Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] L’intimé a reçu le 17 mars 2015 la demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (le « RPC  ») que l’appelante a présentée. L’appelante a affirmé qu’elle était invalide en raison de la mastocytose, de la dépression, des migraines, du syndrome du côlon irritable, de l’hypertension artérielle et de douleurs chroniques au cou et au dos. L’intimé a rejeté cette demande au stade initial ainsi qu’après réexamen. L’appelante a interjeté appel de la décision de réexamen devant le Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal »). 

[2] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, l’appelante doit satisfaire aux exigences énoncées dans le RPC. Plus précisément, l’appelante doit être déclarée invalide au sens du RPC au plus tard à la date de fin de la période minimale d’admissibilité (PMA). Le calcul de la PMA est établi en fonction des cotisations de l’appelante au RPC. Le Tribunal conclut que la PMA de l’appelante a pris fin le 31 décembre 2015.

[3] L’appel a été instruit selon le mode d’audience de la téléconférence pour les raisons suivantes :

  • l’appelante sera la seule partie à assister à l’audience;
  • il manquait de l’information ou il était nécessaire d’obtenir des précisions;
  • cette façon de procéder est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent;

[4] L’appelante était la seule personne qui a assisté à l’audience.

[5] Le Tribunal a décidé que l’appelante est admissible à une pension d’invalidité du RPC pour les motifs énoncés ci-après.

Preuve

Bagage, éducation et expérience de travail

[6] L'appelante est née en 1962. Elle a déclaré un niveau d’instruction de 12e année dans son questionnaire relatif aux prestations d’invalidité. Elle a également obtenu un diplôme en secrétariat dans un collège communautaire. Elle a cessé de travailler comme caissière dans une épicerie en mars 2014 parce que la buanderie et l’allée des pains lui causaient des problèmes d’odeurs. L’appelante a déclaré dans son questionnaire relatif aux prestations d’invalidité qu’elle a lancé sa propre entreprise à titre de commissaire au mariage en mai 2014, mais qu’elle a cessé de travailler dans cette entreprise en décembre 2014. Elle a indiqué que les raisons pour lesquelles elle a cessé de travailler dans l'entreprise étaient une fatigue extrême et une incapacité à se tenir debout pendant la durée d'un mariage qui, selon elle, était de 20 minutes. Elle avait aussi des problèmes d'odeurs dans les halls, des problèmes avec les odeurs des fleurs, des parfums et des eaux de cologne, et des problèmes d’odeurs corporelles. Elle a ajouté qu'elle est toujours propriétaire de l'entreprise, mais qu'elle ne pouvait pas s’occuper des mariages. L’appelante a déclaré qu’elle a travaillé dans un journal communautaire de septembre 2009 à juillet 2010. Elle a également travaillé dans une station-service de mars 2011 à juin 2013.

[7] Le registre des gains de l’appelante indiquait une rémunération supérieure à l’exemption annuelle de base pour les années 2005 à 2013, mais aucune rémunération pour toutes les années postérieures à 2014.

[8] Outre les emplois décrits dans le questionnaire relatif aux prestations d’invalidité, les relevés d’emploi figurant au dossier devant le Tribunal indiquent que l’appelante a travaillé dans une station-service de mars 2005 à août 2005 avant de quitter son emploi. Elle a travaillé à l’hôtel d’août 2005 à juin 2006. Elle a travaillé dans un motel d’août 2006 à février 2007 jusqu’à son congédiement. L’appelante a également travaillé dans un magasin de vêtements de juillet 2007 à juin 2008, avant de quitter son emploi. Elle a ensuite travaillé dans un magasin de détail de juillet à août 2008 avant de démissionner. Elle a travaillé dans un restaurant de juin 2009 à août 2009 avant d’être congédiée.

[9] L’appelante a témoigné qu’elle avait déjà travaillé comme caissière, employée de chambre à l’hôtel, préposée dans une station d’essence et au service à la clientèle dans un commerce de détail. L’appelante a témoigné à l’audience que sa passion était l’écriture. Elle a écrit à temps plein pour un journal communautaire. Elle a également publié un court article dans une anthologie. Elle a un blogue et tient une page Facebook consacrée à la mastocytose. Elle a également témoigné qu'elle est encore commissaire au mariage, mais qu'elle travaille de façon sporadique en effectuant un service de mariage toutes les 2 semaines pendant la saison de pointe des mariages. Elle touche 250 $ par mariage. Elle consacre en moyenne de 4 à 5 heures à la préparation et à la tenue du mariage. Elle gagne un revenu nominal à titre de commissaire au mariage. Elle a gagné 1 600 $ jusqu’ici en 2017.

Preuve médicale et thérapeutique

[10] Le médecin de famille de l’appelante, la Dre Allison Theman, a rédigé un rapport médical pour Service Canada qui a été estampillé le 17 mai 2015. La Dre Theman a diagnostiqué à l’appelante une mastocytose, des migraines, le syndrome du côlon irritable, l’hypertension, la dépression et l’obésité. Elle a déclaré que l’appelante pourrait avoir une réaction à un parfum ou à de la nourriture. Malheureusement, l’appelante a continué de réagir à de nouvelles choses. L’appelante pourrait avoir une enflure du visage et de la bouche ou avoir des crampes abdominales et de la diarrhée malgré la prise quotidienne d’antihistaminiques. La Dre Theman a déclaré que l’appelante souffrait d’éruption cutanée et de démangeaisons constantes aux cuisses, aux bras et au tronc. L’appelante était sensible à de nombreuses odeurs qui lui causaient une enflure soudaine des lèvres et de la langue. L’appelante toussait et avait de la difficulté à respirer, ou elle avait des douleurs abdominales, des ballonnements et des crampes. L’appelant prenait du Symbicort, de la réactine, de la cromolyne, du Benadryl, utilisait un EpiPen au besoin, et prenait de l’Atarox et du Nasonex. La Dre Theman espérait que l’état de l’appelante puisse être contrôlé au moyen de divers médicaments.

[11] Une radiographie de la colonne lombaire réalisée le 17 novembre 2011 a révélé un antélisthésis très minime de L4 sur L5, qui a probablement découlé de changements dégénératifs. Un léger pincement discal a été constaté aux niveaux L3-L4 et L4-L5, avec de petits ostéophytes antérieurs à plusieurs autres niveaux.

[12] La Dre Melody Cheung-Lee, dermatologue, a diagnostiqué à l’appelante une mastocytose dans un rapport de consultation daté du 24 juillet 2013. L’appelante était alors relativement en santé, outre l’arthrite dans son dos, pour laquelle elle prenait du Naproxen. La Dre Cheung-Lee a décrit la mastocytose comme une affection potentiellement grave, et elle a recommandé une surveillance attentive de cette affection. La Dre Cheung-Lee a joint des documents médicaux indiquant que les patients atteints de mastocytose [traduction] « peuvent être extrêmement sensibles même à de petites quantités de produits chimiques ».

[13] Dans un rapport de consultation daté du 11 septembre 2014, la Dre Cheung-Lee a indiqué que l’appelante estimait que ses symptômes de mastocytose s’aggravaient. L’appelante avait davantage de lésions cutanées et de plus en  plus de réactions allergiques à la fumée, aux parfums et à certaines émanations. L’appelante a signalé une congestion respiratoire, un essoufflement, et de fréquentes selles molles et diarrhées. Elle a référé l’appelante à un hématologue par précaution.

[14] La Dre Kyriaki Sideri, allergologue-immunologiste, a déclaré dans un rapport de consultation daté du 7 novembre 2014 que l’appelante souffrait d’éruption maculopapulaire aux extrémités inférieures depuis environ quatre ans. L’appelante avait reçu un diagnostic de mastocytose cutanée en juillet 2013, après avoir subi une biopsie cutanée. L’appelante avait de sévères démangeaisons cutanées lorsqu’elle portait des vêtements plus serrés. L’appelante a subi des traitements de physiothérapie après un accident de voiture. Elle a signalé une douleur abdominale grave et une diarrhée associée à la consommation d’aliments particuliers.  La Dre Sideri était d’avis que l’appelante souffrait de mastocytose systémique. La Dre Sideri a déclaré que les personnes atteintes de mastocytose systémique indolente ont des espérances de vie normales et reçoivent un traitement pour soulager leurs symptômes. La mastocytose est associée à un risque accru d’ostéoporose. La Dre Sideri a prescrit du cromoglycate de sodium à l’appelante pour traiter ses symptômes. Elle a également suggéré à l’appelante d’essayer des antihistaminiques de deuxième génération et a recommandé à l’appelante de toujours porter un EpiPen avec elle. Elle a également conseillé à l’appelante d’éviter les aliments qui causent ses symptômes.

[15] Dans un rapport de consultation daté du 2 décembre 2014, la Dre Minakshi Taparia, hématologue, a indiqué que l’appelante avait des antécédents médicaux d’anxiété, de dépression, de migraines, d’hypertension et de reflux gastro-œsophagien (RGO). La Dre Taparia a noté que divers aliments et médicaments causaient à l’appelante des effets secondaires de type allergique. Elle a noté que l’appelante a subi une biopsie cutanée en juillet 2013 qui a été confirmée comme étant une mastocytose. La Dre Taparia s’est dite d’avis que l’appelante souffrait probablement de mastocytose systémique, et elle a fait faire une autre biopsie pour confirmer ce diagnostic. Elle a référé l’appelante à un gastroentérologue en raison de son intolérance à divers aliments.

[16] Une étude de référence sur la densitométrie osseuse effectuée le 15 janvier 2015 a démontré que l’appelante souffrait d’ostéopénie.

[17] Dans un rapport de consultation daté du 18 mars 2015, le Dr J. H. Jhamandas, neurologue, a indiqué que la main gauche de l’appelante était sa main dominante et qu’elle souffrait d’engourdissement bilatéral de la main après un accident de voiture survenu en juillet 2014. L’appelante a suivi des traitements de physiothérapie après l’accident, mais elle avait des étourdissements, des nausées et de la difficulté à marcher. L’appelante a fait l’objet d’études électrodiagnostiques qui ont révélé des anomalies compatibles avec une neuropathie médiane légère, qui était pire du côté gauche que du côté droit. L’appelante a reçu un diagnostic de ténosynovite à gauche de De Quervain, que le Dr Jhamandas a recommandé de traiter au moyen d’une injection de stéroïdes ou d’une crème anti-inflammatoire topique.

[18] Dans un rapport de consultation daté du 17 juin 2015, le Dr L.A. Dieleman, gastroentérologue, a indiqué que l’appelante avait subi une gastroscopie et une coloscopie normales. Toutefois, l’appelante souffrait de gastrite et ses médicaments ont été rajustés. Les biopsies ont révélé une hyperplasie des lymphoïdes nodulaires. Le Dr Dieleman a noté que l’hyperplasie des lymphoïdes nodulaires était généralement présentée comme une maladie asymptomatique, mais qu’elle pouvait causer des symptômes gastrointestinaux comme des douleurs abdominales, une diarrhée chronique, des saignements ou une occlusion intestinale. Il a été mentionné que l’appelante souffrait d’anxiété et qu’elle allait discuter d’une consultation psychiatrique avec son médecin de famille.

[19] Une scintigraphie osseuse datée du 15 janvier 2016 a révélé que l’appelante avait des antécédents de fracture de type L1 et L3 et qu’elle avait encore une douleur marquée et une mobilité réduite de la colonne vertébrale. La scintigraphie osseuse a révélé des fractures de compression subaiguës L1 et L3.

[20] Un test de de densitométrie osseuse effectué le 16 février 2016 a indiqué que le risque de fracture de l’appelante était faible uniquement en fonction des données sur la densité osseuse, mais que ce risque était devenu modéré en raison d’antécédents de fractures de fragilisation.

[21] Dans une lettre au Tribunal datée du 24 novembre 2016, l’appelante a indiqué qu’elle avait reçu un diagnostic de fibromyalgie, d’ostéopénie et d’ostéoporose, de  polysensibilité chimique et de téosynovite de De Quervain dans sa main gauche, qui est sa main dominante.

[22] Dans un rapport de consultation daté du 20 janvier 2017, la Dre Naghmeh Toofaninejad, psychiatre, a indiqué que l’appelante travaillait comme commissaire au mariage. La Dre Toofaninejad a diagnostiqué à l’appelante un trouble dépressif à la suite d’un diagnostic de mastocytose, de trouble anxieux et de trouble de la personnalité narcissique. L’appelante ne voulait prendre aucun médicament supplémentaire, mais elle était ouverte à l’idée d’augmenter sa dose de Pristiq.

[23] Dans un rapport de consultation daté du 14 février 2017, le Dr Skeith, rhumatologue, a indiqué que l’appelante avait été blessée dans un accident de voiture à haute vitesse en juillet 2014. L’appelante n’a pas subi de fractures lors de l’accident de voiture, mais elle a développé des douleurs au cou, à l’épaule, à la main, au bas du dos et à la hanche gauche qui se sont poursuivies. L’appelante a également subi une fracture par compression de L1-L3. Le Dr Skeith a diagnostiqué à l’appelante une fibromyalgie post-traumatique. Il lui a suggéré de faire de l’exercice régulier.

[24] L’appelante a témoigné qu’elle a reçu un diagnostic de mastocytose en juin 2013, après avoir subi une biopsie cutanée. Elle a déclaré que la mastocytose comporte un élément de douleur, un élément allergique et un élément cognitif. L’appelante a déclaré qu’elle souffrait de maux de tête, de douleurs au cou qui irradiaient dans l’épaule, de douleurs à la colonne vertébrale, à la hanche et d’engourdissement dans ses pieds et ses mains le 31 décembre 2015 ou avant cette date. Elle ressentait toujours de la douleur. Seule la gravité de la douleur variait. Elle ne pouvait prédire ses niveaux de douleur un jour donné avant la date marquant la fin de sa PMA. Sa santé s’est détériorée au fil du temps. L’élément allergique de sa mastocytose a entraîné des allergies alimentaires avant la date marquant la fin de sa PMA. Elle subissait des crampes d’estomac et une sensibilité chimique grave aux odeurs, aux parfums et aux désodorisants avant la date marquant la fin de sa PMA. L’appelante a été traitée par le Dr Dieleman pour ses maux d’estomac, qui sont liés à la mastocytose. Elle souffrait de diarrhée, de douleurs abdominales et de constipation avant sa PMA, et elle continue de souffrir de ces affections. Elle a commencé à porter un masque chirurgical en 2014 ou 2015 pour atténuer ses réactions allergiques. L’appelante souffre également de déficiences cognitives en raison de la mastocytose. Elle avait des problèmes de mémoire et de concentration avant la date marquant la fin de sa PMA. Sa santé s’est détériorée avec le temps et elle prend actuellement environ 30 médicaments différents. Elle soutient que sa mastocytose cutanée ne disparaîtra jamais.  Elle a de graves éruptions cutanées aux pieds, aux mollets, aux cuisses, au torse et aux bras.

[25] L’appelante avait des antécédents de dépression avant la date de fin de sa PMA. Elle a quitté un emploi dans une épicerie en 2006 parce que sa mère et sa belle-mère sont décédées. La Dre Theman lui a prescrit du Pristiq pour la dépression. L’appelante a fait état de pensées suicidaires passives avant sa PMA. L’appelante n’est pas à l’aise de recevoir un traitement psychiatrique parce que des membres de sa famille qui ont reçu des soins psychiatriques ont vécu des expériences négatives. Elle a nié avoir un trouble de la personnalité narcissique. Elle a témoigné qu’elle a souffert d’anxiété toute sa vie.

[26] L’appelante a témoigné à l’audience qu’elle a été blessée dans un accident de voiture survenu en juillet 2014. Elle a été amenée à l’hôpital, mais elle n’avait pas subi de fractures. Elle a commencé à suivre des traitements de physiothérapie, mais l’utilisation de l’unité de stimulation nerveuse électrique transcutanée lui a causé des migraines. L’appelante a glissé et est tombée sur son coccyx le 5 octobre 2015. Elle a subi une fracture à la colonne lombaire.

Capacité de fonctionner au travail et dans les activités de la vie quotidienne

[27] L’appelante a déclaré dans son questionnaire relatif aux prestations d’invalidité que la maladie et les déficiences qui l’empêchaient de travailler étaient la mastocytose, la dépression, les migraines, le syndrome du côlon irritable, l’hypertension artérielle et les douleurs chroniques au dos et au cou. Elle a déclaré qu’elle ne pouvait s’asseoir ou se tenir debout pendant plus de 20 minutes à la fois. Elle a déclaré avoir eu beaucoup de réactions aux odeurs, qui causent de la détresse respiratoire, des nausées, des vomissements, des étourdissements, des vertiges et une vision trouble. Sa mastocytose peut être déclenchée par n’importe quel facteur n’importe quel jour et peut lui causer des problèmes d’estomac. Elle a déclaré qu'elle était membre de la légion locale, mais qu'elle devait quitter les lieux en raison d'une combinaison d'odeurs provenant des aliments et des produits de soins corporels. Elle a signalé qu’elle avait de la difficulté à jouer avec ses petits-enfants et à les soulever. Elle a  dit avoir des problèmes avec ses habitudes d’élimination intestinale et urinaire. Lorsqu’elle a une réaction, elle peut uriner aux 10 minutes.

[28] L’appelante a consulté le Dr Jeremy Beach, spécialiste en médecine du travail et de l’environnement, le 28 mai 2014. L’appelante a été vue pour sa mastocytose, une grande sensibilité aux parfums et ses préoccupations concernant son invalidité et son travail. L’appelante était en congé de maladie de son poste de caissière dans une épicerie. L’appelante avait des symptômes découlant de parfums, d’odeurs corporelles, de la fumée de cigarette, de la fumée de marijuana et de détergents à lessive,. Ces symptômes comprenaient de la difficulté à respirer, de la toux, l’écoulement nasal, de la difficulté à se concentrer et des douleurs à la poitrine et au dos qui irradiaient dans les bras. L’appelante a également souffert de diarrhée et de douleurs abdominales, et elle a éprouvé des douleurs au dos qui lui permettaient de se tenir debout ou de s’asseoir pendant une heure avant de se reposer. L’appelante suivait alors une formation pour devenir commissaire au mariage. Il a été noté que l’appelante possédait un diplôme en secrétariat et en conception florale. Selon ce rapport, la mastocytose entraîne habituellement une augmentation de la sensibilité à une gamme de facteurs déclencheurs environnementaux, et les cellules mastocytaires se dégradent de façon imprévisible. Le Dr Beach s’est dit d’avis que l’appelante ne pouvait pas travailler comme caissière dans une épicerie en raison de sa sensibilité aux parfums, de ses limitations en position debout et assise et de ses épisodes diarrhéiques répétés. Le travail planifié de l’appelante à titre de commissaire au mariage lui permettrait de mieux contrôler son environnement et l’appelante estimait que cela l’aiderait à maîtriser ses symptômes. Le Dr Beach estimait que c’était probablement exact. Il a recommandé un test de la fonction pulmonaire pour déterminer si l’appelante souffrait d’asthme.

[29] Dans une lettre adressée à l’intimé en date du 9 juillet 2015, l’appelante a déclaré que la mastocytose est une maladie rare. Elle avait également reçu un diagnostic de fibromyalgie. Elle souffrait du syndrome du côlon irritable et de migraines chroniques depuis de nombreuses années. Elle a déclaré que les déclencheurs et les réactions étaient fluides et imprévisibles. Elle a dit qu’elle ne pouvait travailler à temps plein en raison de la fatigue et de la douleur constante. Elle ne pouvait se tenir debout ou marcher pendant plus de 5 à 10 minutes sans éprouver de spasmes douloureux au dos, aux hanches et aux jambes. Elle ne peut prédire quels jours elle se réveillera avec une migraine. Elle a déclaré que ses antécédents professionnels sont en service à la clientèle et qu’elle ne peut prédire qui viendra près d’elle et qui portera des produits performants ou parfumés. Elle avait commencé à porter un masque pour éviter les odeurs qui déclenchaient une réaction. Elle ne peut non plus prédire sa réaction aux aliments qu’elle consomme.

[30] Dans un rapport au Tribunal daté du 13 mars 2017, la Dre Theman a indiqué que l’appelante souffrait du syndrome myofascial post-traumatique, ce qui a été confirmé par le Dr Skeith. L’appelant souffrait également de dépression et de capacités cognitives réduites, qui n’étaient pas présentes avant un grave accident de la route survenu le 18 juillet 2014. L’appelante prenait de nombreux médicaments pour contrôler sa mastocytose systémique, mais ces médicaments avaient un effet sédatif sur l’appelante.

[31] Dans un rapport de consultation daté du 4 mai 2017, la Dre Taparia a indiqué qu’une anomalie cytogénétique avait été constatée sur la moelle osseuse de l’appelante. On a noté que celle-ci prenait 28 médicaments et vitamines différents. Ses médicaments comprenaient le Pristiq, l’Ativan, un timbre BuTrans, le Topiramate, le Tramacet, le Clonazepam et le Maxalt, en plus de nombreux médicaments contre les allergies. On a constaté que l’appelante avait environ 30 allergies différentes. Elle a également subi une fracture de compression de la colonne lombaire en octobre 2015, après une chute. La Dre Taparia a déclaré que la mastocytose de l’appelante était importante et lui causait des problèmes de douleurs corporelles. La Dre Taparia a déclaré que l’appelante souffrait d’ostéoporose. Elle a noté que l’appelante éprouvait des problèmes de confusion mentale et des symptômes cognitifs, ce qui avait une incidence sur sa mémoire. L’appelante avait des problèmes de mémoire à court terme dès qu’elle était exposée à certains produits chimiques, parfums ou autres substances. L’appelante avait de la difficulté à travailler avec des gens en raison de ses réactions à de forts parfums ou produits chimiques. La Dre Taparia a suggéré que l’appelante prenne de l’interféron pour réduire la charge de mastocytes et, espérons-le, améliorer certains de ses symptômes. Cependant, l’appelante n’était pas emballée d’essayer l’interféron ou de la chimiothérapie à ce moment-là. La Dre Taparia a fourni à l’appelante une ordonnance de cromolyne et lui a conseillé de prendre une dose plus élevée.

[32] L’appelante a témoigné qu’elle travaille toujours comme commissaire au mariage, mais que ses heures de travail et ses revenus sont minimes. Les limitations au niveau de la marche et de la position debout constituent un handicap important qui l’empêche de travailler plus d’heures comme commissaire au mariage. L’appelante a déclaré qu’elle aime célébrer des mariages. Elle a déclaré que devenir commissaire au mariage n'était pas un processus exigeant. Il s’agissait de remplir une demande expliquant pourquoi elle voulait être commissaire et de satisfaire aux exigences. Il fallait notamment être en mesure de bien travailler avec le public. Lorsqu’elle a commencé à travailler comme commissaire au mariage en mai 2014, elle effectuait deux ou trois mariages par fin de semaine. Toutefois, c’était trop pour l’appelante. Il lui faudrait des jours pour récupérer après avoir célébré un tel nombre de mariages. Elle a cessé de célébrer des mariages pendant huit mois à compter de la fin de 2014. Elle a recommencé à le faire, mais elle célèbre seulement un mariage toutes les deux fins de semaine durant les périodes de pointe. Elle a déclaré que le fait de demeurée debout en un endroit exerce une pression sur ses hanches. En outre, elle réagit beaucoup aux odeurs provenant de fleurs, de parfums et de désodorisants. L’appelante a témoigné qu’elle aime célébrer des mariages, mais qu’elle ne peut le faire que très occasionnellement.

[33] L’appelante a témoigné qu’elle est devenue incapable de travailler régulièrement lorsqu’elle a quitté son emploi de caissière à l’épicerie en mars 2014. Elle a ajouté qu’elle a commencé à travailler à l’épicerie en juillet 2013. Elle travaillait de trois à quatre quarts de huit heures par semaine. Toutefois, elle éprouvait des difficultés au travail. L’appelante a déclaré qu’elle avait reçu un diagnostic d’arthrose de la hanche gauche en 2002, ce qui a eu une incidence sur sa capacité de se tenir debout. L’appelante a déclaré qu’elle était heureuse de terminer son quart de travail en raison de ses douleurs. Elle utilisait des orthèses qui l’aidaient, mais elle a commencé à avoir de graves allergies parce qu’elle était exposée aux odeurs de nombreux clients. Elle a demandé à être affectée à un poste différent où elle serait exposée à moins de clients, mais sa demande a été rejetée. Elle s’est déclarée malade à plusieurs reprises, mais ses absences n’étaient pas tolérées.  L’appelante a pris un congé de maladie en mars 2014 et n’est jamais retournée à l’épicerie. Elle a été licenciée plus tard cette année-là.

[34] L’appelante a déclaré que lorsqu’elle avait une réaction allergique, ses yeux pleuraient, sa tête et ses oreilles s’obstruaient et son nez coulait. Elle éternuait, toussait, bégayait et perdait le fil de ses pensées. Elle oubliait des choses. L’appelante avait des allergies avant le diagnostic de mastocytose et avant de travailler à l’épicerie. Elle a travaillé dans une station-service de 2011 à 2013. Les émanations de gaz la dérangeaient à la station d’essence. Sa capacité à rester debout lui posait également des problèmes, mais elle a bénéficié de mesures d’adaptation. On lui a permis de s’asseoir sur un tabouret.  Elle a eu un différend avec son employeur et on lui a demandé de partir.

[35] L’appelante a travaillé à temps plein dans un journal communautaire à titre de rédactrice de 2009 à 2010. Elle était en quête d’histoires et interviewait des gens. Elle aimait ce travail. Elle avait son propre bureau. Elle pouvait alterner entre la position assise et la position debout, ce qui allégeait son inconfort. Elle a témoigné qu’elle avait quitté cet emploi parce qu’elle avait déménagé. L’appelante s’est fait demander si elle pouvait occuper un emploi comme celui qu’elle occupait au journal, où elle pouvait alterner entre la position assise et la position debout. De plus, il pouvait être avantageux pour elle d’avoir son propre bureau compte tenu de ses sensibilités chimiques découlant de sa mastocytose. L’appelante a répondu qu’elle ne croyait pas pouvoir occuper un tel emploi. Elle a déclaré qu’il lui faut beaucoup plus de temps pour écrire. Sa mémoire et sa concentration sont grandement altérées en raison de la mastocytose et de tous les médicaments qu’elle prend. Elle a lancé un blogue vers 2009. Elle y donne ses opinions sur de nombreux sujets, mais elle ne l'a pas fait plusieurs mois avant son audience. Elle bloguait plus souvent avant la date de sa PMA. Elle a témoigné qu’il lui était difficile d’utiliser un clavier d’ordinateur avant la date marquant la fin de sa PMA en raison de l’engourdissement de sa main gauche.  Elle croit qu’on lui a fourni des attelles avant la date de fin de sa PMA. Elle ne croit pas pouvoir travailler à la maison en raison de difficultés à saisir des données au clavier. Elle ne croit pas pouvoir travailler au téléphone en raison de la fatigue qui affecte sa capacité à conserver le fil de sa pensée. Elle a déclaré que ses capacités cognitives étaient gravement atteintes avant la date de sa PMA et qu’elles se sont détériorées avec le temps. Elle a témoigné qu’elle souffrait de confusion mentale avant la date marquant la fin de sa PMA. Elle était incapable de se concentrer et elle avait de plus en plus de difficulté à rédiger. Ses allergies nuisent à sa concentration. Elle ne croit pas pouvoir travailler dans un milieu public en raison de son état de santé. Elle a également témoigné que les fractures lombaires subies lorsqu’elle est tombée en 2015 ont empiré sa capacité de se tenir debout et de marcher. L’appelante a déclaré que la conduite est problématique en raison de douleurs au bas du dos, à la hanche et à la jambe.

[36] L’appelante a témoigné que ses problèmes de santé affectent ses activités de la vie quotidienne. Elle ne fait pas de grosses commandes d’épicerie en raison de ses réactions allergiques. Elle ne peut rester debout pour faire la vaisselle. Elle a pu obtenir de l’aide en matière d’entretien ménager depuis le début de 2015 par l’entremise du ministère des Anciens combattants en raison de l’emploi de son mari. L’appelante doit passer régulièrement l’aspirateur à la maison pour éviter la poussière excessive, et tous les produits de nettoyage et personnels qu’elle utilise sont sans parfum. Elle n’a pas cherché d’autre travail régulier. Elle a tenté de travailler comme commissaire au mariage après avoir quitté l’épicerie en mars 2014, mais elle ne pouvait pas et ne peut pas consacrer de nombreuses heures à cet emploi.

Observations

[37] L’appelante soutient qu’elle est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Elle ne peut travailler en raison de ses nombreuses sensibilités chimiques et alimentaires. La mastocytose l’a laissée avec de l’urticaire, des démangeaisons sévères, des douleurs corporelles graves et des symptômes cognitifs.
  2. Il n’existe aucun remède contre la mastocytose. Ses déclencheurs et réactions sont fluides et variables. Elle est incapable de travailler de façon constante et fiable.

[38] L’intimé a fait valoir par écrit que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour la raison suivante :

  1. La preuve médicale ne permet pas de conclure que l’appelante est atteinte d’une invalidité grave. L’appelante a encore une capacité de travail et elle a répondu adéquatement à son traitement de mastocytose.

Analyse

Critère relatif à la pension d’invalidité

[39] L’appelante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités ou qu’il est plus probable qu’improbable, qu’elle était invalide au sens du RPC à la date de fin de sa PMA ou avant.

[40] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les conditions d’admissibilité à la pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à la pension d’invalidité, le demandeur doit :

  1. a) être âgé de moins de 65 ans;
  2. b) ne pas toucher de pension de retraite du RPC;
  3. c) être invalide;
  4. d) avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la PMA.

[41] L’alinéa 42(2)a) du RPC définit l’invalidité comme étant une invalidité physique ou mentale qui est grave et prolongée. Une personne est considérée comme ayant une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Invalidité grave

[42] Le Tribunal conclut que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave qui la rendait régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice à la date marquant la fin de la PMA du 31 décembre 2015 ou avant cette date.

[43] Le critère relatif de la gravité de l’invalidité doit être évalué dans un contexte réaliste (Villani c. Canada (P.G.), 2001 CAF 248). Ainsi, pour évaluer la gravité de l’invalidité d’une personne, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie.

[44] En appliquant la décision Villani aux faits du présent appel, le Tribunal conclut que l’appelante est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice dans un contexte réaliste. L’appelante était âgée de 53 ans au moment de sa PMA. Elle a une 12e année et a obtenu un diplôme de secrétariat. Elle a de l’expérience comme caissière, a travaillé dans la vente au détail et possède de l’expérience en rédaction pour un journal communautaire. Malgré l’âge et les études de l’appelante et ses compétences transférables apparentes, le Tribunal est convaincu que l’appelante est atteinte d’une invalidité grave. L’appelante a déclaré qu’elle souffrait de nombreuses déficiences en raison de la mastocytose et que les blessures qu’elle a subies en octobre 2015 touchent la position assise, la position debout, la marche, la mémoire et la concentration, ce qui la rend incapable de maintenir une activité pendant une période prolongée. L’état de santé de l’appelante l’empêche de travailler de façon constante et prévisible.

[45] La preuve de l’appelante à l’audience est étayée par la preuve médicale. Dans son rapport médical au service daté du 17 mai 2015, la Dre Theman a mentionné le diagnostic de mastocytose de l’appelante et sa dépression. La Dre Theman a noté que l’appelante était sensible à de nombreuses odeurs qui provoquaient l’enflure soudaine de ses lèvres et de sa langue. Dans un rapport subséquent daté du 13 mars 2017, la Dre Theman a indiqué que l’appelante souffrait de dépression et de capacités cognitives réduites et que ces affections n’étaient pas présentes avant un accident de la route survenu le 18 juillet 2014. L’appelante prenait des médicaments pour contrôler sa mastocytose, mais, selon la Dre Theman, ces médicaments avaient un effet sédatif sur l’appelante. La Dre Cheung-Lee a diagnostiqué à l’appelante une mastocytose en juillet 2013. La Dre Cheung-Lee a déclaré que la mastocytose était une affection potentiellement grave et que les personnes atteintes de cette maladie peuvent être sensibles même à de petites quantités de produits chimiques. La Dre Cheung-Lee a noté l’aggravation des symptômes de mastocytose dans son rapport du 11 septembre 2014. L’appelante avait des réactions allergiques accrues à la fumée, aux parfums et aux émanations. L’appelante souffrait également d’un nombre accru de lésions, de congestion respiratoire, d’essoufflement, de ramollissement des selles et de diarrhée. La Dre Cheung a décidé de référer l’appelante à la Dre Taparia, hématologue, par précaution. Dans son rapport de consultation daté du 2 décembre 2014, la Dre Taparia a renvoyé l’appelante à un gastroentérologue en raison de son intolérance alimentaire. Le Dr Dieleman, gastroentérologue, dans un rapport de consultation daté du 17 juin 2015, a noté que l’appelante souffrait d’hyperplasie lymphoïde nodulaire, ce qui pouvait entraîner des symptômes gastrointestinaux comme la douleur abdominale. L’appelante souffre également d’engourdissement bilatéral des mains, ce qui a été confirmé dans le rapport de consultation du Dr Jhamandas daté du 18 mars 2015. Dans son rapport daté du 14 février 2017, le Dr Skeith a confirmé que l’appelante a subi des blessures lors d’un accident de voiture survenu en juillet 2014. Le Dr Skeith a déclaré que l’appelante avait développé des douleurs au cou, à l’épaule, à la main, au bas du dos et à la hanche gauche, qui se sont poursuivies depuis cet accident. Il a également mentionné les fractures de compression que l’appelante a subies à la colonne lombaire. La Dre Toofaninejad a confirmé que l’appelante souffre de dépression et que la Dre Theman lui a prescrit des antidépresseurs.

[46] Le Tribunal souligne que deux rapports en particulier ont grandement aidé à décrire l’état de santé et la capacité de travailler de l’appelante : le rapport du Dr Beach daté du 28 mai 2014 et le rapport de la Dre Taparia daté du 4 mai 2017. Dans ce dernier rapport, la Dre Taparia a indiqué que la mastocytose de l’appelante était importante et qu’elle lui causait des douleurs au corps. Elle a noté que l’appelante éprouvait des problèmes de confusion mentale et des symptômes cognitifs, ce qui avait une incidence sur sa mémoire. L’appelante avait des problèmes de mémoire à court terme lorsqu’elle était exposée à certains produits chimiques, parfums ou autres substances. L’appelante avait de la difficulté à travailler avec des gens en raison de ses réactions à de forts parfums ou produits chimiques.

[47] Le rapport du 28 mai 2014 du Dr  Beach indiquait que l’appelante était alors en congé de maladie de son poste de caissière dans une épicerie. L’appelante présentait des symptômes découlant de parfums, d’odeurs corporelles, de la fumée et de détergents à lessive qui lui causaient des difficultés à respirer, à tousser, un écoulement nasal, des problèmes de concentration et des douleurs à la poitrine et au dos qui irradiaient dans ses bras. L’appelante souffrait de diarrhée et de douleurs abdominales, et ses douleurs au dos lui imposaient des limitations liées aux positions assise et debout. Le Dr Beach a indiqué que la mastocytose causait habituellement une sensibilité accrue aux déclencheurs environnementaux. Le Dr Beach a déclaré que l’appelante ne pouvait pas travailler comme caissière dans une épicerie en raison de sa sensibilité aux parfums, de ses limitations en position debout et assise et de ses épisodes diarrhéiques répétés. Il a donné son accord au travail de commissaire au mariage de l’appelante parce que cet emploi lui permettrait de contrôler son environnement et aiderait l’appelante à maîtriser ses symptômes.

[48] Les rapports de la Dre Taparia et du Dr Beach excluent la possibilité que l’appelante travaille dans un milieu public. Toutefois, le rapport du Dr Beach semble être d’accord pour que l’appelante travaille dans un milieu où elle pourrait contrôler son environnement de manière à réduire les éléments déclencheurs découlant des sensibilités chimiques de l’appelante. Si tel était le cas, l’appelante n’aurait pas d’invalidité grave en vertu du RPC parce que la mesure de la gravité de l’invalidité n’est pas de savoir si la personne souffre de déficiences graves, mais de savoir si son invalidité l’empêche de gagner sa vie. La détermination de la gravité de l’invalidité n’est pas fondée sur l’incapacité du demandeur d’occuper son emploi régulier, mais plutôt sur son incapacité d’effectuer un travail (Klabouch c. Canada (ministère du Développement social), 2008 CAF 33). 

[49] Le Tribunal conclut que l’appelante ne peut exercer une occupation véritablement rémunératrice. L’appelante, à son crédit, a tenté de travailler comme commissaire au mariage. Ce poste promettait à l’appelante de ne pas être constamment exposée aux produits chimiques, aux odeurs et aux parfums corporels. Toutefois, l’appelante n’a pas occupé cet emploi de manière véritablement rémunératrice. L’appelante a témoigné qu’elle célèbre maintenant un mariage aux deux semaines pendant la saison de pointe des mariages. Elle consacre de quatre à cinq heures à préparer et célébrer le mariage. Elle n’est pas en mesure de célébrer des mariages parce que la position debout se révèle problématique en raison de ses douleurs à la hanche et qu’elle est extrêmement sensible aux odeurs provenant de fleurs, de parfums et de désodorisants.

[50] L’appelante a témoigné que sa passion est l’écriture. Elle aimait travailler pour un journal communautaire local. Elle a un blogue et aide à la tenue d’une page Facebook qui vise à aider les personnes qui souffrent de mastocytose. Elle a déclaré que son travail au journal de 2009 à 2010 constituait un bon environnement pour elle parce qu’elle était en mesure d’alterner entre la position assise et la position debout. De plus, comme elle avait son propre bureau, elle pouvait gérer son propre environnement de manière à réduire ses réactions aux odeurs. L’appelante a témoigné qu’elle ne pouvait occuper un emploi semblable à celui qu’elle avait au journal en raison de sa mastocytose et qu’elle n’a pas pu travailler régulièrement depuis qu’elle a quitté son emploi de caissière en mars 2014. L’appelante a d’importantes difficultés cognitives antérieures à sa PMA, qui ont été confirmées par la Dre Theman dans son rapport médical du 17 mai 2015. Elle ne peut écrire à la même fréquence. Elle prend de nombreux médicaments pour sa mastocytose, ce qui la fatigue énormément. Sa capacité de rester assise a également été affectée par la fracture de compression à la colonne vertébrale subie en octobre 2015. Sa capacité de saisir des données au clavier a été grandement affectée en raison de son engourdissement à la main. L’appelante tient son propre blogue depuis 2009, mais elle blogue rarement. Le Tribunal conclut que l’appelante est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en raison des répercussions de la mastocytose qui l’a laissée aux prises avec des problèmes cognitifs importants. À l’audience, l’appelante a montré ces difficultés cognitives. Elle avait des problèmes de mémoire à l’audience, et parfois elle s’éloignait du sujet lorsqu’on lui posait des questions. Elle éprouvait en outre une grande fatigue durant l'audience.

[51] Le Tribunal conclut que l’appelante a bien géré ses problèmes de santé. En plus d’être suivie par son médecin de famille, elle a consulté un dermatologue, un gastroentérologue, un hématologue, un rhumatologue et un neurologue. Elle a pris de nombreux médicaments, ce qui n’offre aucun espoir de guérison de la mastocytose. L’appelante en est au stade où ses médecins gèrent un problème de santé chronique. L’appelante a essayé la physiothérapie après son accident de la route, mais elle n’a pas obtenu de bons résultats. Elle a exprimé de la réticence à obtenir de l’aide psychiatrique. Le Tribunal estime que ce n’est pas déraisonnable. La preuve a révélé que les déficiences de l’appelante sont principalement liées à la mastocytose plutôt qu’à des problèmes de santé mentale.

[52] Lorsqu’il y a des preuves de capacité de travail, une personne doit démontrer que ses efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé (Inclima c. Canada (P.G.), 2003 CAF 117).  Le Tribunal est convaincu, après avoir examiné la preuve médicale, documentaire et testimoniale, que l’appelante n’avait pas la capacité de détenir une occupation véritablement rémunératrice à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date, compte tenu de ses multiples affections invalidantes. Le Tribunal conclut que le fait que l’appelante gagne environ 1 600 $ à titre de commissaire au mariage ne constitue pas une preuve d’emploi véritablement rémunérateur, et qu’un seul mariage toutes les deux semaines au cours de la haute saison de mariage n’est pas une preuve que l’appelante occupe un emploi véritablement rémunérateur. Le Tribunal conclut également que des blogues occasionnels et l’affichage sur Facebook d’une page sur la mastocytose ne constituent pas une preuve de la capacité de l’appelante de détenir régulièrement un emploi véritablement rémunérateur.

[53] L’état du demandeur doit être évalué dans son ensemble. Toutes les détériorations du demandeur ayant une incidence sur son employabilité sont examinées, pas seulement les détériorations les plus importantes ou la détérioration principale (Bungay c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47). Le Tribunal conclut que l’appelante a de graves déficiences pour ce qui est de se tenir en position assise, en position debout, et de marcher. L’appelante souffre de mastocytose, qui est un problème de santé grave. Elle a des réactions extrêmes aux produits chimiques et doit prendre de multiples médicaments pour contrôler le plus possible cette affection. Toutefois, ces médicaments ont un effet sédatif sur l’appelante et, par conséquent, sa mémoire et sa concentration sont grandement altérées. Les déficiences de l’appelante sont telles qu’elle était régulièrement incapable de détenir un emploi véritablement rémunérateur à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date.

[54] Le Tribunal conclut donc que l’appelante a établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité grave au plus tard le 31 décembre 2015, à compter du mois de mars 2014, date à laquelle elle a quitté son emploi de caissière dans une épicerie en raison de sensibilités chimiques découlant de la mastocytose.

Invalidité prolongée

[55] Le Tribunal conclut que l’invalidité de l’appelante est susceptible d’être de longue durée, continue et indéfinie.

[56] Dans un rapport de consultation daté du 5 mai 2017, la Dre Taparia a indiqué que la mastocytose de l’appelante était importante et qu’elle lui causait des douleurs au corps ainsi que des difficultés cognitives.

[57] L’invalidité dont l’appelante est atteinte est longue et continue et il n’y a aucune perspective raisonnable d’amélioration dans un avenir prévisible.

Conclusion

[58] Le Tribunal conclut que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en mars 2014, lorsqu’elle a quitté son poste de caissière dans une épicerie, comme il est expliqué ci-dessus. Aux termes de l’article 69 du RPC, les paiements commencent quatre mois après la date de déclaration de l’invalidité. Les versements prennent donc effet en juillet 2014.

[59] L’appel est accueilli.

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