Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 20 juin 2016, après avoir conclu que le demandeur n’était pas atteint d’une invalidité grave, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a déterminé qu’une pension d’invalidité n’était pas payable en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC). Le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler (demande) devant la division d’appel du Tribunal le 12 septembre 2016.

Question en litige

[2] Je dois déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[3] Selon les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission, et la division d’appel accorde ou refuse cette permission.

[4] Le paragraphe 58(1) de la LMEDS énonce que les seuls moyens d’appel pouvant être soulevés à la division d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[5] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[6] Pour déterminer si la demande de permission d’en appeler devrait être accueillie, je dois déterminer si la cause est défendable. Le demandeur n’a pas à prouver sa thèse à ce stade. Plutôt, il doit uniquement prouver qu’il existe une chance raisonnable de succès, c’est-à-dire de disposer « de certains motifs défendables grâce auxquels l’appel proposé pourrait avoir gain de cause » (paragraphe 12) : Osaj c. Canada (Procureur général), 2016 CF 115.

[7] La Cour d’appel fédérale a déterminé que la question à savoir si une partie dispose d’une cause défendable en droit revient à se demander si cette partie a une chance raisonnable de succès d’un point de vue juridique : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41; Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

Observations

[8] Le demandeur soutient que la division générale a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Plus précisément, le demandeur soutient ce qui suit :

  1. Au paragraphe 40 de sa décision, la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a tiré [traduction] « la conclusion selon laquelle [le demandeur] pourrait être capable d’effectuer un travail intense sur le plan physique est encore pertinente ». Le demandeur soutient que la division générale a reconnu que le Dr Kreder était dans l’erreur lorsqu’il a indiqué que le demandeur exerçait un emploi exigeant sur le plan physique et qu’il serait capable d’exercer cet emploi pendant une autre décennie et, malgré la preuve contraire, la division générale a déterminé que la conclusion erronée était importante. Le demandeur fait référence à 10 rapports médicaux au dossier à l’appui du fait que le Dr Kreder était dans l’erreur.
  2. Au paragraphe 41 de sa décision, la division générale a déterminé que le demandeur était capable de travailler de trois à quatre heures par jour alors que le Dr Carey avait affirmé que le demandeur pourrait [traduction] « probablement supporter de travailler de trois à quatre heures par jour ». De plus, le demandeur affirme que la division générale n’a pas tenu compte du fait que le Dr Carey avait nuancé ses propos en notant qu’il avait besoin de plus amples renseignements provenant de l’évaluation de la situation afin tester réellement les seuils précis de tolérance du demandeur.
  3. La division générale a commis une erreur lorsqu’elle a mal cité le Dr Carey dans un rapport médical de novembre 1997 et qu’elle ne s’est pas fondée sur la conclusion du document que le Dr Carey avait cité.
  4. La division générale a commis une erreur lorsqu’elle a affirmé que la rémunération de zéro dollar à laquelle le demandeur pourrait toucher en raison de sa capacité résiduelle avait été fondée uniquement sur les emplois auxquels le demandeur avait exprimé un intérêt. Il soutient que cela interprétait et citait de manière erronée les conclusions des évaluations professionnelles, lesquelles comportaient : des renseignements contextuels, une étude de dossier des documents médicaux, des évaluations d’ergothérapie et des évaluations de ses capacités fonctionnelles. De plus, le demandeur soutient que le demandeur a été soumis à une série de tests, lesquels ont ensuite été assujettis à un pointage informatisé où des occupations potentielles, bien qu’elles aient été identifiées comme étant convenables, ont toutefois été jugées comme étant infaisables pour le demandeur en raison de ses restrictions et de ses limitations.

[9] Le demandeur soutient que la division générale a commis les erreurs de droit suivantes :

  1. Elle n’a pas appliqué l’affaire Bungay c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47, dans laquelle il y a une référence à l’affaire Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, une affaire dans laquelle il a été exigé que l’exigence en matière de gravité prévue à l’alinéa 42(2)a) du RPC soit examinée dans un contexte « réaliste ». Plus précisément, que la division générale n’a pas tenu compte de l’ensemble des conditions du demandeur et de la façon dont ses restrictions et ses limitations ont affecté sa capacité à détenir une occupation véritablement rémunératrice. Plutôt, elle a déterminé que ses déficiences n’étaient ni graves ni prolongées, et elle a affirmé ce qui suit au paragraphe 45 de la décision : [traduction] « il a des effets résiduels de l’accident et des limitations/restrictions ».
  2. Elle n’a pas appliqué l’affaire Nouvelle-Écosse c. Martin, [2003] A.C.S. No 54, dans laquelle il a été reconnu que la douleur chronique est une invalidité indemnisable. Plus précisément, le demandeur [sic] que la division générale n’a pas tenu compte de la douleur chronique du demandeur en lien avec sa capacité de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice.

Analyse

[10] En ce qui a trait aux deux observations du demandeur énoncées précédemment aux sous-paragraphes 8(c) et (d), je les examinerai simultanément étant donné leur étroite interdépendance. Plus précisément, le demandeur soutient que la division générale a commis les erreurs suivantes :

  1. i) Elle a mal cité le Dr Carey dans un rapport médical de novembre 1997 et qu’elle ne s’est pas fondée sur la conclusion du document que le Dr Carey avait cité.
  2. ii) Elle a affirmé que la rémunération de zéro dollar à laquelle le demandeur avait touché en raison de sa capacité résiduelle avait été fondée uniquement sur les emplois auxquels le demandeur avait exprimé un intérêt.

J’estime que celles-ci confèrent à l’appel une chance raisonnable de succès pour les motifs suivants.

[11] Le demandeur fait référence à l’évaluation de la situation de novembre 1997, dont le libellé est le suivant :

[traduction]

Le prestataire coopérait pleinement, participait de plein gré au processus d’évaluation et manifestait des signes visibles d’un effort maximal au cours de la plupart des activités. La performance était constante, comme l’indiquent ses aptitudes et limitations reproductibles au cours des procédures d’évaluation. Nous estimons que les résultats d’évaluation sont une mesure valide des aptitudes actuelles du prestataire. (p. GD4-430).

De plus,

[traduction]

D’après les données décrites ci-dessus, le prestataire n’a pas les compétences physiques et psychologiques nécessaires pour exercer les emplois notés ci-dessus.

La rémunération à laquelle le prestataire pourrait toucher en raison de sa capacité résiduelle avait par conséquent été déterminée à 0,00 $.

Le processus décisionnel décrit ci-dessus est fondé sur les données obtenues à partir de tous les éléments d’évaluation et les discussions entre tous les membres de l’équipe. (p.GD4-434).

[12] La division générale fait référence au paragraphe 22 de l’évaluation de 1997, sous le sous-titre de la preuve. Elle a fait référence au [traduction] « Résumé des constatations » (p. GD4-430) et a noté que le rapport indiquait que le demandeur avait démontré une capacité d’exercer un emploi de faible intensité à temps partiel et il a également noté qu’il ne serait pas capable de travailler pendant plus de quatre heures par jour. La division générale a ensuite fait référence aux [traduction] « Conclusions de l’évaluation de la situation » (p. GD4-431), mentionnant six occupations précises que le demandeur serait capable d’exercer pendant un maximum de quatre heures par jour. Elle a ensuite fait référence au rapport intitulé [traduction] « Résumé – Processus décisionnel », dont la conclusion était que le demandeur n’avait pas les compétences psychologiques requises pour exercer les six emplois mentionnés et que la rémunération à laquelle il pourrait toucher en raison de sa capacité résiduelle était de zéro dollar.

[13] Bien que la division générale n’ait pas indiqué que le rapport de novembre 1997 indiquait que le demandeur était [traduction] « physiquement » capable d’exercer un emploi de faible intensité à temps partiel, elle a reconnu que le demandeur n’avait pas les compétences psychologiques requises pour exercer les emplois énumérés.

[14] La division générale a également fait référence aux éléments de preuve concernant l’évaluation de février 2001 (paragraphes 23 à 27 de la décision), soulignant les restrictions du demandeur et indiquant également que la conclusion de l’évaluation était que les occupations énumérées ne convenaient pas au demandeur, ainsi que le fait que la rémunération à laquelle il pourrait toucher en raison de sa capacité résiduelle était de zéro dollar.

[15] La division générale a fait spécifiquement référence à la rémunération de zéro dollar liée à la capacité résiduelle dans son analyse (paragraphe 43 de la décision de la division générale), notant que le rapport professionnel de novembre 1997 révélait que les intérêts du demandeur ne concordaient pas avec ses compétences transférables et qu’il n’avait pas le droit de limiter ses démarches à un emploi correspondant à ses domaines d’intérêt. Elle a conclu que la conclusion relative à la rémunération liée à la capacité résiduelle avait été tirée après un examen du nombre limité d’occupations qui avaient été énumérées. La division générale a noté que le critère approprié est de déterminer si le demandeur [traduction] « est régulièrement incapable de détenir “n’importe quelle” occupation véritablement rémunératrice ».

[16] L’évaluation de novembre 1997 n’indique pas que les six occupations étaient fondées sur les intérêts du demandeur. Le rapport de la page GD4-422 indique ce qui suit :

[traduction]

[le demandeur] a participé à des examens médicaux et des examens de physiothérapie le 17 novembre 1997, ainsi qu’à une évaluation psychoprofessionnelle auprès de Cambridge Employment Options [Options en matière d’emploi de Cambridge] et du Dr Robert Carey les 18 et 19 novembre 1997. Suite à ces évaluations, des possibilités d’emploi ont été définies en tenant compte des limitations médicales du prestataire, de ses aptitudes mesurées et de ses compétences transférables.

[17] De plus, l’évaluation de février 2001 utilise ce même langage dans ses motifs justifiant le choix des emplois choisis pour l’évaluation à cette époque. Je tiens à souligner qu’en 2001, elle a tenu compte de huit occupations qui étaient différentes de celles dont elle a tenu compte en 1997.

[18] Dans son analyse, la division générale fait référence à l’évaluation de travail Link With menée en février 2001 (paragraphe 42 de la décision de la division générale), laquelle, elle indique, a conclu que le demandeur était [traduction] « capable d’exercer un emploi de niveau léger à modéré, mais plus près de léger, et au-dessus du niveau de la taille ». Cependant, elle n’a pas indiqué que le rapport a ensuite mentionné que le demandeur avait été associé à huit emplois précis, et il a été considéré comme physiquement incapable d’exercer chacun d’eux. Encore une fois, ce rapport indiquait que les possibilités d’emploi ont été examinées en fonction de l’ensemble des limitations du demandeur, de ses aptitudes et de ses compétences transférables. Le rapport a ensuite conclu que la rémunération à laquelle le demandeur pourrait toucher en raison de sa capacité était de zéro dollar.

[19] La division générale a déterminé que le demandeur n’avait pas tenté de se trouver un autre type d’emploi et qu’il n’avait pas démontré qu’il avait la motivation pour le faire. Lorsqu’elle a déterminé que les évaluations de 1997 et de 2001 avaient seulement évalué ces emplois en fonction des intérêts du demandeur et que ce n’était pas une détermination générale de capacité, elle a peut-être omis de tenir compte de l’ampleur de la détermination du demandeur à se trouver un autre type d’emploi. Il se pourrait également qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée selon laquelle les occupations auraient été déterminées en fonction de ses intérêts.

[20] Dans l’affaire Mette v. Canada (Procureur général), 2016 CAF 276, la Cour d’appel fédérale a indiqué que la division d’appel n’a pas besoin d’examiner tous les moyens d’appel soulevés par un demandeur. Dans cette affaire, le juge Dawson, en faisant référence au paragraphe 58(2) de la LMEDS, a affirmé que [traduction] « [l]a disposition ne repose pas sur le rejet de chacun des moyens d’appel invoqués. En effet, les différents moyens d’appel peuvent être interdépendants à un point tel qu’il devient impossible de les analyser distinctement, et un motif défendable suffit donc à motiver l’octroi d’une permission d’en appeler. » Puisque j’ai conclu qu’il a une cause défendable, je n’ai pas tenu compte des autres moyens d’appel présentés par le demandeur.

[21] Je suis convaincu que le demandeur a démontré que l’appel a une chance raisonnable de succès, à savoir, que la division générale pourrait avoir fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle aurait tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans avoir tenu compte des éléments portés à sa connaissance.

Conclusion

[22] La demande est accueillie.

[23] La présente décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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