Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision datée du 16 août 2016 rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) et datée du 16 août 2016, qui concluait que le demandeur était inadmissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC).

[2] Le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal le 28 novembre 2016, ce qui semble être après le délai prescrit à l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS).

Questions en litige

[3] Le membre doit décider s’il accorde la prorogation de délai pour présenter la demande pour permission d’en appeler.

[4] Si la prorogation du délai est accordée, le membre doit aussi décider, de manière à déterminer s’il doit accorder la permission d’en appeler, si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[5] Aux termes de l’alinéa 57(1)b) de la LMEDS, une demande de permission d’en appeler doit être présentée à la division d’appel dans les 90 jours suivant la date à laquelle le demandeur reçoit communication de la décision.

[6] Pour déterminer si une prorogation du délai devrait être accordée, le membre doit considérer et apprécier les critères établis dans la jurisprudence. Dans l’affaire Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 883, la Cour fédérale a déclaré que les critères à prendre en considération sont les suivants :

  1. a) il y a intention persistante de poursuivre la demande ou l’appel;
  2. b) la cause est défendable;
  3. c) le retard a été raisonnablement expliqué;
  4. d) la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie.

[7] Le poids qu’il faut accorder à chacun des facteurs énoncés dans l’affaire Gattellaro variera selon les circonstances et, dans certains cas, d’autres facteurs seront pertinents. La considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation du délai serait dans l’intérêt de la justice (Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204).

[8] La Cour d’appel fédérale a déterminé que la question de savoir si une partie dispose d’une cause défendable en droit revient à se demander si cette partie a une chance raisonnable de succès d’un point de vue juridique : (Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c.Hogervorst, 2007 CAF 41; Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63).

[9] Pour déterminer s’il y a lieu d’accueillir l’appel, conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Observations du demandeur

[10] En appui à la demande du demandeur de prorogation de délai pour soumettre une demande, la représentante du demandeur affirma : que le demandeur avait une explication raisonnable pour le retard; qu’il avait démontré une intention constante de poursuivre l’appel; et qu’il avait une cause défendable. De plus, la représentante du demandeur soutient qu’aucun préjudice ne serait causé au défendeur si une prorogation était accordée. Tous les arguments du demandeur qui appuient cette observation sont présentés plus loin dans les paragraphes 20 à 27.

[11] La représentante du demandeur a affirmé que la division générale n’avait pas suivi le code de conduite des membres du Tribunal de la sécurité sociale et le cadre d’évaluation de l’invalidité du Régime de pensions du Canada, ce qui a résulté en un manquement à la justice naturelle conformément à l’alinéa 58(1)a) de la LMEDS.

[12] La représentante du demandeur ajouta que la division générale avait erré en droit, selon l’alinéa 58(1)b) de la LMEDS, car elle n’avait pas examiné un [traduction] « critère de crédibilité », malgré l’obligation de le faire telle qu’énoncé par la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans l’affaire Scott c. Colombie-Britannique, 2013 BCCA 554.

[13] La représentante du demandeur a aussi soutenu que la division d’appel n’a pas observé un principe de justice naturelle, car le demandeur n’a pas pu, par un processus d’audience devant la division générale, plaider sa cause justement et complètement devant la division générale. Par ailleurs, la représentante a prétendu que le membre de la division générale avait fait preuve de partialité en décidant de cette affaire. La représentante du demandeur présenta plusieurs occurrences où elle croyait que la division générale avait soit refusé de considéré des éléments de preuve ou avait en fait dit au demandeur (et sa représentante) que de nouveaux éléments de preuve ne seraient pas entendus lors de l’audience de la division générale.

[14] La représentante du demandeur a aussi fait valoir que la division générale avait erré en droit, conformément à l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS, en n’appliquant pas correctement les principes établis dans les arrêts Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248 et D’Errico c. Canada (Procureur général), 2014 CAF 95.

[15] Finalement, la représentante du demandeur a soutenu que la division générale n’avait pas donné de justifications adéquates à ses conclusions, ce qui constituerait un manquement à un principe de justice naturelle selon l’alinéa 58(1)a) de la LMEDS.

Question préliminaire et moyens d'appel

[16] Le demandeur présenta une demande de permission d’en appeler de la décision de la division générale. La demande inclut 45 pages d’arguments, justifications et détails au sujet des conclusions de la division générale, qui visent à supporter la demande d’interjeter appel du demandeur. La demande inclut aussi trois pages d’information qui visent à expliquer le retard du dépôt de la demande et à examiner les autres critères de la décision Gattellaro.

[17] En ce qui concerne les 45 pages d’arguments et de justifications, en réponse spécifique à la décision de la division générale, la représentante du demandeur conteste les conclusions de la division générale paragraphe par paragraphe. J’ai examiné entièrement et soigneusement les arguments. Bien que plusieurs des arguments du demandeur ont été inclus dans les observations présentées précédemment, je constate que la plupart des arguments du demandeur se résument à ce que la division générale reconsidère et réapprécie la preuve dont elle avait été saisie dans l’espoir qu’elle en tire une conclusion différente. La division d’appel n’est pas en mesure d’apprécier de nouveau la preuve que la division générale a déjà examinée. Comme il est mentionné précédemment au paragraphe 9, les moyens selon lesquels la division d’appel peut accorder la permission d’en appeler ne comprennent pas un nouvel examen de la preuve ayant déjà fait l’objet d’une évaluation par la division générale (Tracey c. Canada (Procureur général), 2015, CF 1300). La division générale a le pouvoir discrétionnaire d’examiner la preuve dont elle dispose, de l’apprécier et de rendre une décision. Lorsque la division générale estime que certains éléments de preuve sont plus fiables ou convaincants que d’autres, elle doit expliquer pourquoi elle accorde la priorité à ces éléments (Canada (Procureur général) c. Fink, 2006 CAF 354). En l’espèce, la décision de la division générale a fourni des justifications expliquant pourquoi elle s’est fondée sur la preuve médicale au dossier.

[18] Le demandeur peut être en désaccord avec les conclusions de la division générale, mais ce désaccord n’est pas un motif pour un appel comme énuméré du paragraphe 58(1) de la LMEDS. La division d’appel n’a pas un grand pouvoir discrétionnaire pour rendre une décision relative à la permission d’en appeler conformément à la LMEDS. De plus, il n’est pas acceptable pour la division d’appel d’évaluer le bien-fondé de la décision de la division générale en déterminant s’il y a lieu d’accorder la permission d’en appeler (Misek c. Canada (Procureur général), 2012 CF 890). Le fait d’accorder la permission d’en appeler selon des moyens qui ne sont pas prévus à l’article 58 de la LMEDS constituerait un exercice inadéquat du pouvoir délégué à la division d’appel (Canada (Attorney General) v. O’Keefe, 2016 FC 503).

[19] Par conséquent, je ne considère pas les arguments que la représentante du demandeur a présentés et, qui essentiellement, demandent que la division générale apprécie à nouveau la preuve que la division générale a déjà examinée. Précédemment dans les paragraphes 15 à 19, j’ai présenté les observations du demandeur, et j’entends les examiner dans ma décision à savoir si une permission d’interjeter appel devrait être accordée, selon les moyens d’appel énumérés au paragraphe 58(1) de la LMEDS.

Analyse

Prorogation de délai pour présenter la demande

[20] Dans l’affaire Gattellano, la Cour fédérale a établi quatre facteurs (présentés précédemment au paragraphe 6) qu’il faut prendre en considération pour déterminer si un délai supplémentaire peut être accordé. Je note que les quatre critères n’ont pas à tous s’appliquer ou être satisfaits pour la partie qui demande une prorogation. Plutôt, la considération primordiale est qu’il en est de l’intérêt de la justice (Larkman). Quant aux quatre critères de l’arrêt Gattellaro, selon l’information que la représentante du demandeur a fournie, j’accorde la prorogation du délai pour la présentation de la demande pour les raisons suivantes :

Est-ce que le demandeur a démontré une intention constante de poursuivre l’appel?

[21] Le demandeur confirma que la décision de la division générale avait été reçue le 23 août 2016. Conformément à l’alinéa 57(1)b) de la LMEDS, les demandeurs ont 90 jours pour présenter une demande de permission d’en appeler à la division d’appel. Ce signifie que le demandeur, en l’espèce, avait jusqu’au 23 novembre 2016 pour présenter sa demande. Sa demande a été reçue le 28 novembre, soit cinq jours après la date limite permise.

[22] C’est un court retard de seulement cinq jours. J’ai écouté l’enregistrement de l’audience de la division générale, et je note qu’à la conclusion de l’audience devant la division générale, le demandeur affirma son intention d’en appeler de la décision de la division générale pour plusieurs raisons. Sa demande présente en détail les raisons. Par conséquent, j’estime que le demandeur a démontré une intention continue de poursuivre un appel.

La cause est-elle défendable?

[23] À cette question, je dois répondre par la négative. Je ne juge pas que le demandeur ait présenté une cause défendable. Mes justifications pour cette conclusion sont présentées en détail ci-dessous où j’examine la seconde question dont je suis saisi, à savoir si le demandeur a soulevé un moyen d’appel qui présente une chance raisonnable de succès. Toutefois, comme je l’ai mentionné précédemment, tous les critères Gattellano n’ont pas à être satisfaits à la faveur du demandeur pour qu’une prorogation soit accordée.

Le demandeur a-t-il fourni une explication raisonnable pour le retard?

[24] La représentante du demandeur fournit une explication compliquée pour expliquer le retard de la présentation de la demande; les raisons auxquelles, comme décrites, on fait référence comme étant un « effet boule de neige » de circonstances. Les explications se lisent comme suit :

[traduction]
La représentante a été reconnue tant par le Régime de pension d’invalidité du Canada que par Indemnisation des travailleurs comme ayant un handicap, car elle est incapable d’occuper régulièrement un emploi véritablement rémunérateur depuis 2008. Le handicap de la représentante est dû à des douleurs chroniques et ce handicap est une des raisons pourquoi la demande d’interjeter appel [du demandeur] a été présentée en retard. Comme souligné précédemment dans la section « Raison du retard de l’avis d’appel » : l’effet boule de neige, cet effet, dans le cas du demandeur, commença plus tôt cette année. Au moment où la DG [division générale] contacta la représentante [du demandeur] pour savoir si nous étions prêts à procéder, la représentante répondit : « pas pour au moins 6 à 8 semaines. » À ce moment-là, la représentante n’avait pas réalisé que ce serait le seul temps où le processus pourrait être reporté. La raison pour ne pas être prêts à ce moment-là venait du fait que la représentante était impliquée, au nom [sic] du demandeur, dans un appel en cours devant le Tribunal de la Commission d’indemnisation des travailleurs. En premier, l’audience du Tribunal de la CIT devait être tenue par comparution en personne. Toutefois, comme celle-ci devait être en janvier 2016, le mode a été changé pour une audience par observations écrites. Les observations écrites n’ont pas été déposées avant la mi-mars 2016. À cause de son handicap, la représentante a eu, à plusieurs reprises, de la difficulté à respecter les échéanciers. Après que les observations écrites aient été déposées au Tribunal de l’Indemnisation des travailleurs, la représentante continua, pour le demandeur, une recherche sur un appel au Régime de pensions du Canada. Il était présumé que l’appel pour des prestations d’invalidité du RPC serait réalisé au moyen d’observations décrites. À cause de son invalidité, la représentante ne fit que respecter l’échéancier pour déposer la preuve à la DG. De plus, les éléments de preuve [du demandeur] pour l’appel au RPC n’ont pas été déposés dans un ordre particulier, essentiellement, un fouillis d’éléments de preuve a été présenté. Durant la même période, le docteur fit une erreur avec une des prescriptions pour le contrôle de la douleur; la représentante avait moins de contrôle sur sa douleur ce qui a fait qu’il était difficile de respecter les échéanciers et de s’occuper des appels.

La chienne qui était décrite comme étant « malade » dans la décision de la DG, a reçu un diagnostic, à la suite de deux biopsies, de myélome multiple en septembre 2015. Finalement elle [la chienne] se retrouva à devoir prendre quotidiennement une médication pour son cancer. Maintenant rendu en mai 2016, [la chienne] se retrouva avec une pyométrite et dû avoir une hystérectomie d’urgence. Maintenant rendu en juin 2016, à la date d’audience du RPC, [la chienne] était en attente d’une opération pour l’ablation de ses glandes mammaires.

Le 25 juin 2016, les glandes mammaires ont été enlevées, incluant 0,75 kg de tumeur. [La chienne] contracta une infection E. coli dans son incision; l’incision avait un peu plus de 50 agrafes pour la garder fermée. Encore le médecin de famille, mais cette fois-ci une tierce partie, le pharmacien, est incluse, [qui fit] que la représentante se retrouva avec beaucoup moins de contrôle sur sa douleur et n’était pas capable de faire autre chose que de prendre soin de [sa chienne]. À cause de la douleur, la représentante était incapable de se concentrer sur autre chose que [sa chienne]; celle-ci avait une mauvaise infection et à cause de cela [la chienne] avait besoin de soins constants. À cause de ces circonstances, je ne veux pas revivre ceci en en parlant si ce n’est pas nécessaire. [La chienne] mourut le 3 septembre 2016 à cause de l’infection.

Le 5 septembre 2016, la représentante reçut une décision de l’arbitre de la CCT qui devait faire l’objet d’un appel dans un délai de 30 jours. La représentante devait s’occuper de cette décision avant de continuer avec celle de la DG datée du 16 août 2016. À cause de son invalidité et des soins donnés à [la chienne], sa douleur mit plus de deux semaines à s’atténuer assez pour pouvoir travailler sur l’appel à la CCT du demandeur.

Le dépôt des observations finales pour l’appel de la décision de la CCT était prévu pour la mi — ou la fin octobre 2016. Le père [du demandeur], atteint de BPCO, a été mis sous respirateur le 22 octobre 2016, [le demandeur], la représentante et les autres membres de la famille ont assisté à la mort de leur père après que le maintien des fonctions vitales soit interrompu. Les observations finales pour l’appel à la CCT ont été remises à la première semaine de novembre. Au courant de tout cela, le premier chien, [premier chien] (âgé de 12,5 ans), [du demandeur] et de la représentante avait des problèmes respiratoires depuis février 2016; problèmes qui s’aggravaient. Vers la fin octobre 2016, le vétérinaire fit une ordonnance de Prednisone pour le [premier chien] dans l’espoir de soulager sa « paralysie du larynx ». [Le premier chien] avait des attaques durant lesquelles il avait besoin d’être calmé et tranquillisé pour pouvoir reprendre son souffle et ceci prenait un temps considérable à chaque fois. Le dimanche 20 novembre 2016, R. W. mourut en milieu d’après-midi. La mort du [premier chien] se fit sentir durant ces derniers jours. Le demandeur et la représentante avaient à préparer l’enterrement ce qui demanda beaucoup de temps, augmentant les symptômes de douleur durant ce processus. Une fois de plus, à moins que ça ne soit nécessaire, je préfère ne pas avoir à revivre ce moment.

De plus durant tout ceci, la représentante essaya d’aider leur mère de 81 ans pour quelques jours et pour cette raison la douleur de la représentante augmenta considérablement au point où la représentante ne pouvait rien faire à la maison, pas même se nourrir ou se laver par elle-même.

[25] La représentante du demandeur a identifié plusieurs éléments et circonstances qui ont nui aux efforts du demandeur à présenter sa demande dans le délai prévu. Je n’ai pas demandé de documents ou d’éléments de preuve additionnels pour confirmer l’état de santé de la représentante, la mort des deux chiens, le décès du père du demandeur ou si effectivement la représentante offrit d’assister sa mère âgée. Je suis convaincu que la représentante du demandeur a fourni une explication raisonnable pour le retard lié au fait que la demande a été présentée tardivement et je garde à l’esprit que le retard n’est que de cinq jours.

Est-ce qu’accorder une prorogation pourrait causer un préjudice à l’autre partie?

[26] La représentante du demandeur a soutenu qu’aucun préjudice ne résulterait d’une prorogation du délai. Je suis d’accord que si j’accordais une brève extension pour présenter la demande, le défendeur n’encourait aucun préjudice.

[27] Étant donné que les trois critères Gattellano sont satisfaits et la considération primordiale relative à l’intérêt de la justice étant respectée, j’autorise la prorogation du délai pour la présentation de la demande de permission d’en appeler.

[28] Je dois maintenant décider si la demande de permission d’en appeler devrait être accueillie.

L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

1re observation : la division générale n’a pas suivi le code de conduite des membres du Tribunal et le cadre d’évaluation de l’invalidité du Régime de pensions du Canada, ce qui a résulté en un manquement à la justice naturelle conformément à l’alinéa 58(1)a) de la LMEDS.

[29] La représentante du demandeur a affirmé que le membre de la division générale n’avait pas adhéré aux dispositions prévues par le code de conduite des membres du Tribunal de la sécurité sociale (Code) et le cadre d’évaluation de l’invalidité du Régime de pensions du Canada (Cadre). Je reconnais qu’un manquement au Code ou au cadre ne constitue pas en soi un motif d’appel conformément à la LMEDS. Toutefois, les exigences auxquelles les membres du Tribunal devraient se conformer sont enchâssées dans le Code et le Cadre. Ces exigences visent à s’assurer que les demandeurs jouissent d’un processus d’appel juste, transparent, crédible et impartial et que les demandeurs ont l’occasion de présenter entièrement et équitablement leur cause devant le Tribunal.

[30] La représentante du demandeur a affirmé que, devant la division générale, « l’audience était injuste du début à la fin. » Elle fit valoir que le membre de la division générale dans son message téléphonique initial « semblait mécontent » et excessivement informel. La représentante affirma aussi que la division générale refusa de s’engager dans un « débat » au sujet de la preuve et lorsque le défendeur indiqua quelque chose ou posa une question au demandeur, « le [demandeur] n’était pas capable de répondre, car le décideur trouvait que la réponse était un gaspillage de son temps. » La représentante a fait plusieurs allégations très sérieuses. Elle a soutenu que :

[traduction]
« Le décideur refusa de permettre à la représentante du [demandeur] de le représenter. Le décideur força littéralement le [demandeur] de se représenter lui-même. Le demandeur n’était pas préparé à se représenter lui-même.
La représentante demanda au décideur s’il était possible de reporter l’audience pour que le demandeur puisse se préparer convenablement, car je devais être la représentante et, de toute évidence, le demandeur n’était pas préparé à se représenter lui-même.

La représentante dit que le demandeur avait le droit d’être représenté, c’est pourquoi le formulaire d’autorisation de représentation/de divulgation avait été déposé pour cet appel. Le décideur indiqua : « Le demandeur n’a pas à être représenté et il est présent de toute façon, il peut se représenter lui-même et tout ce que la représentante dit, je ne le considérerai pas. »

[31] Comme je l’ai déjà indiqué, j’ai écouté l’enregistrement de l’audience tenue devant la division générale et je ne trouve pas que la représentante du demandeur a détaillé correctement ce qui a été dit durant l’audience. Je n’entends pas le ton mécontent dans la voix du membre de la division générale et n’entends pas non plus le refus du membre d’écouter les éléments de preuve de la représentante du demandeur ou qu’il affirme qu’il ne considérera pas les éléments de preuve donnés par la représentante. Je confirme toutefois que la division générale expliqua que le demandeur devait présenter ses propres éléments de preuve. La représentante a été informée qu’elle pouvait lui poser des questions, mais qu’elle ne pouvait pas fournir d’éléments de preuve au nom du demandeur. La représentante voulait aussi agir comme témoin du demandeur. La division générale expliqua que son rôle comme témoin était différent de son rôle de représentante pour le demandeur. Elle aurait donné des éléments de preuve sur ses observations personnelles au sujet du demandeur et la division générale rappela à la représentante qu’il ne lui était pas permis de donner des éléments de preuve au nom du demandeur. La division générale essayait de s’assurer que les éléments de preuve présentés n’étaient pas de la preuve par ouï-dire. Un élément de preuve dont la représentante n’a aucune connaissance personnelle ou qui lui aurait été dit par le demandeur doit être considéré comme preuve par ouï-dire qui n’a pas de valeur probante. Bien que la représentante ait pu interpréter ceci comme étant des obstacles à sa capacité de représenter le demandeur, ceci ne constitue pas une erreur de la part du membre de la division générale.

[32] La représentante a fait valoir que le demandeur n’avait pas été « préparé » à répondre aux questions posées par le membre de la division générale durant l’audience. Cependant, la division générale indique au paragraphe 18 de la décision que « [l]e demandeur n’a pas fait d’objection à faire son propre témoignage et à répondre par lui-même aux questions. » De plus, à l’écoute de l’enregistrement de l’audience de la division générale, je note que les questions qui ont été posées durant l’audience ne nécessitaient pas la moindre préparation. Il a été demandé au demandeur de se rapporter les détails liés à son état de santé et à ses conditions de travail. Il n’y a pas d’éléments de preuve au dossier qui révèlent que le demandeur a souffert de problèmes avec sa mémoire ou son fonctionnement cognitif qui auraient nécessité d’être accommodés par la division générale ou qui auraient justifié une préparation particulière de la part du demandeur. Le demandeur a le fardeau de prouver sa prétention à savoir qu’il est en droit de recevoir une pension d’invalidité du RPC. Ce fardeau vient avec l’obligation de présenter suffisamment de preuve pour que le juge des faits (en l’espèce, la division générale) puisse examiner la demande contestée et décide s’il y a assez d’éléments de preuve pour faire pencher la balance en faveur du demandeur. En l’espèce, le témoignage du demandeur ainsi que la preuve documentaire n’ont pas réussi à le faire.

[33] Je ne suis pas prêt à accueillir la demande de permission d’interjeter appel sur le moyen voulant que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle. Je ne constate pas que le demandeur ait été empêché de présenter entièrement et équitablement sa cause, de quelque manière que ce soit, par un manquement de la part de la division générale à respecter les procédures d’audience, les règles de preuve ou la conduite appropriée pour un membre du Tribunal.

[34] La permission d’en appeler n’est pas accordée suivant ce moyen d’appel.

2e observation : la division générale a-t-elle erré en droit, selon l’alinéa 58(1)b) de la LMEDS, en n’examinant pas le [traduction] « critère de crédibilité »?

[35] La représentante du demandeur fait valoir que la division générale a erré en droit en n’examinant pas le « critère de crédibilité » qui doit être considéré, conformément aux justifications dans l’affaire Scott. Dans cette affaire, la Cour détermina que l’arbitre avait tiré sa conclusion de manière déraisonnable en utilisant une approche fautive pour évaluer la crédibilité. La représentante du demandeur semble sous-entendre qu’il existe un « critère de crédibilité » réel qui doit être examiné par un décideur lors d’une audience et lors de la prise de décision. Un tel critère n’existe pas.

[36] Pour évaluer la crédibilité, la division générale doit considérer l’ensemble de la preuve documentaire et elle doit donner des raisons spécifiques à l’importance relative accordée aux éléments de preuve fournis. La division générale doit aussi justifier l’importance accordée au témoignage oral que le demandeur et les témoins font. L’évaluation de la crédibilité ne peut être basée sur un critère intangible, sur une perspective personnelle ou sur une « notion » intuitive. Elle doit être fondée sur la preuve et doit être articulée dans la décision. Je constate que la division l’a fait.

[37] Au paragraphe 20 de la décision, la division générale explique pourquoi une importance plus grande a été donnée à la preuve au dossier comparativement au témoignage oral fait durant l’audience et les raisons se lisent comme suit :

[traduction]
[20] À la lumière du témoignage oral, il était difficile d’obtenir une description claire et cohérente des évènements menant à la demande de prestations d’invalidité du RPC du demandeur. La preuve du demandeur était clairsemée et la conjointe était combative et incohérente lors de la discussion traitant des blessures du demandeur, de ses traitements et de son état de santé actuel. Je me suis appuyé grandement sur la documentation écrite pour identifier les évènements les plus significatifs chronologiquement liés à l’appel du demandeur.

[38] J’ai déjà indiqué que la division générale a le pouvoir discrétionnaire d’examiner la preuve dont elle dispose, de l’apprécier et de rendre une décision. Lorsque la division générale estime que certaines preuves sont plus fiables que d’autres, elle doit expliquer pourquoi elle accorde la priorité à ces preuves (Fink). Je ne constate pas que la division générale a omis de considérer et d’examiner la crédibilité de la preuve mise à sa connaissance et je ne juge pas que la division générale erra en droit.

[39] La permission d’en appeler n’est pas accordée suivant ce moyen d’appel.

3e observation : la division d’appel n’a pas observé un principe de justice naturelle, car le demandeur n’a pu, par un processus d’audience devant la division générale, plaider sa cause justement et complètement devant la division générale.

[40] J’ai déjà examiné cette question, sous la rubrique intitulée 1re observation. Je ne juge pas, à l’écoute de l’enregistrement de l’audience tenue devant la division générale, que le demandeur s’est vu refuser l’occasion de présenter sa cause pleinement et équitablement.

[41] J’ajouterai à ces commentaires que les affaires dont est saisi le Tribunal sont censées se dérouler de « la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent », conformément à l’alinéa 3(1)a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale. L’audience tenue par la division générale prit plus de deux heures ce qui est beaucoup plus long que normalement prévu pour les audiences. C’est la responsabilité du membre du Tribunal de s’assurer que les audiences soient tenues de manière méthodique et efficace. Il peut être de l’avis de la représentante qu’elle et le demandeur n’ont pas été capables de se préparer complètement pour le processus d’audience, qu’ils auraient dû avoir tout le temps nécessaire pour chercher les documents et répondre aux questions. Toutefois ce n’est pas une erreur de la part de la division générale de ne pas vouloir tenir une audience ouverte qui n’ait pas de limite de temps.

4e observation : la division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’appliquer correctement les arrêts Villani et D’Errico, ce qui constituerait un moyen d’appel conformément à l’alinéa 58(1)b) de la LMEDS?

[42] La Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Villani, affirme, au paragraphe 38, « qu’à mon avis, il s’ensuit que les occupations hypothétiques qu’un décideur doit prendre en compte ne peuvent être dissociées de la situation particulière du requérant, par exemple son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie. » C’est le « contexte réaliste » qui doit être considéré lors de l’évaluation d’une invalidité aux termes du RPC. L’arrêt Villani prévoit le critère pour déterminer l’invalidité au titre du RPC. Selon cet arrêt, le critère pour déterminer la gravité d’une invalidité n’est pas qu’une invalidité soit « totale », mais bien qu’elle soit évaluée dans un contexte « réaliste » en tenant compte de certains facteurs qui peuvent avoir un impact sur la capacité d’un individu à décrocher ou à conserver un emploi. Des facteurs, comme l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents professionnels et l’expérience de vie du demandeur, doivent être pris en considération pour déterminer si un demandeur est invalide selon le RPC. Les demandeurs de pension d’invalidité au titre du RPC doivent produire une preuve médicale objective de leur invalidité (Warren c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 377).

[43] Un problème de santé chez un demandeur n’est pas une caractéristique personnelle que la Cour d’appel fédérale considéra dans l’arrêt Villani. Pour qu’il puisse être considéré comme invalide au sens du RPC, un demandeur doit d’abord démontrer qu’il est atteint d’un problème de santé sérieux et possiblement débilitant. Un décideur évalue ensuite la gravité de la prétendue invalidité en tenant compte des facteurs de l’arrêt Villani, lesquels comprennent les caractéristiques personnelles; c’est ce que la division générale a fait. Aux paragraphes 45 et 46 de la décision, la division générale indique :

[traduction]
[45] Le critère de la gravité doit être évalué dans un contexte réaliste (Villani c. Canada (Procureur Général), 2001 CAF 248). Cela signifie que pour déterminer si l’invalidité d’un demandeur est grave, je dois tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau de scolarité, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie.

[46] Le demandeur n’a pas identifié, et je ne peux trouver, de facteurs comme ceux considérés dans l’arrêt Villani dont je devrais tenir compte pour décider si le demandeur a une invalidité sévère.

[44] Le demandeur avait 29 ans au moment de la date de fin de sa période minimale d’admissibilité et avait travaillé comme ouvrier pendant plusieurs années. En 2009, après avoir arrêté de travailler, il planifia retourner aux études, mais sans financement adéquat, il n’a pas été capable d’aller de l’avant avec son plan de recyclage. Il n’avait pas de problème à s’exprimer et il était marié. Aucun de ces facteurs n’a un impact sur la capacité du demandeur à décrocher ou à conserver toute occupation « véritablement rémunératrice ».

[45] Au paragraphe 49 de l’arrêt Villani, la Cour d’appel fédérale a affirmé que « [l]'évaluation de la situation du requérant est une question de jugement sur laquelle la Cour hésite à intervenir. » J’hésite aussi à intervenir avec la décision de la division générale en ce qui concerne son évaluation des facteurs de l’arrêt Villani à moins que la représentante du demandeur n’ait identifié une erreur de droit spécifique. Je ne constate aucune erreur à la lecture du dossier.

[46] La représentante fit aussi valoir que la division générale erra en droit en ne suivant pas la justification de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt D’Errico. Cette affaire porte sur une décision de l’ancienne Commission d’appel des pensions (CAP), maintenant remplacée par la division d’appel du Tribunal. Dans cette affaire, un contrôle judiciaire était sollicité pour une décision de la CAP. La Cour d’appel fédérale conclut que la CAP n’avait pas totalement considéré la justification et le fondement probatoire sur lesquels l’ancien Tribunal de révision (maintenant la division d’appel du Tribunal) avait fondé ses conclusions à savoir que le demandeur n’avait pas fait la preuve qu’il avait une invalidité « grave et prolongée » selon le RPC. La Cour jugea que la CAP n’avait pas démontré qu’elle avait « épluché la preuve médicale pour voir si le critère juridique était satisfait. »

[47] En l’espèce, toutefois, je ne constate pas que la division générale a omis de débattre de la preuve médicale qui lui avait été présentée. Je juge que la division générale a démontré que la preuve médicale au dossier avait été attentivement examinée et considérée. À l’audience, la division générale questionna le demandeur au sujet de détails particuliers trouvés dans les éléments de preuve médicale. Le demandeur n’était pas capable de fournir d’éléments de preuve mettant en doute l’opinion établie par la preuve médicale à savoir qu’il avait conservé la capacité de travailler.

[48] Par conséquent, je ne juge pas que ce moyen d’appel confère une chance raisonnable de succès.

5e observation : la division générale a-t-elle omis de présenter des justifications adéquates pour ses conclusions?

[49] La représentante du demandeur a soutenu que la division générale n’avait pas donné de justifications adéquates à ces conclusions, ce qui constituerait un manquement à un principe de justice naturelle selon l’alinéa 58(1)a) de la LMEDS.

[50] La question en litige devant la division générale était de déterminer si l’état de santé du demandeur, le ou avant le 31 décembre 2009, le rendait incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. En décidant de cette question, la division générale considéra s’il y avait tout avis médical (appuyé par des tests ou d’autres éléments de preuve) ou toute évaluation fonctionnelle démontrant que le demandeur n’avait pas la capacité de travailler. Il n’y en avait pas. En concluant que le demandeur avait conservé une capacité de travailler, la division générale avait également considéré si le demandeur avait fait des efforts pour trouver un emploi qui convient à ses limites ou s’il avait tenté de se recycler, mais n’en avait pas été capable à cause de son état de santé (Inclima c. Canada (Procureur Général), 2003 CAF 117). Le demandeur n’en avait pas fait.

[51] À défaut d’une explication raisonnable pour ne pas l’avoir fait, il est attendu que les demandeurs sollicitant une pension d’invalidité du RPC doivent suivre les conseils de leurs médecins traitants relativement aux médicaments d’ordonnance et à tout autre traitement visant à soulager les problèmes de santé qui les ennuient (Kambo c. Canada (Développement des ressources humaines), 2005 CAF 353). La division générale doit aussi considérer quel impact un refus déraisonnable aurait sur son invalidité (Lalonde c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2002 CAF 211).

[52] La division générale indiqua, aux paragraphes 54 et 55 que :

[traduction]

[54] Le demandeur mentionna qu’il n’avait pas à suivre de conseils médicaux. Il suggéra que c’était un choix personnel et qu’il ne tenait qu’à lui de décider de participer ou non au traitement. [...]

[55] Si, comme le demandeur l’a témoigné, il refusait le traitement recommandé parce qu’il était incapable de le payer, ceci pourrait être un refus raisonnable. Toutefois en l’espèce, il y a des éléments de preuve à savoir qu’il n’a pas participé aux séances de physiothérapie payées par le CCT et recommandées par Dr Wong. Dr Wong rapporta que les délais dans ses traitements de physiothérapie avaient retardé le rétablissement du demandeur.

[53] Après avoir évalué l’état de santé du demandeur et avoir jugé qu’il avait conservé une certaine capacité à travailler, la division générale s’interrogea à savoir si le demandeur avait tenté de décrocher un emploi adapté à ses limites ou de se recycler dans une occupation plus sédentaire. La division générale a aussi examiné si le demandeur avait fait des efforts pour améliorer son état de santé. Toutes les conclusions de la division générale à ce sujet sont présentées dans la décision. Je ne juge pas que les constatations de la division générale manquent de justifications.

[54] Il ne s’agit pas d’un moyen selon lequel j’accorde la permission d’en appeler.

Conclusion

[55] Une prorogation du délai prévu pour présenter une demande de permission d’en appeler est accordée, car j’ai constaté que le demandeur avait prouvé une intention constante de poursuivre l’appel, qu’il a fourni une explication raisonnable pour le retard et qu’aucun préjudice ne serait causé si une prorogation est accordée. Je ne juge pas que le demandeur a démontré une cause défendable en l’espèce. Toutefois, dans l’intérêt de la justice, je permets une prorogation du délai pour déposer une demande de permission d’en appeler.

[56] Je ne considère pas que le demandeur a invoqué un moyen d’appel qui présente une chance raisonnable de succès. Par conséquent, bien que j’aie accordé une prorogation du délai pour présenter un appel, la demande de permission d’en appeler est refusée.

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