Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] Le 7 avril 2014, l’intimé a reçu la première demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) présentée par l’appelante.

[2] La seconde et actuelle demande de prestations du RPC de l’appelante a été reçue le 16 novembre 2015. L’appelante a prétendu être invalide en raison de symptômes de fibromyalgie. L’intimé a rejeté la demande initialement et après révision. L’appelante a interjeté appel de la décision découlant de la révision auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[3] L’appel a été instruit par téléconférence pour les raisons suivantes :

  • ce mode d’instruction offre les mesures d’adaptation requises par les parties ou les parties participantes;
  • il manque de l’information au dossier ou il est nécessaire d’obtenir des clarifications;
  • ce mode d’instruction respecte l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent;
  • même si l’appelante se situe à une distance raisonnable du centre de Service Canada le plus près, à Regina, le membre du Tribunal n’était pas convaincu qu’il est nécessaire pour elle de se rendre à Regina pour assister à une audience.

[4] L’appelante était la seule personne à participer à l’audience.

Période minimale d’admissibilité et principale question en litige

[5] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, la partie appelante doit satisfaire aux exigences prévues dans le RPC. Plus particulièrement, la partie appelante doit avoir été déclarée invalide au sens du RPC à la date de fin de la période minimale d’admissibilité (PMA) ou avant cette date.

[6] Le calcul de la date de fin de la PMA est fondé sur les cotisations de la partie appelante au RPC. L’intimé a plus récemment soutenu que la date de fin de la PMA est le 31 décembre 2018 (GD6). Cependant, aucune preuve n’a été présentée pour étayer cette observation. Le Tribunal estime que la date de fin de la PMA de l’appelante est le 31 décembre 2017 selon le dossier de cotisations au RPC qui a été versé (GD2-120).  

[7] Quoi qu’il en soit, la date de fin de la PMA se situe dans l’avenir. La question en litige est donc la même : l’appelante était-elle atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date de l’audience ou avant cette date?

Décision

[8] Le Tribunal a déterminé que l’appelante est admissible à la pension d’invalidité du RPC pour les motifs mentionnés ci-dessous.

Preuve

[9] L’appelante a discuté d’une expérience qu’elle a vécue le 23 décembre 2008. Elle était sur les lieux d’un accident de voiture impliquant son père. Depuis ce jour-là, son état de santé est problématique. Sa [traduction] « vie s’est dégradée ». Par exemple, elle souffre de douleurs quotidiennement depuis ce moment-là. Sa douleur est [traduction] « presque paralysante ». Elle ressent des douleurs aux jambes et aux pieds. Lorsque la douleur atteint son dos, elle doit généralement se rendre à l’urgence afin de recevoir de la morphine. Cela a rendu son fonctionnement difficile. Elle reçoit le dosage d’analgésique le plus élevé offert. Elle prend du Tylenol no 4 et du Tramacet. Ses médecins lui ont prescrit de la marijuana à des fins médicales, mais celle-ci a été inefficace. On lui a récemment prescrit de l’hydromorphone. Elle subit des effets secondaires au quotidien, comme la sensibilité au toucher. Le fait de prendre une douche l’épuise complètement et lui donne une sensation d’aiguilles sur son corps. Elle prend donc une douche moins souvent. Un bain cause plus de douleur qu’une douche. Elle est sensible au bruit, et les changements de température peuvent causer une poussée active de la douleur. Elle est étourdie et elle a chuté par le passé. Elle a généralement besoin d’aide pour demeurer en équilibre, comme en plaçant une main contre le mur. Sa douleur a eu une incidence sur son bien-être physique et mental. Sa mémoire est également mauvaise.

[10] L’appelante est âgée de 46 ans. Elle est la mère de quatre filles, y compris des jumelles âgées de 12 ans. L’aînée a 21 ans et elle ne vit pas chez l’appelante. L’aînée qui suit est âgée de 14 ans. L’appelante a terminé sa onzième année. Elle a pris trois cours d’éducation préscolaire par correspondance. Elle est complètement épuisée mentalement après avoir conduit un véhicule pendant plus d’une heure (questionnaire relatif au RPC, GD2-168, GD2-171 et GD2-217).

[11] Selon un questionnaire rempli le 26 août 2014, l’appelante exploitait une garderie. Elle était travailleuse indépendante et l’unique propriétaire. Elle a pris soin de six familles en 2011 et 2012. Elle a pris soin de sept familles en 2013 et en 2014. Elle a travaillé à temps plein ou à temps partiel, au besoin. En 2014, elle a travaillé de trois à cinq jours par semaine pendant une bonne semaine. D’autres semaines, elle a travaillé deux ou trois jours. Elle travaillait de trois à six heures par jour. Dans le cadre de ses tâches, l’appelante racontait des histoires, préparait les repas et les collations et supervisait les séances de dessin et les siestes des enfants, entre autres. Ses filles l’aidaient avec des tâches à l’occasion (sortir les déchets, récupérer les crayons). L’appelante a étudié la possibilité de détenir un autre emploi, mais elle n’avait pas l’impression qu’il était réaliste qu’elle soit sérieusement employée dans son état; elle se fatigue rapidement. Sa douleur varie au quotidien, et elle a des limitations physiques. L’appelante n’a pas cessé de travailler au sein de son entreprise parce qu’elle doit soutenir financièrement ses filles en tant qu’unique parente vivante (GD2-69 à GD2-74).

[12] Le 5 janvier 2017, l’appelante a déclaré qu’elle ne pouvait plus conserver un emploi à temps partiel. Elle ne pouvait que tolérer une ou deux heures de travail par jour. Elle travaille huit heures par semaine. Elle souffre de douleurs au quotidien à une échelle de 7 ou 8 sur 10. Elle ressent des douleurs aux jambes, aux bras, au dos et aux mains. Elle a tenté tous les traitements recommandés, y compris la marche, la physiothérapie, la chiropractie, l’ergothérapie, l’alimentation saine, l’acupuncture et la massothérapie. Son état se dégrade rapidement. Elle était en attente d’un rendez-vous avec une neurologue (Dre Milne) et une clinique du sommeil (GD4). À l’audience, l’appelante a déclaré avoir fait l’objet d’une étude sur le sommeil menée par le Dr Joy le 30 janvier 2017. Le résultat était négatif. Elle consultera une autre rhumatologue, la Dre Fahlman, pour la première fois à Regina, la semaine prochaine.

[13] Selon un registre des cotisations au RPC demandé le 28 juin 2016 (GD2-120), l’appelante avait touché les gains non ajustés ouvrant droit à pension ci-après :

2011 : 10 086 $

2012 : 9 992 $

2013 : 12 086 $

2014 : 10 543 $

2015 : 10 593 $

Rapports médicaux et témoignage connexe

[14] Le 30 décembre 2013, la Dre A. Milne (rhumatologue) a souligné les antécédents de fibromyalgie et les maux de tête de l’appelante. Il a été conseillé à celle-ci de cesser la consommation de narcotiques, de chercher à obtenir un traitement psychologique pour le traitement de la douleur et les compétences de prise en charge (GD2-165).

[15] Le 10 février 2014, la Dre Milne a recommandé à l’appelante de subir une évaluation ergothérapeutique afin de déterminer sa capacité à travailler. À ce moment-là, la Dre Milne n’a [traduction] « pas été en mesure de formuler des commentaires sur les plans de l’appelante relatifs à son invalidité permanente » (GD2-167).

[16] Hatjue Bista (ergothérapeute) a discuté de l’évaluation de l’appelante effectuée le 7 avril 2014 dans un formulaire de certification pour le crédit d’impôt pour personnes handicapées. Selon l’évaluation, l’appelante avait des limitations dans plusieurs domaines fonctionnels. Elle avait des limitations en matière de mobilité en raison d’une perte de force et de tolérance. Elle avait besoin d’aide pour garder l’équilibre et elle devait se reposer fréquemment. L’appelante a déclaré qu’elle devait se reposer au lit pendant une heure après avoir accompli une tâche pendant 30 minutes. Elle souffrait d’une grave douleur généralisée en raison d’une fibromyalgie [traduction] « grave » (GD2-59).

[17] L’appelante a déclaré avoir suivi des séances de physiothérapie en février et en mars 2015 (GD2-174). Elle a déclaré à l’audience que le traitement concernait son bras, après sa chute. Les traitements ont aggravé les symptômes liés à la douleur.

[18] La médecin de famille de l’appelante, Dre L. Narouz, a produit un rapport médical accompagnant les rapports de spécialistes. Dans son rapport du 29 octobre 2015, la Dre Narouz a souligné la fibromyalgie [traduction] « de longue date » et [traduction] « généralisée » de l’appelante. La Dre Narouz a souligné la nature subjective de la fibromyalgie et que l’appelante faisait état d’une douleur musculosquelettique diffuse, chronique et généralisée. L’appelante a également fait état d’épuisement par un effort minime, d’un trouble de concentration et de maux de tête. L’appelante prenait divers médicaments, y compris de l’amitriptyline (75 mg chaque jour), du Cymbalta (60 mg chaque jour) et du Tylenol no 4 (deux comprimés, deux fois par jour). Elle avait une réaction minime au traitement et elle était en attente d’une consultation avec une ou un physiatre au Wascana Rehabilitation Centre [centre de réadaptation Wascana] (Wascana). Selon le pronostic de la Dre Narouz, le trouble de l’appelante était chronique et il n’y avait aucun remède. Le traitement visait à maîtriser la douleur (GD2-21 à GD2-24).

[19] Le Dr S. Wunder, physiatre à Wascana, a produit un rapport détaillé daté du 20 avril 2016. Le rapport mentionnait les antécédents, les signalements et les traitements concernant des symptômes liés à la fibromyalgie chez l’appelante, y compris un examen effectué par une physiatre antérieure ou un physiatre antérieur en novembre 2015. Le Dr Wunder a souligné que l’appelante [traduction] « continue de travailler à temps partiel, mais qu’elle trouve cela très difficile » et qu’elle [traduction] « insiste sur le fait qu’elle n’est pas capable de travailler à temps plein ou de façon régulière dans un avenir proche ». Le Dr Wunder a souligné que l’appelante était atteinte de symptômes graves et invalidants liés à la fibromyalgie. L’appelante était limitée à une activité normale en raison de la fatigue persistante. En ce qui concerne la capacité de travailler, le Dr Wunder a formulé l’avis suivant :

[traduction]
En ce qui a trait à la demande de pension d’invalidité de l’appelante, nous avons passé beaucoup de temps à en discuter également. Elle est catégorique quant au fait qu’elle ne sera jamais capable de travailler à nouveau. Cependant, je crois que, si elle est capable de sortir de ses habitudes d’inactivité physique, elle pourrait avoir une chance de retrouver un certain niveau de productivité. En même temps, elle a l’impression d’être incapable de continuer d’occuper son emploi actuel en raison des symptômes. Elle pourrait bénéficier d’une période d’absence du travail afin de se concentrer sur d’autres problèmes de santé personnels dont nous avons discuté, car elle insiste beaucoup sur le manque de temps à cet égard pendant qu’elle travaille. Si c’est ce qu’il faut pour qu’elle soit capable d’améliorer son état, il vaut certainement la peine d’étudier cette option.

[20] Le Dr Wunder a déclaré [traduction] « assez clairement » qu’il n’était pas d’accord avec le fait que l’appelante était atteinte d’une invalidité permanente. Il l’a plutôt encouragée à s’absenter du travailler pour concentrer ses efforts sur sa santé. Le rapport du Dr Wunder se termine en soulignant que l’appelante a été [traduction] « fortement encouragée » à étudier la possibilité de mettre en œuvre certaines des mesures discutées, y compris la thérapie cognitivo-comportementale (comme il a été recommandé précédemment par le collègue du Dr Wunder en novembre 2015), l’augmentation de l’activité physique et la physiothérapie. Il a déclaré que [traduction] « la seule façon dont elle peut améliorer sa situation sera de s’aider ». Le Dr Wunder a déclaré que les médicaments à eux seuls n’offriront pas un soulagement total et que le soulagement à long terme sera atteint à l’aide d’une activité accrue (GD2-145 à GD2-147).

[21] L’appelante a rendu un témoignage sur le conseil donné par le Dr Wunder de s’absenter du travail et de se concentrer sur sa santé. Elle a déclaré que l’aide sociale provinciale ne couvre pas un congé dans ses circonstances. Elle devait donc continuer de travailler en prenant soin d’un seul enfant en 2017. Elle prend soin de lui pendant une ou deux heures après l’école. Elle lui fournit des collations après l’école et elle supervise les séances de jeu indépendantes. Elle touchera environ 6 000 $ brut par année dans le cadre de cet emploi. Elle a ajouté qu’elle reçoit une aide financière parce que ses jumelles ont des retards de développement. Sa famille l’aide également à prendre soin de ses enfants, particulièrement des jumelles. L’appelante touche également des subventions gouvernementales étant donné qu’elle exploite une garderie non agréée. Il s’agit là de trois sources de revenus.

[22] L’appelante était en communication avec une clinique de physiothérapie à Weyburn après y avoir été dirigée par Wascana. La physiothérapeute l’a informée que le traitement aggraverait l’état de ses muscles et elle lui a déconseillé le traitement. L’appelante se rappelle qu’elle a dit quelque chose à cet égard qui allait dans le sens suivant : [traduction] « La fibromyalgie est un trouble si grave, et pourquoi souhaiteriez-vous [l’appelante] l’aggraver? » L’appelante a ensuite décidé de ne prévoir aucune séance. Elle a effectué un suivi auprès de Wascana en laissant un message selon lequel la physiothérapie aggraverait son état. Personne chez Wascana n’a communiqué avec elle par la suite.

[23] En ce qui a trait à la recommandation du Dr Wunder d’augmenter le niveau d’activité physique (par exemple en promenant son chien), l’appelante a déclaré qu’elle a craqué émotivement lorsqu’elle a entendu ce conseil. Elle a répondu qu’il était difficile pour elle de marcher et qu’elle risquait de tomber. Elle vit à un endroit où les routes sont en gravier, ce qui accroit ce risque. Le Dr Wunder n’a pas abordé ces préoccupations dans sa réponse. Il s’est plutôt penché sur la prescription de tramadol qui, selon l’appelante, a été inefficace pour soulager sa douleur.

[24] Le Tribunal a demandé à l’appelante si elle a effectué toute autre activité physique au-delà ou en plus de ses activités habituelles au cours de l’année précédente. Elle a répondu qu’elle a subi des traitements de chiropractie et de massothérapie. Elle a été questionnée à nouveau sur l’exercice. Elle a répondu qu’elle a [traduction] « absolument » essayé d’augmenter progressivement son activité physique. La collectivité où elle habite est située à au moins 45 minutes d’une collectivité offrant des cours d’aérobie aquatique. Sa collectivité compte moins de 200 habitants. On a mentionné d’autres tâches physiques particulières : accompagner les enfants à la piscine et pratiquer la natation dans une autre collectivité. Elle a tenté l’hydrothérapie en relaxant dans l’eau minérale à Moose Jaw, dans une autre collectivité différente, une fois par année.

[25] Au cours de l’audience, l’appelante a été questionnée sur les recommandations de suivre un traitement psychologique. Elle a été renvoyée au rapport de la Dre Milne du 30 décembre 2013, et les deux rapports de physiatres de 2015 et de 2016 mentionnant la thérapie cognitivo-comportementale. Elle a déclaré avoir cherché à suivre un traitement psychologique. Après avoir consulté la Dre Milne, elle a participé à des séances de counseling à Weyburn, en janvier 2014. Elle avait deux séances par semaine au début. Le déplacement jusqu’aux séances la fatiguait. Elle devait conduire pendant 45 minutes dans chaque sens. Il s’agissait de l’endroit le plus près où elle pouvait subir un traitement psychologique. Elle a continué de participer à des séances jusqu’à l’été 2014 environ. Elle a participé à environ 50 séances selon les conditions météorologiques. Ses séances comprenaient une discussion concernant la rédaction d’un journal et le fonctionnement dans le cadre des activités quotidiennes. Il lui a été conseillé de tenir un journal concernant ses douleurs, d’améliorer son régime et d’éviter les facteurs qui déclenchent des symptômes liés à la douleur. En ce qui concerne le dernier élément, elle a mentionné qu’elle devait vivre en fonction de ses limitations. Elle a répété qu’elle se fatigue très rapidement.

[26] Il a été particulièrement demandé à l’appelante de discuter de la recommandation des physiatres selon laquelle elle devrait suivre une thérapie cognitivo-comportementale. L’appelante a déclaré avoir suivi un programme de thérapie cognitivo-comportementale en ligne après avoir consulté le Dr Wunder en avril 2016. Cette thérapie se concentrait sur la tenue d’un journal personnel et d’un journal concernant ses douleurs. Elle a participé au programme à son propre rythme et elle l’a terminé vers mai 2016. Le Tribunal a demandé si le concept de la [traduction] « bonne douleur » avait été abordé pendant le programme de thérapie cognitivo-comportementale en ligne. Il l’a été, et l’appelante a déclaré qu’elle endurait une [traduction] « bonne douleur » chaque jour afin d’avoir une certaine qualité de vie.

Observations

[27] Le 16 février 2016, l’appelante a présenté les observations suivantes à l’appui de sa demande de pension d’invalidité. Des observations semblables ont été présentées dans son avis d’appel au Tribunal :

  1. Sa fibromyalgie est grave et prolongée; il n’y a aucun remède, et cela ne fera qu’empirer au fil du temps.
  2. Les traitements essayés ont entraîné une poussée active des symptômes; selon sa médecin de famille, la seule option est d’essayer de prévenir les poussées actives de douleurs. Ses médicaments ont augmenté en variété et en force (Cymbalta, Tylenol no 4).
  3. Elle travaille parce qu’elle doit avoir un emploi pour subvenir aux besoins de ses trois enfants en tant que seule parente survivante. Son fonctionnement est touché par la fibromyalgie; par exemple, il est douloureux pour elle de prendre un bain, de s’asseoir et d’écrire. Ses symptômes sont hors de son contrôle; par exemple, ses mains [traduction] « cessent de fonctionner » à l’épicerie. Elle a des selles explosives trois ou quatre fois par jour et elle urine constamment. Elle demeure sensible à la lumière vive et au bruit. Elle oublie des choses à moins de les écrire dans les cinq minutes qui suivent.

[28] À la fin de l’audience, l’appelante a répété qu’elle est atteinte d’une invalidité physique et mentale. Sa douleur a une incidence sur elle au quotidien et sur sa capacité de fonctionner. Elle doit ajuster son fonctionnement à ses limitations.

[29] L’intimé a déclaré à l’écrit que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité parce qu’elle continuait de travailler en janvier 2017, et qu’elle est en attente de rendez-vous médicaux et que, par conséquent, elle n’a pas épuisé toutes les options de traitement.

Analyse

Critère relatif à une pension d’invalidité

[30] L’appelante doit prouver qu’il est plus probable que le contraire, ou selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était invalide au sens du RPC en date de l’audience ou avant cette date (le 15 août 2017).

[31] L’article 44(1)(b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne touche pas une pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la PMA.

[32] Aux termes de l’article 42(2)(a) du RPC, pour être considérée comme invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une personne est considérée comme atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Caractère grave

Principes juridiques

[33] Le critère permettant d’évaluer si une invalidité est « grave » ne consiste pas à déterminer si la personne souffre de graves affections, mais plutôt à déterminer si son invalidité l’empêche de gagner sa vie. La détermination de la gravité de l’invalidité n’est pas fondée sur l’incapacité d’une personne d’accomplir son travail habituel, mais plutôt sur son incapacité d’accomplir un travail, c’est-à-dire une occupation véritablement rémunératrice (Klabouch c Canada (Développement social), 2008 CAF 33).

[34] La question principale dans ce type d’appel n’est pas de déterminer la nature ou le nom du trouble médical, mais plutôt son effet fonctionnel sur la capacité de travailler du prestataire (Ferreira c PGC, 2013 CAF 81).

[35] Lorsqu’il existe des éléments de preuve de capacité de travail, l’appelant doit démontrer que ses efforts pour se trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé (Inclima c Canada (PG), 2003 CAF 117).

Application des principes juridiques aux faits en l’espèce

[36] En l’espèce, l’appelante a des symptômes de fibromyalgie. Selon sa preuve, elle était capable d’exploiter sa garderie à temps partiel, au moins, jusqu’en 2017. Elle a pris soin de sept familles en 2013 et de trois familles en 2014. Elle travaillait à temps plein ou à temps partiel, au besoin. En 2014, elle travaillait de trois à cinq jours lors d’une bonne semaine. Les autres semaines, elle travaillait pendant deux ou trois jours. Elle travaillait de trois à six heures par jour (GD2-69 à GD2-74).

[37] L’appelante a réduit ses heures de travail en raison de la dégradation de son état de santé. Elle se fatiguait facilement et elle avait des limitations physiques. Elle ne pouvait plus s’occuper d’une garderie à temps partiel à partir de janvier 2017. Elle a tenté de continuer l’opération de son entreprise, mais elle peut seulement gérer les soins d’un enfant. Elle peut tolérer une ou deux heures de travail par jour ou huit heures de travail par semaine. Elle souffre quotidiennement de douleurs à une échelle de 7 ou de 8 sur 10. Elle ressent des douleurs aux jambes, aux bras, au dos et aux mains. Elle est capable de faire des tâches minimes, comme superviser un enfant et lui préparer une collation. L’appelante essaie seulement d’offrir un certain type de soutien financier à ses enfants en tant que seule personne à subvenir à leurs besoins et parente survivante.

[38] L’appelante a déclaré qu’elle touchera 6 000 $ brut pour les soins d’un enfant en 2017. Le Tribunal ne considère pas cela comme étant un emploi véritablement rémunérateur. L’article 68.1 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada prévoit que « véritablement rémunératrice » se dit d’une occupation qui procure un traitement ou un salaire égal ou supérieur à la somme annuelle maximale qu’une personne pourrait recevoir à titre de pension d’invalidité. En l’espèce, rien ne prouve que 6 000 $ est égal ou supérieur à la somme maximale que l’appelante pourrait toucher à titre de pension d’invalidité.

[39] Le Tribunal estime qu’elle a fait des tentatives raisonnables pour travailler et qu’elle a démontré qu’elle ne peut pas régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice en raison de ses symptômes liés à la fibromyalgie.

L’appelante a suivi les traitements médicaux recommandés

[40] Il incombe personnellement aux parties requérantes de collaborer à leurs soins de santé (Kambo c MDRH, 2005 CAF 353). Le Tribunal estime que l’appelante a satisfait à cette obligation. L’appelante a déclaré qu’elle a tenté tous les traitements recommandés, y compris la marche, la physiothérapie, la chiropractie, l’ergothérapie, l’alimentation saine, l’acupuncture et la massothérapie. Malgré tous ces traitements, son état s’est rapidement dégradé (GD4).

[41] Pendant l’audience, l’appelante a expliqué en détail qu’elle a suivi les conseils de ses médecins. Elle a suivi des séances de physiothérapie en 2015, mais elles ont aggravé ses symptômes. L’appelante a raisonnablement expliqué la raison pour laquelle elle n’a pas suivi de séances de physiothérapie plus récemment : la physiothérapeute ne le lui a pas recommandé, et Wascana n’a pas effectué un suivi pour contester.

[42] L’appelante a participé à environ 50 séances de counseling. Elle a terminé un programme de thérapie cognitivo-comportementale à son propre rythme en mai 2016. Le programme établit une différence entre la [traduction] « bonne douleur » et la [traduction] « mauvaise douleur ». Elle a tenté d’augmenter son niveau d’exercice et de faire des activités quotidiennes malgré la [traduction] « bonne douleur » que cela causait.

[43] Il est important de souligner les circonstances de l’appelante : elle habite près d’une très petite collectivité. La marche sur les routes de section près de son domicile est risquée. Il n’existe aucun établissement de santé intérieur dans sa collectivité. Pour accéder aux collectivités qui possèdent ce type d’établissements, il faut se déplacer en voiture. La conduite d’un véhicule pour se rendre dans les collectivités voisines épuisait complètement l’appelante.  

[44] L’appelante prend divers médicaments sur ordonnance, y compris le puissant Tylenol no 4. Ces médicaments n’ont pas été efficaces pour améliorer son fonctionnement.

[45] Pour les motifs susmentionnés, le Tribunal estime que l’appelante s’est acquittée de son fardeau pour établir l’existence d’une invalidité grave à la date de l’audience ou avant cette date.

Caractère prolongé

[46] Le Tribunal était également convaincu, somme toute, que l’invalidité de l’appelante était prolongée à la date d’audience ou avant cette date.

[47] En octobre 2015, la Dre Narouz a souligné que l’appelante avait une réaction minimale au traitement et qu’elle était en attente d’une consultation auprès d’un physiatre à Wascana. Selon le pronostic de la Dre Narouz, le trouble de l’appelante était chronique, et il n’y avait aucun remède. Le traitement visait donc à maîtriser la douleur (GD2-21 à GD2-24). À la suite d’examens de l’appelante chez Wascana, particulièrement ceux effectués par le Dr Wunder en avril 2016, son état ne s’est pas amélioré. Elle a suivi les conseils du Dr Wunder pour améliorer son niveau d’activité physique et de suivre des séances de physiothérapie et de thérapie cognitivo-comportementale. Malgré tous ces traitements au fil des ans, la capacité de l’appelante a été réduite à huit heures par semaines (ou une ou deux heures par jour) pour prendre soin d’un enfant dans sa garderie. Cet emploi ne reflétait pas une capacité à détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice dans un contexte réaliste. Ses symptômes liés à la fibromyalgie, particulièrement la douleur généralisée, sont ressentis quotidiennement. Elle a déclaré que son état se détériorait. Aucune preuve ne donne à penser que son état s’améliorera ou qu’elle retrouvera la capacité de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice dans un marché concurrentiel de l’emploi.

[48] En résumé, l’appelante s’est acquittée du fardeau d’établir l’existence d’une invalidité prolongée à la date d’audience ou avant cette date.

Conclusion

[49] Le Tribunal conclut que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en janvier 2017, moment où elle n’était plus capable de travailler à temps partiel après avoir suivi les conseils du Dr Wunder.

[50] Aux termes de l’article 69 du RPC, les versements commencent quatre mois après la date de l’invalidité.

[51] Les paiements commencent donc en mai 2017.

[52] L’appel est accueilli.

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