Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler d’une décision de la division générale datée du 30 juin 2016, qui conclut que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada puisqu’il a jugé que l’invalidité n’était pas « grave » le 30 juillet 2014 ou avant cette date, soit le mois avant qu’elle touche une pension de retraite du Régime de pensions du Canada.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Analyse

[3] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[4] Avant de pouvoir accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincu que les motifs d’appel se rattachent à l’un des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale a confirmé cette approche dans l’arrêt Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

[5] La demanderesse soutient que la division générale fit une erreur de droit en omettant d’évaluer son invalidité à la date clé du 31 juillet 2014 et en omettant d’effectuer une analyse en « contexte réaliste ». La demanderesse ajoute que la division générale a fondé sa décision sur plusieurs conclusions de fait erronées en concluant :

  1. qu’elle avait été capable de rester assise confortablement durant l’audience sans tenir compte des éléments de preuve de la demanderesse à savoir qu’elle avait été capable de tolérer la position assise durant l’audience, car elle avait pris des analgésiques;
  2. au paragraphe 28, qu’elle était capable de travailler. La demanderesse fait valoir que la division générale aurait dû identifier le type de travail qu’elle était capable de faire, considérant sa maladie céliaque et le besoin de réduire son exposition au gluten.

[6] La demanderesse affirme que la division générale n’a pas reconnu que sa condition est dégénérative et que ses symptômes s’aggravent progressivement.

[7] La demanderesse fournit des copies de rapports médicaux et de dossiers ainsi que le résumé de la décision du défendeur avec sa demande de permission d’en appeler.

Le 31 juillet 2014

[8] La demanderesse soutient que si elle avait dû prouver qu’elle était invalide au 31 juillet 2014, alors tout élément de preuve médicale datant d’une date ultérieure ne serait pas pertinent et que la division générale commit une erreur en le considérant. La demanderesse fait valoir que la division générale a refusé à tort sa demande de pension d’invalidité sur le fondement de son état de santé actuel, plutôt que sur son état le 31 juillet 2014. Elle fait valoir qu’elle a droit à une pension d’invalidité, pourvu qu’elle ait été invalide au 31 juillet 2014.

[9] La division générale n’a pas analysé en profondeur la preuve médicale. Son analyse est présentée aux paragraphes 23 et 28. Bien que la division générale ait écrit à propos de l’état de santé de la demanderesse au présent, il est clair à l’examen de sa décision que la division générale avait, en fait, principalement considéré la preuve médicale qui avait été rédigée avant le 31 juillet 2014.

[10] Visiblement, la division générale n’a fait mention d’aucun élément de preuve médicale ultérieur au 31 juillet 2014. Elle fit toutefois exception en écrivant [traduction] « Le reste de la preuve médicale date d’une période ultérieure à celle de la [date de fin de la période minimale d’admissibilité] de la demanderesse et en ajoutant au paragraphe 28, que la division générale fit aussi état d’un avis médical d’un psychiatre qui croit qu’une évaluation de capacités fonctionnelles montrerait que la demanderesse est à un [traduction] « niveau sédentaire de demandes physiques. » Le psychiatre prépara son rapport en janvier 2016 (GD7-6). C’est le seul avis médical préparé après la fin de la période minimale d’admissibilité qui a été considéré par la division générale.

[11] Le psychiatre qui avait préparé le rapport en janvier 2016 avait vu la demanderesse pendant plusieurs années. Les conclusions et l’avis du psychiatre rapportés dans son rapport de 2016 sont généralement cohérents avec des conclusions et des avis précédents, car ils font référence aux douleurs chroniques et à la maladie céliaque de la demanderesse qui sont d’autres troubles que celui associé à l’identité sexuelle de la demanderesse duquel le psychiatre n’était pas conscient initialement. Le psychiatre n’a pas non plus discuté que la demanderesse se plaignait de douleurs et raideurs aux mains.

[12] Au paragraphe 28, la division générale considéra l’avis médical du psychiatre de janvier 2016 essentiellement dans la perspective de déterminer si elle avait d’autres solutions d’emploi. Toutefois, elle conclut aussi que l’avis du psychiatre avait confirmé que, comme il croyait qu’une évaluation des capacités fonctionnelles conclurait que la demanderesse était [traduction] « à un niveau sédentaire », elle n’avait pas d’invalidité sévère qui la rendait régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice « le ou avant le 31 juillet 2014 et qui continue à ce jour ». Les mots « continue à ce jour » suggèrent en effet que la division générale avait aussi considéré l’état de santé actuel de la demanderesse.

[13] Pour être admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, la demanderesse aurait eu à prouver que son invalidité n’était pas seulement sévère, mais qu’elle était aussi, à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité, prolongée c’est-à-dire vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès. En d’autres mots, la demanderesse devait aussi prouver que son invalidité continua à être sévère après la fin de sa période minimale d’admissibilité. La division générale n’est pas convaincue que son invalidité continua à être sévère et par conséquent conclut que la demanderesse ne satisfaisait pas aux critères prévus par le Régime de pensions du Canada.

Arrêt Villani

[14] La demanderesse prétend que la division générale n’a pas effectué une analyse en « contexte réaliste », car elle ne considéra pas sa situation. En particulier, elle affirme qu’elle avait des compétences transférables et des expériences de travail limitées. Elle écrivit [traduction] « [la demanderesse] n’est pas capable de travailler avec des ordinateurs et elle est limitée dans sa capacité à communiquer efficacement avec des personnes dans des postes comme la vente et les opérations de centres d’appels. Durant cette courte période de temps, [la demanderesse] n’aurait pas eu le temps de suivre tout cours pour améliorer ses compétences. »

[15] La division générale se réfère au critère du « contexte réaliste » énoncé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Villani. Bien le membre de la division générale n’a pas effectué une analyse détaillée, il apparaît qu’il a tenu compte de la situation particulière de la demanderesse. Au paragraphe 28, la division générale fit mention du niveau d’éducation et des expériences de travail comme étant des facteurs qui l’aideraient à trouver un autre emploi.

[16] La Cour d’appel fédérale a également déclaré que l’examen de la situation d’une demanderesse est une question de jugement sur laquelle on se doit d’être hésitant à intervenir. Comme la division générale du Tribunal a conclu que la situation particulière de la demanderesse ne l’empêchait pas de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice, malgré le fait que son analyse soit courte, je ne vois aucune raison d’intervenir dans l’examen de l’arrêt Villani fait par le membre.

Séance assise et prolongée

[17] La demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur en suggérant qu’elle était capable de rester assise pour des périodes prolongées de plus d’une heure, malgré le fait que l’audience s’était déroulée environ deux ans après la fin de sa période minimale d’admissibilité et le fait qu’elle ait pris des analgésiques juste avant que l’audience commence.

[18] La division générale a énoncé ses observations, au paragraphe 12 du libellé Preuve, à savoir que la demanderesse était capable de demeurer assise pour plus d’une heure sans avoir à ajuster sa posture. La division générale nota que ceci était en contradiction avec l’information que la demanderesse avait fournie dans son questionnaire à savoir qu’elle avait de la difficulté à s’asseoir plus de cinq minutes à la fois.

[19] Dans son analyse, la division générale conclut que la demanderesse était [traduction] « capable de faire de petites tâches et activités par elle-même, et qu’elle ne démontrait pas de difficultés significatives à s’asseoir, se tenir debout ou marcher. » La division générale conclut aussi que le psychiatre était d’avis qu’une évaluation des capacités fonctionnelles montrerait vraisemblablement que la demanderesse est [traduction] « à un niveau sédentaire de demandes physiques. »

[20] Il est difficile de déterminer si la division générale établit que la demanderesse [traduction] « n’avait pas démontré des difficultés à s’asseoir... », parce qu’elle s’était assise durant plus d’une heure pendant l’audience, parce qu’un psychiatre était d’avis qu’une évaluation des capacités fonctionnelles la caractériserait à un niveau sédentaire de demandes physiques ou à cause des réponses que la demanderesse a inscrites dans son questionnaire. Toutefois, je constate que la division générale n’a pas commis d’erreur en jugeant que la demanderesse était capable de rester assise durant de longues périodes, même si celle-ci avait à prendre des analgésiques. De toute évidence, la division générale s’attendait à ce que la demanderesse ait pris des mesures pour lui permettre d’améliorer ses capacités fonctionnelles même ceci impliquait la prise d’analgésiques.

[21] L’appelante soutient que son état actuel ne reflète aucunement sa capacité à la fin de sa période minimale d’admissibilité, et que la division générale aurait dû évaluer sa capacité au 31 juillet 2014. L’appelante souligne correctement que la division générale devait évaluer sa capacité au 31 juillet 2014.

[22] Il est évident que lorsque la division générale détermina que la demanderesse [traduction] « n’a pas démontré de difficultés significatives à rester assise », et suggère qu’elle était par conséquent capable de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice de nature sédentaire, ceci faisant référence à sa capacité à la fin de la période minimale d’admissibilité. Autrement, si la division générale avait déterminé que la demanderesse conservait la capacité nécessaire pour du travail sédentaire, cela aurait été illogique et totalement contradictoire alors de conclure au paragraphe 28 de sa décision que la demanderesse [traduction] « pouvait ne pas pouvoir travailler à cause de ses problèmes de santé. »

Paragraphe 28

[23] La demanderesse prétend que la division générale commit une erreur en demandant qu’elle se trouve « tout type d’emploi », car elle affirme qu’à ce moment-là, elle était inapte à tout travail.

[24] En effet, la division générale acceptait que la demanderesse puisse être incapable non seulement à retourner à son ancien emploi, mais qu’elle puisse être inapte au travail à cause de ses problèmes de santé. En fait, la division générale demanda à la demanderesse de chercher un autre emploi, mais visiblement la division considérait un travail qui soit approprié pour ses limites, le 31 juillet 2014 ou avant cette date, plutôt qu’uniquement « tout type de travail ». La division générale accorda beaucoup d’importance à l’avis du psychiatre voulant que si la demanderesse était soumise à une évaluation des capacités fonctionnelles, elle serait probablement classée à un niveau « sédentaire » de demandes physiques (GD7-7).

Condition dégénérative

[25] La demanderesse fait valoir que la division générale aurait dû reconnaître que sa condition s’était progressivement détériorée avec le temps.

[26] Il n’est pas pertinent de savoir si la condition de la demanderesse est dégénérative et s’est détériorée progressivement depuis la fin de sa période minimale d’admissibilité, car il était requis que la division générale détermine si la demanderesse avait une invalidité grave à la fin de sa période minimale d’admissibilité.

Rapport de janvier 2016

[27] Bien que le psychiatre ait rédigé son rapport après la date de fin de la période minimale d’admissibilité, je souligne qu’il écrivit ce qui suit :

[traduction]
Il est certain que sa capacité fonctionnelle physique a diminué et qu’il y a plusieurs facteurs de stress psychologiques qui font qu’il est difficile pour lui de travailler dans le public dans un secteur de services.

Je crois qu’à cause de ses troubles physiques multiples listés précédemment il ne peut pas retourner à son travail comme électricien agréé. Attribuable à d’autres problèmes de santé, un retour à d’autres occupations n’est pas possible non plus. Son niveau fonctionnel et sa capacité le classeraient probablement à un niveau « sédentaire » de demandes physiques. Toutefois, une évaluation des capacités fonctionnelles serait nécessaire pour confirmer ceci de manière objective.

[28] La division générale se référa à cet élément de preuve au paragraphe 17. La division générale interpréta l’avis du psychiatre voulant que la demanderesse fût probablement à un niveau « sédentaire » de demandes physiques comme signifiant que la demanderesse était capable de faire un travail sédentaire. Toutefois, la division générale ne semble pas avoir tenu compte ou relier ceci avec l’avis du psychiatre présenté dans la phrase précédente à savoir qu’à cause d’autres problèmes de santé, [traduction] « un retour à d’autres occupations n’est pas possible non plus. » Bien que la demanderesse ait pu en effet démontrer un niveau « sédentaire » de demandes physiques, l’avis du psychiatre est clair quant aux facteurs stressants « et les autres problèmes de santé » de la demanderesse qui semblent éliminer toute autre occupation. Bien que la demanderesse aurait dû demander des clarifications de son psychiatre sur cet avis, il y a une cause défendable voulant que le psychiatre considéra que, de manière générale, qu’un retour à d’autres occupations n’était pas réaliste, que la demanderesse n’avait pas la capacité de de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice, et que la division générale aurait dû tenir compte de cette partie de son rapport. Pour cette raison, je suis convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Preuve

[29] La demanderesse fournit des copies de rapports médicaux et dossiers ainsi que le résumé de la décision du défendeur avec sa demande de permission d’en appeler. La division générale avait des copies de la plupart de ces dossiers. La demanderesse cherche essentiellement à obtenir une réévaluation sur le fond de la preuve au dossier de la division générale. Cependant, ni un réexamen ni une réévaluation ne se rattachent aux moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS. Comme l’a indiqué la Cour fédérale dans l’affaire Tracey, la division d’appel n’a pas pour rôle de réévaluer la preuve ou d’apprécier de nouveau des facteurs dont a tenu compte la division générale au moment d’évaluer si une demanderesse est atteinte d’une invalidité grave en vertu du Régime de pensions du Canada.

[30] La division générale ne semble pas détenir une copie du rapport médical de 2015 préparé par le psychiatre (AD1-23 à AD1-25). Il est maintenant bien établi en droit que le dépôt de nouveaux éléments de preuve n’est généralement pas permis en appel, conformément à l’article 58 de la LMEDS. Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. O’keefe, 2016 CF 503, au paragraphe 28, le juge Manson a déterminé ce qui suit :

[...] Le critère pour obtenir la permission d’en appeler et la nature même de l’appel ont changé en vertu des articles 55 et 58 de la LMEDS. À la différence d’un appel présenté devant l’ancienne CAP, qui était une audience de novo, un appel devant la DA-TSS n’autorise pas le dépôt de nouveaux éléments de preuve et se limite aux trois moyens d’appel énumérés à l’article 58.

[31] La Cour a également noté que la LMEDS prévoit des dispositions, conformément à l’article 66, permettant à la division générale d’annuler ou de modifier une décision lorsque de nouveaux éléments de preuve sont présentés dans le cadre d’une demande. Toutefois, des délais et exigences très stricts sont prévus à l’article 66. Par exemple, l’article 66 de la LMEDS exige aussi qu’une demanderesse démontre que les faits nouveaux sont des faits essentiels qui, au moment de l’audience, ne pouvaient être connus malgré l’exercice d’une diligence raisonnable. Le paragraphe de la LMEDS prévoit qu’une demande d’annulation ou de modification doit être présentée au plus tard un an après la date où la décision est communiquée.

[32] Selon les faits qui m’ont été présentés, je ne suis pas convaincu qu’il y ait des motifs sérieux pour lesquels je devrais permettre le dépôt du rapport, puisque rien n’indique que celui-ci est visé par l’une des exceptions. Comme l’a déterminé la Cour fédérale, généralement, un appel auprès de la division d’appel ne permet pas de présenter de nouveaux éléments de preuve.

Conclusion

[33] Compte tenu des considérations précédentes, la demande de permission d’en appeler est accueillie, bien que cette décision ne présume aucunement du succès de l’appel.

[34] Conformément au paragraphe 58(5) de la LMEDS, la demande de permission d’en appeler est ainsi assimilée à un avis d’appel. Dans les 45 jours suivant la date de cette décision, les parties peuvent a) soit déposer des observations auprès de la division d’appel, b) soit déposer un avis auprès de la division d’appel précisant qu’elles n’ont pas d’observations à déposer. Les parties peuvent joindre des observations concernant le mode d’audience à privilégier pour l’instruction de l’appel (ex. téléconférence, vidéoconférence, en personne ou basée sur les observations écrites présentées par les parties) avec les observations sur le fond de la cause en appel.

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