Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 24 septembre 2016, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a conclu qu’une pension d’invalidité était payable au défendeur au titre du Régime de pensions du Canada (RPC).

[2] La division générale a tenu une audience par vidéoconférence et conclu que :

  1. la période minimale d’admissibilité (PMA) du défendeur avait pris fin le 31 décembre 2015;
  2. il avait déclaré de manière prudente et délibérée (à savoir, il était crédible, et le membre de la division générale a cru en son témoignage);
  3. il y avait une preuve médicale objective selon laquelle il a subi un tassement cunéiforme de la vertèbre T8 et selon laquelle il est atteint du syndrome du côlon irritable;
  4. [traduction] « en se fondant en grande partie sur le témoignage du défendeur à l’audience et des antécédents professionnels, [le Tribunal] était convaincu que son état est grave et qu’il est par conséquent régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice »;
  5. il est atteint d’une invalidité prolongée;
  6. il était atteint d’une invalidité grave et prolongée en septembre 2012;
  7. le demandeur avait reçu la demande de prestations d’invalidité du RPC présentée par le défendeur en février 2004; il est ainsi réputé invalide en novembre 2012, et les paiements débuteront à partir de mars 2013.

[3] En raison de ces conclusions, la division générale a accueilli l’appel.

[4] Le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler (demande) à la division d’appel du Tribunal le 23 décembre 2016, dans le délai prescrit de 90 jours.

Question en litige

[5] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Droit applicable

[6] Conformément à l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), la demande doit être présentée à la division d’appel dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision faisant l’objet de l’appel.

[7] Au titre des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS, « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[8] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

[9] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier:
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Observations

[10] Le demandeur fait valoir, à titre de moyens d’appel, que la division générale a commis une erreur de droit et a tiré une conclusion de fait erronée pour en arriver à sa décision. Les arguments du demandeur peuvent être résumés comme suit :

  1. La division générale a commis une erreur de droit relativement au critère d’invalidité en n’exigeant pas une preuve médicale objective concernant la nature grave de l’un des troubles invalidants principaux du défendeur, à savoir le syndrome du côlon irritable.
  2. La division générale a commis une erreur de droit dans son application des principes établis par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117, en n’évaluant pas la question de savoir si le défendeur avait réussi à obtenir et à conserver un emploi en raison de son état de santé.
  3. La division générale a commis une erreur de droit en n’appliquant pas une autre jurisprudence exécutoire de la Cour d’appel fédérale.
  4. La division générale a tiré des conclusions de fait sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, y compris ceux concernant ce qui suit :
    1. La conclusion d’invalidité prolongée tirée en partie de la déclaration selon laquelle le tassement cunéiforme ne s’améliorera pas, fait non appuyé par une preuve médicale versé au dossier devant la division générale;
    2. l’omission de présenter une analyse significative de la preuve et d’aborder les contradictions dans la preuve en ce qui concerne la fracture à la vertèbre T8 du défendeur, la nature, la gravité, le pronostic et le traitement du syndrome du côlon irritable, et toute limitation causée par la fracture de la vertèbre T8 et le syndrome du côlon irritable.

Analyse

Erreur de droit

[11] La décision de la division générale renvoie à une décision au paragraphe 28 :

[traduction]

Granovsky c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [2001] 1 R.C.S. 703, à savoir l’évaluation de la question de savoir si une invalidité est « grave » ne correspond pas à la question de savoir si le demandeur souffre de déficiences graves, mais plutôt à la question de savoir si son invalidité l’empêche de gagner sa vie. En d’autres termes, c’est la capacité du demandeur à travailler et non le diagnostic de sa maladie qui détermine la gravité de l’invalidité en vertu du RPC.

[12] La division générale n’a pas renvoyé à la jurisprudence citée dans la demande, qui comprend entre autres Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, Inclima, Gorgiev c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2005 CAF 55, Canada (Procureur général), c. Fink, 2006 CAF 354, Warren c. (Procureur général), 2008 CAF 377, et Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2003 CAF 140.

[13] La décision de la division générale n’est pas nécessairement erronée simplement parce qu’elle ne cite pas l’ensemble de la jurisprudence possiblement applicable. Cependant, elle pourrait être erronée si la division générale n’a pas appliqué la jurisprudence exécutoire.

[14] Le demandeur soutient que la division générale a commis une erreur de droit en n’appliquant pas la jurisprudence exécutoire de la Cour d’appel fédérale et en rendant une décision contraire à la jurisprudence exécutoire.

[15] La division générale n’a pas mentionné l’arrêt Inclima et elle ne semble pas avoir tenu compte de la question de savoir si le défendeur avait conservé la capacité de travailler. Dans un rapport médical rempli par Dr C. Arnold en 2014, il est déclaré que le défendeur [traduction] « ne peut pas effectuer des tâches manuelles exigeantes ». Le demandeur fait valoir qu’il existait une preuve selon laquelle le défendeur possède une capacité résiduelle de travailler. La décision de la division générale fait état que le défendeur [traduction] « était capable de travailler dans le milieu de travail dangereux d’une usine pétrochimique malgré ces déficiences (à savoir les conséquences de son syndrome du côlon irritable) ». Cependant, la division générale n’a pas évalué la preuve concernant la capacité de travailler du défendeur. La question de savoir si la division générale a commis une erreur de droit à cet égard justifie un examen approfondi.

[16] Dans l’affaire Murphy v. Canada (Procureur général), 2016 CF 1208, la Cour fédérale a récemment conclu que le défaut de la division générale à déterminer raisonnablement le lien d’attachement au marché du travail d’un requérant signifie que l’évaluation réaliste prévue dans l’arrêt Villani était incomplète.

[17] En l’espèce, la décision de la division générale ne semble pas avoir été rendue au moyen du type d’évaluation suggéré par l’affaire Murphy. Par conséquent, la question de savoir si la division générale a omis de déterminer raisonnablement le lien d’attachement au marché du travail de la défenderesse dans la discussion et l’analyse concernant les facteurs établis dans l’arrêt Villani pour ainsi commettre une erreur de droit justifie également un examen approfondi.

[18] En ce qui concerne ces deux questions et les observations du demandeur ainsi qu’à la lecture du dossier, je suis convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès à l’étape de la permission d’en appeler.

Prétendues conclusions de fait erronées

[19] Le demandeur fait valoir que la division générale a tiré une conclusion de fait erronée lorsqu’elle a conclu que le défendeur était atteint d’une invalidité prolongée, [traduction] « car cette conclusion est irréconciliable avec le manque de preuve médicale portée à sa connaissance ».

[20] La Cour d’appel fédérale a déclaré, dans l’arrêt Mette v. Canada (Procureur général), 2016 CAF 276, qu’il n’est pas nécessaire que la division d’appel traite de tous les moyens d’appel invoqués par un demandeur. En réponse aux arguments du défendeur voulant que la division d’appel doive refuser la permission d’en appeler dès lors que l’un des moyens d’appel invoqués s’avère être sans fondement, la juge Dawson a affirmé que le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS [traduction] « ne requiert pas de rejeter des moyens d’appel individuellement […] les moyens d’appel peuvent être interdépendants à un point tel qu’il devient pratiquement impossible de les décortiquer, et un motif d’appel défendable peut donc suffire à l’obtention de la permission d’en appeler ». La demande est l’une des situations décrites dans l’arrêt Mette.

[21] Étant donné que les prétendues erreurs de droit peuvent être liées à l’analyse de la question de savoir si l’état médical du défendeur était grave et prolongé, je n’examinerai pas davantage les moyens d’appel à cette étape de l’instance.

Conclusion

[22] La demande est accueillie.

[23] La présente décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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