Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est accordée.

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler relativement à la décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) le 14 décembre 2016. La division générale a précédemment instruit l’affaire sur le fondement de la preuve documentaire et conclu que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC), car elle n’était pas atteinte d’une invalidité grave à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), laquelle doit prendre fin le 31 décembre 2017.

[2] Le 8 février 2017, dans les délais prévus, la demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel.

Droit applicable

Régime de pensions du Canada

[3] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne reçoit pas une pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la PMA.

[4] Le calcul de la PMA est important, car une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au moment où sa PMA a pris fin ou avant cette date.

[5] Au titre de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

[6] Selon les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission », et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[7] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[8] Conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier:
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’il existe un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. La Cour d’appel fédérale a déterminé qu’une cause défendable en droit revient à une cause ayant une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[10] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond. C’est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais cet obstacle est inférieur à celui auquel elle devra faire face à l’audience relative à l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[11] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[12] Dans la demande de permission d’en appeler, le représentant de la demanderesse soutient que le critère relatif à la gravité doit être évalué dans un contexte global. Il prétend que la division générale n’a pas tenu compte de l’âge, des compétences transférables limitées et du niveau d’instruction de la demanderesse lorsqu’elle a conclu que l’invalidité n’empêchait pas la demanderesse de travailler. Celle-ci était âgée de 55 ans à la date de l’audience et ne possédait qu’une douzième année ainsi qu’une capacité limitée de communication orale en anglais. Comme il a été reconnu par Dre Perera, médecin de famille, dans sa lettre datée du 13 juillet 2016, le manque de compétences transférables de la demanderesse, combinée à sa faiblesse au bras droit, aurait eu des conséquences défavorables sur sa capacité à trouver un autre emploi ou un emploi à temps partiel.

Analyse

[13] Même si la demanderesse n’a pas particulièrement mentionné une jurisprudence, ses observations correspondent aux principes établis par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Villani c. CanadaNote de bas de page 3, qui prévoit que l’invalidité doit être évaluée dans un contexte « réaliste » en tenant compte de facteurs comme l’âge, l’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents professionnels et l’expérience de vie d’un requérant.

[14] Je ne constate aucune cause défendable fondée sur ce moyen pour deux raisons interdépendantes. Tout d’abord, il y a une question de justice naturelle du droit d’une partie à être entendue. Il faut reconnaître que la demanderesse a présenté une preuve médicale documentaire limitée à l’appui de sa demande de pension d’invalidité. Le dossier contient le rapport médical du RPC accompagnant la demande de prestations, la lettre de suivi très concise de Dre Perera datée du 13 juillet 2016, et rien d’autre. Ce manque de documents pourrait avoir influencé la décision de la division générale de tenir l’audience entièrement sur le fond du dossier documentaire existant, mais il aurait également pu servir de justification pour demander un témoignage supplémentaire.

[15] Il incombe au requérant de prestations d’invalidité du RPC de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il est atteint d’une invalidité grave selon les critères établis à l’alinéa 42(2)a). En l’espèce, la division générale s’est fondée sur l’absence de renseignements sur les antécédents professionnels de la demanderesse :

[18] La gravité de l’invalidité doit être évaluée dans un contexte « réaliste » (Villani c. Canada [P.G.], 2001 CAF 248). Cela signifie que pour déterminer si l’invalidité d’une personne est grave, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau de scolarité, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie. L’appelante était âgée de 53 ans au moment de sa demande et elle possédait une douzième année. Le Tribunal reconnaît que l’appelante possède peu de compétences transférables de son emploi comme brigadière, mais ses emplois précédents sont inconnus. Néanmois, en gardant à l’esprit les circonstances personnelles de l’appelant et de ses problèmes de santé, le Tribunal conclut que ses circonstances personnelles n’auraient pas eu de conséquences défavorables sur sa capacité à chercher et, au besoin, à conserver un emploi à temps partiel. [mis en évidence par le soussigné]

[16] En l’espèce, la division générale a effectivement pénalisé la demanderesse parce qu’elle n’a pas offert des renseignements détaillés sur ses emplois précédents, mais je souligne ce qui suit : i) la demanderesse avait un registre des gains de plus de 30 années consécutives, dont les cinq dernières années étaient à titre de brigadières; ii) rien dans les documents relatifs à la demande de RPC ne lui demandait de divulguer ses antécédents professionnels au-delà des cinq dernières années.

[17] On peut affirmer que, si la division générale avait l’intention de se fonder sur l’absence d’une preuve particulière qui n’était pas exigée par la loi ou le défendeur, il était seulement équitable d’offrir à la demanderesse l’occasion de présenter cette preuve au moyen d’un témoignage de vive voix ou de questions et réponses écrites. J’hésite habituellement à intervenir en ce qui concerne le pouvoir discrétionnaire de la division générale de décider du mode d’audience approprié, mais il pourrait y avoir lieu de faire exception en l’espèce.

[18] Ensuite, même si la division générale a bien résumé l’arrêt Villani dans sa décision, je crois qu’il convient de se demander si la division générale l’a bien appliqué en tenant compte du contexte de la demanderesse. Selon la preuve disponible, l’appelante était dans la mi-cinquantaine à la date de l’audience, et son dernier emploi demandait peu de compétences, voire aucune. Étant donné que le concept de l’employabilité est intrinsèque à la prise en considération des facteurs établis dans l’arrêt Villani, je suis convaincu que la demanderesse a une chance raisonnable de succès en appel en prétendant que la division générale n’a pas étudié de façon réaliste ses chances de trouver un autre emploi.

Conclusion

[19] J’accorde la permission d’en appeler pour deux motifs :

  • la division générale pourrait avoir omis d’observer un principe de justice naturelle en privant la demanderesse d’une audience;
  • la division générale pourrait avoir commis une erreur de droit en n’appliquant pas adéquatement le critère « réaliste » prévu dans l’arrêt Villani pour évaluer la gravité de l’invalidité de la demanderesse.

[20] Si les parties décident de présenter des observations supplémentaires, elles sont libres de formuler leur opinion à savoir si une nouvelle audience s’avère nécessaire, et si tel est le cas, quel type d’audience est approprié.

[21] La présente décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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