Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

[1] Le demandeur sollicite la permission d’en appeler de la décision datée du 4 mai 2016 rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal), laquelle concluait que le demandeur était inadmissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC).

[2] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), les seuls moyens d’appel à la division d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[3] Conformément au paragraphe 56(1) de la LMEDS, il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission. L’exigence relative à l’obtention de la permission d’en appeler devant la division d’appel vise à rejeter les appels qui n’ont aucune chance raisonnable de succès : Bossé c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1142, paragraphe 34. Dans ce contexte, une chance raisonnable de succès revient à « soulever des motifs défendables qui pourraient éventuellement donner gain de cause à l’appel » : Osaj c. Canada (Procureur général), 2016 CF 115, paragraphe 12.

[4] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire pouvant mener au droit de plaider un appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, un demandeur doit démontrer que ledit appel a une chance raisonnable de succès selon au moins un des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS. Lors de l’appel sur le fond, un demandeur devra établir que, selon la balance des probabilités, une erreur a été commise par la division générale conformément au paragraphe 58(1). Par conséquent, à l’étape de la demande de permission d’en appeler, un demandeur doit franchir un obstacle différent et de moindre importance qu’à l’étape de l’appel.

Observations

[5] Dans la demande de permission d’en appeler, le représentant du demandeur affirme que la division générale :

  1. erra en droit en n’interprétant pas correctement la définition d’invalidité grave du RPC;
  2. erra en droit en interprétant incorrectement le critère pour un refus raisonnable de traitement;
  3. interpréta incorrectement les faits en préférant certaines conclusions de médecins plutôt que d’autres, faites par un même médecin ou faites par d’autres médecins aussi qualifiés;
  4. ignora les conclusions de faits objectives au sujet de la santé du demandeur.

[6] Bien que le représentant du demandeur fait valoir que les motifs (iii) et (iv) constituent des erreurs de droit, en fait ceux-ci soulèvent l’argument que la division générale fonda sa décision sur des conclusions de fait erronées tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, un argument se rattachant à l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS.

[7] Le défendeur ne présenta aucune observation concernant la demande.

Nouveaux documents et renseignements

[8] Dans ses observations datées du 10 août 2016, le représentant du demandeur a inclus les documents suivants qui n’avaient pas été mis à la connaissance de la division générale : (i) à l’onglet 2 des observations : des rapports datés du 1er décembre 2013 provenant du Centre de toxicomanie et de santé mentale (CTSM), et (ii) à l’onglet 3 des observations : des rapports datés du 4 décembre 2013 du CTSM. Ces documents sont mentionnés aux paragraphes 33 et 34 des observations.

[9] La division d’appel n’a que des pouvoirs limités établis par la LMEDS. Son rôle est d’examiner la légalité de ce qu’a fait la division générale pour déterminer si elle a commis une erreur parmi un ou plusieurs des trois moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS. Un appel à la division d’appel ne constitue pas une nouvelle audience : Marcia v. Canada (Attorney General), 2016 FC 1367. Ainsi, en règle générale et comme confirmé dans l’affaire Parchment v. (Procureur général), 2017 CF 354, la preuve documentaire devant la division d’appel constitue la preuve au dossier dont disposait la division générale. Les nouveaux documents présentés par le représentant du demandeur et les mentions de ces documents, aux paragraphes 33 et 34 des observations, sont inadmissibles. De plus, ils n’ont aucune pertinence à la question qui m’est présentée. Cette question étant de déterminer si la division générale commit une erreur liée à la portée du paragraphe 58(1) de la LMEDS sur le fondement de la preuve portée à sa connaissance.

Analyse

[10] Pour ce qui est du second moyen d’appel, le représentant du demandeur affirme que le demandeur :

[traduction]
[…] agit de manière raisonnablement subjective considérant son expérience de vie (son père souffrait de convulsions à la suite d’une prise de médicament) et son état de santé général. Subsidiairement, s’il est démontré que la division générale avait été correcte en déterminant que le respect partiel du traitement médical était déraisonnable, la division générale erra en droit en ne tenant pas compte de l’impact que ce refus a pu avoir sur le statut d’invalidité du demandeur comme exigé dans l’arrêt Lalonde c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2002 CAF 211.

[11] Dans l’affaire Lalonde c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2002 CAF 211, la Cour d’appel fédérale a établi ce qui suit :

Dans l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, cette Cour conclut au paragraphe 38 de sa décision que son analyse du sous-alinéa 42(2)a)(i) de la Loi (RPC) :

donne fortement à penser que le législateur avait l’intention d’appliquer l’exigence concernant la gravité de l’invalidité dans un contexte « réaliste ». Exiger d’un requérant qu’il soit incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice n’est pas du tout la même chose que d’exiger qu’il soit incapable de détenir n’importe quelle occupation concevable. Chacun des mots utilisés au sous-alinéa doit avoir un sens, et cette disposition lue de cette façon indique, à mon avis, que le législateur a jugé qu’une invalidité est grave si elle rend le requérant incapable de détenir pendant une période durable une occupation réellement rémunératrice. À mon avis, il s’ensuit que les occupations hypothétiques qu’un décideur doit prendre en compte ne peuvent être dissociées de la situation particulière du requérant, par exemple son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie.

[…]

Le contexte « réaliste » suppose aussi que la Commission se demande si le refus de madame Lalonde de suivre des traitements de physiothérapie est déraisonnable ou non, et quel impact ce refus peut avoir sur l’état d’incapacité de madame Lalonde, dans le cas où le refus est déraisonnable. [caractères soulignés dans la version originale]

[12] Bien que la Cour dans l’affaire Lalonde devait mener un contrôle judiciaire de la décision de la Cour d’appel des pensions, prédécesseure de la division d’appel, les principes s’appliquent tout autant à la division générale lorsqu’elle traite de la question à savoir si un prestataire avait raisonnablement refusé un traitement médical.

[13] Dans l’instance devant la division générale, il incombe au demandeur d’établir qu’il avait raisonnablement refusé le traitement et, si son refus de suivre un traitement était correctement jugé déraisonnable, il a aussi le fardeau de démontrer qu’un tel refus n’avait aucune incidence sur son invalidité.

[14] En l’espèce, la division générale compléta une analyse complète des éléments de preuve abondants mis à sa connaissance. Au paragraphe 59 des motifs, le membre traita de la question du refus du demandeur à un certain nombre de traitements différents recommandés par ses médecins. Le membre observa [traduction] « que l’appliquant [le demandeur en l’espèce] n’avait pas établi le bien-fondé du non-respect de ses recommandations de traitements et par conséquent n’a pas fait d’efforts raisonnables pour améliorer son état de santé. »

[15] Il conclut ultimement :

[61] Ayant examiné l’ensemble de la preuve et tenu compte de l’effet cumulatif des problèmes de santé de l’appelant, le Tribunal n’est pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant était atteint d’une invalidité grave à la date de fin de sa PMA.

[16] Bien que le membre ait examiné à fond les multiples traitements qui avaient été recommandés par les médecins du demandeur et qui avaient été refusés par celui-ci, le membre pourrait ne pas avoir considéré correctement l’impact que le refus aurait pu avoir sur le statut d’invalide du demandeur. Ceci pourrait constituer une erreur de droit comme prévu à l’alinéa 58(1)b) de la LMEDS. Je juge que cette erreur potentielle constitue un moyen sur lequel ledit appel pourrait être accueilli.

[17] Aux fins de la présente demande, je n’ai pas à prendre une décision à savoir si tous les moyens d’appel présentés dans cette demande de permission d’en appeler soulèvent une cause défendable, car je juge que le demandeur a soulevé au moins un moyen qui le fait (voir l’arrêt Mette c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 276).

Décision

[18] La demande de permission d’en appeler est accordée. La décision accordant la permission d’en appeler ne présume bien sûr aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

[19] Conformément au paragraphe 58(5) de la LMEDS, la demande de permission d’en appeler est ainsi assimilée à un avis d’appel. Dans les 45 jours suivant la date de cette décision, les parties peuvent a) soit déposer des observations auprès de la division d’appel, b) soit déposer un avis auprès de la division d’appel précisant qu’elles n’ont pas d’observations à déposer conformément à l’article 42 du Règlement sur le TSS. Les parties peuvent aussi présenter, avec leurs observations quant à la pertinence de l’appel, des observations concernant le mode d’audience à privilégier pour l’instruction de l’appel (ex. téléconférence, vidéoconférence, par écrit ou en personne).

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