Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 30 décembre 2016, après avoir déterminé que la demanderesse n’était pas atteinte d’une invalidité grave au cours de sa période minimale d’admissibilité (PMA) ou à sa date de fin qui était le 31 décembre 2004, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a conclu qu’une pension d’invalidité n’était pas payable en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC).

[2] La demanderesse a présenté une demande incomplète de permission d’en appeler auprès de la division d’appel du Tribunal le 3 mars 2017. On lui a alloué jusqu’au 10 avril 2017 pour fournir les renseignements manquants, et si elle se formait à cela, il serait alors possible de considérer sa demande comme ayant été complétée le 3 mars 2017. Le 27 mars 2017, la demanderesse a complété sa demande en fournissant les renseignements manquants. Par conséquent, le Tribunal a reçu la demande complétée dans le délai de 90 jours, conformément à l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS).

Question en litige

[3] Je dois déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[4] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la LMEDS, « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et « la division d’appel accorde ou refuse cette permission ».

[5] Selon le paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel pouvant être soulevés à la division d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[7] Pour déterminer si la demande de permission d’en appeler devrait être accueillie, je dois déterminer si la cause est défendable. La demanderesse n’a pas à prouver sa thèse à cette étape, elle n’a qu’à prouver que l’appel a bel et bien une chance raisonnable de succès, soit qu’il « [...] dispos[e] de certains motifs défendables grâce auxquels l’appel proposé pourrait avoir gain de cause. » : Osaj c. Canada (Procureur général), 2016 CF 115 (paragraphe 12). La Cour d’appel fédérale a déterminé que la question à savoir si une partie dispose d’une cause défendable en droit revient à se demander si cette partie a une chance raisonnable de succès d’un point de vue juridique : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41; Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

Observations de la demanderesse

[8] La demanderesse soutient que le 22 décembre 2016, elle n’a pas été capable de se connecter à l’audience par téléconférence prévue devant la division générale. Elle a indiqué qu’elle avait faites plusieurs tentatives pour se connecter à la téléconférence, mais qu’elle a tout simplement reçu un enregistrement téléphonique qui indiquait que le numéro était erroné. Elle a communiqué avec le Tribunal et a été avisée qu’une note sera faite à ce sujet.

[9] La demanderesse soutient que la division générale a indiqué qu’elle n’avait soumis aucun rapport médical. Elle affirme avoir fourni des rapports médicaux ainsi qu’une lettre manuscrite au sujet de sa déficience causée par un accident de piéton le 24 septembre 2004. Elle a également précisé qu’elle a soumis des rapports médicaux rédigés par les docteurs Sokol, Veldlinger, Potashner et Hanick. Cependant, la division générale n’a pas tenu compte de ces rapports.

Observations du défendeur

[10] Le défendeur soutient qu’il se pourrait que la demanderesse n’ait pas eu la chance de défendre sa cause devant la division générale et que la permission d’en appeler aurait dû être accordée, conformément à l’article 58 de la LMEDS. Plus précisément, le défendeur a reconnu que la demanderesse n’était pas capable de se connecter à la téléconférence, ce qui a influencé la décision, et que par conséquent, la permission d’en appeler de la décision de la division générale devrait être accordée.

Analyse

[11] La demanderesse a soutenu que malgré plusieurs tentatives pour se connecter à la téléconférence à la date de l’audience devant la division générale, elle n’a pas été capable de le faire. Elle a alors communiqué avec le Tribunal pour signaler ce problème et on l’a avisé qu’une note avait été faite à ce sujet. Même si la demanderesse n’a pas précisé son moyen d’appel, j’ai déterminé qu’elle affirmait que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou qu’elle a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence, conformément à l’alinéa 58(1)a) de la LMEDS.

[12] En ce qui a trait à l’observation de la demanderesse selon lequel la division générale n’a pas tenu compte des rapports médicaux qu’elle a soumis, j’ai déterminé qu’elle affirme bel et bien que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, conformément à l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS.

Justice naturelle

[13] La division générale a déterminé que le mode d’audience approprié était la téléconférence et en a avisé la demanderesse le 5 août 2016. Un ajournement a été accordé au défendeur, et l’audience par téléconférence a finalement été fixée au 22 décembre 2016, à 10 h (heure normale de l’Est). Le 23 novembre 2016, le Tribunal a téléphoné à la demanderesse dans le but de confirmer la téléconférence du 22 décembre 2016, et la demanderesse a indiqué qu’elle y participerait. Elle affirme avoir téléphoné au système de téléconférence à 9 h 50 (heure normale de l’Est), mais qu’elle n’a pas été capable de se connecter à l’appel. Elle a tenté plusieurs fois de se connecter, et ce, sans succès, et elle a reçu un message vocal indiquant que le numéro était erroné. Elle affirme qu’elle a alors téléphoné au bureau du Tribunal pour obtenir des renseignements et pour expliquer ce qui s’était produit, et qu’on lui a dit qu’une note serait faite à ce sujet.

[14] La décision de la division générale a traité de la situation dans la mesure où elle a reconnu que la demanderesse ne s’était pas connectée à la téléconférence, et elle était convaincue que la demanderesse savait que l’audience avait lieu. Elle a ensuite noté que le Tribunal doit [traduction] « veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances et les considérations d’équité et de justice naturelle permettent. » (paragraphe 6)

[15] La division générale a ensuite poursuivi la téléconférence, citant le paragraphe 12(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement), lequel prévoit que « [s]i une partie omet de se présenter à l’audience, le Tribunal peut procéder en son absence, s’il est convaincu qu’elle a été avisée de la tenue de l’audience. » (paragraphe 7) Elle a ensuite noté qu’elle procédait ainsi en application du paragraphe 3(2) du Règlement, qui permet au Tribunal de résoudre par analogie avec le Règlement toute question de nature procédurale qui, n’y étant pas réglée, est soulevée dans le cadre de l’instance.

[16] Dans sa décision, la division générale a indiqué ce qui suit au paragraphe 12 :

L’audience a eu lieu par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. a) Il manque des renseignements au dossier ou il est nécessaire d’obtenir des clarifications.
  2. b) Ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[17] La division générale a soulevé la question à savoir s’il est plus probable qu’improbable que la demanderesse ait été atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de sa PMA qui se terminait le 31 décembre 2004, ou avant cette date. Elle a ensuite examiné la preuve disponible et a finalement conclu que la [traduction] « preuve présentement au dossier n’appuie pas le fait que la [demanderesse] était atteinte d’une invalidité grave qui la rendait régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice à la date de fin de sa PMA qui se terminait le 31 décembre 2004 et par la suite. » (paragraphe 42)

[18] Au paragraphe 40 de sa décision, la division générale a affirmé ce qui suit : [traduction] « Puisque l’appelante ne s’est pas présentée à l’audience, elle n’a pas fourni d’information au sujet de ses déficiences à la date de fin de sa PMA. »

[19] Dans une lettre datée du 11 août 2017, le défendeur, en réponse à la demande du Tribunal de fournir des observations sur cette permission d’en appeler, a indiqué que la demanderesse n’avait pas été capable de se connecter à la téléconférence et a reconnu que cela a eu une incidence sur la décision de la division générale et a soutenu que, par conséquent, la permission d’en appeler aurait dû être accordée.

[20] Un principe fondamental de justice naturelle est audi alteram partem, une expression latine qui signifie [traduction] « entendre l’autre côté ». Dans l’affaire Sahakyan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1542, il a été déterminé que audi alteram partem est au cœur de la justice naturelle, et qu’un demandeur a le droit d’être entendu, de savoir quelle preuve il doit établir et d’avoir la possibilité de répondre à cette preuve (paragraphe 25). Dans l’affaire Vlad c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CanLII 100456 (CA CISR), il a été affirmé que « l’obligation d’équité procédurale inclut la règle audi alteram partem, à savoir le droit de chaque partie d’être entendue » (paragraphe 26). Dans l’affaire Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2RCS 817, 1999 CanLII 699 (CSC), l’on a soutenu ce qui suit :

Bien que l’obligation d’équité soit souple et variable et qu’elle repose sur une appréciation du contexte de la loi particulière et des droits visés, il est utile d’examiner les critères à appliquer pour définir les droits procéduraux requis par l’obligation d’équité dans des circonstances données. Je souligne que l’idée sous-jacente à tous ces facteurs est que les droits de participation faisant partie de l’obligation d’équité procédurale visent à garantir que les décisions administratives sont prises au moyen d’une procédure équitable et ouverte, adaptée au type de décision et à son contexte légal institutionnel et social, comprenant la possibilité donnée aux personnes visées par la décision de présenter leurs points de vue complètement ainsi que des éléments de preuve de sorte qu’ils soient considérés par le décideur. (paragraphe 22)

[21] Tout au long du processus, la demanderesse a démontré qu’elle avait l’intention que son appel soit entendu pour les raisons suivantes :

  • Elle a déposé son appel à la division générale;
  • Elle a assuré le suivi de l’état de sa demande.
  • Elle a accusé réception de la demande d’ajournement du défendeur.
  • Elle a indiqué le 23 novembre 2016 qu’elle téléphonerait au système de téléconférence.
  • Elle a tenté de téléphoner à plusieurs reprises au système de téléconférence, et ce, à l’heure prévue.
  • Elle a fait un suivi auprès du Tribunal lorsqu’elle n’a pas été capable de se connecter.

[22] La division générale a déterminé qu’une téléconférence était un mode d’audience approprié, puisque les renseignements comportaient des lacunes et qu’elle respectait le Règlement qui prévoit qu’elle « doit procéder de la façon la plus informelle et expéditive que le permettent les circonstances, l’équité et la justice naturelle ». Elle a cité le paragraphe 12(1) du Règlement, lequel prévoit que « [s]i une partie omet de se présenter à l’audience, le Tribunal peut procéder en son absence, s’il est convaincu qu’elle a été avisée de la tenue de l’audience. » Elle a également reconnu que la demanderesse n’avait pas fournir de renseignements au sujet de ses déficiences à la fin de sa PMA.

[24] Compte tenu des observations des deux parties, j’estime que l’appel a une chance raisonnable de succès. La demanderesse a soulevé une question concernant le droit d’être entendue, lequel, s’il réussit à le démontrer, pourrait mener à la conclusion qu’il y a eu une erreur selon laquelle la division générale aurait manqué à un principe de justice naturelle, comme le prévoit l’alinéa 58(1)a) de la LMEDS.

Erreur de fait

[25] Je n’ai pas tenu compte de la deuxième observation de la demanderesse selon laquelle la division générale aurait commis une erreur de fait en omettant de tenir compte des dossiers médicaux soumis par la demanderesse. Dans l’arrêt Mette v. Canada (Procureur général), 2016 CAF 276, la Cour d’appel fédérale a déclaré que la division d’appel n’est pas tenue d’aborder tous les motifs d’appel soulevés par un demandeur. Dans cette affaire, le juge Dawson a affirmé, au sujet du paragraphe 58(2) de la LMEDS, que [traduction] « cette disposition ne nécessite pas de rejeter individuellement les motifs d’appel invoqués. » Puisque j’ai conclu que l’appel de la demanderesse avait une chance raisonnable de succès en ce qui a trait à l’observation portant sur la justice naturelle, je n’ai pas examiné cet autre moyen d’appel.

Conclusion

[26] La demande est accueillie.

[27] La présente décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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