Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Contexte

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision rendue le 29 juin 2016 par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal), qui a refusé de lui accorder une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). La division générale a conclu que le demandeur n’avait pas démontré qu’il était atteint d’une invalidité « grave » au sens de l’alinéa 42(2)a) du RPC.

[2] Conformément à l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les demandeurs peuvent présenter une demande de permission d’en appeler à la division d’appel dans les 90 jours suivant la date où ils reçoivent communication de la décision de la division générale. Compte tenu des délais habituels de livraison du courrier au Canada, les décisions sont généralement réputées reçues 10 jours après la date à laquelle elles sont rendues. En l’espèce, la décision a été réputée reçue en date du 9 juillet 2016, ce qui signifiait que la demande de permission d’en appeler devait être présentée au plus tard le 7 octobre 2016. C’est seulement le 13 octobre 2016 qu’une demande de permission d’en appeler incomplète a été reçue, vraisemblablement après l’échéance du délai de 90 jours fixé pour la présentation de la demande.

[3] Le Tribunal a envoyé au représentant du demandeur une lettre lui demandant de soumettre les renseignements manquants, à savoir une déclaration signée par le demandeur, confirmant que le contenu de sa demande était, à sa connaissance, véridique. La lettre précisait que la demande serait considérée comme reçue et complète en date du 13 octobre 2016 si ladite déclaration était reçue au plus tard le 18 novembre 2016. Le Tribunal a reçu la déclaration signée le 10 novembre 2016. La demande tardive a été réputée reçue le 13 octobre 2016.

[4] Le Tribunal a reçu une lettre datée du 15 décembre 2016 de la part du défendeur, qui concédait que la demande devait être considérée comme « communiquée » au demandeur à la date à laquelle son représentant avait confirmé la réception de la décision, soit le 15 juillet 2016 et non le 9 juillet 2016. Le défendeur concède donc que la demande a été reçue dans le délai de 90 jours fixé par la Loi sur le MEDS et que le demandeur ne devrait pas avoir à demander une prorogation du délai de présentation de la demande. Le représentant du demandeur a également déposé une copie de la lettre du Tribunal à laquelle était jointe la décision, et a confirmé qu’elle avait été estampillée par son cabinet le jour de sa réception. La lettre estampillée montre que le bureau du représentant l’a reçue le 15 juillet 2016.

[5] Comme les parties s’entendent pour dire que la décision de la division générale a été communiquée au demandeur le 15 juillet 2016 plutôt que le 9 juillet 2016 et affirment aussi que la demande a été présentée dans le délai de 90 jours, j’estime qu’il n’est pas nécessaire que je fournisse une analyse visant à déterminer si la prorogation de délai devrait être accordée. Je juge que la demande a été présentée dans le délai fixé par la Loi sur le MEDS, et une demande de délai supplémentaire pour présenter la demande au titre du paragraphe 57(2) de la Loi sur le MEDS n’est pas nécessaire.

Question en litige

[6] La seule question que je dois trancher est de savoir si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[7] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS, « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et « [la division d’appel] accorde ou refuse cette permission. » Statuer sur une demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une instruction de l’affaire sur le fond, et cette demande est un premier obstacle à surmonter pour un demandeur. Cet obstacle est cependant moins imposant que l’obstacle à surmonter lorsque l’appel est instruit sur le fond.

[8] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ». Le demandeur doit établir qu’il existe un motif défendable de donneréventuellement gain de cause à l’appel (Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 1999 CanLII 8630). La question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique (Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41; Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63).

[9] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Observations

[10] Le demandeur a soutenu que la division générale a commis plusieurs erreurs de droit, pour l’application de l’alinéa 58(1)b) de la Loi sur le MEDS. Plus précisément, le demandeur soutient ce qui suit :

  1. i. La division générale a erré du fait qu’elle n’a pas qualifié M. G., avocat et professeur au collégial, d’expert pour évaluer la capacité du demandeur à lire et à écrire;
  2. ii. La division générale a erré dans la façon dont elle a appliqué les décisions rendues par la cour dans Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117, et Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, en concluant que le demandeur n’avait pas démontré qu’il avait essayé de trouver un emploi qui convienne à ses limitations et qu’il n’avait pas démontré qu’il avait saisi des occasions de recyclage;
  3. iii. La division générale n’a pas bien tenu compte des emplois qui conviendraient au demandeur à la lumière de sa situation personnelle et de son état de santé.

Analyse

La division générale a-t-elle erré du fait qu’elle n’a pas qualifié d’expert M. G.?

[11] Le dossier de preuve comprenait une lettre datée du 10 mai 2013 de M. G., qui confirme qu’il connaissant le demandeur depuis 1997. Monsieur M. G. aide le demandeur à lire les lettres qu’il reçoit, et à remplir des documents écrits comme des formulaires et des demandes. Le demandeur a besoin d’aide, et il ne peut pas lire ou écrire en raison de sa dyslexie. Le représentant du demandeur a soutenu que la division générale aurait dû qualifier M. G. d’expert. Il soutient également que la preuve contenue dans la lettre de mai 2013 aurait dû être admise au dossier, et que toute faiblesse dans les compétences de M. G. pour être un témoin aurait dû être abordée dans le cadre de l’appréciation du poids de cette preuve plutôt que relativement à la recevabilité de cette preuve. Le représentant invoque ces arguments en se fondant sur R. c. Marquard, [1993] 4 RCS 223, 1993 CanLII 37 (CSC), où la Cour, citant R. c. Béland, [1987] 2 RCS 398, 1987 CanLII 27 (CSC), a affirmé que la seule condition à l’admission d’une opinion d’expert est que « le témoin expert possède des connaissances et une expérience spéciales qui dépassent celles du juge des faits. »

[12] Le représentant du demandeur a également présenté l’extrait qui suit, tiré des pages 536-537 de l’ouvrage intitulé The Law of Evidence in Canada (1992) :

[traduction]

La recevabilité du témoignage [d’expert] ne dépend pas des moyens grâce auxquels cette compétence a été acquise. Dans la mesure où elle est convaincue que le témoin possède une expérience suffisante dans le domaine en question, la cour ne se demandera pas si cette compétence a été acquise au moyen d’études précises ou d’une formation pratique, bien que cela puisse avoir un effet sur le poids à accorder à la preuve.

[13] D’après la jurisprudence qui précède concernant la preuve de témoins experts, le représentant du demandeur avance que la division générale aurait dû considérer monsieur M. G. comme un expert compte tenu de son expérience comme avocat et comme professeur au collégial. Selon le représentant, il possède une vaste expérience, en tant que professeur de niveau collégial, dans l’évaluation des aptitudes en lecture et en écriture chez des adultes. Même si monsieur M. G. n’a pas suivi de formation officielle pour évaluer les aptitudes d’individus à lire et à écrire, de même que leur capacité à pouvoir apprendre à lire et à écrire, le représentant soutient qu’il devrait être considéré comme un expert en raison de ses 10 années d’expérience comme professeur au collégial. Il soutient aussi qu’un poids considérable devrait être accordé la preuve de celui-ci.

[14] Vu la position du représentant sur la question de savoir si monsieur M. G. devrait être considéré comme un expert, je me reporte à la décision rendue plus récemment par la Cour suprême dans R. c. Mohan, [1994] 2 RCS 9, 1994 CanLII 80 (CSC). Dans cette décision, la Cour suprême a énoncé le critère juridique pour qu’une personne soit qualifiée pour livrer un témoignage d’expert dans le cadre d’un procès criminel. Le même critère juridique devrait être appliqué en l’espèce. Le témoignage d’un expert est établi d’après les quatre critères suivants :

  1. la pertinence;
  2. la nécessité d’aider le juge des faits;
  3. l’absence de toute règle d’exclusion;
  4. la qualification suffisante de l’expert.

[15] Considérant ces quatre critères en l’espèce, je juge que la preuve proposée qui devait être présentée par monsieur M. G. était manifestement pertinente aux conclusions de la division générale. Son opinion portait sur l’incapacité du demandeur à lire et écrire seul, de même que sur sa capacité à être formé pour le faire dans l’avenir.

[16] De plus, j’estime que la preuve de monsieur M. G. avait une certaine valeur probante du fait qu’elle pouvait aider la division générale à déterminer si le demandeur était capable de se recycler dans le but d’occuper un travail davantage sédentaire dans l’avenir. Monsieur M. G. aidait le demandeur avec ses affaires personnelles depuis plus de 16 ans, ce qui révèle une certaine connaissance spéciale pertinente à la décision de la division générale. Monsieur M. G. détenait un certain savoir qui ne serait pas disponible autrement.

[17] Cela dit, la pertinence de la preuve n’est pas le seul facteur à considérer pour déterminer si la preuve de monsieur M. G. est recevable à titre d’opinion d’expert et si elle était nécessaire pour aider la division générale. Dans Mohan, la Cour suprême a affirmé que « [l]a preuve d’expert risque d’être utilisée à mauvais escient et de fausser le processus de recherche des faits. » À ce sujet, la division générale note, au paragraphe 50 de sa décision, qu’une évaluation psychoprofessionnelle et une évaluation sur deux jours de capacités fonctionnelles (qui, selon le rapport d’évaluation préparé en mars 2012 par le docteur Alpert, avaient été effectuées aux fins des assurances) n’avaient pas été comprises dans le dossier de preuve. Les rapports n’avaient pas été déposés comme le représentant du demandeur avait décidé de ne pas les inclure, puisqu’ils étaient, selon lui, [traduction] « tendancieux ». Comme deux rapports pertinents ont été exclus du dossier, et compte tenu du fait que l’opinion de monsieur M. G. constituait la seule preuve selon laquelle le demandeur n’avait pas la capacité de détenir un emploi rémunérateur ou de se recycler, j’ai conscience qu’il ne faudrait pas accorder une valeur indue à l’opinion de monsieur M. G. Puisque le représentant a retenu ces deux autres rapports, il est impossible d’évaluer objectivement la valeur de la preuve de monsieur M. G. et, à la fois, de juger que la preuve de monsieur M. G. était nécessaire, c’est-à-dire que la division générale aurait été incapable de tirer une conclusion satisfaisante sans disposer de son opinion.

[18] Je juge qu’il n’y a pas lieu d’appliquer une règle d’exclusion.

[19] Enfin, il a été établi dans Marquard comme dans Mohan que, pour qu’un témoin puisse être qualifié d’expert, il doit disposer de renseignements qui n’étaient pas disponibles au juge des faits; il n’est pas nécessaire qu’il ait une expérience approfondie et hautement sophistiquée et de nombreux titres universitaires dans le domaine concerné. Cependant, dans Mohan, la cour a affirmé que, pour être dûment qualifiée d’opinion d’expert, « [l]a preuve doit être présentée par un témoin dont on démontre qu’il ou elle a acquis des connaissances spéciales ou particulières grâce à des études ou à une expérience relatives aux questions visées dans son témoignage. »

[20] S’il se peut très bien que monsieur M. G. soit compétent en tant qu’avocat et professeur au collégial pour évaluer les aptitudes d’adultes à lire et à écrire à un niveau collégial, rien ne prouve qu’il détienne des connaissances « spéciales ou particulières » relativement aux aptitudes à lire et à écrire des personnes atteintes de dyslexie, ou à leur capacité à être formées pour lire et écrire. À la lumière de la décision rendue dans Mohan, je juge qu’il n’était pas qualifié pour être un expert quant aux effets de la dyslexie du demandeur sur sa capacité à travailler ou à se recycler.

[21] Le représentant du demandeur a soutenu que la division générale a erré du fait qu’elle n’a pas admis la preuve de monsieur M. G. à titre d’opinion d’expert, mais je juge que cet argument n’a aucune chance raisonnable de succès. La permission d’en appeler n’est pas accordée pour ce motif.

La division générale a-t-elle mal appliqué Inclima et Villani?

[22] Le représentant du demandeur a soutenu que la division générale a commis une erreur de droit puisqu’elle aurait mal appliqué les causes Inclima et Villani. Il soutient que la division générale, en appliquant Inclima, a évalué la capacité du demandeur à travailler en fonction d’une norme démesurément élevée.

[23] Le représentant prétend également que la division générale a mal appliqué l’arrêt Villani, comme elle n’a pas tenu compte de l’incidence de la situation particulière du demandeur, concurremment à son état de santé, sur sa capacité régulière à détenir une occupation rémunératrice.

[24] L’arrêt Villani énonce le critère permettant d’établir l’invalidité au sens du RPC. Conformément à Villani, le critère servant à déterminer si une personne est atteinte d’une invalidité grave n’est pas qu’une invalidité soit « totale », mais qu’elle soit évaluée dans un contexte « réaliste ». Des facteurs tels que l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents professionnels et l’expérience de vie d’un requérant doivent être considérés pour déterminer si le requérant est invalide au sens du RPC. Cela dit, il ne suffit pas d’affirmer simplement que les facteurs de Villani ont été considérés avec soin. Il doit s’avérer manifeste, à la lecture de la décision de la division générale, que celle-ci a pris en considération les facteurs de Villani à la lumière de la situation particulière d’un requérant. L’employabilité d’une personne doit être évaluée eu égard à toutes les circonstances, y compris les principes établis dans Villani, et l’état de santé du requérant doit être évalué dans son ensemble (Bungay c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47). La Cour d’appel fédérale a explicité les principes de l’arrêt Villani dans l’arrêt Inclima, soulignant qu’un requérant qui cherche à démontrer qu’il souffre d’une invalidité grave au sens du RPC doit fournir la preuve d’un problème de santé sérieux et, s’il existe une capacité de travail, doit également démontrer que les efforts déployés pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux en raison de ce problème de santé. Ce n’est pas l’incapacité du demandeur à occuper son emploi habituel qui compte, mais plutôt son incapacité à occuper toute occupation « véritablement rémunératrice », quelle qu’elle soit (Klabouch c. Canada (Ministre du Développement social), 2008 CAF 33).

[25] En l’espèce, la division générale a conclu ce qui suit aux paragraphes 47, 48 et 51 de sa décision :

[traduction]

[47] La preuve démontre que l’appelant souffrait depuis longtemps d’une douleur chronique au dos, laquelle l’empêche de maintenir l’emploi, exigeant sur le plan physique, qu’il occupait comme poseur de moquette et de revêtements de plancher. La preuve démontre également que son état de santé est relativement stable depuis les 10 dernières années et qu’il travaille à temps partiel comme peintre de maisons à son compte, emploi qui lui rapporte environ 10 000 $ par année. Il travaille à raison de 10 à 15 heures par semaine, peut travailler selon l’horaire qui lui convient, ne déplace pas de meubles et n’installe pas le ruban masque.

[48] L’appelant a admis qu’il n’avait pas essayé de trouver un emploi mon exigeant sur le plan physique et affirme que c’était parce qu’il ne pouvait occuper aucun autre emploi. Il se fonde principalement sur sa dyslexie qu’il l’empêche de lire et d’écrire, mais également sur son expérience de travail limitée, qui se restreint à du travail de type manuel, ainsi que sur faible niveau d’instruction.

[…]

[51] L’appelant n’a pas démontré qu’il n’a pas la capacité régulière résiduelle pour occuper un autre type d’emploi, moins exigeant que son travail à son compte de peintre de maisons. Il a reconnu ne pas avoir fait d’efforts à cet effet, et le Tribunal conclut donc qu’il n’a pas rempli le critère énoncé dans l’arrêt Inclima, susmentionné.

[26] Il doit être jugé que la personne qui demande une pension d’invalidité en vertu du RPC a une capacité à travailler, et également que cette capacité est régulière. C’est la capacité à travailler, et non l’occupation comme telle, qui doit être régulière. Le représentant du demandeur soutient que la conclusion de la division générale, selon laquelle le demandeur n’avait pas démontré qu’il avait fait des efforts pour trouver un emploi et le conserver, est contraire à la preuve. Il a soutenu qu’il s’agit là d’une erreur de droit, mais celui-ci semble plus exactement soutenir que la division générale a fondé sa conclusion sur une conclusion de fait erronée qu’elle a tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, pour l’application de l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS. Le représentant soutient également que les efforts déployés par le demandeur pour conserver son emploi à temps partiel de peintre, supposant des tâches légères, ont été infructueux en raison de son problème de santé reconnu.

[27] J’estime que cet argument est valable. Avant d’être impliqué dans un accident de motoneige, le demandeur travaillait à temps plein comme poseur de moquette et de revêtements de plancher, et il devait parfois « lancer » un rouleau de moquette de 200 livres sur ses épaules. Après son accident, il avait essayé de reprendre son emploi de poseur de moquette, son emploi de choix, à temps partiel, mais il avait trouvé que l’emploi était trop exigeant d’un point de vue physique. En 2010, le demandeur avait commencé à travailler à temps partiel comme peintre de maisons. Il travaille au taux horaire de 15 $ et peut habituellement travailler de 10 à 15 heures par semaine. Le demandeur a précisé qu’il est parfois incapable de travailler autant d’heures en raison de son dos. Il a déclaré des gains de 10 000 $ par année. Il a aussi rapporté avoir perdu des clients parce qu’il avait été incapable de terminer certains contrats aussi rapidement qu’ils le lui avaient demandé.

[28] Si je remarque que le dossier contient des éléments de preuve médicale montrant que le demandeur a conservé une certaine capacité à occuper un travail léger à temps partiel, il contient également des preuves montrant qu’il a essayé d’occuper ce type d’emploi depuis 2010 comme peintre de maisons. Je note aussi que la preuve au dossier donne à penser que le demandeur n’est pas régulièrement capable de détenir son occupation de peintre de maisons puisque, même s’il peut travailler de 10 à 15 heures certaines semaines, il y a d’autres semaines où il est forcé à travailler moins d’heures en raison de son dos.

[29] Même si le demandeur a continué à travailler comme peintre de maisons à temps partiel, le revenu qu’il est capable d’en tirer ne peut pas être considéré comme « véritablement rémunérateur ». Dans sa décision, la division générale n’a pas abordé ce critère pour déterminer si le demandeur était invalide au sens du RPC. Le représentant du demandeur n’a pas soulevé cette question non plus mais, conformément à l’alinéa 58(1)b) de la Loi sur le MEDS, les moyens d’appel devant la division d’appel comprennent les erreurs de droit, que celles-ci ressortent ou non à la lecture du dossier.

[30] Comme je l’ai précisé précédemment, la cour a déclaré, au paragraphe 24 de Villani, que statuer sur l’invalidité au sens du RPC requiert une évaluation de l’invalidité dans un contexte « réaliste ». Il doit être manifeste, à la lecture de la décision, que les facteurs de Villani ont été considérés avec soin, eu égard à la situation particulière du demandeur. Le représentant du demandeur a soutenu que la division générale n’a pas tenu compte de la situation particulière du demandeur concurremment à la preuve médicale objective au dossier quand elle a conclu que le demandeur avait conservé une certaine capacité de travail.

[31] Le représentant soutient que la division générale n’a pas tenu compte de la preuve médicale au dossier, qui confirme que le demandeur est incapable de rester assis ou debout pendant plus de 15 minutes à la fois. En plus de ses limitations fonctionnelles, le demandeur est âgé de 55 ans et est atteint de dyslexie, un trouble d’apprentissage, qui le rend analphabète. Il est allé à l’école jusqu’en 9e année, et ses relevés de notes montrent qu’il a à peine réussi des cours tels que l’anglais, les mathématiques et l’histoire, mais qu’il se débrouillait bien dans les cours de formation professionnelle. Comme adulte, il confirme ne pas savoir lire les plaques de rue, mais être [traduction] « capable de faire les chiffres ». Aucun problème n’ été décelé quant à ses aptitudes linguistiques. Pour ce qui est de ses antécédents professionnels et de son expérience de la vie, il a travaillé comme poseur de moquette et de revêtements de plancher à temps plein pendant plus de 20 ans.

[32] La division générale a conclu ce qui suit au paragraphe 51 de sa décision :

[traduction]

[51] L’appelant n’a pas démontré qu’il n’a pas la capacité régulière résiduelle pour occuper un autre type d’emploi, moins exigeant que son travail à son compte de peintre de maisons. […]

[33] Cependant, cette conclusion ne reflète pas un examen minutieux des facteurs de Villani ou une quelconque évaluation de ces facteurs qui tienne compte de la situation particulière du demandeur. J’ai déjà précisé que la cour avait déclaré qu’il devait être manifeste, à la lecture de la décision, que ces facteurs avaient fait l’objet d’un examen minutieux. L’employabilité du demandeur, à la lumière de sa situation, n’a été que très peu analysée, notamment au moyen des principes de Villani, et la décision de la division générale ne montre pas que l’état de santé du demandeur a été évalué dans son ensemble (Bungay).

[34] Je juge que la division générale pourrait avoir commis une erreur de droit en vertu de l’alinéa 58(1)b) de la Loi sur le MEDS. J’accorde la permission d’en appeler pour ce moyen.

Conclusion

[35] La demande est accueillie.

[36] La présente décision accordant la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

[37] Les parties sont invitées à présenter des observations supplémentaires dans un délai de 45 jours.

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