Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est accordée.

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) le 10 novembre 2016. La division générale avait précédemment tenu une audience par téléconférence et conclu que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC), parce qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité « grave » avant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), soit le 31 décembre 2009.

[2] Le 16 février 2016, dans les délais prescrits, le représentant de la demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel.

Droit applicable

[3] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission, et la division d’appel accorde ou refuse cette permission.

[4] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la demande de permission d’en appeler est rejetée si la division d’appel est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[5] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’il existe un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. La Cour d’appel fédérale a statué que la question à savoir si une affaire est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[7] Une demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond. S’il s’agit d’un premier obstacle à surmonter pour un demandeur, cet obstacle est moins imposant que celui auquel il devra faire face lors de l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[8] La division d’appel doit décider si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Observations

[9] Dans sa demande de permission d’en appeler, la demanderesse a soutenu que la division générale avait commis une erreur de droit, pour les raisons suivantes :

  1. elle a mal appliqué le principe établi dans Inclima c. CanadaNote de bas de page 3 en ne tenant pas suffisamment compte de la preuve selon laquelle la demanderesse n’a pas tenté avec succès de conserver une série d’emplois avant de présenter une demande de prestations d’invalidité en vertu du RPC;
  2. elle a mal interprété l’arrêt Villani c. CanadaNote de bas de page 4 en concluant que l’âge de la demanderesse, son éducation, ses compétences linguistiques et ses expériences de travail ne constituaient pas d’obstacles à son retour au travail.

Analyse

Arrêt Inclima

[10] La demanderesse soutient que la division générale a mal appliqué le principe établi dans l’arrêt Inclima en écartant la preuve à savoir qu’elle avait essayé sans succès de demeurer au travail. Notamment, la demanderesse fait valoir que la division générale conclut qu’elle ne s’était pas acquittée de son obligation de chercher un emploi de substitution malgré les éléments de preuve voulant qu’elle eût demandé un poste différent à son dernier employeur même si aucun n’était offert. La division générale a aussi ignoré son inscription à des cours de niveau collégial en 2012-2013 et ses deux tentatives infructueuses à faire différents types d’emploi : un dans la vente au détail et l’autre dans l’entretien.

[11] À mon avis, ce moyen n’offre pas une chance raisonnable de succès en appel. L’arrêt Inclima appuie le principe selon lequel une personne doit démontrer, s’il existe une preuve de sa capacité de travailler, que les efforts qu’elle a déployés pour obtenir et conserver un emploi ont été infructueux pour des raisons de santé. En l’espèce, la division générale cita correctement Inclima et nota le témoignage de la demanderesse concernant ses efforts de continuer de travailler comme suit :

[23] La demanderesse a dit au Tribunal qu’à cause de ses difficultés, elle avait demandé à son employeur pour un emploi différent, mais qu’aucun n’était disponible. De manière à essayer et trouver un emploi moins exigeant physiquement, elle tenta de suivre des cours en 2012-2013, mais elle n’a pas pu les terminer.

[26] La courte tentative de retour au travail de la demanderesse a été documentée; elle avait alors tenté de travailler à la vente au détail et avait essayé de faire l’entretien ménager de la maison de ses voisins. Dans les deux cas, ces tentatives ont été infructueuses. La demanderesse dit au Tribunal qu’elle ne savait pas comment elle aurait pu nettoyer la maison de ses voisins, car elle était incapable de faire son propre ménage.

[12] J’ai examiné les sections pertinentes de l’enregistrement sonore de l’audience et j’ai conclu que la division générale avait correctement rapporté l’essence du témoignage de la demanderesse sur ces points. J’ai aussi entendu que la division générale avait questionné activement la demanderesse pour déterminer : (i) si, en fait, elle s’était inscrite à des cours de niveau collégial (elle répondit qu’elle s’était informée et que le préposé aux admissions l’avait dissuadée à suivre des cours); (ii) si elle avait vraiment travaillé dans un magasin de détail (elle affirma qu’elle avait seulement posé sa candidature à un magasin Winners) et (iii) si elle avait réellement tenté de nettoyer la maison de ses voisins (elle dit que ses symptômes auraient rendu ce projet impossible).

[13] Une fois établis, la division générale s’est alors appuyée sur ces faits pour conclure que la demanderesse n’avait pas fait d’efforts suffisants pour trouver un travail qui convienne à ses problèmes de santé et la division nota ce qui suit :

[traduction]

[36] Le Tribunal nota que la demanderesse témoigna qu’elle avait tenté de trouver du travail à Winner’s, toutefois elle n’a jamais appelé pour cet emploi. La demanderesse affirma aussi qu’elle avait essayé de nettoyer la maison de ses voisins, cependant comme elle était incapable de faire le ménage dans sa propre maison, elle a dû dire à ses voisins qu’elle en serait incapable. Le Tribunal conclut que même si la demanderesse a indiqué qu’elle était incapable de conserver tout type d’emploi à cause de ses symptômes, en réalité elle n’a pas démontré son incapacité à obtenir et à conserver un emploi à cause de ses symptômes conformément aux facteurs énoncés dans l’arrêt Inclima.

[14] Je reconnais que l’explication de la division générale sur sa justification est fragmentaire, mais le résultat est conforme à la preuve, et je ne vois pas comment la division générale a appliqué de manière erronée les principes de l’arrêt Inclima aux faits en l’espèce. À titre de juge des faits, il était de la compétence de la division générale d’apprécier les éléments de preuve et de tirer des conclusions conformément à la loi. En concluant que la demanderesse avait fait un effort moins que sincère à tenter de se recycler ou de trouver un travail acceptable, la division générale était en droit de tirer une conclusion défavorable, malgré les prétentions de douleurs chroniques et de dépression de la demanderesse.

Arrêt Villani

[15] La demanderesse soutient que la division générale a mal appliqué le principe Villani quand elle établit que l’invalidité de la demanderesse n’était pas tout à fait sévère, malgré les éléments de la preuve décrivant que ses facteurs personnels nuiraient à sa capacité de se recycler ou de trouver un autre emploi. Particulièrement, la demanderesse conteste la conclusion de la division générale voulant qu’elle [traduction] « possédait des compétences transférables qui lui permettraient de trouver un autre emploi », même si ses antécédents de travail au Canada avaient été limités à du travail domestique. La demanderesse fit aussi valoir qu’elle avait 59 ans au moment de l’audience et que l’anglais, sa langue seconde, avait été appris lorsqu’elle était adulte. Bien qu’elle ait été capable de répondre aux questions en anglais à l’audience, ce n’était pas une indication qu’elle maîtrisait suffisamment la langue pour être capable de conserver un travail de « bureau ».

[16] Je constate une cause défendable fondée sur ce moyen. Bien que la division générale ait résumé correctement le principe de l’arrêt Villani au paragraphe 31 de sa décision, je crois qu’il est juste de se poser la question à savoir si la division générale l’a appliqué correctement en évaluant les antécédents de travail de la demanderesse. Au paragraphe 35, la division générale a écrit ce qui suit :

La demanderesse approche la fin de sa carrière, car elle avait 59 ans au moment de l’audience relative à l’appel. Elle reçut son éducation au Brésil et avait travaillé comme vendeuse durant la période où elle y vivait. Après son arrivée au Canada, la demanderesse trouva du travail à faire de l’entretien ménage et à aider son mari avec les besoins de son église. Elle indiqua au Tribunal qu’elle avait suivi des cours d’ALS en arrivant au Canada. Elle avait demandé qu’un interprète soit présent durant l’audience d’appel, mais le Tribunal constata que le niveau d’anglais de la demanderesse était très bon et l’interprète n’a pas été mis à contribution durant la majeure partie de l’audience. Le Tribunal observa que la demanderesse était une personne intelligente qui comprenait bien l’anglais et qui était capable de répondre à toutes les questions qui lui étaient posées par son représentant. Le Tribunal tint compte des facteurs listés dans l’arrêt Villani et constata que la demanderesse avait des compétences transférables qui lui permettraient de trouver un autre emploi. Toutefois, le Tribunal note que les antécédents de travail de la demanderesse au Canada n’ont été qu’en travail domestique et, considérant les symptômes de la demanderesse, il est hésitant à conclure que la demanderesse pourrait trouver un autre emploi dans un autre secteur.

[17] Permettez-moi de constater que bien que la demanderesse ait eu presque 60 ans au moment de l’audience, elle n’avait que 52 ans lorsque sa période d’admissibilité se termina le 31 décembre 2009. Néanmoins, je constate que la division générale conclut que la demanderesse avait des compétences transférables, bien qu’il n’y ait pas d’éléments de preuve attestant qu’elle a fait autre chose que des tâches manuelles depuis son arrivée au Canada en 2001. Curieusement, la division générale mine sa propre conclusion en exprimant des doutes à savoir que quelqu’un engagerait la demanderesse pour un autre emploi, qui je présume fait référence à un travail sédentaire dans la vente ou dans un bureau. Comme le concept d’« employabilité » est intrinsèque à toute considération des facteurs prévus dans l’arrêt Villani, je suis convaincu que l’appel de la demanderesse a une chance raisonnable de succès en plaidant que la division générale n’a pas tenu compte de manière réaliste de ses chances de trouver un emploi ayant un impact plus faible.

Conclusion

[18] J’accueille la demande de permission d’en appeler au seul motif que la division générale a pu commettre une erreur de droit en n’appliquant pas les principes énoncés dans l’affaire Villani c. Canada quand elle a évalué la sévérité de l’invalidité de la demanderesse.

[19] Si les parties décident de présenter des observations supplémentaires, elles sont libres de formuler leur opinion à savoir si une nouvelle audience s’avère nécessaire, et si tel est le cas, quel type d’audience est approprié.

[20] La présente décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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