Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 23 juin 2016, après avoir conclu que la demanderesse n’était pas atteinte d’une invalidité grave, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a statué qu’une pension d’invalidité ne lui était pas payable au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). Le 26 septembre 2016, la demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal.

Question en litige

[2] Je dois déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[3] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission, et la division d’appel accorde ou refuse cette permission.

[4] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel à la division d’appel sont les suivants :

  • la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  • elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  • elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[5] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[6] Pour déterminer s’il convient d’accorder la permission d’en appeler, je suis tenu de déterminer s’il existe une cause défendable. À ce stade, la demanderesse n’a pas à prouver sa thèse; elle doit seulement démontrer qu’il existe une chance raisonnable de succès, c’est-à-dire qu’elle dispose de « certains motifs défendables grâce auxquels l’appel proposé pourrait avoir gain de cause » : Osaj c. Canada (Procureur général), 2016 CF 115 (paragraphe 12).

[7] La Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une partie dispose d’une cause défendable en droit revient à se demander si cette partie a une chance raisonnable de succès d’un point de vue juridique : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41; Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

Observations

[8] La demanderesse soutient que la division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit et fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée. Elle a fourni 16 paragraphes qu’elle présente comme ses motifs d’appel. Elle n’a cependant pas précisé quelles étaient les erreurs reprochées. Certains de ces paragraphes résument la décision de la division générale, tandis que d’autres font état de préoccupations. J’ai examiné les 16 paragraphes avant de résumer les motifs d’appel. La demanderesse soutient ce qui suit :

  1. Sa période minimale d’admissibilité (PMA) a pris fin le 31 décembre 2016 et, [traduction] « comme l’audience a été tenue avant cette date, la division générale devait déterminer si l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en date de l’audience, le 23 juin 2016, ou avant cette date ».
  2. Elle a souffert de différents problèmes de santé, dont le purpura thrombopénique immunologique (PTI) et une douleur lombaire chronique et, comme le mentionne le paragraphe 13 de la décision, elle était atteinte de ces affections au moment où elle a présenté sa demande et quand elle avait arrêté de travailler.
  3. La division générale a soulevé le fait qu’il y avait des incohérences entre le questionnaire rempli par la demanderesse en date du 22 juillet 2014 et son témoignage, parce que sa douleur au dos s’était aggravée au cours de l’année précédente (paragraphe 13 de la décision).
  4. Trois rapports de médecins traitaient du problème de santé de la demanderesse, soit :
    1. un rapport médical daté du 24 juillet 2014, expliquant que la demanderesse souffrait d’une douleur chronique au dos pour laquelle des injections épidurales, de l’acuponcture et de la physiothérapie avaient été recommandées;
    2. un rapport médical du 15 novembre 2015, précisant qu’elle était invalide de façon permanente en raison de sa discopathie dégénérative pluri-étagée, accompagnée d’ostéoporose grave et de fractures par tassement à L1-L3 et à L4 et de douleur chronique au dos;
    3. un rapport médical daté du 27 août 2015, révélant qu’elle ne pouvait pas détenir un emploi rémunérateur en raison de ses problèmes de santé et que le docteur confirmait que la demanderesse se trouvait davantage handicapée à cause de la douleur chronique.
  5. La division générale a noté que la demanderesse avait semblé manifestement inconfortable durant l’audience et que son témoignage cadrait avec les rapports médicaux (paragraphe 29).
  6. La division générale a affirmé que la demanderesse n’avait pas expliqué l’incidence de son inconfort au dos sur son travail de gardienne (paragraphe 29), ce qui contredisait la preuve notée par le Tribunal concernant ses limitations en juillet 2014, qui comprenaient une capacité limitée à rester debout et assise, à marcher et à soulever des charges et une douleur lorsqu’elle se penchait (paragraphe 14), qui nuisaient à son travail de gardienne.
  7. La division générale a affirmé que la demanderesse avait quitté son travail en raison de son PTI et non de sa douleur au dos, et la preuve ne permet pas de conclure à une invalidité attribuable à ses problèmes de dos au moment où elle a quitté son emploi (paragraphe 33).
  8. La division générale a affirmé que c’est le PTI qui avait mené la demanderesse à quitter son emploi et que, à cette époque, rien ne permettait de croire que son incapacité à travailler était attribuable à son dos (paragraphe 34).
  9. La division générale s’est contredite au paragraphe 38 en affirmant ceci : [traduction] « [L]e Tribunal juge que le témoignage de l’appelante était franc et livré de façon directe. Cependant, il n’est pas entièrement conforme à la preuve médicale. » Pourtant, cela contredit l’affirmation du Tribunal au paragraphe 29, qui disait que sa preuve concordait dans l’ensemble avec les rapports médicaux.
  10. La division générale a erré lorsqu’elle a formulé un commentaire contradictoire au sujet de l’incapacité de la demanderesse à travailler. Plus précisément, elle a déterminé, comme le montre le paragraphe 38, qu’aucun rapport ne révélait que l’invalidité dont elle prétendait souffrir provoquait des symptômes qui la rendaient incapable de chercher un emploi convenable, comme la preuve donnait à penser qu’elle possédait des compétences transférables. Par contre, la demanderesse soutient que, aux paragraphes 19-22, les symptômes sont notés et donnaient lieu à une douleur d’un niveau de 10/10, à une amplitude du mouvement notablement réduite, à une impossibilité de traiter ses problèmes de PTI et à la déclaration de son médecin de famille selon laquelle elle était [traduction] « incapable de gagner sa vie en occupant un emploi rémunéré en raison de ses problèmes de santé ». La demanderesse soutient également que la division générale n’a pas justifié ses conclusions au paragraphe 30-31.
  11. La division générale a affirmé que la demanderesse se plaignait principalement de son dos (paragraphe 33). Cependant, elle n’a pas fourni de preuve démontrant qu’il s’agissait de la raison pour laquelle elle avait quitté son emploi; c’était plutôt son PTI. La demanderesse soutient que la question d’un point de vue du droit n’est pas [traduction] « de savoir si le problème de santé qui l’avait poussée à quitter son emploi était grave et prolongé, soit le PTI, mais plutôt de savoir si elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date de sa PMA », ou, en l’espèce, à la date de l’audience, comme celle-ci précède l’échéance de sa PMA. De plus, elle soutient qu’il était manifeste que c’était sa grave douleur chronique au dos qui l’empêchait de recommencer à travailler, et que la division générale a commis une erreur de droit en choisissant de chercher à savoir si ce problème précis l’avait forcée à cesser de travailler en mai 2014, plutôt que tous les problèmes de santé dont elle était atteinte au moment de l’audience.
  12. La division générale a négligé de faire état de la preuve médicale du docteur Soderman datée du 15 août 2014 et de celle du docteur Paul datée du 17 février 2015, qui décrivaient clairement la gravité de l’état de la demanderesse et ses limitations, quand elle a déterminé que la demanderesse n’avait fait aucun effort pour recommencer à travailler.
  13. La division générale a tiré une conclusion de fait erronée en concluant que l’argument principal de la demanderesse, pour justifier le fait qu’elle était incapable de travailler, était son « inconfort » au dos et non son PTI, et qu’il n’y avait aucun rapport objectif donnant à penser qu’elle était atteinte d’une invalidité grave. La demanderesse soutient que ce propos ne tenait pas compte de la preuve médicale du docteur Soderman datant d’août 2014, qui avait écrit que la douleur de la demanderesse était grave.
  14. La division générale a commis une erreur quand elle a conclu qu’il existait une contradiction ente la preuve médicale du docteur Sinclair, qui avait affirmé que la demanderesse était invalide de façon permanente, et celle du docteur Paul, qui avait affirmé que la demanderesse devait éviter tout travail supposant qu’elle soulève des objets et se penche beaucoup. La demanderesse fait valoir que ces preuves ne sont pas contradictoires et que le docteur Paul était un spécialiste en médecine interne qui se consacrait au PTI.
  15. La division générale n’a pas bien tenu compte des critères consacrés par l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, puisqu’elle n’a pas pris en considération le niveau d’instruction, l’âge et les problèmes médicaux de la demanderesse dans le contexte d’un travail sédentaire, compte tenu de ses restrictions importantes pour se tenir debout et marcher. Faisant référence au paragraphe 41, la demanderesse affirme que la division générale a négligé de prendre en considération l’opinion de son médecin de famille, selon qui elle n’était pas apte à chercher un emploi en raison de ses problèmes de santé.
  16. La division générale a erré du fait qu’elle n’a pas conclu qu’elle était atteinte d’une invalidité prolongée, alors qu’il était évident, d’après la preuve, que ses problèmes de santé étaient permanents et donc, de nature prolongée.

Analyse

[9] Les observations de la demanderesse, répertoriées ci-dessus au paragraphe 8, ne présentent pas de façon claire des erreurs de fait ou de droit admissibles en vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. Certaines de ces observations font simplement référence à la décision. Par souci de clarté, je vais traiter de chacune de ces observations et j’établirai des liens dans les cas où une erreur prévue au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS est reprochée.

[10] Dans les paragraphes 8.1 à 8.5, 8.7 et 8.8 qui se trouvent ci-dessus, aucun moyen d’appel n’est précisé. Ces observations ne font que résumer ou répéter des extraits de la décision et ne soulèvent aucune erreur de fait ou de droit :

  • L’observation au paragraphe 8.1 est un résumé des questions en instance devant la division générale aux paragraphes 6 et 7.
  • L’observation au paragraphe 8.2 est un résumé des paragraphes 11 à 13 de la décision.
  • L’observation au paragraphe 8.3 est un résumé de l’observation de la division générale au paragraphe 13 de sa décision.
  • L’observation au paragraphe 8.4 est un résumé des rapports médicaux du 24 juillet 2015, du 15 novembre 2015 et du 27 août 2015.
  • L’observation au paragraphe 8.5 reprend le paragraphe 29 de la décision.
  • L’observation au paragraphe 8.7 est une reformulation de deux phrases figurant au paragraphe 33 de la décision.
  • L’observation au paragraphe 8.8 est une reformulation d’une phrase figurant au paragraphe 34 de la décision.

[11] J’estime cependant que l’observation de la demanderesse se trouvant au paragraphe 8.10, selon laquelle la division générale a commis une erreur de droit en faisant un commentaire contradictoire sur son incapacité à travailler, se rattache à l’alinéa 58(1)b) de la Loi sur le MEDS. La demanderesse conteste la conclusion sur sa capacité de travail de la division générale, qui semble avoir conclu qu’elle possédait une capacité de travail résiduelle sans avoir tenu compte de certains rapports médicaux pertinents.

[12] Au paragraphe 38 de sa décision, la division générale a noté que la demanderesse avait quitté son emploi en raison de complications liées au PTI. Elle avait cependant noté que la douleur au dos, qui n’avait pas été l’une des raisons fournies à l’époque, en avait été la raison principale au moment de l’audience. La division générale a reconnu la preuve présentée et a affirmé qu’il n’y avait [traduction] « aucun rapport concluant dans les faits que l’invalidité dont elle se plaignait avait engendré des symptômes l’empêchant complètement d’être régulièrement capable de chercher un emploi convenable ou qui en étaient la cause principale ». La demanderesse fait référence aux paragraphes 19 à 22 de la décision de la division générale, qui font état de différents rapports médicaux :

  • En août 2005, le docteur Sinclair, médecin de famille, a affirmé que la demanderesse était invalide de façon permanente et a énuméré une discopathie dégénérative, une grave ostéoporose, des fractures par tassement et de la douleur chronique. Il était d’avis que la demanderesse était [traduction] « incapable de gagner sa vie en occupant un emploi rémunéré en raison de ses problèmes de santé » (paragraphe 19). Il est également écrit dans le rapport que la demanderesse se trouve de plus en plus handicapée par la douleur chronique et que son état ne devrait pas s’améliorer.
  • Le 17 juillet 2014, le docteur Romano a rapporté une légère scoliose, des corps vertébraux déminéralisés, une légère fracture par tassement et une discopathie dégénérative pluri-étagée (paragraphe 20).
  • Le 27 octobre 2014, le docteur Sinclair a rapporté une ostéoporose grave et des fractures par tassement (paragraphe 20).
  • Le 13 mars 2015, le docteur Romano a rapporté des fractures par tassement stables à L1 et L4, une légère scoliose et une discopathie dégénérative pluri-étagée (paragraphe 20).
  • En août 2014, le docteur Soderman a rapporté une douleur d’un niveau de 10/10 accompagnée d’une disparition de l’ensellure lombaire et d’une certaine raideur. Il a également précisé qu’il n’y avait aucun déficit sensoriel ou focal moteur manifeste (paragraphe 21). Ce rapport traite aussi d’une [traduction] « diminution notable de l’amplitude du mouvement de flexion et d’extension » et d’une jambe tendue causant [traduction] « une certaine douleur au dos » (paragraphe 21).
  • Le 15 décembre 2015, le docteur Soderman n’avait pas pu lui administrer une anesthésie neuraxiale en raison d’un risque de saignement. Il est aussi écrit dans ce rapport que de la xylocaïne lui avait été administrée par intraveineuse [traduction] « pour soulager la composante neuropathique de la douleur et réduire la fréquence et l’intensité des épisodes. »

[15] Je souligne que la division générale a mal énoncé le critère juridique, ce qui pourrait constituer une erreur de droit. Le critère ne consiste pas à savoir si la demanderesse est atteinte d’un problème de santé [traduction] « l’empêchant complètement d’être régulièrement capable de chercher un emploi convenable » (paragraphe 38 de la décision de la division générale), mais plutôt de savoir si la demanderesse est « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice », comme le prévoit le sous-alinéa 42(2)a)(i) du RPC – voir D’Errico c. Canada (Procureur général), 2014 CAF 95, au paragraphe 9.

[16] Il semble qu’il y avait des preuves de douleur chronique et de limitations fonctionnelles que la division générale n’a pas abordées dans son analyse. Certains de ces éléments de preuve paraissent pertinents, et auraient sans doute dû être pris en considération par la division générale (D’Errico, supra,paragraphe 11). Par conséquent, je juge que ce moyen confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[17] Dans l’arrêt Mette v. Canada (Procureur général), 2016 CAF 276, la Cour d’appel fédérale a déclaré que la division d’appel n’est pas tenue de traiter de chacun des motifs d’appel invoqués par un demandeur. Dans cette affaire, le juge Dawson a affirmé, au sujet du paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS, que [traduction] « cette disposition ne nécessite pas de rejeter individuellement les motifs d’appel invoqués. » Comme j’ai conclu qu’il existait une cause défendable, je ne me suis pas penché sur les autres motifs d’appel que la demanderesse a soumis. 

Conclusion

[28] La demande est accueillie.

[29] Cette décision accordant la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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