est survenu bien après la date de fin de sa PMA, le Tribunal n’a pas estimé que sa douleur au genou fût un obstacle à un retour au travail.

[20] Ce passage suggère que la douleur au genou de la demanderesse et tous les éléments de preuve la documentant sont survenus après la date de fin de PMA. Comme la demanderesse a indiqué plusieurs rapports médicaux qui montrent qu’elle se plaignait de douleur au genou avant le 31 décembre 2011, je constate une cause défendable à savoir que la division générale aurait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée.

Critère relatif à la gravité

[21] À première vue, le paragraphe 49 suggère que la division générale a mal énoncé le critère pour la gravité. Comme la demanderesse l’indique, l’alinéa 42(2)a) exige que les prestataires démontrent une invalidité, un terme qui est à la fois plus précis et plus englobant que « problèmes de santé. » De façon plus significative, le RPC n’exige pas des prestataires qu’ils démontrent qu’ils sont incapables de détenir « tout » emploi, mais qu’ils ne peuvent détenir « toute [occupation] véritablement rémunératrice. »

[22] Je constate que la mauvaise citation du critère n’entraîne pas nécessairement une application erronée de celui-ci ; il est aussi utile d’examiner les autres facteurs incluant la manière avec laquelle le décideur a réellement pris la preuve en compte et si le constat erroné est répété systématiquement.

[23] En l’espèce, la division générale a correctement énoncé le critère dans le paragraphe 6 de sa décision, mais elle ne l’a pas fait adéquatement la deuxième fois, dans le paragraphe 49, en se référant à l’arrêt Klabouch c. Ministre du Développement socialNote de bas de page 4 d’une manière qui en altère subtilement la portée. La division générale a déclaré ce qui suit :

[traduction]

La gravité d’une invalidité n’est pas fondée sur l’incapacité d’une personne à occuper son emploi régulier, mais plutôt sur son incapacité à occuper n’importe quel type d’emploi.

[24] Ceci paraphrase étroitement un passage dans l’arrêt Klabouch, toutefois en omettant, à mon point de vue, ce qui est un qualificatif important dans l’original :

Deuxièmement, le principe susmentionné a pour corollaire que la détermination de la gravité de l’invalidité n’est pas fondée sur l’incapacité du demandeur d’occuper son emploi régulier, mais plutôt sur son incapacité d’effectuer un travail, c’est-à-dire « une occupation véritablement rémunératrice » [accent mis par le soussigné].

[25] Selon moi, la demanderesse a établi une cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreur de droit en énonçant et en appliquant de manière erronée le critère de gravité à la situation de la demanderesse.

Conclusion

[26] J’accorde la permission d’en appeler pour tous les motifs présentés par la demanderesse. Si les parties décident de présenter des observations supplémentaires, elles sont libres de formuler leur opinion à savoir si une nouvelle audience s’avère nécessaire, et si tel est le cas, quel type d’audience est approprié.

[27] La présente décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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