Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est accordée.

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler relativement à la décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) en date du 28 septembre 2016. La division générale a tenu une audience par comparution en personne et conclu que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) parce qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité grave pendant sa période minimale d’admissibilité (PMA), qui a pris fin le 31 décembre 2015.

[2] Le 6 décembre 2016, dans les délais prescrits, la demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel.

Droit applicable

Régime de pensions du Canada

[3] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à une telle pension, un requérant doit :

  1. a) ne pas avoir atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne pas toucher une pension de retraite du RPC;
  3. c) être invalide;
  4. d) avoir versé des cotisations valables au RPC pendant au moins la PMA.

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

[4] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission et la division d’appel accorde ou refuse cette permission.

[5] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’il existe un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. La Cour d’appel fédérale a déterminé qu’une cause défendable en droit revient à une cause ayant une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[8] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond. S’il s’agit d’un premier obstacle à surmonter pour un demandeur, cet obstacle est moins imposant que celui auquel il devra faire face lors de l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, la demanderesse n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[9] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

Conclusions de fait erronées

[10] Le représentant de la demanderesse soutient que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive et arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance :

  1. Au paragraphe 12 de sa décision, la division générale a noté que la demanderesse avait [traduction] « témoigné qu’elle avait touché des prestations du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH) pendant environ 6 ans (16 ans, selon le rapport médical) ». En fait, elle a témoigné, durant la première partie de son audience, qu’elle avait commencé à recevoir des prestations du POSPH après s’être séparée de son époux, aux environs de 2001.
  2. Également au paragraphe 12, la division générale affirme que la demanderesse avait réintégré la population active, d’abord en travaillant comme secrétaire responsable de taper des procès-verbaux, puis en 2009, en travaillant dans une bijouterie. Cependant, durant l’audience, la demanderesse a exposé en détail son expérience de travail, qui comprenait de courtes périodes où elle avait travaillé comme secrétaire (à 3 min 25 s de l’enregistrement) et une période de six ans chez Charm Diamond Centre, qui s’était terminée en 2009. Il semble que le membre de la division générale n’ait pas été attentif durant la téléconférence du 20 septembre 2016, ou qu’il ait été distrait par des difficultés techniques, comme en témoignent les minutes 34, 40, 43, 44, 48 et 52 de l’enregistrement.
  3. Au paragraphe 43, la division générale a jugé que la demanderesse n’avait pas pleinement assumé la responsabilité qui lui revenait de coopérer pour ses soins de santé : [traduction] « Elle […] n’a pas fait de suivis auprès d’un psychologue même si elle avait témoigné qu’elle souffrait d’anxiété. Cependant, la division générale n’a pas reconnu que les médecins de famille de la demanderesse l’avaient traitée pour de l’anxiété et des délires pendant des années et, étant ses fournisseurs de soins primaires, ils étaient qualifiés pour le faire. De plus, la division générale n’a pas tenu compte de la preuve de la demanderesse selon laquelle le programme de maîtrise de la douleur avait nui à son bien-être, comme il nécessitait notamment de participer à une thérapie de groupe où il fallait écouter d’autres personnes se plaindre de leurs problèmes.
  4. Durant l’audience, la demanderesse a décrit en détail ses différents problèmes de santé, qui comprenaient une douleur chronique au bas du dos et à la jambe gauche, des tremblements des mains et de l’anxiété, ainsi que leurs effets négatifs sur sa vie. Cependant, la division générale n’a pas accordé à cette preuve une valeur suffisante, même si elle était corroborée par ses prestataires de soins, et elle a ainsi mal évalué la gravité des incapacités de la demanderesse à la lumière du sous-alinéa 42(2)a)(i).

Erreurs de droit

[11] Le représentant de la demanderesse soutient que la division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier :

  1. Elle n’a pas appliqué la cause Garrett c. CanadaNote de bas de page 3 comme elle n’a pas tenu compte des facteurs énoncés dans l’arrêt Villani c. CanadaNote de bas de page 4.
  2. Elle n’a pas appliqué Canada c. St-LouisNote de bas de page 5 parce qu’elle n’a pas suffisamment tenu compte des éléments de preuve disponibles qui démontraient que la demanderesse était atteinte d’une invalidité grave eu égard à sa situation personnelle.
  3. Elle n’a pas appliqué E.J.B. c. CanadaNote de bas de page 6parce qu’elle n’a pas suffisamment tenu compte de tous les problèmes de santé de la demanderesse et de leur effet cumulatif sur son fonctionnement dans un contexte « réaliste ».
  4. Elle n’a pas appliqué l’arrêt Inclima c. CanadaNote de bas de page 7 comme elle a conclu que la demanderesse avait encore une certaine capacité pour retourner au travail à l’échéance de sa PMA, le 31 décembre 2015.

[12] La demanderesse a également fait référence à l’affaire plus récente de Karadeolian c. CanadaNote de bas de page 8, pour mettre en garde la division d’appel contre une application mécanique du libellé de l’article 58 de la Loi, quand elle exerce sa fonction de gardien, pour statuer sur les demandes de permission d’en appeler : « Si des éléments de preuve importants ont été laissés de côté ou possiblement mal interprétés, l’autorisation d’interjeter appel doit habituellement être accordée, peu importe l’existence de déficiences techniques dans la demande d’appel. »

Analyse

Erreurs de fait

[13] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, une conclusion de fait erronée ne suffit pas à elle seule à justifier l’annulation d’une décision; il faut également que la division générale ait fondé sa décision sur cette conclusion de fait erronée, et qu’elle l’ait « tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. » Autrement dit, l’erreur doit être importante et flagrante.

Prestations du POSPH

[14] Les éléments de preuve relatifs au moment où la demanderesse touchait des prestations du POSPH, et à leur durée, étaient ambigus. J’ai examiné l’enregistrement audio de l’audience et je n’ai pas entendu la demanderesse dire qu’elle avait touché des prestations du POSPH, contrairement à ce qu’a conclu la division générale. Je suis prêt à admettre que la division générale a commis une erreur à cet égard, sauf que la division générale a admis qu’il y avait des preuves documentaires médicalesNote de bas de page 9 montrant qu’elle avait plutôt touché ces prestations pendant 16 ans. Ce faisant, la division générale admettait en effet qu’une certaine ambiguïté entourait cette question. Pour illustrer l’inexactitude de la division générale, je note que la demanderesse a prétendu qu’elle avait témoigné qu’elle avait commencé à recevoir des prestations du POSPH après s’être séparée de son époux aux alentours de 2001, mais que l’enregistrementNote de bas de page 10, d’après mon examen, donne plutôt à penser qu’elle avait véritablement commencé à toucher des prestations du POSPH avant la fin de son mariage.

[15] En fin de compte, même si la division générale avait effectivement erré relativement à cette question de fait, je ne crois pas qu’elle l’ait fait de façon abusive ou arbitraire ou sans tenu compte du dossier. De plus, rien ne me permet de penser que la division générale ait ultimement fondé sa décision, en entier ou en partie, sur le fait que la demanderesse ait touché ou non des prestations provinciales pour personnes handicapées, ou sur le moment où elle les aurait possiblement touchées.

[16] Je ne suis pas convaincu que ce moyen confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Poste à la bijouterie

[17] La division générale a écrit ce qui suit au paragraphe 12 de sa décision :

[traduction]
Elle a d’abord réintégré le marché du travail en occupant un poste de secrétaire, dans le cadre duquel elle tapait des procès-verbaux, puis a ensuite travaillé pour une bijouterie en 2009. Elle a témoigné qu’elle avait été renvoyée parce que son patron avait une aventure, ce qui avait rendu l’appelante anxieuse, et avait conduit son patron à mettre fin à son emploi.

[18] Ce passage donne à penser que la demanderesse n’avait pas travaillé très longtemps à la bijouterie avant d’être congédiée, en 2009. L’enregistrement audio de l’audience révèle cependant que cela est faux; la demanderesse a témoigné de façon claire qu’elle avait travaillé chez Charm Diamond Centre de 2003 à 2009.

[19] J’estime que ce motif confère à l’appel une chance raisonnable de succès. L’analyse de la division générale donne à penser qu’elle a accordé beaucoup d’importance à la quantité et à la variété de l’expérience de travail de la demanderesse, notant ceci au paragraphe 46 : [traduction] « Elle a acquis une vaste expérience de travail, y compris certaines compétences en travaillant à son compte. Elle a travaillé comme secrétaire et dans le commerce de détail, a vendu des systèmes d’eau à son compte, et a aussi aidé son époux avec son entreprise. »

[20] Si la division générale a négligé les six années durant lesquelles la demanderesse a travaillé dans la vente de détail pour Charm Diamond Centre, il se peut qu’elle ait présumé que la demanderesse avait plutôt occupé un poste de secrétaire durant ces années, gonflant ainsi son expérience de travail comme col blanc et déformant le véritable portrait de son employabilité. J’estime qu’il existe une cause défendable au motif que la division générale pourrait avoir fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée. Quant à la question de savoir si elle a tiré cette conclusion « de façon abusive ou arbitraire » ou « sans tenir compte des éléments » au dossier, il vaudra mieux s’y attarder plus tard.

[21] Pour ce qui est des supposées difficultés techniques, j’ai entendu dans l’enregistrement des bips digitaux d’une fraction de seconde — vraisemblablement de simples artéfacts sonores de la téléconférence — mais je n’ai rien décelé qui montrerait qu’ils aient distrait le membre de la division générale.

Anxiété non traitée

[22] La demanderesse reproche à la division générale d’avoir tiré des conclusions défavorables du fait qu’elle n’était pas allée aux rendez-vous avec le psychologue, en se fondant sur le principe qu’elle avait ignoré la preuve qu’elle avait reçu un traitement en santé mentale de ses médecins de famille.

[23] J’estime qu’un appel sur ce motif n’a aucune chance raisonnable de succès. Conformément au courant jurisprudentiel, une personne qui demande une pension d’invalidité du RPC doit prendre toutes les mesures raisonnables pour être traitée dans l’objectif de recouvrer la plus grande capacité possible.Note de bas de page 11 La demande de pension d’invalidité de la demanderesse est fondée, en partie, sur l’anxiété et la dépression, qui sont présentées en évidence dans le questionnaire accompagnant la demande de prestations. Au paragraphe 14 de sa décision, la division générale a écrit ce qui suit :

[traduction]
L’appelante a témoigné qu’elle n’avait pas consulté de psychiatre ou de psychologue, ou tout autre professionnel en santé mentale, depuis 2003 (le rapport du psychologue est daté de 2014). Elle a témoigné que le rapport du docteur Pursley, selon lequel elle avait refusé de poursuivre les consultations, était faux. Elle a également affirmé qu’elle avait refusé de prendre part à des consultations de groupe puisqu’écouter des personnes se plaindre serait une expérience négative.

[24] Plus loin, la division générale a écrit ce qui suit au paragraphe 43 de sa décision :

[traduction]
Elle a déclaré qu’elle avait consulté un psychologue une fois et qu’on lui avait « donné son congé ». Le psychologue, le docteur Pursley, a écrit qu’elle savait qu’elle pouvait prendre un rendez-vous dans l’avenir, si elle en ressentait le besoin. La preuve révèle qu’elle n’a pris aucun rendez-vous après les rendez-vous de mai et de juin 2014.

[25] On peut présumer qu’un spécialiste en santé mentale, qu’il s’agisse d’un psychiatre ou d’un psychologue, possède une expertise pour traiter l’anxiété et la dépression qui dépasse celle que pourrait offrir un médecin généraliste. Le docteur Pursley avait écrit ceci en donnant congé à la demanderesse, le 16 mai 2014 : [traduction] « S. H. pense qu’elle parvient seule à bien gérer sa situation et ne souhaite pas prendre part à d’autres consultations pour le moment. » Si la demanderesse ne ressentait pas le besoin de recourir aux services d’un spécialiste, la division générale pouvait dire sans se tromper qu’elle avait refusé un suivi psychologique, et il n’était pas déraisonnable qu’elle en conclue que ses problèmes psychologiques n’étaient pas exactement graves. À mon avis, il existait un fondement rationnel permettant à la division générale de tirer une conclusion défavorable d’après le fait que la demanderesse avait refusé de consulter un spécialiste en santé mentale. Pour ce qui est de sa participation au programme de maîtrise de la douleur qui lui avait été recommandé, la décision montre que la division générale connaissant l’explication qu’elle avait donnée pour son refus. Il revenait à la division générale, à titre de juge des faits, de décider si son explication était raisonnable.

Appréciation de la preuve

La demanderesse fait valoir que la division générale n’a pas accordé suffisamment de valeur à son témoignage, dans lequel elle avait décrit ses différents problèmes de santé et leur incidence sur son fonctionnement.

J’estime que ce motif, fondé sur l’hypothèse que la division générale n’aurait pas accordé assez d’importance à un certain type de preuve, ne confère pas à l’appel une chance raisonnable de succès. Si la demanderesse n’est pas nécessairement d’accord avec les conclusions de la division générale, un tribunal administratif est libre de passer en revue les faits pertinents, d’évaluer la qualité des éléments de preuve, d’en déterminer la valeur, et de décider, le cas échéant, ceux qu’il convient d’admettre ou d’écarter. Les cours ont déjà traité de cette question, dans des causes où il était reproché à des tribunaux administratifs de ne pas avoir examiné l’ensemble de la preuve. Dans l’arrêt Simpson c. CanadaNote de bas de page 12, la représentante de la demanderesse a fait mention d’un certain nombre de rapports médicaux que la Commission d’appel des pensions avait, à son avis, ignorés, mal compris ou mal interprétés, ou auxquels elle avait accordé trop de poids. En rejetant la demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale a statué ce qui suit :

[L]e poids accordé à la preuve, qu’elle soit orale ou écrite, relève du juge des faits. Ainsi, une cour qui entend un appel ou une demande de contrôle judiciaire ne peut pas en règle générale substituer son appréciation de la valeur probante de la preuve à celle du tribunal qui a tiré la conclusion de fait contestée.

[26] Les motifs de la division générale révèlent une préférence marquée pour la preuve documentaire médicale, mais je juge que cette approche n’est aucunement déraisonnable et qu'elle ne va pas à l'encontre de la loi. Contrairement à ce qu’a avancé la demanderesse dans ses observations, la division générale n’a pas ignoré son témoignage; elle y a explicitement fait référence, et a jugé qu’il n’était pas fiable pour des motifs défendables, énoncés au paragraphe 41 de la décision.

Erreurs de droit

Non-application de Garrett

[31] La demanderesse soutient que la division générale n’a pas appliqué l’arrêt Garrett en omettant, à tort, de tenir compte des facteurs énoncés dans Villani. La demanderesse reconnaît que la division générale a bien cité Villani au paragraphe 45 de sa décision, et qu’elle avait noté des aspects de ses caractéristiques et de ses antécédents personnels, notamment son âge (50 ans, au moment de sa PMA), son niveau d’instruction (diplôme d’études secondaires et cours de six mois en secrétariat) et ses aptitudes linguistiques (l’anglais était sa langue maternelle). Cependant, la demanderesse prétend que la division générale a erré en concluant que [traduction] « rien ne donn[ait] à penser qu’il exist[ait] des obstacles cognitifs l’empêchant de se recycler ou de perfectionner son éducation pour améliorer ses compétences professionnelles. » La demanderesse soutient que la division générale a ignoré son témoignage voulant qu’elle était incapable de se recycler ou de réintégrer le marché du travail dans le cadre d’un travail sédentaire en raison de ses tremblements, de son anxiété et de sa douleur au bas du dos et à la jambe gauche.

[32] Je vais accorder la permission d’en appeler pour ce motif, simplement parce qu’il s’insère dans l’allégation voulant que la division générale aurait mal interprété les antécédents professionnels de la demanderesse, pour laquelle j’ai déjà accordé la permission d’en appeler. Comme je l’ai précisé plus haut, je pense qu’il est possible que la division générale ait eu une perception exagérée de l’expérience en secrétariat de la demanderesse. Autrement, la demanderesse prétend que la division générale a présenté de façon inexacte ses caractéristiques personnelles, mais elle n’a mentionné aucune erreur précise; elle réitère simplement son argument général voulant que la division générale n’a pas suffisamment prêté attention à son témoignage, selon lequel ses problèmes de santé la rendaient incapable de faire du travail de bureau.

Non-application de St-Louis

[33] La demanderesse a fait référence à ce précédent pour faire valoir qu’il ne suffit pas à un tribunal de simplement citer l’arrêt Villani; il doit aussi évaluer activement la gravité de l’état du requérant dans le contexte de sa situation personnelle et du marché de l’emploi réel.

[34] À cet égard, je ne constate aucune erreur de droit. Après avoir dûment résumé le rapport de Villani, la division générale me paraît avoir fait un effort sincère pour appliquer la cause aux faits de l’espèce :

[traduction]
L’appelante était seulement âgée de 50 ans au moment de sa PMA. Elle a acquis une vaste expérience de travail, y compris certaines compétences en travaillant à son compte. Elle a travaillé comme secrétaire et dans le commerce de détail, a vendu des systèmes d’eau à son compte, et a aussi aidé son époux avec son entreprise. Elle maîtrise parfaitement la langue et détient un diplôme d’études secondaires, et a aussi suivi quelques cours de secrétariat. Elle a témoigné qu’elle est capable de rester assise pendant une heure si elle est sur la bonne chaise, et rien ne donne à penser qu’il existe des obstacles cognitifs l’empêchant de se recycler ou de perfectionner son éducation pour améliorer ses compétences professionnelles. Le Tribunal estime que l’appelante n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité grave au sens du RPC à l’échéance de sa PMA, dans un contexte réaliste.

[35] La demanderesse a également cité un passage de St-Louis qui met l’accent sur la nécessité de traiter d’un élément de preuve avant de l’écarter. La demanderesse a ensuite reproché en particulier à la division générale de ne pas avoir traité de l’incidence de ses problèmes de santé sur sa capacité régulière à détenir toute forme d’occupation rémunératrice. J’ai déjà conclu que la division générale avait rempli son obligation de tenir compte des antécédents et des facteurs personnels de la demanderesse, et j’ai déjà conclu que la division générale avait abordé les aspects importants de problèmes physiques et psychologiques de la demanderesse. Certes, la division générale n’a pas décrit de façon détaillée et exhaustive, dans ses motifs, l’importance relative qu’elle a accordée à chaque particularité des éléments preuve, mais la loi — et certainement pas l’affaire St-Louis, selon moi — n’exigent qu’elle le fasse. Je conclus que la division générale a bien rempli son obligation d’appliquer le critère du monde réel provenant de Villani et qu’elle a respecté les précisions apportées par la cause St-Louis. J’estime que ce motif ne confère à l’appel aucune chance de succès.

Non-application de Bungay

[36] Dans Bungay, la Cour d’appel fédérale a soutenu que l’employabilité n’est pas un concept qui se prête à l’abstraction, et qu’elle doit plutôt être évaluée eu égard à toutes les circonstances, soit (i) à la situation particulière et (ii) aux antécédents du demandeur, qui comprennent toutes les détériorations qui pourraient avoir une incidence sur son employabilité, pas seulement les détériorations les plus importantes ou la détérioration principale. La demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur de droit du fait qu’elle n’a pas tenu compte de l’ensemble son état de santé lorsqu’elle a déterminé que ses détériorations n’étaient pas tout à fait graves. Plus précisément, il est reproché à la division générale de ne pas avoir tenu compte des problèmes de santé de la demanderesse, qui comprenaient la douleur chronique et la dépression, ainsi que des tremblements des mains.

[37] J’ai déjà abordé la question de savoir si la division générale avait convenablement tenu compte des facteurs énoncés dans Villani, et conclu qu’il n’existait pas de cause défendable au motif qu’elle ne l’aurait pas fait. En fin de compte, en avançant ces observations pour ce moyen d’appel, la demanderesse prétend essentiellement que la division générale aurait ignoré plusieurs des affections qui, supposément, la rendaient invalide, ou qu’elle ne les aurait pas suffisamment pris en considération.

[38] L’essentiel de la décision de la division générale est formé de résumés de la plupart, sinon de la totalité, des éléments de preuve médicale qui ont documenté, à différents degrés, l’état de santé de la demanderesse et les différents symptômes s’y rapportant. Comme l’a établi l’affaire Simpson c. CanadaNote de bas de page 13, un tribunal administratif est présumé avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve et n’a pas besoin de mentionner dans ses motifs chacun des éléments de preuve. La division générale était habilitée à déterminer elle-même les détériorations supposées de la demanderesse qui étaient importantes et celles qui ne l’étaient pas. Cela étant dit, la décision donne fortement à penser que la division générale n’a pas seulement reconnu l’obligation imposée par Bungay :

[traduction]
[44] L’état du demandeur doit être évalué dans son ensemble. Toutes les détériorations doivent être examinées, pas seulement les détériorations les plus importantes ou la détérioration principale. (Bungay c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47). L’appelante a fait savoir qu’une multitude de symptômes la rendaient incapable de se recycler ou de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La preuve subjective produite par la demanderesse relativement à ses affections n’est pas appuyée par les prestataires de soins de santé. Le docteur Pursley a noté en juin 2014 que la douleur ressentie par l’appelante et son humeur s’étaient grandement améliorées, et qu’elle gérait bien sa situation dans l’ensemble. La docteure Shoop a rempli un rapport intitulé « Limitations fonctionnelles actuelles : Degré de limitation », daté de décembre 2015. Il n’y avait qu’une légère limitation sur le plan de la cognition et de la sensation. Elle pouvait marcher pendant une heure, se tenir debout pendant une heure et rester assise pendant 15 minutes. Sa dextérité était normale et elle pouvait soulever des charges d’un maximum de cinq livres. Sa limitation sur le plan psychologique était seulement d’un niveau modéré. Un manque de concentration et un léger besoin de bouger avaient été notés. Les limitations notées par la docteure Shoop ne correspondent pas à une invalidité grave qui rendraient l’appelante incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Les limitations notées révèlent une capacité à occuper des postes de nature sédentaire ne nécessitant pas de soulever des charges de plus de cinq livres ou de rester debout ou marcher pendant plus d’une heure. La docteure Shoop était d’avis que l’appelante ne pouvait pas recommencer à travailler, mais son opinion n’est pas appuyée par les limitations fonctionnelles qu’elle avait soulevées. Aucune des opinions de spécialistes au dossier ne révèle que l’appelante est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Le Tribunal juge que l’appelante n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que toutes ses détériorations, une fois réunies, donnaient lieu à une invalidité grave au sens du RPC.

[39] Selon moi, le paragraphe qui précède montre que la division générale a sincèrement tenté de décortiquer les différents problèmes de santé dont se plaignait la demanderesse et de déterminer si elles avaient donné lieu, ensemble, à une invalidité « grave » avant la fin de sa PMA. D’après moi, il n’existe pas de cause défendable au motif que la division générale aurait ignoré les affections secondaires dont se plaignait la demanderesse ou qu’elle n’ait pas suffisamment examiné son état de santé dans son ensemble.

Inclima non considéré

[40] La demanderesse soutient que la division générale n’a pas respecté la directive suivante de la Cour d’appel fédérale en ce qui concerne l’atténuation :

[U]n demandeur qui dit répondre à la définition d’incapacité grave doit non seulement démontrer qu’il (ou elle) a de sérieux problèmes de santé, mais dans des affaires comme la présente, où il y a des preuves de capacité de travail, il doit également démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé.

[41] La demanderesse soutient que la division générale a conclu à tort qu’elle était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en date du 31 décembre 2015. Elle soutient qu’il n’y avait en fait aucune preuve d’une telle capacité, comme le confirment trois rapports de la docteure Shoop :

  • Il y avait une lettre datée du 8 juillet 2014, où il est écrit que la demanderesse avait été avisée de ne pas retourner au travail pour le moment. Son pronostic était incertain.
  • Il y avait la déclaration d’un médecin traitant, datée du 25 mars 2015, selon laquelle la demanderesse avait reçu des diagnostics de douleur myofaciale aux muscles isichiojambiers gauches et de douleur musculosquelettique au bas du dos. Ni un rétablissement ni une date de retour au travail n’étaient prévus, et il lui était interdit de retourner au travail de façon graduelle. Le pronostic pour son rétablissement était incertain.
  • Il y avait une note clinique datée du 14 décembre 2015, déclarant que le pronostic relatif au rétablissement de la demanderesse était « sombre ». On ne s’attendait pas à ce qu’elle puisse recommencer à travailler.

[42] Je ne suis pas convaincu que la demanderesse dispose d’une cause défendable en se fondant sur ce moyen. Dans sa décision, la division générale a résumé tous les documents susmentionnés, à l’exception d’un seul, en plus d’avoir résumé plusieurs autres rapports qu’avait préparés la docteure Shoop. Comme je l’ai précisé précédemment, un tribunal administratif est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve et n’est pas tenu de mentionner dans ses motifs de décision chacun des éléments de preuve portés à sa connaissance.

[43] Voici ce qu’on peut lire au paragraphe 42 :

[traduction]
[42] Où il y a des preuves de capacité de travail, une personne doit également démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé (Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117). L’appelante n’a fait aucun effort pour tenter de se recycler ou pour obtenir un emploi. Elle dit souffrir d’anxiété mais ne consulte pas de psychologue, et ce, même si le psychologue lui avait offert de prendre un rendez-vous au besoin. Le docteur Ostofe, chiropraticien, a noté les maux subjectifs dont se plaignait l’appelante, mais l’appelante n’a pas été capable de les expliquer. En octobre 2013, le médecin de famille (la docteure Shoop) a noté qu’il n’y avait pas de raison médicale à son congé de maladie prolongé. Le docteur MacCallum a noté une douleur au dos et un pronostic favorable pour celui-ci. L’appelante avait certaines limitations, mais elle n’a aucunement montré qu’elle était motivée à perfectionner ses compétences ou à trouver un emploi qui convienne à ses limitations. Le docteur Pursley a recommandé qu’elle augmente son niveau d’activité. Dans un rapport de consultation, le docteur MacCallum a indiqué un pronostic favorable, et aucune limitation ou restriction importante. Le Tribunal estime que le manque d’efforts déployés par l’appelante pour trouver un emploi et le conserver n’est pas attribuable à son état de santé.

[44] Je reconnais qu’il ne suffit pas de citer Inclima; il faut aussi pouvoir constater que le décideur a correctement appliqué les faits au principe. La demanderesse soutient que rien ne révèle qu’elle avait la capacité de travailler, et que la division générale a commis une erreur en concluant qu’elle était capable de travailler à la date de sa PMA mais, bien entendu, l’audience visait précisément à déterminer si elle disposait d’une telle capacité, et la division générale était habilitée à apprécier la preuve et à tirer des conclusions à cet égard dans les limites de la loi. L’opinion de la docteure Shoop, qui croyait qu’il était peu probable que la demanderesse recommence à travailler, n’était pas nécessairement déterminante, et la division générale avait compétence pour accorder de la valeur aux éléments de preuve concurrents l’amenant à conclure que la demanderesse avait encore une capacité de travail résiduelle.

[45] Conformément à l’arrêt Inclima, lorsqu’il existe une certaine capacité de travail (contrairement à aucune), le décideur doit chercher à savoir si le requérant a entrepris des démarches pour trouver un emploi qui convienne à son état de santé. Si le requérant n’a pas fait de telles démarches ou a cessé de travailler pour des raisons autres que son état de santé, le tribunal peut être fondé à tirer une conclusion défavorable. En l’espèce, après avoir examiné les éléments de preuve, la division générale a conclu que la demanderesse, malgré sa douleur au dos et son anxiété, avait toujours une capacité résiduelle pour fonctionner, ce qui justifiait de mener une enquête à la manière d’Inclima. Le paragraphe 42 révèle que la division générale s’est fondée sur le témoignage de la demanderesse pour déterminer qu’elle n’avait pas déployé suffisamment d’efforts pour trouver un autre emploi.

Conclusion

[46] J’accorde la permission d’en appeler pour le seul motif que la division générale pourrait avoir fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée en négligeant les six années durant lesquelles la demanderesse avait travaillé en vente au détail dans une bijouterie, de 2003 à 2009. J’estime qu’il est possible de plaider que ce malentendu, si c’est ce dont il s’agissait, pourrait avoir influencé l’évaluation qu’a faite la division générale des facteurs de Villani et de leur incidence sur l’employabilité de la demanderesse. En restreignant l’appel à ces deux moyens, je suis convaincu, comme l’exige Mette v. CanadaNote de bas de page 14, que leur nature est suffisamment distincte pour qu’ils soient tranchés séparément des motifs que j’ai écartés dans le cadre de la demande de permission d’en appeler.

[47] Si les parties souhaitent présenter des observations supplémentaires, elles peuvent exprimer leur opinion sur la nécessité de tenir une nouvelle audience et, si une audience s’avère nécessaire, sur le mode d’audience qui convient.

[48] La présente décision accordant la permission d’en appeler ne présume aucunement de l’issue de l’appel sur le fond du litige.

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