Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est accordée.

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) le 30 novembre 2016. La division générale avait tenu une audience par téléconférence et conclu que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) parce qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité grave durant sa période minimale d’admissibilité (PMA), laquelle prit fin le 31 décembre 2015.

[2] Le 17 janvier 2016, la demanderesse a présenté une demande incomplète de permission d’en appeler devant la division d’appel du Tribunal. À la suite d’une demande d’information additionnelle, le représentant de la demanderesse remplit sa demande le 8 février 2017.

Droit applicable

Régime de pensions du Canada

[3] L’alinéa 44(1)b) du RPC liste les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à une telle pension, un requérant doit :

  1. (a) avoir moins de soixante-cinq ans;
  2. (b) ne pas recevoir de pension de retraite du RPC;
  3. (c) être invalide;
  4. (d) avoir versé des cotisations de base au RPC pendant au moins la PMA.

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

[4] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission, et la division d’appel accorde ou refuse cette permission.

[5] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la demande de permission d’en appeler est rejetée si la division d’appel est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’il existe un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : arrêt Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. La Cour d’appel fédérale a statué que la question à savoir si une affaire est défendable en droit revient à déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : arrêt Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[8] Une demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond. S’il s’agit d’un premier obstacle à surmonter pour un demandeur, cet obstacle est moins imposant que celui auquel il devra faire face lors de l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, la demanderesse n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[9] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[10] Dans la demande de permission d’en appeler, le représentant de la demanderesse a présenté les observations suivantes :

Conclusions de fait erronées

  1. La division générale nota que Dr Al-Beer observa que les incapacités de la demanderesse la limitaient lorsqu’elle soulevait des objets lourds. En fait, Dr Al-Beer mentionna clairement, dans son rapport daté du 24 septembre 2016, des modifications permanentes étaient nécessaires au travail de la demanderesse pour l’éviter de soulever des objets.
  2. La division générale appuya sa décision, en partie, sur le fait que la demanderesse est capable de se promener à bicyclette. En fait, la demanderesse affirma clairement dans son témoignage que sa capacité à aller à bicyclette était limitée; elle se promenait à bicyclette rarement et ne pouvait faire qu’un demi-mille avant que ses douleurs aux épaules ne la forcent à s’arrêter.
  3. La division générale a accordé trop d’importance au témoignage de la demanderesse à savoir qu’elle passait une grande partie de sa journée à lire, ce que la division estimait être [traduction] « une indication d’une capacité à apprendre de nouvelles choses et des compétences pouvant mener à l’obtention d’un emploi. » Les éléments de preuve de la demanderesse étaient que, bien qu’elle lise, elle ne regardait pas la télévision ou son propre ordinateur et qu’elle passait son temps à faire des exercices recommandés par ses docteurs. Il n’y a pas d’éléments de preuve voulant que ses passe-temps se transforment en une capacité à travailler.
  4. La division générale a omis de considérer ou d’accorder l’importance appropriée à ce qui suit :
    • le témoignage de la demanderesse expliquant qu’elle souffre de douleurs constantes à l’épaule et qu’elle a de la difficulté à dormir ce qui fait qu’elle se sent fatiguée toute la journée;
    • le fait que la demanderesse est droitière et qu’elle a de la difficulté à s’habiller, mettre ses souliers et accomplir les tâches ménagères normales comme de laver la vaisselle et de sortir les poubelles.

Erreurs de droit

  1. Au paragraphe 38 de la décision, la division générale a correctement cité les principes qui ont été établis par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt VillaniNote de bas de page 3, mais elle a omis de considérer adéquatement l’âge, le niveau de scolarité, les antécédents de travail et l’expérience de vie de la demanderesse lorsqu’elle détermina que dans un « contexte réaliste » elle pouvait travailler. La division générale entendit les éléments de preuve voulant que la demanderesse posséda des compétences transférables limitées pour se chercher un nouvel emploi. Durant toute sa vie adulte, elle avait conduit un autobus ou une minifourgonnette pour le transport d’individus handicapés physiquement. Avant de conduire un autobus pour la ville de X, elle conduisait un taxi conçu spécifiquement pour le transport de personnes handicapées. La demanderesse a 58 ans et une dixième année [secondaire 3] et elle n’a pas d’expérience avec l’utilisation d’ordinateurs ou de logiciels. Elle n’a jamais travaillé dans un bureau ou dans un cadre administratif. Aucune interprétation raisonnable de la preuve mise à la connaissance de la division générale ne peut supporter la conclusion voulant que ses antécédents de travail lui aient donné des compétences transférables.
  2. Le membre de la division générale ne tint pas compte de l’arrêt MSN c. MohringNote de bas de page 4, une décision qui avait particulièrement été citée durant le plaidoyer et dans les observations écrites de la demanderesse datés du 20 octobre 2016. L’affaire Mohring concernait une infirmière auxiliaire de 56 ans qui s’était blessée au dos en soulevant un patient lourd. La Cour d’appel des pensions (CAP) avait conclu que la demanderesse était invalide, car elle n’était pas capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice considérant son âge et la nature de ses incapacités. En l’espèce, la demanderesse a des incapacités similaires et elle est plus âgée, moins éduquée et possède moins de compétences. Toutefois la division générale avait conclu que son invalidité n’était pas grave.

Analyse

Soulever des poids lourds

[11] La demanderesse a raison de noter que Dr Al-Beer affirmait qu’elle ne devait pas soulever d’objet. Toutefois je ne suis pas capable de voir où, dans sa décision, la division générale a mal interprété cet avis. En fait, la division générale référa correctement à l’interdiction de soulever des objets faite par Dr Al-Beer au paragraphe 27 et encore au paragraphe 33 de sa décision. Bien que la division générale observa ensuite que les incapacités de la demanderesse limitaient [traduction] « sa capacité de soulever des objets lourds, de pousser, tirer ou faire du travail au-dessus du niveau des épaules [accent mis par le soussigné] », la division ne fit pas de lien entre Dr Al-Beer et cette constatation qui a été faite en examinant toute la preuve sur ses limites fonctionnelles, incluant le témoignage. La division générale n’était pas obligée de s’appuyer uniquement sur les conclusions du Dr Al-Beer. Il était de sa compétence, en tant que juge des faits, de tenir en compte d’autres sources d’information en établissant que la demanderesse était en mesure de détenir tout type d’occupation véritablement rémunératrice.

[12] J’estime qu’un appel sur ce motif n’a pas une chance raisonnable de succès.

Promenade à bicyclette

[13] Au paragraphe 16 de sa décision, la division générale a écrit : [traduction] « Elle est capable de se promener à bicyclette pour environ 1/2 mille. » Dans le paragraphe 33, elle se référa encore à cette activité récréative en concluant que la demanderesse continuait à être active : [traduction] « Elle est capable de faire d’autres activités physiques telles que la marche, se promener à bicyclette, conduire son automobile. »

[14] La demanderesse prétend que la division générale n’a pas tenu compte des éléments de preuve qui décrivait sa capacité à faire de la bicyclette, toutefois je ne vois aucune chance raisonnable de succès pour ce moyen d’appel. La division générale a prétendument ignoré le témoignage de la demanderesse à savoir qu’elle ne se promène pas à bicyclette souvent et que ses douleurs aux épaules l’empêchent de faire des promenades de plus d’un demi-mille. Toutefois la demanderesse ne nie pas le fait qu’elle peut se promener en bicyclette sur un demi-mille malgré son problème aux épaules. Le contexte dans lequel la division générale décrit les promenades à bicyclette de la demanderesse et, en particulier l’usage du mot « capable », suggèrent que la division était consciente que sa capacité était d’une certaine manière limitée par son incapacité.

Lecture récréative

[15] La demanderesse conteste le fait que la division générale ait accordé de l’importance à la lecture qu’elle fait pour le plaisir, lecture qu’il conclut comme étant [traduction] « une indication d’une capacité à apprendre de nouvelles choses et des compétences pouvant mener à l’obtention d’un emploi. » Les éléments de preuve de la demanderesse étaient que, bien qu’elle lisait, elle ne regardait pas la télévision ou son propre ordinateur et qu’elle passait son temps à faire des exercices recommandés par ses docteurs. Il n’y a pas d’éléments de preuve voulant que ses passe-temps se transforment en une capacité à travailler.

[16] Bien que la division générale, à titre de juge de fait, a un grand pouvoir discrétionnaire pour tirer ses conclusions, elle doit respecter les dispositions prévues à l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS. La division générale laisse entendre que de la lecture récréative suggère une capacité à apprendre, mais je ne crois pas que cette thèse est évidente. Il pourrait être justifié de croire que cette thèse était « abusive ou arbitraire » ou « ne tenait pas compte des éléments au dossier. » Si la division générale voulait tirer des conclusions au sujet des habitudes de lecture de la demanderesse, elle aurait dû lui demander quels types de lecture elle faisait. Les manuels techniques et les grandes œuvres littéraires sont d’un côté, tandis que les journaux à potins et les bandes dessinées sont de l’autre. Je note qu’il n’y a rien dans la décision en lien avec la lecture que fait la demanderesse durant ses temps libres. N’ayant pas encore écouté l’enregistrement audio de l’audience, je ne suis pas certain si la division générale tenta d’ajouter des éléments de preuve sur cette question.

[17] J’estime que cet élément confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Appréciation de la preuve

[18] La demanderesse fait valoir que la division générale fit une erreur en n’accordant pas assez d’importance au témoignage dans lequel elle décrivait ses différents problèmes de santé et leur impact sur son fonctionnement.

[19] Je ne crois pas que ce motif l’appel ait une chance raisonnable de succès, car il est fondé sur la prémisse que la division générale n’a pas attaché assez d’importance à certains éléments de preuve. S’il se peut que la demanderesse ne souscrive pas aux conclusions de la division générale, un tribunal administratif est libre d’examiner les faits pertinents, d’évaluer la qualité des éléments de preuve, de décider, le cas échéant, ceux qu’il convient d’admettre ou d’écarter, et d’en déterminer l’importance. Les tribunaux se sont déjà penchés sur cette question dans d’autres affaires où il était allégué que les tribunaux administratifs n’avaient pas examiné l’ensemble de la preuve. Dans l’affaire Simpson c. CanadaNote de bas de page 5, l’avocate de la demanderesse a identifié un certain nombre de rapports médicaux que la Commission d’appel des pensions avait, à son avis, ignorés, mal compris ou mal interprétés ou auxquels elle avait accordé trop de poids. En rejetant la demande de contrôle judiciaire, la Cour d’appel fédérale a affirmé ce qui suit :

[...] le poids accordé à la preuve, qu’elle soit orale ou écrite, relève du juge des faits. Ainsi, une cour qui entend un appel ou une demande de contrôle judiciaire ne peut pas en règle générale substituer son appréciation de la valeur probante de la preuve à celle du tribunal qui a tiré la conclusion de fait contestée. [...]

[20] Contrairement aux observations de la demanderesse, la division générale nota qu’elle était droitière (au paragraphe 20) et je ne vois aucune indication que la division générale ignora ou minimisa ses éléments de preuve liés aux limites fonctionnelles résultant de sa blessure à l’épaule droite.

Arrêt Villani

[21] La demanderesse soutient que la division générale n’a pas appliqué correctement le critère de « contexte réaliste » prévu dans l’arrêt Villani, exigeant qu’un juge des faits tienne compte de l’âge, du niveau de scolarité et de l’expérience de travail et de vie d’une demanderesse au moment d’évaluer une invalidité. En l’espèce, la demanderesse prétend que la division générale se limita à citer l’arrêt Villani sans considérer vraiment son employabilité à la lumière de ses incapacités et de sa situation personnelle.

[22] Je constate ‏une cause défendable fondée sur ce moyen. Bien que la division générale ait résumé correctement le principe de l’arrêt Villani au paragraphe 38 de sa décision, je crois qu’il est juste de se poser la question à savoir si la division générale l’a appliqué correctement en évaluant les antécédents de travail de la demanderesse. Au paragraphe 39, la division générale écrivit :

[traduction]
La demanderesse avait 58 ans à la date de fin de sa PMA [...] Elle attesta qu’elle n’avait pas de barrière linguistique et qu’elle était capable de lire, d’écrire et de parler anglais sans difficulté. Elle avait des antécédents de travail et avait la capacité d’obtenir un permis spécialisé pour conduire un autobus. Ces antécédents de travail lui donnent des compétences transférables. Il n’y a pas assez d’éléments de preuve médicale et de preuve des efforts déployés pour trouver du travail pour conclure, selon la prépondérance des probabilités, que, dans un contexte réaliste, elle est atteinte d’une invalidité grave au sens du RPC. Bien que la demanderesse ait 58 ans, elle a une capacité mentale et physique lui permettant de détenir une occupation véritablement rémunératrice qui pourrait tenir compte des restrictions liées à sa blessure à l’épaule ou au bras. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’observation du représentant de la demanderesse voulant que celle-ci est à un âge tellement avancé qu’elle n’est pas capable de retourner sur le marché du travail.

[23] Je note que la division générale conclut que la demanderesse possédait des compétences transférables, bien qu’il n’y ait pas d’éléments de preuve qu’elle ait fait autre chose qu’une certaine forme de travail manuel durant sa vie au travail. Ses compétences, telles qu’elles sont, font partie d’un sous-ensemble restreint d’emplois pour lesquels une blessure à l’épaule serait un obstacle significatif. Comme le concept d’« employabilité » est intrinsèque à toute considération des facteurs prévus dans l’arrêt Villani, je suis convaincu que l’appel de la demanderesse a une chance raisonnable de succès en plaidant que la division générale n’a pas tenu compte de manière réaliste de ses chances de trouver un emploi sédentaire.

Mohring

[24] La demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur de droit en ne se référant pas à l’arrêt Mohring, une affaire où une prestataire avait des blessures et des caractéristiques personnelles comparables aux siennes.

[25] À mon avis, cette observation met en lumière un prétendu manquement aux principes de justice naturelle, plutôt qu’une erreur de droit. Encore ici, je ne suis pas convaincu que ce motif constitue une cause défendable. Le représentant de la demanderesse référa à environ quinze affaires dans ses observations écrites. La division générale traita de certaines d’entre elles et l’équité ne nécessita pas que chacune des autres soit examinée. C’est particulièrement le cas de l’arrêt Mohring qui a presque 30 ans et qui a été rendu par la défunte CAP dont les décisions n’ont pas de précédent sur la division générale.

Conclusion

[26] La permission d’en appeler est accordée sur les deux motifs suivant :

  • la division générale pourrait avoir fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée en attribuant une capacité à apprendre de nouvelles compétences aux habitudes de lecture de la demanderesse;
  • la division générale a pu commettre une erreur de droit en n’appliquant pas correctement le critère relatif au contexte réaliste prévu dans l’arrêt Villani en évaluant l’invalidité de la demanderesse.

[27] Si les parties décident de présenter des observations supplémentaires, elles sont libres de formuler leur opinion à savoir si une nouvelle audience s’avère nécessaire, et si tel est le cas, quel type d’audience est approprié.

[28] La présente décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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