Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] L’intimé a reçu le 12 janvier 2015 la demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (le « RPC ») que l’appelante a présentée. L’appelante a affirmé qu’elle était invalide en raison d’une commotion cérébrale et d’une blessure à la tête et au cou. L’intimé a rejeté cette demande au stade initial ainsi qu’après réexamen. L’appelante a interjeté appel de la décision de réexamen devant le Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal »).

[2] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, l’appelante doit satisfaire aux exigences énoncées dans le Régime de pensions du Canada. Plus précisément, l’appelante doit être déclarée invalide au sens du RPC au plus tard à la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA). Le calcul de la PMA est basé sur les cotisations de l’appelante au RPC. Le Tribunal conclut que la PMA de l’appelante prendra fin le 31 décembre 2014.

[3] Cet appel a été instruit selon le mode d’audience Téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. les questions faisant l’objet de l’appel ne sont pas complexes;
  2. cette façon de procéder est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[4] L’appelante a assisté à l’audience, tout comme sa représentante, Ashley Silcock. Le mari de l’appelante, X, et ses enfants, X, X et X, étaient également présents à titre d’observateurs. L’intimé n’y a pas assisté.

[5] Le Tribunal a décidé que l’appelante est admissible à une pension d’invalidité du RPC pour les motifs énoncés ci-après.

Preuve

[6] L’appelante est née en X. Elle vit dans la région de X avec son mari et ses trois enfants, qui sont maintenant âgés de X, X et X ans.

[7] L’appelante a travaillé comme commis d’unité à la X de mai 1995 à juillet 2013. Elle a témoigné que son emploi était occasionnel, ce qui signifiait que son horaire dépendait des postes disponibles. Elle travaillait régulièrement à la X, mais souvent à temps partiel. Elle a complété son revenu en travaillant comme coiffeuse, bien qu’elle ait déclaré que ce travail était minime. Elle a décrit son emploi à X comme un poste comportant beaucoup de stress et de pression qui exigeait constamment d’exécuter plusieurs tâches.

Blessures, symptômes et limitations de l’appelante

[8] L’historique de la blessure subie par l’appelante est bien documenté dans le dossier. Pendant qu’elle était en vacances en juillet 2013, elle nageait sur le dos. Elle a foncé dans le bord de la piscine et s’est frappée durement la tête sur le béton. Elle n’a pas perdu connaissance, mais elle a éprouvé instantanément des douleurs à la tête et au cou et elle a commencé à se sentir étourdie et nauséeuse peu après. Elle s’est rendue à l’hôpital et a subi un tomodensitogramme de la tête, qui n’a révélé aucune anomalie.

[9] L’appelante a témoigné qu’elle a essayé de retourner au travail peu après la blessure. Elle se rappelait qu’elle avait essayé de faire un quart de travail et qu’elle se sentait très mal. Elle a quitté tôt et pouvait à peine conduire jusque chez elle.

[10] Dans sa demande de prestations d’invalidité, l’appelante a déclaré que sa blessure lui a causé de l’anxiété, une déficience visuelle, des vertiges, un mauvais équilibre, des étourdissements, des troubles cognitifs, une mauvaise mémoire, des migraines et un estomac irritable. À l’audience, elle a témoigné que, depuis sa blessure, elle a continué d’avoir ces symptômes et que ses maux de tête surviennent presque tous les jours et durent plusieurs heures.

[11] L’appelante a décrit des épisodes presque quotidiens de sensations de quasi perte de conscience. Cela se produit dans des circonstances telles qu’aller en magasin ou à l’école de ses enfants où il y a trop de lumière, trop de gens, trop de bruit ou trop de choses en même temps. Elle se sent étourdie et a besoin d’air, et s’éloigne alors si elle le peut. Après ces incidents, elle se sent mal pendant des jours et doit rester dans sa chambre. Elle a témoigné que pendant un certain temps après sa blessure, elle perdait connaissance dans ces situations, mais qu’elle a appris à éviter ces pertes de conscience ou à réduire au minimum leur durée. Si elle est seule, ne se sent pas bien et risque de s’évanouir, elle demande à quelqu’un de l’appeler plus tard pour vérifier si tout va bien.

[12] L’appelante a témoigné qu’elle a commencé à se sentir angoissée et déprimée quelque temps après sa blessure. Elle trouvait cela difficile à expliquer et a déclaré que [traduction] « cela se produit tout simplement ».

[13] Dans plusieurs lettres au dossier et dans son témoignage, l’appelante a dit qu’elle a éprouvé des difficultés constantes depuis juillet 2013. En plus d’avoir à se retirer des activités quotidiennes en raison de ses maux de tête et de sa crainte de s’évanouir, elle a de la difficulté à interagir avec son mari et ses enfants parce qu’elle ne peut se concentrer et qu’elle ne peut, souvent, supporter de les entendre parler. Elle ne peut pas aider ses enfants à faire leurs devoirs, pas plus qu'elle ne peut les aider à s’organiser ni faire le ménage. Elle ne peut pas se concentrer sur la lecture, que ce soit sur papier ou à l’ordinateur. Elle oublie beaucoup de choses. Elle est embarrassée par ses déficits cognitifs et évite donc de sortir ou de voir des amis. Elle a peur de conduire. Elle s’appuie sur des systèmes créés par son mari et son aîné pour l’aider à se souvenir des choses.

Traitement médical pertinent au présent appel

i. Remèdes « naturels »

[14] L’appelante a témoigné qu’elle a rapidement voulu mettre à l’essai des méthodes de traitement « naturel » pour voir si ça l’aiderait. Elle a consulté des naturopathes, les Drs Duffee et Willis, qui travaillent dans la même clinique et qui lui ont donné des traitements d'acupuncture et de type cranio-sacral, ainsi que des médicaments homéopathiques et des suppléments nutritionnels. Elle a témoigné qu’au début, elle consultait ces praticiens très souvent parce qu’elle trouvait que les traitements l’aidaient à composer avec ses symptômes; toutefois, ces traitements étaient très coûteux et elle n’a pu y aller aussi souvent qu’elle le souhaitait. Elle a témoigné que le traitement de type craniosacral en particulier était utile, mais qu’elle n’en avait reçu aucun depuis l’an dernier en raison de sa situation financière et de son incapacité à planifier quoi que ce soit en raison de ses symptômes.

[15] En dépit de l’attrait que les thérapies naturopathiques exercent sur l’appelante, elle a témoigné qu’elle n’était pas opposée au traitement conventionnel et qu’à sa connaissance, elle avait essayé toutes les thérapies et tous les médicaments que lui avaient suggérés les médecins qu’elle avait consultés.

ii. Chiropraticien

[16] L’appelante a consulté un chiropraticien, le Dr S. J. Blaskovich, de la Whiplash and Injury Clinic.  Il semble qu’elle y soit allée pour la première fois en 2013 et qu’elle ait eu une radiographie dynamique de sa colonne cervicale, ce qui, selon le Dr Blaskovich, a révélé une instabilité au niveau C1-C2 et a expliqué que l’appelante se soit plainte d’épisodes récurrents de maux de tête, de migraines, de douleurs au cou, d’étourdissements, de nausées, d’insomnie, de fatigue, de nervosité et de problèmes de concentration (GD2-49-52).

iii. Physiothérapie

[17] À un moment donné après sa blessure, l’appelante a commencé à consulter un physiothérapeute, R. Fletcher. Dans son rapport du 26 octobre 2015, il a indiqué qu’à cette époque, l’appelante continuait de se plaindre de nombreux symptômes, notamment des maux de tête, des changements d’humeur, de la sensibilité à la lumière et au bruit, ainsi que de problèmes de concentration et de mémoire. Malgré cela, bon nombre de ses examens vestibulaires et visuels semblaient normaux. M. Fletcher a déclaré qu’il continuerait d’administrer un traitement conservateur à l’appelante pour tenter de désensibiliser les symptômes de l’appelante aux problèmes visuels et vestibulaires et pour qu’elle fasse davantage d’exercice cardiovasculaire. Il demande s’il pourrait être utile d’orienter l’appelante vers la G.F. Strong Rehabilitation Clinic ou la Fraser Health Concussion Clinic. Il a également indiqué qu’il était préoccupé par certains des changements d’humeur de l’appelante, comme la frustration et l’irritabilité, et s’est demandé si elle devait également consulter quelqu’un pour ces changements (GD2-48).

[18] L’appelante a témoigné qu’elle s’est rendue dans une clinique de traitement des commotions; il semble qu’elle ait ainsi voulu désigner le bureau de M. Fletcher. Le dossier ne contient pas de rapport de la Fraser Health Concussion Clinic ni d’aucune autre clinique.

iv. Le Dr S. Alghamdi, neurologue

[19] L’appelante a consulté le Dr S. Alghamdi, neurologue, en octobre 2013. Dans son rapport, il a indiqué que les maux de tête de l’appelante se sont améliorés au cours des trois premières semaines ayant suivi sa blessure, mais qu’ils étaient revenus par la suite avec l’arrêt de la parole et des difficultés à se concentrer et à s’acquitter de ses tâches. Au moment de son rendez-vous, elle n’a décrit aucun autre symptôme neurologique ou dépressif focal.

[20] Après examen physique, le Dr Alghamdi s’est dit d’avis que l’appelante souffrait du syndrome post-commotionnel et que son état s’améliorerait considérablement au cours des trois prochains mois; il a toutefois noté que certains patients pouvaient avoir des symptômes pendant 12 à 18 mois. Il a suggéré à l’appelante de prendre six mois de congé, puis de tenter un retour progressif. Il a indiqué que l’appelante lui avait dit que ses maux de tête étaient bien maîtrisés avec du Tylenol et qu’elle n’était intéressée à aucun autre médicament. Il ne croyait pas qu’elle avait besoin d’autres traitements (GD2-90-91).

[21] L’appelante a témoigné qu’elle ne se souvenait d’aucune période au cours de laquelle ses maux de tête avaient beaucoup régressés ou étaient contrôlés au moyen du Tylenol, comme l’a suggéré le Dr Alghamdi. Elle croyait qu’elle se sentait peut-être mieux le jour où elle a vu le Dr Alghamdi et que c’est peut-être pour cette raison qu’il a fait ces déclarations. Elle a déclaré que le Dr Alghamdi a fait en sorte qu’elle se sentait folle.

v. Spécialiste en médecine interne

[22] En mars 2014, l’appelante a consulté le Dr M. Hussein, spécialiste en médecine interne. Il a souligné que, depuis la blessure, elle se plaignait principalement de maux de tête, mais aussi d’un manque de concentration, d’une incapacité à accomplir plusieurs tâches à la fois, de labilité émotionnelle et d’étourdissements. Elle s’était frappée la tête une deuxième fois. Le Dr Hussein a observé que l’appelante était pleinement consciente, alerte et orientée, sans détresse aiguë. Son état mental et son examen neurologique étaient normaux. Il a noté qu’une IRM effectuée en octobre 2013 n’a révélé aucune anomalie significative ni aucun changement par rapport aux examens antérieurs. Il s’est dit d’avis que l’appelante avait des symptômes post-commotionnels persistants qui étaient principalement des maux de tête, un manque de concentration, un manque de stabilité positionnelle et des vertiges. Il a pris des dispositions pour une IRM de la colonne cervicale. L’appelante a déclaré qu’elle prenait régulièrement des médicaments. Le Dr Hussein a commencé à lui administrer du propranolol et de la gabapentine. Il devait la revoir dans deux mois (GD2-96-98).

[23] Lorsque l’appelante est revenue voir le Dr Hussein en mai 2014, il a constaté que l’IRM récente de sa colonne cervicale était normale. Elle a signalé des symptômes persistants ainsi que des épisodes d’anxiété et de dépression. Le Dr Hussein a noté que l’appelante n’avait pas rempli ses ordonnances et qu’elle avait refusé un antidépresseur (Cipralex) parce qu’elle voulait d’abord faire de l’exercice physique et suivre des traitements naturels. Le Dr Hussein a conseillé à l’appelante de consulter le Dr Dang, son médecin de famille, si elle décidait après tout d’essayer un antidépresseur. Il n’a pas fixé de rendez-vous de suivi, mais a indiqué qu’il serait heureux de la revoir au besoin.  

[24] L’appelante a témoigné qu’elle se rappelait avoir pris de la gabapentine, mais qu’elle ne se souvenait pas comment ou si cela l’avait affectée. Elle a pris du Cipralex, mais elle ne se rappelait pas quand elle avait commencé ni comment ou si ce médicament l’avait aidée. (Le questionnaire relatif à l’invalidité ainsi que le rapport du Dr Dang indiquent qu’elle prenait du Cipralex en date de décembre 2014).

vi. Traitement en santé mentale

[25] En novembre 2015, l’appelante a été évaluée à l’établissement White Rock Mental Health après avoir y avoir été aiguillée par le Dr Dang. Le rapport d’admission indiquait qu’elle avait l’impression d’être dépassée, d’être anxieuse, d’éprouver des crises d’anxiété occasionnelles, d’avoir un faible seuil de stimulation, y compris par la lumière, d’être plus irritable, d’avoir des étourdissements, d’être déprimée à l’occasion, d’avoir une mémoire médiocre et des problèmes de concentration. Elle a également signalé des troubles du sommeil et des maux de tête. Elle a déclaré avoir ressenti tous ces symptômes à divers degrés depuis sa commotion cérébrale subie en 2013. Ces symptômes ont fait en sorte qu’il lui était difficile d’accomplir des activités de la vie quotidienne, de retourner au travail ou de conduire à l’extérieur de sa ville. Elle craignait de s’évanouir. Elle a déclaré qu’elle croyait qu’on lui avait prescrit des médicaments pour l’anxiété, mais qu’elle ne se souvenait pas du nom ou de l’effet positif ou non.

[26] L’appelante s’est fait offrir de subir une évaluation psychiatrique. Il lui a été mentionné qu’elle bénéficierait d’un counseling individuel de courte durée pour accroître ses capacités d’adaptation et réduire son anxiété. Elle a indiqué qu’elle était ouverte à une thérapie de groupe, mais qu’elle ne se sentait pas en mesure de gérer des groupes à l’heure actuelle. Elle a été affectée à un thérapeute à des fins de traitement (GD3-21-24).

[27] L’appelante a témoigné qu’elle a consulté un conseiller nommé X à plusieurs reprises à White Rock Mental Health. Il lui a donné [traduction] « divers éléments à travailler », mais elle continue de se sentir dépassée. Elle ne se rappelait pas quand elle avait vu X pour la dernière fois, et elle a déclaré qu'elle aimerait y retourner, mais que ses appels à White Rock Mental Health n'avaient pas eu de suite.

vii. Le Dr K. Kowal, neurologue

[28] L’appelante a consulté le Dr  K. Kowal, neurologue, en décembre 2015. Le Dr Kowal indique que l’appelante a subi un traumatisme crânien en décembre 2013. Il n’a pas mentionné l’accident survenu en juillet 2013. L’appelante lui a dit que, depuis, elle avait des maux de tête chroniques au moins 15 fois par mois et qu’ils s’aggravaient de façon épisodique. Elle avait alors des nausées, des vomissements et souffrait de photophobie. Il lui fallait rester dans une pièce sombre. Ces maux de tête duraient de 4 à 72 heures. Elle a également signalé, entre autres, des étourdissements intermittents déclenchés par le roulement dans le lit, de la difficulté à se concentrer, et une crainte des foules et de fréquenter des endroits bruyants et éclairés. Le Dr Kowal a noté que l’appelante prenait de l’Advil et du Tylenol plus de 10 jours par mois pour ses maux de tête, ainsi que [traduction] « une grande quantité de médicaments homéopathiques et naturopathiques ».

[29] Le Dr Kowal a noté que l’examen neurologique de l’appelante était normal, mais qu’elle avait [traduction] « de multiples diagnostics » : un trouble de migraine épisodique post-commotionnel; des maux de tête chroniques secondaires tous les jours, constitués d’un mélange de migraines transformées et de céphalées induites par des médicaments; une céphalée déchirante qui durait moins d’une minute et en réaction à une thérapie à l’indométhacine, un vertige positionnel paroxystique bénin (VPPB) intermittent, de l’anxiété et de la dépression. Il a souligné à quel point il était difficile d’interagir avec l’appelante et a déclaré qu’elle souffrait peut-être d’un trouble psychiatrique qui nuisait à son fonctionnement. Il a recommandé un traitement avec des inhibiteurs spécifiques du recaptage de la sérotonine (ISRS) le plus tôt possible et s’est dit d’avis que son manque d’amélioration pourrait être attribuable en partie à sa préférence de ne pas prendre de médicaments. Il a déclaré que la plupart des gens réagissent à la nortriptyline et au Topamax (topiramate) pour la migraine post-commotionnelle.

[30] Le Dr Kowal a formulé les recommandations suivantes, que l’appelante a accepté de suivre. Il lui a recommandé de réduire les analgésiques, car ils pourraient contribuer à ses maux de tête. Il a proposé de les utiliser au plus cinq jours par mois. Elle devait commencer à prendre de la nortriptyline, dont la progression posologique serait lentement portée à 75 ou 100 mg, et y rester pendant au moins six mois si elle était tolérée; elle devait aussi commencer à prendre du Topamax jusqu'à 100 mg deux fois par jour. Elle devait apprendre les manœuvres d’Epley et de Semont sur Youtube pour traiter ses vertiges. Le Dr Kowal était d’avis que les maux de tête lancinants de l’appelante seraient moins susceptibles de se produire une fois que ses migraines seraient apaisées et a indiqué qu’elle ne devrait pas prendre d’indométhacine à ce moment-ci, car cela pourrait stimuler ses maux de tête chroniques quotidiens. Il a souligné que même si son IRM de la colonne cervicale était normale, l’appelante pourrait souhaiter une évaluation orthopédique de son cou pour vérifier qu’elle souffre bien d’instabilité de la colonne cervicale. Il devait la réévaluer dans six mois (GD2-44).

[31] L’appelante a déclaré qu’elle avait réduit les doses d’Advil et de Tylenol, comme il lui avait été suggéré, et elle se rappelait avoir pris d’autres médicaments donnés par le Dr Kowal, mais elle ne se rappelait pas si ces médicaments avaient aidé ou non. Ses dossiers pharmaceutiques indiquent qu’elle a fait remplir une ordonnance d’Aventyl (nortriptyline) du Dr Kowal en décembre 2015 (GD4-13). Elle a témoigné que ses migraines ne se sont jamais calmées et qu’elle s’est rendue à l’hôpital à de nombreuses reprises pour cette raison. Elle a reçu des médicaments en intraveineuse dont elle a oublié le nom. Son physiothérapeute lui a dit que les manœuvres d’Epley et de Semont avaient déjà été essayées et que celles-ci n’avaient pas fonctionné et ne fonctionneraient pas dans son cas parce que ses problèmes étaient causés par son cou. Elle ne se souvenait pas si elle avait eu une consultation en orthopédie en raison de ses nombreux rendez-vous.

viii. La G.F. Strong Rehabilitation Clinic

[32] L’appelante a été reçue par un résident en médecine physique et de réadaptation, le Dr D. Dance, en février 2016 (GD2-29-32). Elle lui a signalé des symptômes réfractaires persistants, notamment une perturbation de l’équilibre, une sensibilité à la lumière et au bruit, des maux de tête, des changements dans le sommeil et des changements cognitifs comme une mauvaise mémoire. Après examen, le Dr Dance a constaté que l’appelante souffrait du syndrome post-commotionnel. Il estimait que sa douleur au cou était un facteur important de ses maux de tête et qu’elle pouvait aussi contribuer à ses étourdissements. Il a discuté d’un plan avec l’appelante, y compris une thérapie par le froid, des anti-inflammatoires topiques, de l’automassage et l’utilisation de Tylenol et d’Advil. Comme elle avait récemment développé un reflux d’acide, il a suggéré que son médecin de famille envisage d’utiliser un inhibiteur de la pompe à protons pour faciliter l’utilisation d’un anti-inflammatoire plus puissant, comme le naproxène, pendant une à deux semaines. Il a également donné des directives de physiothérapie ciblant la douleur myofasciale et la dysfonction oculomotrice. Si Advil et Tylenol ne contrôlaient pas ses maux de tête, un triptan pourrait être considéré. Il lui a recommandé de poursuivre ses consultations et d’envisager la venlafaxine, car elle était connue pour soulager les douleurs myofasciales et neuropathiques en plus d’être un antidépresseur.

[33] Le Dr Dance a suggéré que l’appelante fasse davantage d’activité physique en marchant à un rythme modéré jusqu’à 30 minutes par jour, cinq jours par semaine. Il lui a suggéré de se fixer des objectifs cognitifs et sociaux, bien qu’il reconnaisse qu’il pourrait être difficile pour elle de tolérer ses activités cognitives et sociales en raison de son état actuel. Il a proposé une étude de son sommeil, car elle présentait certaines caractéristiques compatibles avec l’apnée du sommeil. Il a déclaré que si les symptômes de l’appelant se révélaient réfractaires, il faudrait envisager un programme de traitement de la douleur bien qu’il ne pense pas qu’un tel programme soit justifié pour le moment. Il devait la revoir dans trois mois.

[34] L’appelante a témoigné qu’elle a toujours tenté de faire de l’exercice régulièrement en marchant et que son succès est variable. Elle ne se souvenait pas si elle avait pris des médicaments recommandés par le Dr Dance. Elle se rappelait d’être allée à l’hôpital à plusieurs reprises cet hiver et d’avoir reçu des médicaments. Elle ne se souvient pas d’un programme de traitement de la douleur proposé, ni d’une étude du sommeil. Elle croyait qu’on aurait pu lui fixer un rendez-vous et qu’elle avait manqué le rendez-vous.

ix. Médecin de famille

[35] Le Dr N. Dang est le médecin de famille de l’appelante depuis plus de 15 ans. En décembre 2014, il a rempli le rapport médical qui accompagnait sa demande de prestations d’invalidité. Il a déclaré que depuis juillet 2013, il l’avait traitée pour le syndrome post-commotionnel, des maux de cou chroniques et la dépression et l’anxiété réactives, et qu’il l’avait vue pour la dernière fois le jour de son rapport. Elle était limitée par de graves maux de tête, des douleurs au cou, des étourdissements, un mauvais équilibre, de la photosensibilité, de faibles fonctions cognitives, une mémoire altérée, une faible concentration, une faible énergie, et des symptômes d’anxiété physique, y compris des palpitations. Elle a été hospitalisée en juillet 2013 pour de graves maux de tête et en décembre 2013 pour de graves maux de tête et des douleurs thoraciques. Le Dr Dang a noté que l’appelante avait suivi des traitements de physiothérapie, de thérapie craniosacrale et a eu des massages et de l’acupuncture, dont certains se poursuivaient. Elle prenait aussi du Cipralex. Il estimait que son pronostic était sombre en raison de son long parcours à ce jour (GD2-84-87).

[36] En septembre 2015, le Dr Dang a indiqué que l’appelante ne s’était pas améliorée depuis sa blessure initiale et qu’elle avait été orientée vers une clinique de neurologie à des fins de réévaluation et de traitement dans une clinique de soins des commotions (GD2-12).

[37] Les notes cliniques du Dr Dang indiquent que l’appelante l’a consulté en mars, juin, novembre et décembre 2015 et qu’elle continuait d’être symptomatique. En novembre 2014, il a indiqué qu’il lui a donné des conseils et qu’il envisageait [traduction] « un autre ISRS, comme Trintellix » [vortioxetine] (GD3-55). En décembre, elle est retournée pour renouveler son médicament (indéterminé) et a déclaré que son humeur était stable et qu’elle se sentait mieux lorsqu’elle prenait ses médicaments. Elle a ensuite consulté le Dr Dang en février 2016 et lui a dit qu’elle avait consulté un physiatre à G.F. Strong qui l’avait informée des [traduction] « choses à faire » (GD2-80-81; GD3-55-58).

[38] Il n’y a aucune trace de visites au Dr Dang après février 2016. L’appelante a témoigné qu’elle continue de le voir tous les deux ou trois mois. Son bureau est situé à 45 minutes de son domicile et il est difficile de s’y rendre; par conséquent, elle se rend souvent au service d’urgence.

[39] En janvier 2017, le Dr Dang a indiqué que l’état de l’appelante ne s’était pas amélioré depuis juillet 2013. Elle a continué à souffrir de migraines graves, d’étourdissements, de vertiges, de photosensibilité et de nausées, ce qui lui a causé des difficultés dans ses activités de la vie quotidienne et l’a laissée [traduction] « totalement incapable de travailler » (GD4-3).

Observations

[40] L’appelante soutient qu’elle est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Elle est atteinte d’une affection grave et prolongée depuis juillet 2013.
  2. Elle n’a pas la capacité de tenter d’occuper tout type de travail ou de se recycler.
  3. En raison de son état de santé, elle ne peut s’engager à respecter un horaire et ne peut se présenter au travail régulièrement.

[41] L’intimé a fait valoir que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. La preuve médicale ne démontre pas qu’elle ne pourrait pas faire un travail convenable qui respecte ses limitations.
  2. Son traitement en santé mentale a donné des résultats positifs et on pourrait s’attendre à d’autres améliorations en poursuivant le traitement.
  3. Il reste des options d’investigation et de traitement qui pourraient l’aider à traiter ses symptômes.
  4. L’âge de l’appelante et ses compétences professionnelles transférables signifient qu’un autre emploi n’est pas exclu.

Analyse

Critères d’admissibilité à la prestation d’invalidité

[42] L’appelante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, ou qu’il est plus probable qu’improbable, qu’elle est invalide au sens du RPC.

[43] L’alinéa 44(1)b) du RPC établit les critères d’admissibilité pour la prestation d’invalidité du RPC. Pour se qualifier à la prestation d’invalidité, un cotisant doit :

  1. a) être âgé de moins de 65 ans;
  2. b) ne pas toucher de pension de retraite du RPC;
  3. c) être invalide;
  4. d) avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[44] L’alinéa 42(2)a) du RPC définit l’invalidité comme une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une personne est considérée comme ayant une incapacité grave si elle est régulièrement incapable d’exercer une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité n’est prolongée que si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Invalidité grave

[45] Le Tribunal conclut que l’appelante est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en raison des nombreux symptômes de son traumatisme crânien.

[46] Le Tribunal reconnaît que l’appelante s’est exprimée honnêtement. Sa capacité de se concentrer sur les questions qui lui ont été posées était extrêmement faible, tout comme sa mémoire. Son témoignage n’a donc pas été très utile pour établir la chronologie des événements, mais il a permis de confirmer de façon frappante les symptômes et les limitations qu’elle a signalés de façon constante depuis 2013.

[47] Peu de conclusions objectives expliquent les symptômes de l’appelante, outre les résultats de la radiographie dynamique interprétée par le Dr Blaskovich, chiropraticien. Son opinion semble avoir été ignorée par les médecins. Quoi qu’il en soit, les conclusions des spécialistes indiquent que l’absence de conclusions objectives ne signifiait pas que l’appelante ne présentait pas légitimement les symptômes dont elle se plaignait. Personne n’a laissé entendre que l’appelante simulait ou exagérait.

[48] Cet important critère doit être évalué dans un contexte réel (Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248). Cela signifie qu’au moment de décider si l’invalidité d’une personne est grave, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau de scolarité, la maîtrise de la langue et l’expérience de travail et de vie antérieure.

[49] La mesure de la gravité d’une invalidité ne consiste pas à savoir si la personne souffre de graves handicaps, mais plutôt si son invalidité l’empêche de gagner sa vie. La détermination de la gravité de l’invalidité n’est pas fondée sur l’incapacité d’une personne d’accomplir son travail régulier, mais plutôt sur son incapacité d’accomplir un travail, c’est-à-dire une occupation véritablement rémunératrice (Klabouch c. Canada (Développement social), 2008 CAF 33).

[50] Lorsqu’il existe une preuve de capacité de travail, une personne doit démontrer que les efforts déployés pour obtenir et conserver un emploi ont été infructueux en raison de son état de santé (Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117).

[51] Bien que l’appelante soit relativement jeune, instruite et qu’elle avait des compétences susceptibles d’être transférables à un milieu de travail différent, celles-ci ne permettent pas de surmonter l’effet de ses symptômes. Elle est sensible au bruit, à la lumière et aux foules, ce qui la rend nauséeuse et anxieuse. Elle souffre de maux de tête réguliers et débilitants qui l’obligent à passer de longues périodes dans une pièce sombre. Sa mémoire et sa concentration sont mauvaises. Elle n’a aucun contrôle sur ces symptômes, sauf pour minimiser ses activités afin de prévenir leur apparition. Il n’est pas réaliste de s’attendre à ce qu’elle soit régulièrement capable de se présenter au travail et d’être productive.

[52] L’observation du Dr Kowal selon laquelle l’appelante était capable de gérer ses trois enfants ne laisse pas entendre qu’elle avait une capacité de travailler. On ne sait pas exactement sur quoi le Dr Kowal s'est fondé pour faire cette déclaration. Dans une lettre écrite par l’appelante le même mois, celle-ci a décrit ses difficultés à s’occuper de sa famille et comment ses enfants étaient souvent en retard à l’école ou absents à cause de ces difficultés. Le Tribunal constate qu’en décembre 2015, les enfants de l’appelante étaient âgés de 5, 9 et 10 ans, de sorte que la « gestion » de ces enfants nécessitait beaucoup moins d’attention et d’activité physique que s’ils avaient été plus jeunes. Le Tribunal accepte le témoignage de l’appelante selon lequel la plupart des soins prodigués aux enfants ont été de qualité inférieure ou assurés par son mari depuis juillet 2013.

[53] Le rythme de travail de l’appelante était soutenu et déclencherait sans doute ses symptômes. Ce serait probablement le cas dans n’importe quel milieu de travail. Le Tribunal accepte la preuve selon laquelle l’appelante peut à peine fonctionner à la maison et doit se retirer régulièrement de la vie familiale. Elle ne pourrait fonctionner dans aucun milieu de travail. Son état est grave au sens où ce terme est défini dans le RPC.

Invalidité prolongée

[54] Le Tribunal conclut que l’état de l’appelante devrait durer pendant une période longue et indéfinie.

[55] En octobre 2013, le Dr Alghamdi ne croyait pas que d’autres traitements s’imposaient parce qu’il pensait que l’appelante se rétablirait en quelques mois. Cela s’est avéré erroné. Depuis, l’appelante a suivi divers types de traitement, sans amélioration importante et sans s’attendre raisonnablement à ce qu’ils soient efficaces dans l’avenir, parce que le dossier de l’appelante illustre ce qui est de notoriété publique en Colombie-Britannique : les personnes qui doivent accéder au système médical par elles-mêmes plutôt que par l’entremise d’une compagnie d’assurance ou par le régime d’indemnisation des accidentés du travail ont de la difficulté à recevoir des soins et un suivi complets et à obtenir des rapports et des dossiers complets. Le médecin de famille est le « protecteur » dans toutes ces situations, et la qualité des soins et de la tenue des dossiers dépend beaucoup de son niveau de mobilisation, ce qui peut être affecté par la capacité du patient de consulter régulièrement le médecin de famille de se montrer déterminé à obtenir tous les traitements recommandés.

[56] En l’espèce, il ne fait aucun doute que le Dr Dang a participé au traitement de la blessure de l’appelante et qu’il estime qu’elle est invalide. Il l’a dirigée vers les enquêtes et vers les spécialistes susmentionnés et il a reçu les rapports qui en ont résulté. Toutefois, il ne ressort pas de ses notes cliniques qu’il a pris toutes les mesures possibles pour s’assurer que l’appelante a suivi les traitements recommandés, notamment en continuant à prendre des médicaments ou en retournant voir des spécialistes pour un suivi. Il ne l’a pas informée des suggestions contradictoires des Drs Kowal et Dance dans un délai de deux mois en 2015-2016; il ne l’a pas dirigée vers un psychiatre, comme l’a suggéré l’établissement White Rock Mental Health; ses notes concernant ses ordonnances sont brèves et inutiles.

[57] Il est possible que l’appelante n’ait pas consulté le Dr Dang plus que les quelques fois mentionnées par ce dernier. Il est possible qu’elle n’ait pas fait de suivi auprès du Dr Dance et qu’elle n’ait pas non plus suivi son counseling. Elle n’a peut-être pas pris tous les médicaments suggérés. Comme on l'a vu plus haut, sa mémoire est mauvaise et elle ne se souvenait pas beaucoup de son traitement. Cependant, il apparaissait clairement que même avec l'aide de son mari, elle a été incapable de naviguer dans le système de soins de santé et de faire le suivi de tous les traitements suggérés.

[58] L’appelante ne peut être blâmée sur ce point. Elle n’a pas toujours refusé volontairement de prendre des médicaments ou de se présenter à des rendez-vous. Le Tribunal est convaincu que l’appelante a fait et continue de faire un effort raisonnable pour accéder au traitement du mieux qu’elle le pouvait. Elle éprouve d’importants problèmes de santé, financiers et autres qui ont nui à sa capacité de le faire. Rien ne laisse croire que cette situation s’améliorera. Ainsi, bien qu’il puisse exister en théorie des traitements potentiellement prometteurs, l’appelante n’a pas été en mesure de les obtenir régulièrement ou en temps opportun et il est peu probable qu’elle le fasse à l’avenir.

[59] Au moment de l’audience, quatre années s’écoutaient écoulées depuis l’accident de l’appelante. Ses symptômes demeuraient invalidants. Elle n’a connu aucune amélioration durable depuis juillet 2013. Son état s’est prolongé.

Conclusion

[60] Le Tribunal conclut que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en juillet 2013, lorsqu’elle a subi pour la première fois une blessure à la tête et au cou. Bien qu’il semble que ses maux de tête aient été maîtrisés pendant un certain temps et que sa dépression et son anxiété se soient produites plus tard, la preuve a démontré qu’elle a présenté des symptômes importants et qu’elle a été régulièrement incapable de travailler depuis juillet 2013. La blessure subséquente survenue plus tard cette année-là a peut-être exacerbé ses symptômes, mais tout compte fait, le Tribunal est convaincu qu’ils sont invalidants depuis juillet 2013.

[61] Aux fins des prestations, une personne ne peut être réputée invalide plus de quinze mois avant que l’intimé reçoive la demande de pension d’invalidité (alinéa 42(2)b) du RPC). La demande a été reçue en janvier 2015; par conséquent, l’appelante est réputée invalide en octobre 2013. Selon l’article 69 du RPC, les versements commencent quatre mois après la date présumée de l’invalidité. Les versements prennent donc effet en février 2014.

[62] L’appel est accueilli.

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