Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Motifs et décision

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler d’une décision rendue le 30 décembre 2016 par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal), qui a statué qu’il n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). La division générale a conclu que le demandeur n’avait pas démontré qu’il était atteint d’une invalidité « grave » à l’échéance de sa période minimale d’admissibilité (PMA), en l’espèce le 31 décembre 2014, ou avant cette date.

[2] Conformément à l’article 55 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), « [t]oute décision de la division générale peut être portée en appel devant la division d’appel […] ». Le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler (demande) à la division d’appel du Tribunal le 4 avril 2017.

Question en litige

[3] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Droit applicable

[4] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS, « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission », et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ». Il faut d’abord statuer sur la demande de permission d’en appeler avant qu’une audience sur le fond puisse être tenue. C’est un premier obstacle que le demandeur doit surmonter, mais cet obstacle est moins imposant que celui auquel il devra faire face lors de l’audience de l’appel sur le fond.

[5] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. » Le demandeur doit établir qu’il existe un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel (Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 1999 CanLII 8630). La question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique (Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41; Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63).

[6] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Observations

[7] Le représentant du demandeur soutient que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, ce qui constitue un moyen d’appel conformément à l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS. Le représentant a fait valoir plus précisément que la division générale n’avait pas tenu compte des éléments suivants :

  1. (i) Le problème de dos du demandeur est inopérable;
  2. (ii) Le demandeur est atteint d’un problème psychologique grave, et ce même s’il a seulement recouru à des consultations psychologiques après sa PMA;
  3. (iii) Le demandeur souffre, en plus de son problème au dos, d’arthrite aux deux hanches, et il avait dû subir une arthroplastie des hanches;
  4. (iv) L’opinion médicale selon laquelle le demandeur « se porte plutôt bien » portait seulement sur son opération à la hanche, et non sur son problème au dos.

[8] Le représentant du demandeur soutient également que la division générale a commis une erreur de droit, conformément à l’alinéa 58(1)b) de la Loi sur le MEDS, du fait qu’elle n’aurait pas bien analysé la gravité de la capacité de travail du demandeur en se fondant sur la totalité des éléments de preuve et dans un contexte réaliste.

Analyse

La division générale a-t-elle fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées?

[9] Le représentant du demandeur soutient que la division générale a fondé sa décision sur plusieurs conclusions de fait erronées relatives aux problèmes de santé mentale comme physique du demandeur. Plus précisément, le représentant du demandeur affirme que la division générale n’a pas tenu compte du fait que c’était le problème de dos du demandeur qui le rendait incapable de travailler, et qu’il souffre d’un grave problème psychologique. Le représentant soutient que [traduction] « le problème de dos du demandeur est grave à un point tel qu’il s’effondre et est inopérable, et qu’il continue de se détériorer ». Le représentant soutient également que [traduction] « la division générale a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées tirées de façon abusive en concluant que l’invalidité du demandeur n’était pas grave du fait qu’elle était inopérable », et que [traduction] « l’invalidité touchant son dos est PLUS grave que le fait que son problème à la hanche est inopérable, et continue de se détériorer. »

[10] En ce qui concerne la santé mentale du demandeur, le représentant soutient que le demandeur est atteint d’un problème psychologique grave que la division générale a écarté à tort comme le demandeur avait seulement recouru à des consultations psychologiques et à des traitements après la date de sa PMA.

[11] J’ai examiné la décision de la division générale en entier ainsi que les documents contenus au dossier dont disposait la division générale. Même si le représentant du demandeur prétend que celui-ci aurait dû être jugé invalide vu la gravité du diagnostic posé relativement à son dos et son problème de santé mentale, je suis consciente que l’invalidité au sens du RPC n’est pas évaluée d’après les diagnostics médicaux reçus par un demandeur ou ses problèmes de santé, mais plutôt d’après sa capacité à travailler (Klabouch c. Canada (Développement social), 2008 CAF 33). Le critère servant à déterminer si un demandeur est invalide au sens du RPC a été formulé par la Cour d’appel fédérale au paragraphe 50 de l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248 :

Cette réaffirmation de la méthode à suivre pour définir l’invalidité ne signifie pas que quiconque éprouve des problèmes de santé et des difficultés à se trouver et à conserver un emploi a droit à une pension d’invalidité. Les requérants sont toujours tenus de démontrer qu’ils souffrent d’une « invalidité grave et prolongée » qui les rend « régulièrement incapables de détenir une occupation véritablement rémunératrice ». Une preuve médicale sera toujours nécessaire, de même qu’une preuve des efforts déployés pour se trouver un emploi et de l’existence des possibilités d’emploi.

[12] En affirmant ce qui suit dans Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117, la Cour d’appel fédérale a précisé les principes de l’arrêt Villani :

[…] [U]n demandeur qui dit répondre à la définition d’incapacité grave doit non seulement démontrer qu’il (ou elle) a de sérieux problèmes de santé, mais dans des affaires comme la présente, où il y a des preuves de capacité de travail, il doit également démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé.

[13] Même si le demandeur prétend qu’il devrait être considéré comme étant atteint d’une invalidité grave en raison de ses problèmes au dos, j’estime que les arguments avancés par son représentant ne pèsent pas lourd, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, bien que je note que le demandeur a témoigné s’être effondré au sol à un certain moment en mars 2011 en raison de sa douleur au dos, je n’ai trouvé, après avoir examiné la preuve médicale au dossier, aucune preuve qui permette d’appuyer sa prétention voulant que son problème au dos était « inopérable ». Dans une lettre datée du 12 octobre 2012 du docteur Van Vliet, chirurgien orthopédiste, écrite à l’intention du docteur Logan, médecin de famille du demandeur, il est noté que le demandeur avoir consulté un [traduction] « spécialiste de la colonne », le docteur Wilson, au sujet de son dos, mais qu’il avait été conclu que le demandeur n’était pas un [traduction] « candidat à l’intervention chirurgicale » (GD2-346). Il n’est cependant aucunement expliqué dans la lettre pourquoi il n’avait pas été recommandé pour une opération au dos. À cette époque, d’après les opinions formulées par les médecins, les problèmes aux hanches du demandeur paraissaient l’incommoder encore davantage, et il avait été accepté qu’il aurait sûrement besoin plus tard de subir une opération à la hanche. Ses deux hanches ont en effet fini par être remplacées.

[14] Le demandeur soutient aussi que son problème au dos est [traduction] « PLUS » grave que celui à ses hanches, et que son problème au dos continue de se détériorer. Il n’y a aucune preuve au dossier qui appuie cette position. Aucun des médecins ou des professionnels de la santé qui ont traité ou pris en charge le demandeur n’a affirmé que son problème au dos était plus grave que celui à ses hanches d’un point de vue médical, et aucun de ses médecins traitants n’a affirmé que son problème au dos était plus invalidant que celui à ses hanches.

[15] Pour pouvoir être admissible à une pension d’invalidité en vertu du RPC, le demandeur doit démontrer qu’il était atteint d’une invalidité grave à l’échéance de sa PMA ou avant cette date. Au moment de sa PMA, le demandeur avait reçu des diagnostics d’arthrose à ses deux hanches et de discopathie dégénérative au dos. Comme limitations fonctionnelles à l’époque, il pouvait rester debout ou assis que de 15 à 30 minutes à la fois, marcher seulement 15 minutes à la fois, soulever un poids maximal de 10 livres à la fois et le transporter sur 50 pieds, et il ne pouvait pas se pencher. Il était capable de conduire pendant 30 minutes au plus en une fois, mais les tâches ménagères qu’il pouvait faire étaient restreintes. Aucun problème intestinal ou à la vessie n’avait été noté, et aucune limitation cognitive n’avait été notée non plus. Rien ne permettait de penser que le demandeur était atteint de problèmes psychologiques avant l’échéance de sa PMA. La division générale avait noté que le demandeur avait souffert de dépression et de problèmes d’humeur après l’échéance de sa PMA, en juillet 2015, mais une note médicale de la Great Northern Family Health Team, datée du 29 septembre 2015, précise que de l’amitriptyline avait été prescrite au demandeur et que [traduction] « ses mouvements, sa douleur et son sommeil s’étaient tous améliorés » (GD6-10). À cette époque, son stress était strictement attribuable à des raisons financières. Comme le montre le paragraphe 7(ii) ci-dessus, le représentant du demandeur a soutenu que celui-ci devrait être jugé atteint d’un trouble psychologique grave; cependant, il n’existe aucune preuve remontant à sa PMA qui permette de soutenir cet argument.

[16] Le simple fait que les médecins du demandeur ont diagnostiqué chez lui des problèmes aux hanches et au dos ne permet pas d’établir une invalidité grave. Il y a également d’autres facteurs dont la division générale doit tenir compte; elle doit notamment examiner l’incidence de ces problèmes sur la capacité du demandeur à détenir une occupation véritablement rémunératrice, et déterminer s’il a fait des efforts raisonnables pour atténuer son problème de santé. La division générale a reconnu que le demandeur avait subi une arthroplastie aux deux hanches, même si le représentant du demandeur prétend qu’elle n’a pas tenu compte de la preuve à cet effet. Voici ce qu’on peut lire au paragraphe 33 de la décision :

[traduction]

L’appelant avait un important problème médical à ses hanches droite et gauche. Il a subi une arthroplastie totale de la hanche en avril 2014. Le docteur Van Vliet a noté, le 11 juillet 2014, que l’appelant se portait plutôt bien, qu’il était content des résultats, et qu’il n’utilisait pas de canne ou d’appareil de marche. L’appelant avait subi une arthroplastie totale de la hanche droite en juin 2015, et l’opération avait été effectuée sans complication. La preuve médicale objective révèle que l’appelant avait bien récupéré après ses deux opérations aux hanches.

[17] Même si le représentant du demandeur a fait valoir, comme en témoigne le paragraphe 7(iii) qui précède, que la division générale a commis une erreur du fait qu’elle n’a pas tenu compte, en plus de ses problèmes au dos, de l’arthrite affectant les deux hanches du demandeur, j’estime que la division générale n’a pas ignoré les problèmes aux hanches du demandeur ou le fait qu’il avait dû subir des arthroplasties de ses hanches droite et gauche.

[18] Le représentant du demandeur soutient, comme le montre le paragraphe 7(iv) ci-dessus, que le commentaire du docteur Van Vliet, selon lequel le demandeur [traduction] « se porte plutôt bien », faisait référence à son rétablissement après son opération à la hanche et non à son problème persistant au dos. Cependant, la preuve médicale au dossier ne révèle pas que les problèmes de dos du demandeur le rendaient incapable de détenir une occupation rémunératrice, et la division générale a tenu compte de la preuve, affirmant ce qui suit au paragraphe 33 de sa décision :

[traduction]

Le docteur Logan a noté que l’appelant est atteint d’une discopathie dégénérative accompagnée d’une hernie discale à L5-S1 et d’une sténose du canal lombaire. Ces problèmes causent à l’appelant de la douleur, qui est cependant traitée de façon conservatrice. Il n’y a aucune évaluation fonctionnelle ou opinion qui révélerait que l’appelant est incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Le docteur Lewis lui a recommandé de perdre du poids et de renforcer son tronc, mais une intervention chirurgicale n’était pas conseillée.

[19] Un autre facteur dont la division générale doit tenir compte consiste à déterminer si le demandeur a fait des efforts raisonnables pour suivre les conseils de ses médecins traitants relativement aux médicaments prescrits et aux autres types de traitements visant à atténuer les problèmes de santé qui l’incommodent. Lorsque les demandeurs ne suivent pas les recommandations en matière de traitement, ils doivent démontrer qu’ils disposent d’une explication raisonnable justifiant leur non-conformité (Kambo c. Canada (Développement des ressources humaines), 2005 CAF 353). À cet égard, la division générale a tenu compte de l’opinion du docteur Lewis, et a reconnu qu’il est difficile de perdre du poids et de suivre un programme d’exercices régulier, mais le fait que cela est difficile ne constitue pas une explication raisonnable pour ne pas avoir suivi les conseils de ses médecins. Même si le demandeur avait, à un certain point, perdu du poids et fait un peu de physiothérapie, il n’avait pas déployé d’efforts raisonnables pour poursuivre son traitement.

[20] Enfin, comme l’explique le paragraphe 12 de la présente décision, l’arrêt Inclima oblige les demandeurs à faire des efforts pour réintégrer la population active. La division générale a conclu que le demandeur avait toujours une certaine capacité à travailler; il n’y avait aucune évaluation fonctionnelle ni opinion qui révélait que le demandeur était incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Même si le demandeur a envisagé de réintégrer la population active, en utilisant la Marche des dix sous comme ressource, il n’a jamais fait d’efforts pour chercher ou décrocher un emploi qui convienne à ses limites et n’a jamais fait de recyclage professionnel.

[21] Le représentant du demandeur soutient que la division générale a fondé sa décision sur plusieurs conclusions de fait erronées, mais j’estime que cet argument n’a aucune chance raisonnable de succès. La permission d’en appeler n’est pas accordée pour ce moyen.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit du fait qu’elle n’a pas bien analysé la capacité du demandeur à travailler en se fondant sur la totalité de la preuve et dans un contexte réaliste?

[22] Le représentant du demandeur soutient que la division générale n’a pas bien tenu compte de la totalité des éléments de preuve au dossier (Bungay c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47); plus précisément, la division générale a conclu que le demandeur avait toujours une certaine capacité à travailler en dépit de la preuve montrant qu’il avait reçu des diagnostics de hernie discale à L5-S1 et de sténose du canal lombaire. Il plaide que le problème de dos du demandeur est grave et qu’il continue de se détériorer. Le demandeur a toujours travaillé comme ouvrier et, dans un contexte réaliste, il est incapable de détenir une occupation rémunératrice compte tenu de son problème de dos (Villani).

[23] La division générale a pris en considération les facteurs de Villani aux paragraphes 35 et 36 de la décision. La division générale a tenu compte du fait que le demandeur était âgé de 50 ans au moment de sa PMA. Il avait terminé son secondaire, poursuivi des études et suivi une formation de mécanicien automobile. Comme il avait connu beaucoup de succès dans le domaine de son choix, il avait travaillé pendant de nombreuses années, qui lui avaient permis d’acquérir des compétences transférables. Ses aptitudes linguistiques ne posaient aucun problème, et il ne souffrait d’aucun problème cognitif qui l’empêcherait d’apprendre de nouvelles compétences de façon à explorer des possibilités d’emplois qui conviennent à ses limites.

[24] Le représentant du demandeur prétend que le problème de dos du demandeur, évalué dans un contexte réaliste, soutient une conclusion d’invalidité grave. J’estime que cet argument ne se tient pas. Un problème de santé chez un demandeur n’est pas une caractéristique personnelle considérée par la Cour d’appel fédérale dans Villani. Pour qu’il puisse être considéré comme invalide au sens du RPC, un demandeur doit d’abord démontrer qu’il est atteint d’un problème de santé sérieux et possiblement débilitant. Un décideur évalue ensuite la gravité de la prétendue invalidité en tenant compte des facteurs de Villani, lesquels comprennent les caractéristiques personnelles; c’est ce que la division générale a fait.

[25] Au paragraphe 49 de l’arrêt Villani, la Cour d’appel fédérale a affirmé que « [l]'évaluation de la situation du requérant est une question de jugement sur laquelle la Cour hésite à intervenir. » À moins que le représentant du demandeur ait soulevé une erreur de droit précise, j’hésite moi aussi à intervenir relativement à la décision de la division générale en ce qui concerne son évaluation des facteurs de Villani. Je ne constate aucune erreur à la lecture du dossier.

[26] Je ne suis pas convaincue qu’un appel fondé sur ce moyen ait une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[27] La demande est rejetée.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.