Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision datée du 30 mai 2016 rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal), laquelle concluait que la demanderesse était inadmissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC).

[2] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), les seuls moyens d’en appeler à la division d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[3] L’utilisation du mot « seuls » au paragraphe 58(1) signifie qu’aucun autre moyen d’appel ne peut être accepté : Belo-Alves c. Canada (Procureur général), [2015] 4 RCF 108, CF 1100, paragraphe 72.

[4] Conformément au paragraphe 56(1) de la LMEDS, il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission. L’exigence relative à l’obtention de la permission d’en appeler devant la division d’appel vise à rejeter les appels qui n’ont aucune chance raisonnable de succès : Bossé c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1142, paragraphe 34. Dans ce contexte, une chance raisonnable de succès revient à « soulever des motifs défendables qui pourraient éventuellement donner gain de cause à l’appel » : Osaj c. Canada (Procureur général), 2016 CF 115, paragraphe 12.

Observations

[5] Dans la demande de permission d’en appeler, le représentant de la demanderesse a présenté les observations suivantes :

  1. Conformément aux principes de justice naturelle, la demanderesse avait le droit de bénéficier d’une audience tenue devant la division générale avec l’aide d’un représentant.
  2. La division générale n’a pas correctement appliqué le droit par rapport au critère d’invalidité du RPC et, particulièrement, a ignoré les facteurs qui ont été établis par la Cour d’appel fédérale dans Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248.
  3. La division générale a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées.

[6] Le défendeur n’a présenté aucune observation concernant la présente demande.

Analyse

Nouveau document présenté par la demanderesse

[7] Avec ses observations, le représentant de la demanderesse a inclus un document de deux pages présentant des tests médicaux que la demanderesse a subis en juillet et en août 2016Note de bas de page 1. Il s’appuie sur ce document au deuxième paragraphe de ses observationsNote de bas de page 2. Le document a été rédigé après que la division générale ait rendu sa décision.

[8] La division d’appel n’a que des pouvoirs limités selon la LMEDS. Son rôle est d’examiner la légalité globale du processus utilisé par la division générale pour déterminer si une erreur qui cadre avec l’un ou l’autre des trois moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS a été commise. La présentation de nouveaux éléments de preuve n’est pas un moyen d’en appeler en vertu de la LMEDS : Belo-Alves, précité, paragraphe 108. De plus, un appel devant la division d’appel ne représente pas une audience de novo (Marcia c. Canada (Procureur général), 2016 CF 1367). En conséquence, il s’agit d’une règle générale qui a été confirmée dans l’affaire Parchment v. (Procureur général), 2017 CF 354 : la preuve documentaire devant la division d’appel est limitée à la preuve au dossier qui était devant la division générale.

[9] Le nouveau document présenté par le représentant de la demanderesse et les références faites au document dans les observations ne sont pas pertinents pour la question en appel de savoir, sur le fondement de la preuve présentée à la division générale, si celle-ci a commis une erreur qui cadre avec l’étendue du paragraphe 58(1) de la LMEDS. Par conséquent, le nouveau document n’est pas admissible et je n’en ai pas tenu compte dans le cadre de cette demande. Je n’ai également pas tenu compte des observations présentées en lien avec ce document.

[10] J’enchaîne maintenant avec les arguments de la demanderesse par rapport à la demande. La question dont je suis saisie est de déterminer si l’un de ces arguments confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Alinéa 58(1)a) de la LMEDS

[11] En ce qui concerne l’allégation de manquement au principe de justice naturelle, le représentant de la demanderesse soutient que la demanderesse [traduction] « ne connaissait pas l’importance d’avoir l’aide d’un représentant pour l’instruction de cette affaire » devant la division générale. Il soutient qu’en raison de l’incapacité de la demanderesse de lire ou d’écrire en anglais, celle-ci n’a pas pu se préparer convenablement pour l’audience et n’a pas compris l’importance d’obtenir tous les éléments de preuve pertinents et de les mettre de l’avant. Il soutient qu’elle avait [traduction] « reçu l’aide d’un commis pour la présentation des formulaires originaux, et on ne lui a suggéré un représentant qu’après le verdict de la division générale ». Il soutient [traduction] : « Conformément aux principes de justice naturelle, l’appelante [la demanderesse pour cette demande] avait le droit de bénéficier d’une audience [tenue devant la division générale] avec l’aide d’un représentant. »Note de bas de page 3

[12] Dans le cadre de l’instance dirigée par la division générale, la demanderesse était représentée par son époux. Ni la demanderesse ni son époux n’ont fait une demande au membre de la division générale pour que la demanderesse soit représentée par une autre personne, et aucune demande n’a été faite pour un ajournement qui permettrait d’avoir recours aux services d’un représentant. Le représentant de la demanderesse soutient essentiellement que la division générale avait la responsabilité, en vertu des principes de justice naturelle, de suspendre l’instruction de l’affaire ex proprio motu, c.-à-d. de son propre chef, afin de recommander à la demanderesse d’avoir recours aux services d’un représentant et de lui accorder l’occasion de le faire.

[13] Le RPC et la LMEDS ne commandent pas une telle exigence législative. De plus, conformément à l’alinéa 3a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, une instance devant le Tribunal se doit d’être informelle. Les personnes qui se présentent devant le Tribunal se représentent souvent elles-mêmes ou sont représentées par une personne qui n’est pas du domaine juridique et qui peut être un membre de la famille. Par ailleurs, je ne connais pas d’autorité judiciaire ou autre qui défend la proposition que, en l’absence d’une obligation légale, les décideurs administratifs doivent, en vertu d’un principe de justice naturelle, prendre l’initiative de suspendre l’instruction de l’affaire afin de recommander aux parties d’avoir recours aux services d’un représentant ou de veiller à ce que les parties soient représentées.

[14] D’après un examen de l’enregistrement de l’audience, il est clair que la demanderesse comprenait et participait pleinement à l’audience, laquelle était tenue par téléconférence. La demanderesse a témoigné ne pas lire ou écrire en anglais. Cependant, elle s’exprime oralement en anglais de façon aisée, et il est clair qu’elle n’avait aucune difficulté à comprendre les questions qu’on lui posait ou d’y répondre de façon éclairée. Par conséquent, les droits de participation de la demanderesse avaient entièrement été respectés dans le cadre de l’instance devant la division générale.

[15] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que l’argument concernant un manquement aux principes de justice naturelle ne renferme pas un motif défendable grâce auquel l’appel proposé pourrait avoir gain de cause.

Alinéa 58(1)b) de la LMEDS

[16] La demanderesse soutient que la division générale n’a pas correctement appliqué le droit en ce qui concerne le critère d’invalidité. De façon précise, elle soutient que la division générale a ignoré les facteurs établis par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Villani, précité. Si la division générale a « ignoré » les principes établis dans Villani, il s’agirait d’une erreur de droit qui cadre avec l’étendue de l’alinéa 58(1)b) de la LMEDS.

[17] Dans l’arrêt Kiraly c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 66, la Cour d’appel fédérale a résumé l’approche requise pour déterminer si l’invalidité d’un requérant est « grave » au sens du RPC. La Cour a affirmé ce qui suit au paragraphe 4 :

Dans l’arrêt Villani c. Canada, 2001 CAF 248 (CanLII), [2002] 1 R.C.F. 130 (Villani), notre Cour a conclu que la gravité d’une invalidité doit être évaluée dans un contexte qui soit « réaliste » pour le requérant, en prenant en compte des facteurs comme son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vie. Une invalidité grave empêche un individu d’accomplir un travail rémunérateur (Klabouch c. Canada, 2008 CAF 33 (CanLII)). Les conditions que le requérant est tenu de respecter pour démontrer que son invalidité est « grave et prolongée » au sens du paragraphe 42(2) du RPC sont donc très restrictives (AtkinsonNote de bas de page 4, précité, au paragraphe 3).

[18] La demanderesse avait la charge d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était invalide au sens du RPC à la date de fin de la période minimale d’admissibilité (PMA) (le 31 décembre 2006), et de manière continue par la suite. Dans son analyse, le membre de la division générale a souligné qu’un appelant doit présenter certains éléments de preuve médicale objectifs par rapport à son invalidité et a cité Warren c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 377. Il a correctement énoncé le droit à cet égard : voir l’article 68 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada, ainsi que les arrêts Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117, Klabouch, précité, et Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Angheloni, 2003 CAF 140.

[19] Les éléments de preuve médicale présentés par la demanderesse à la division générale ne représentaient que deux documents : le rapport médical réalisé par le Dr H.F. Lamb le 16 décembre 2013 au soutien de la demande de prestations d’invalidité de la demanderesseNote de bas de page 5; le rapport de radiologie daté du 13 février 2012Note de bas de page 6. Le rapport du Dr Lamb ne concernait pas les troubles de santé de la demanderesse qui ont précédé la PMA, ou qui dataient de la fin de celle-ci au 31 décembre 2006. Par conséquent, aucun élément de preuve présenté à la division générale ne concernait la période précédant la PMA ou la date de fin de celle-ci. Le membre a conclu que la demanderesse n’avait [traduction] « pas fourni suffisamment d’éléments de preuve médicale concernant son invalidité pendant la période en cause » (au paragraphe 22). Il revenait au membre de tirer cette conclusion en fonction des faits précédents.

[20] Au soutien de l’argument concernant une erreur de droit commise par le membre, le représentant de la demanderesse fait valoir que [traduction] « compte tenu de l’éducation, de la formation et de l’expérience limitées de l’appelante [ici la demanderesse], il n’existe pas de preuve pour étayer la conclusion que l’appelante serait capable de conserver un emploi sédentaire. Aucun élément de preuve de capacité de travail n’existait dans le cadre de cette affaire. » Il me semble d’après cet argument que le représentant cherche à renverser le fardeau de la preuve. La demanderesse avait la charge de prouver son invalidité, qu’elle est donc régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice (voir Dossa c. Canada (Commission d’appel des pensions), 2005 CAF 387 et Bagri c. Canada (Procureur général), 2006 CAF 134). La norme civile de preuve, la prépondérance des probabilités, est la norme de preuve applicable. Une absence de preuve quant au fait que la demanderesse est « capable d’occuper un travail sédentaire » ne démontre pas son invalidité. Le représentant cite Adatia c. Ministre du Développement des ressources humaines, CP20124, 2003 CarswellNat 5592, une décision de la Commission d’appel des pensions, en ce qui concerne la proposition que [traduction] « puisqu’il n’y a pas de preuve suffisante sur le fait que l’appelante [la demanderesse] aurait pu accomplir un travail léger, par conséquent il n’est pas requis que la demanderesse démontre avoir déployé des efforts raisonnables pour se recycler dans un emploi moins ardu et déploie des efforts pour se trouver un emploi moins ardu ».

[21] La division d’appel n’est pas liée par les décisions de la Commission d’appel des pensions (Commission). Quoi qu’il en soit, l’affaire Adatia se distingue de la présente affaire. Dans l’affaire Adatia, de nombreux éléments de preuve médicale associés à la période précédant la PMA et à la date de fin de celle-ci ont été présentés à la Commission, et la Commission a conclu que la preuve médicale faisait montre que l’appelante n’aurait pas pu accomplir un emploi moins exigeant.

[22] En l’espèce, la demanderesse n’a présenté aucun élément de preuve médicale qui concerne la période précédant la PMA ou la date de fin de celle-ci, le 31 décembre 2006. Le Dr Lamb a affirmé connaître la demanderesse depuis 2008 (deux années après la fin de la PMA) et ne pas avoir traité sa discopathie dégénérative avant février 2012 (plus de cinq années après la fin de la PMA). Il n’a pas abordé l’état de santé de la demanderesse avant la PMA ou à la fin de celle-ci. Le seul autre élément de preuve médicale présenté par la demanderesse, un rapport de radiologie, date également de plus de cinq années après la fin de la PMA. Or, contrairement à l’affaire Adatia, en l’espèce, aucun élément objectif de preuve médicale ou autre qui précède la PMA ou qui date de la fin de celle-ci ne permettait de déterminer si la demanderesse était capable de travailler à la fin de la PMA.

[23] Comme il a été établi de façon constante par la Cour d’appel fédérale, un requérant doit présenter au Tribunal une preuve médicale au soutien de l’affirmation que son invalidité est grave et prolongée, mais il doit aussi prouver avoir déployé des efforts pour se trouver un emploi. Dans l’arrêt Villani, la Cour a établi ce qui suit :

[50] Cette réaffirmation de la méthode à suivre pour définir l’invalidité ne signifie pas que quiconque éprouve des problèmes de santé et des difficultés à se trouver et à conserver un emploi a droit à une pension d’invalidité. Les requérants sont toujours tenus de démontrer qu’ils souffrent d’une « invalidité grave et prolongée » qui les rend « régulièrement incapables de détenir une occupation véritablement rémunératrice ». Une preuve médicale sera toujours nécessaire, de même qu’une preuve des efforts déployés pour se trouver un emploi et de l’existence des possibilités d’emploi. [...] [Mis en évidence par la soussignée]

[24] En l’espèce, la demanderesse a témoigné n’avoir déployé aucun effort pour trouver un emploi quelconque après avoir cessé de travailler en 1995 ou pour se recycler ou perfectionner son éducation.

[25] La division générale s’est appuyée sur le témoignage oral de la demanderesse et de son époux comme indiqué au paragraphe 24 des motifs, et la demanderesse avait témoigné qu’elle accomplissait le nettoyage, la lessive et la cuisine à la maison et qu’elle s’occupait des enfants quotidiennement. Il a souligné que son époux n’a pas témoigné de quelconques difficultés en lien avec les activités quotidiennes qui feraient montre que les symptômes de la demanderesse ne lui permettent pas d’obtenir un emploi convenable. L’époux de la demanderesse a témoigné que la demanderesse s’occupait des enfants à temps plein et qu’elle faisait l’entretien ménager, dont la cuisine et le nettoyage. Comme il est requis par la définition législative d’une invalidité grave, l’analyse du membre était axée sur la preuve de la capacité fonctionnelle et de travail de la demanderesse, plutôt que sur son diagnostic. La conclusion du membre relative à l’omission de la demanderesse de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice était fondée sur son examen de cette preuve. Je considère que la demanderesse n’a pas présenté un motif défendable grâce auquel l’appel proposé pourrait avoir gain de cause à l’égard de la conclusion du membre pour cette affaire.

[26] Le membre de la division générale, au paragraphe 25 de ses motifs, s’est bien chargé des exigences prescrites par l’affaire Villani. Il a présenté son analyse par rapport à Villani au paragraphe 26 de ses motifs [traduction] :

[26] L’appelante avait seulement 46 ans à la fin de la PMA. Elle est apte à communiquer en anglais, quoiqu’elle ne puisse pas lire et écrire en anglais. Elle peut lire en allemand. Elle était capable de se présenter en classe, car son état de santé n’empêchait pas cette activité, mais elle a choisi de ne pas continuer. Bien qu’elle soit quelque peu limitée par la langue et par un manque de compétences transférables, elle serait capable de conserver un emploi sédentaire dans un contexte réaliste. La preuve médicale et les efforts pour trouver un emploi sont insuffisants pour démontrer qu’elle souffrait d’une invalidité grave à la fin de la PMA. Le Tribunal juge à l’examen des facteurs de Villani que l’appelante n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité grave qui la rendait régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[27] Au paragraphe 26, le membre de la division générale a tiré des conclusions claires en ce qui concerne l’âge, l’éducation, le manque de capacités de lecture et de rédaction en anglais de la demanderesse, ainsi que sur son manque de compétences transférables, et il a conclu qu’elle serait capable d’obtenir un emploi sédentaire dans un contexte réaliste. Je ne constate pas de fondement démontrant qu’il aurait ignoré les facteurs de Villani ou qu’il n’aurait pas correctement conduit l’analyse mandatée par la Cour d’appel fédérale dans cette affaire.

[28] Je conclus que l’argument concernant une erreur de droit commise par le membre de la division générale qui n’a pas appliqué correctement le principe de Villani n’a aucune chance raisonnable de succès.

Alinéa 58(1)c) de la LMEDS

[29] Le représentant de la demanderesse soutient que la décision de la division générale est fondée sur des conclusions de fait erronées. Les erreurs alléguées seraient précisément les suivantes :

  1. La division générale a accordé une importance considérable à sa conclusion de la page 6 [traduction] : « son manque d’efforts pour obtenir et conserver un emploi n’a pas été un échec en raison de son état de santé, mais elle a choisi de demeurer à la maison pour élever ses enfants »;
  2. Compte tenu de l’éducation, de la formation et de l’expérience limitées de la demanderesse, il n’y avait pas de preuve pour étayer la conclusion que la demanderesse serait capable de conserver un emploi sédentaire;
  3. La division générale a précisé qu’ [traduction] « aucun élément de preuve objectif n’existait par rapport à l’invalidité de la demanderesse à la fin de la PMA, ou avant cette date ». La division générale était habilitée à tirer des conclusions rationnelles d’après les éléments de preuve présentés. La preuve médicale objective qui date de la période suivant la fin de la PMA démontre que la demanderesse souffre d’une condition dégénérative au dos. Évidemment, cette condition ne s’est pas développée d’une journée à l’autre et la preuve démontrait que sa condition au dos s’était aggravée avec le temps, au point qu’elle ne pouvait plus retourner au travail;
  4. La division générale propose que la demanderesse a suivi un traitement conservateur, mais aucune preuve médicale ne suggère que sa condition pourrait s’améliorer;
  5. XLa décision ne peut pas être fondée quand les faits ou la preuve sont soulignés, puis complètement ignorés. La décision dépasse la mauvaise application et le rejet de la preuve présentée quand des déclarations sont faites sans l’appui d’une quelconque preuve.XX

[30] En ce qui concerne l’affirmation que le membre de la division générale a erré en accordant une importance au manque d’effort de la demanderesse pour trouver et conserver un emploi, la Cour d’appel fédérale a déterminé qu’il s’agit clairement d’un élément pertinent pour évaluer si l’invalidité d’un requérant est « grave » : voir Klabouch, précité au paragraphe 21, où la Cour a déclaré « [...] que la question de savoir si le demandeur a tenté de trouver un autre travail ou manquait de motivation de le faire constituait clairement un facteur pertinent pour déterminer si son invalidité était “grave” ». Voir aussi Inclima, précité, où la Cour d’appel fédérale a établi que lorsqu’il y a des preuves de capacité de travail, le requérant doit démontrer que les efforts déployés pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé.

[31] En ce qui concerne l’observation qu’il « n’existe pas de preuve pour étayer la conclusion que la demanderesse serait capable de conserver un emploi sédentaire », la Cour d’appel fédérale a établi que les conditions du marché du travail ne sont pas pertinentes pour déterminer si une personne est invalide conformément au paragraphe 42(2) du RPC. Comme le juge Rothstein l’a mentionné dans l’arrêt Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Rice, 2002 CAF 47 :

[12] Bien que le juge Isaac [dans Villani] fasse référence à la nécessité d’une « preuve des efforts déployés pour se trouver un emploi et de l’existence des possibilités d’emploi » (paragraphe 50), à notre avis, ces mots font référence à la capacité d’une personne d’occuper un emploi véritablement rémunérateur, et non pas à la question de savoir si, dans le contexte du marché du travail, il est possible de se trouver un emploi.

[13] Quand les mots du sous-alinéa 42(2)a)(i) sont examinés, il ressort clairement qu’ils font référence à la capacité d’une personne d’occuper régulièrement un emploi véritablement rémunérateur. Ils ne font pas référence aux conditions du marché du travail. [...]

[32] Qu’un emploi sédentaire soit accessible dans la région où vit la demanderesse n’est pas pertinent à l’égard de la question de savoir si elle s’était acquittée du fardeau de prouver qu’elle est invalide au sens du RPC. Je juge donc que l’argument concernant l’absence de preuve pour étayer la conclusion que la demanderesse serait capable de conserver un emploi sédentaire n’a aucune chance raisonnable de succès en appel.

[33] En ce qui concerne la mention que le membre de la division générale a erré en concluant qu’ [traduction] « aucun élément de preuve objectif n’existait par rapport à l’invalidité de la demanderesse à la fin de la PMA, ou avant cette date », le représentant de la demanderesse s’appuie sur la décision Wieler c. Le ministre du Développement des ressources humaines, CP20466, 2003 CarswellNat 5651, de la Commission d’appel des pensions, pour faire valoir que le membre de la division générale aurait dû, d’après la preuve médicale, tirer la conclusion que l’invalidité de la demanderesse était grave. Comme susmentionné, la division d’appel n’est pas liée par les décisions de la Commission d’appel des pensions. Et quoi qu’il en soit, la décision Weiler [sic]se distingue de la présente affaire. Dans Weiler [sic], les éléments de preuve étaient nombreux en ce qui concerne les efforts déployés par madame Weiler [sic]pour se recycler, trouver un emploi et travailler. Les éléments de preuve médicale en lien avec son état de santé étaient aussi importants et dataient de la période précédant la PMA et la fin de celle-ci, et le conseil a tiré des conclusions rationnelles grâce à ceux-ci.

[34] J’ai précédemment présenté dans les motifs la déclaration de la Cour d’appel fédérale dans la décision Villani, que pour s’acquitter du fardeau de prouver l’invalidité au titre du RPC, « [u]ne preuve médicale sera toujours nécessaire, de même qu’une preuve des efforts déployés pour se trouver un emploi et de l’existence des possibilités d’emploi. »

[35] En l’espèce, aucune preuve médicale datant de la période précédant la PMA ou de la fin de celle-ci ne permettait au membre de tirer une conclusion rationnelle. La preuve de la demanderesse consistait en son absence de recherche d’emploi depuis son arrêt de travail en 1995 et en son omission de tenter de se recycler. Clairement, la présente affaire se distingue de celle de Weiler [sic].

[36] Je juge que cet argument ne présente pas de chance raisonnable de succès en appel.

[37] En ce qui concerne la conclusion du membre de la division générale sur le traitement conservateur de la demanderesse, elle a découlé de la recommandation du médecin de la demanderesse d’un traitement composé [traduction] « de repos et de glace », ainsi que du témoignage de la demanderesse de n’avoir utilisé que des médicaments en vente libre sans consulter un spécialiste. L’examen et l’appréciation de la preuve sont des fonctions qui relèvent strictement du juge des faits. Je ne constate pas de fondement pour établir que la conclusion du membre sur le traitement conservateur de la demanderesse était une erreur susceptible de contrôle. Je conclus que cet argument n’a aucune chance raisonnable de succès.

[38] En ce qui concerne la dernière allégation, le représentant n’a pas mentionné précisément les faits et la preuve qui « sont soulignés, puis complètement ignorés » ou les déclarations qui « sont faites sans l’appui d’une quelconque preuve ».

[39] J’ai gardé à l’esprit la décision de la Cour fédérale dans l’affaire Griffin c. Canada (Procureur général), 2016 CF 874, dans laquelle le juge Boswell a fourni des directives sur la façon dont la division d’appel devrait traiter les demandes de permission d’en appeler :

[20] Il est bien établi que c’est à la partie demandant l’autorisation d’interjeter appel qu’il incombe de produire l’ensemble des éléments de preuve et des arguments requis pour satisfaire aux exigences du paragraphe 58(1) : voir, par exemple, Tracey, précitée, au paragraphe 31; voir aussi Auch c. Canada (Procureur général), 2016 CF 199 (CanLII), au paragraphe 52, [2016] ACF no 155. Malgré tout, les exigences du paragraphe 58(1) ne doivent pas être appliquées de façon mécanique ou superficielle. Au contraire, la division d’appel devrait examiner le dossier et déterminer si la décision a omis de tenir compte correctement d’une partie de la preuve : voir Karadeolian v. Canada (Attorney General), 2016 FC 615 (CanLII), au paragraphe 10, [2016] FCJ no 615.

[40] J’ai examiné le dossier et je n’ai relevé aucun exemple dans la décision où la division générale n’aurait pas tenu compte de façon adéquate d’un élément de preuve.

Décision

[41] La demanderesse n’a pas soulevé de motif défendable qui conférerait à l’appel proposé une chance de succès. La demande est par conséquent rejetée.

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