Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

[1] Il s’agit d’un appel de la décision de la division générale rendue le 12 septembre 2016. La division générale a conclu que la demanderesse souffrait d’une invalidité grave et prolongée avant la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), soit le 31 décembre 2009. La demanderesse a été impliquée dans un accident de véhicule en août 2009 et a subi de multiples traumas incluant un traumatisme cérébral et des troubles cognitifs. Selon la date de la demande de pension d’invalidité du Régime des pensions du Canada la plus récente faite par la demanderesse, la division générale détermina que la demanderesse ne pouvait être réputée comme étant devenue invalide avant novembre 2013. Cela étant, la division générale détermina que les versements d’une pension d’invalidité devraient commencer en mars 2014. La demanderesse cherche à obtenir la permission d’en appeler de la décision de la division générale en faisant valoir que la division générale n’a pas tenu compte du fait qu’elle était devenue incapable à la suite d’une demande initiale de pension d’invalidité. Par conséquent, elle n’avait pas compris qu’elle avait droit à des versements rétroactifs sur une période plus longue.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Analyse

[3] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[4] Avant de pouvoir accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel se rattachent à l’un des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale a confirmé cette approche dans la décision Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

[5] La demanderesse prétend qu’elle était incapable après avoir initialement fait une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada en novembre 2010. La demanderesse soutient que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle et qu’elle a aussi fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, car elle n’a pas considéré la possibilité que la demanderesse eût été incapable.

[6] La demanderesse pourrait avoir la possibilité d’invoquer les paragraphes 60(8) à 60(11) du Régime de pensions du Canada pour revendiquer des versements rétroactifs sur une plus longue période. Selon ces dispositions, si une demanderesse n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande en son propre nom le jour où celle-ci a été faite, cette demande peut être réputée avoir été faite le mois qui précède celui au cours duquel la prestation aurait pu commencer à être payable ou, s’il est postérieur, le mois au cours duquel, selon le ministre, la dernière période pertinente d’incapacité du demandeur a commencé. Autrement dit, si l’appelante peut démontrer qu’elle était incapable, sa demande pourrait être réputée avoir été faite plus tôt qu’elle ne l’a été aux termes du paragraphe 60(8) du Régime de pensions du Canada. La division générale n’a pas abordé la question à savoir si l’appelante aurait pu être incapable. La demanderesse fait valoir que la division générale a commis une erreur à cet égard.

[7] La demanderesse fait valoir que la date d’entrée en vigueur des versements devrait être calculée sur le fondement de sa demande initiale de pension d’invalidité en novembre 2010 (GD2-46 à 48). Elle fait valoir les observations qui suivent dans sa demande de permission d’en appeler :

[traduction]

7. La [demanderesse] a clairement exprimé son intention de soumettre une demande de prestation d’invalidité du RPC en 2010. Malheureusement [la demanderesse] ou son conjoint [...] n’ont pas été capables de découvrir les erreurs dans la déclaration du revenu à ce moment et ceci empêcha l’approbation de sa demande. À ce moment-là, ils n’avaient pas compris la complexité du système et ils n’avaient pas les moyens de payer quelqu’un qui aurait pu agir au nom [de la demanderesse].

14. À la lumière des informations des dossiers médicaux dont le TSS est déjà en possession, il est clair que [la demanderesse] n’avait pas la capacité de régler ses questions légales par elle-même en 2010 ou à aucun temps ensuite. Pour préciser ce point, une lettre de Dr Kennedy est incluse où il indique qu’à son avis, la demanderesse n’avait pas la capacité de gérer ses questions légales. [Le conjoint de la demanderesse] a aussi inclus un affidavit expliquant les difficultés auxquelles il faisait face de 2010 jusqu’à 2015. Ce n’est qu’en 2015 que [le conjoint de la demanderesse] a eu la capacité mentale et le temps de concentrer son énergie à soumettre des demandes.

[8] Pour que la demanderesse soit continuellement incapable, elle doit établir qu’elle avait été incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestation durant toute la période entre 2010 et la date de sa seconde demande. Cette démonstration va bien au-delà de la démonstration de son invalidité grave.

[9] Dans les deux arrêts suivants : (Procureur général) c. Danielson, 2008 CAF 78 et Slater c. Canada (Procureur générale), 2008 CAF 375, la Cour d’appel fédérale soutint qu’il est requis d’examiner la preuve médicale ainsi que l’étendue des activités auxquelles un appelant peut avoir participé.

[10] Dans l’arrêt Hussein c. Canada (Procureur général), 2016 CF 1417, la Cour fédérale a noté que l’une des conclusions majeures tirées par la division générale dans cette affaire spécifiait que l’état mental de monsieur Hussein était [traduction] « sujet à des fluctuations », c’est-à-dire que son état mental changeait d’un moment à un autre au cours de la période visée. La Cour fédérale a affirmé que si l’état de monsieur Hussein avait été continu, il aurait pu être considéré comme ayant été incapable.

[11] J’ai lu attentivement quelques-uns des dossiers médicaux. Le médecin de famille de la demanderesse prépara un rapport médico-légal en date du 31 décembre 2013 (GD8-2). La demanderesse a de toute évidence continué d’avoir des troubles cognitifs. Par exemple, elle a souffert de maux de tête continus, d’étourdissements et de nausée vers la fin de 2010 et au début 2011. Elle a continué d’avoir des difficultés de concentration et de pertes de mémoire, tel qu’à certains moments elle ne se souvenait pas de ce qu’elle venait juste de lire. En janvier 2011, la demanderesse rapporta qu’il y avait eu « davantage d’améliorations cognitives. » Durant la même consultation, il avait été mention que la demanderesse « conduisait maintenant, parfois sans supervision. » Lorsqu’elle a été vue le 2 mars 2011, la capacité de la demanderesse de se souvenir des articles de journaux qu’elle avait lus s’était améliorée significativement. Sa coordination s’était assez améliorée pour qu’elle sente qu’elle pouvait conduire avec une certaine assurance.

[12] À une consultation à son médecin de famille le 10 novembre 2011, la demanderesse rapporta un [traduction] « règlement miraculeux de tous ses symptômes » incluant ses troubles cognitifs. Elle était retournée au travail en novembre 2011. Toutefois, ces troubles cognitifs recommencèrent quelques semaines plus tard. Elle retourna au travail, sur des quarts de travail de quatre heures, même si elle continua d’avoir des problèmes de concentration et de mémoire. Le médecin de famille nota que la demanderesse continua de conduire tout au long de 2012.

[13] En 2013, le médecin de famille nota que la demanderesse faisait un travail minime pour son conjoint, malgré le fait qu’il constata qu’elle était incapable de relever d’autres difficultés mentales pour une journée ou deux ensuite. Le médecin de famille nota que la demanderesse faisait certaines tâches ménagères comme la préparation des repas.

[14] Considérant les éléments de preuve médicale et la gamme d’activités auxquelles la demanderesse participait après 2010, ainsi que le fait qu’en novembre 2011 la demanderesse rapporta qu’elle avait un « règlement miraculeux de tous ses symptômes », qui lui avait permis de retourner au travail, il n’y a pas de fondement sur lequel la division générale aurait pu déterminer que la demanderesse était continuellement incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande aux termes de l’article 60 du RPC entre 2010 et la date de sa seconde demande. Je ne suis donc pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès.

[15] La demanderesse soutient que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle. La justice naturelle vise à assurer qu’un demandeur bénéficie d’une occasion juste et équitable de présenter sa cause ainsi que d’une audience équitable, et que la décision rendue soit impartiale et exempte d’une crainte ou d’une apparence raisonnable de partialité. Les allégations de la demanderesse ne font pas partie de cette catégorie et il n’y a pas de prétentions à savoir qu’elle a été privée d’une occasion juste et raisonnable de présenter sa cause, ou qu’il y a eu tout biais. Ces allégations ne soulèvent pas une cause défendable non plus.

Conclusion

[16] Compte tenu des considérations susmentionnées, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

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