Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision rendue le 3 mars 2016 par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal), qui a statué qu’il n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC).

[2] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[3] Conformément au paragraphe 56(1) de la Loi sur le MEDS, il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission. La nécessité d’obtenir la permission d’en appeler à la division d’appel s’inscrit dans l’objectif d’éliminer les appels qui n’ont aucune chance raisonnable de succès : Bossé c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1142, au paragraphe 34. De plus, la permission d’en appeler sera seulement accordée si le demandeur démontre qu’au moins l’un des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS confère à son appel une chance raisonnable de succès : Belo-Alves c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1100, aux paragraphes 70 à 73. Dans ce contexte, avoir une chance raisonnable de succès consiste à « disposer de certains motifs défendables grâce auxquels l’appel proposé pourrait avoir gain de cause » : Osaj c. Canada (Procureur général), 2016 CF 115, au paragraphe 12.

[4] Dans la demande de permission d’en appeler, le représentant du demandeur soutient que la division générale a :

  1. commis une erreur de droit comme elle n’a pas bien appliqué les critères juridiques énoncés par la Cour d’appel fédérale dans Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, et D’Errico v. Canada (Procureur général), 2014 CAF 94, aux faits portés à sa connaissance pour déterminer si le demandeur était atteint d’une invalidité grave;
  2. commis une erreur de droit du fait qu’elle n’a pas accordé une grande valeur aux rapports subséquents des docteurs Darby et Teitelbaum sous prétexte que ces rapports [traduction] « contredisaient les traitements qu’ils avaient promis précédemment et leurs propres pronostics et semblaient être adaptés pour le Tribunal plutôt que d’être axés ou de porter sur les traitements prodigués au demandeur au moment où ces rapports ont été produits »;
  3. commis une erreur de droit en accordant que [traduction] « peu de poids » au rapport d’expert de Gerard Arberts en comparaison à ceux du docteur Dave et du docteur Sockanathan;
  4. fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, quand elle a conclu que le témoignage du demandeur était franc et crédible, mais qu’elle a ensuite seulement tenu compte d’une partie de son témoignage et d’une partie du reste de la preuve pour rendre sa décision et, ainsi, a tiré ses conclusions sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[5] La seule question que je dois trancher dans le cadre de cette demande est de savoir si l’appel proposé par le demandeur a une chance raisonnable de succès.

[6] Pour ce qui est du premier motif d’appel, la demande de permission d’en appeler énonce en détail la preuve qui porte sur les caractéristiques personnelles et les activités quotidiennes du demandeur dont le membre de la division générale aurait dû, selon le demandeur, tenir compte en appliquant l’arrêt Villani. Le demandeur soutient que le membre de la division générale, en ne considérant pas cette preuve, a agi de façon contraire aux directives données par la Cour d’appel fédérale dans Villani et D’Errico, supra, et a ainsi commis une erreur de droit.

[7] Dans Villani, la Cour d’appel fédérale a ordonné que le critère relatif à la gravité prévu au paragraphe 42(2) du RPC doit être appliqué en rapport au « monde réel ». La Cour s’est exprimée comme suit :

[40] […] Bien entendu, l’obligation pour les requérants [en application de l’alinéa 68(1)c) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada] de fournir au ministre des renseignements ayant trait à leur formation scolaire, à leur expérience de travail et à leurs activités habituelles ne peuvent qu’indiquer que ces détails « réalistes » sont en fait pertinents à une décision sur la gravité de l’invalidité prise conformément à la définition donnée au sous-alinéa 42(2)a)(i) du Régime.

[8] La Cour a statué ce qui suit dans D’Errico :

[4] […] Ce critère juridique, utilisé pour déterminer la gravité d’une invalidité, doit être « appliqué en conservant un certain rapport avec le “monde réel” » en vue d’examiner l’employabilité du demandeur en fonction de sa formation scolaire, de son expérience de travail et de ses activités habituelles : Villani, aux paragraphes 38 et 39. Lorsqu’il est établi que le demandeur est en mesure de travailler, il doit démontrer que les efforts qu’il a déployés pour se trouver un emploi et pour le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé : Canada (Procureur général) c. Ryall, 2008 CAF 164, au paragraphe 5.

[9] Je souligne que la demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire servant à obtenir le droit de défendre son appel sur le fond. Au stade de la demande de permission d’en appeler, le demandeur doit démontrer qu’au moins l’un des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS confère à l’appel proposé une chance raisonnable de succès. Lorsque l’appel sera instruit sur le fond, le demandeur devra prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la division générale a commis l’une des erreurs comprises au paragraphe 58(1). Ainsi, l’étape de la demande de permission d’en appeler représente un obstacle différent, et considérablement moins difficile à franchir, qu’un appel sur le fond.

[10] Ici, le représentant du demandeur admet que la division générale a énoncé les éléments de preuve concernant l’âge, le niveau d’instruction, les antécédents professionnels et les compétences transférables du demandeur et qu’elle les a considérés lorsqu’elle s’est penchée sur le contexte réaliste de l’affaire, comme l’exigent Villani et D’Errico. Il soutient cependant que la division générale a commis des erreurs de droit parce qu’elle n’a pas tenu compte de ses autres caractéristiques personnelles et activités quotidiennes pour parvenir à conclure qu’il n’était pas atteint d’une invalidité grave.

[11] Selon moi, le demandeur a soulevé une question touchant la façon dont la division générale a appliqué Villani et, si sa prétention était prouvée, elle pourrait mener à la conclusion qu’une erreur de droit, se rattachant au moyen d’appel prévu à l’alinéa 58(1)b) de la Loi sur le MEDS, a été commise. Il y avait une quantité considérable d’éléments de preuve, produits à l’oral comme à l’écrit, se rapportant à l’incidence de l’invalidité du demandeur sur sa vie, et plus précisément sur ses activités quotidiennes. Dans ses motifs de décision, la division générale n’a pratiquement pas traité de ces éléments de preuve dans la partie où elle s’est penchée sur l’application des facteurs consacrés par Villani. Pour cette raison, je suis convaincue que le demandeur a soulevé un motif défendable grâce auquel l’appel proposé pourrait avoir gain de cause.

[12] Comme j’ai conclu que ce motif confère à l’appel une chance raisonnable de succès, je n’ai pas examiné à ce stade les autres motifs invoqués par le demandeur.Note de bas de page 1 En appel, le demandeur pourra recourir à n’importe lequel des motifs qu’il a soulevés dans sa demande de permission d’en appeler.

Décision

[13] La demande de permission d’en appeler est accueillie.

[14] Conformément au paragraphe 58(5) de la Loi sur le MEDS, la demande de permission d’en appeler est ainsi assimilée à un avis d’appel. Dans les 45 jours suivant la date de la présente décision, les parties peuvent a) soit déposer des observations auprès de la division d’appel, b) soit déposer un avis auprès de la division d’appel précisant qu’elles n’ont pas d’observations à déposer : article 42 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale. En plus de leurs observations sur le fond de l’appel, les parties pourraient vouloir présenter des observations sur le mode d’audience selon lequel l’appel devrait être instruit (par écrit, par téléconférence, par vidéoconférence ou par comparution en personne).

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