Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] L’intimé a reçu le 30 juin 2015 la demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) que la défunte appelante a présentée le 30 juin 2015. La défunte appelante a fondé sa demande de prestations sur un diagnostic de cancer de l’endomètre. L’intimé a accueilli la demande en établissant la date de départ en mars 2014. En septembre 2015, la défunte appelante a demandé que les prestations du RPC soient versées de façon rétroactive à partir d’avril 2012. Cette demande a été rejetée par l’intimé en novembre 2015.

[2] L’appelante est décédée en septembre 2015, et sa succession a interjeté appel de la décision découlant de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale en février 2016. La succession est d’avis que la défunte appelante était incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de prestations du RPC alors qu’elle était invalide de juin 2006 à 2008, puis en avril 2012 lorsqu’elle a reçu le diagnostic de cancer de l’endomètre.

[3] L’appel a été tranché sur la foi du dossier en fonction de l’ensemble des documents et des observations.

[4] Le Tribunal a tranché que la succession de l’appelante n’est pas admissible à des prestations rétroactives en se fondant sur une conclusion selon laquelle l’appelante n’a pas été incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de prestations d’invalidité du RPC de façon continue avant avril 2015, au titre des paragraphes 60(9) et 60(10) du RPC.

Question en litige

[5] Le Tribunal doit déterminer si l’appelante était capable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de prestations d’invalidité du RPC avant avril 2015.

Preuve

[6] La défunte appelante était travailleuse autonome dans le domaine des ventes de 2002 jusqu’au moment où elle a cessé de travailler pour des raisons de maladie de 2006 à 2008, puis à nouveau le 15 avril 2012.

Preuve documentaire

[7] Dans une lettre à l’intention de l’intimé, datée du 15 septembre 2015 et signée par la défunte appelante, celle-ci a déclaré qu’elle aimerait que la date de prise d’effet de l’invalidité soit antidatée en avril 2012, ce qui était conforme à son diagnostic et à sa capacité de toucher un revenu.

[8] Une demande de prestations d’invalidité du RPC, reçue par l’intimé le 30 juin 2015, était signée par la défunte appelante.

[9] Dans un rapport daté du 4 juin 2015, Dr Orza a déclaré que la défunte appelante avait initialement reçu un diagnostic de carcinome au sein droit en 2006. Elle a subi une lumpectomie et un traitement. En mai 2012, la défunte appelante a reçu un diagnostic d’adénocarcinome endométrioïde.

[10] Dans un rapport médical de Service Canada daté du 27 mai 2015, Dr L’Heureux, oncologue, a déclaré que la défunte appelante était atteinte de fatigue et de douleurs. La défunte appelante avait subi des chirurgies, une chimiothérapie et un autre traitement depuis 2012.

[11] La défunte appelante a signé un questionnaire relatif aux prestations d’invalidité du RPC daté du 26 mai 2015 dans lequel il est déclaré qu’elle était travailleuse indépendante d’août 1996 à avril 2012, soit le moment où elle a cessé de travailler en raison d’un cancer de l’endomètre. Ses limitations fonctionnelles comprenaient [traduction] « des trous de mémoire » et une incapacité de se concentrer.

Observations

[12] Le 15 février 2016, la représentation de la succession a déclaré à l’écrit que la succession est admissible à des prestations rétroactives pour les motifs suivants :

  1. Il a été soutenu que les prestations d’invalidité du RPC devraient être évaluées de manière rétroactive de juin 2006 à 2008, conformément au paragraphe 60(9) du RPC. La défunte appelante a reçu un diagnostic de cancer du sein invasif en 2006 et elle a par la suite commencé un programme de traitement effractif qui a entraîné des oublis, une fatigue constante, des ennuis causés par les effets secondaires et une incapacité générale. En raison de son état physique et mental à ce moment-là, elle était incapable de travailler et d’exprimer l’intention de présenter une demande de prestations d’invalidité du RPC. La défunte appelante a été capable de retourner travailler dans un rôle très limité de 2008 à 2012, mais son revenu à ce moment-là était en grande partie une continuation de son salaire et un fractionnement du revenu de son époux.
  2. En avril 2012, la défunte appelante a reçu un diagnostic de cancer de l’endomètre métastatique. Encore une fois, elle a subi un programme de traitement brutal qui a compris deux chirurgies, une curiethérapie, quinze cycles de chimiothérapie au moyen de carboplatine/Taxol, et un essai clinique. Elle a été atteinte d’une embolie pulmonaire en selle et hospitalisée pendant trois semaines en 2014, puis encore une fois en juillet 2015 alors qu’elle subissait une radiothérapie supplémentaire de 28 jours au cours de l’été 2015. Au cours de cette maladie, elle a pris plusieurs médicaments qui ont eu un effet invalidant sur les plans physique et mental. La défunte appelante luttait pour sa vie et elle était incapable d’exprimer l’intention de présenter une demande de prestations d’invalidité du RPC. Elle a été hospitalisée de nouveau en août 2015 jusqu’à son décès survenu le 29 septembre 2015.
  3. Dans la décision Weisberg c. Canada (Ministre du Développement social), 2004 LNCPEN 31, appel CP21943, la Commission d’appel des pensions a souligné la différence entre le fait d’être capable de former et d’exprimer une intention et elle a conclu que la capacité de faire ni l’un ni l’autre est suffisante pour satisfaire au critère prévu au paragraphe 60(9) du RPC. La Commission d’appel des pensions a conclu que l’incapacité de l’appelant de reconnaître sa propre déficience le rendait incapable de former l’intention de présenter une demande de pension d’invalidité. Dans la décision J.F. c. Ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences, 2014 TSSDA 34, le Tribunal a déclaré ce qui suit : « L’appelant doit prouver selon la prépondérance des probabilités qu’il n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada [...] » La succession a prouvé sa cause selon la prépondérance des probabilités.

[13] Le 10 mai 2017, l’intimé a soutenu à l’écrit que la succession de l’appelant n’est pas admissible à un versement rétroactif de la pension d’invalidité de la défunte appelante pour les motifs suivants :

  1. Pour satisfaire à la définition de l’incapacité prévue au paragraphe 60(8) du RPC, la demande aurait dû avoir été présentée au nom de la défunte appelante et la preuve aurait dû démontrer que la défunte appelante était incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande par elle-même avant la date où elle a réellement été présentée.
  2. Pour satisfaire à la définition de l’incapacité prévue au paragraphe 60(9) du RPC, la défunte appelante doit avoir respecté les trois éléments suivants : (i) être incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande avant la date à laquelle la demande a réellement été faite; (ii) la période d’incapacité a cessé avant cette date; (iii) la demande a été faire au cours de la période - égale au nombre de jours de la période d’incapacité, mais ne pouvant dépasser 12 mois - débutant à la date à laquelle la période d’incapacité a cessé, ou, si la période d’incapacité est inférieure à 30 jours, la demande doit avoir été présentée au plus un mois après celui pendant lequel la personne a cessé d’être atteint d’une incapacité. Aux termes du paragraphe 60(1) du RPC, pour l’application des paragraphes 60(8) et 60(9), une période d’incapacité est continue.
  3. Comme il est souligné par la représentante de la succession, la défunte appelante a subi différents traitements pour traiter son cancer de l’endomètre. Cependant, rien ne démontre qu’elle avait besoin d’une procuration ou d’un tuteur et curateur public pour prendre des décisions médicales en son nom. Dre Maureen Trudeau, oncologue, a produit un diagnostic initial de cancer du sein en 2006 et un cancer de l’endomètre en 2012. L’appelante aurait dû fournir un consentement informé pour subis les examens et les traitements.

Droit applicable

[14] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne reçoit pas une pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[15] Le calcul de la PMA est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date.

[16] Dans la situation où l’appelant est jugé incapable, la question de l’invalidité sera tranchée conformément à l’alinéa 42(2)a) du RPC. Cet alinéa définit l’invalidité comme étant une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

[17] Pour établir l’existence d’une incapacité au sens du paragraphe 60(9) du RPC, la défunte appelante doit avoir respecté les trois éléments suivants : (i) être incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande avant la date à laquelle la demande a réellement été faite; (ii) la période d’incapacité a cessé avant cette date; (iii) la demande a été faire au cours de la période – égale au nombre de jours de la période d’incapacité, mais ne pouvant dépasser 12 mois – débutant à la date à laquelle la période d’incapacité a cessé, ou, si la période d’incapacité est inférieure à 30 jours, la demande doit avoir été présentée au plus un mois après celui pendant lequel la personne a cessé d’être atteint d’une incapacité.

[18] Le paragraphe 60(10) prévoit qu’une période d’incapacité doit être « continue ».

Analyse

[19] La succession doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la défunte appelante était incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de prestations d’invalidité du RPC de juin 2006 à 2008, puis encore une fois d’avril 2012 à avril 2015, soit le mois pendant lequel la défunte appelante a présenté sa demande. Son incapacité doit avoir été continue pendant les périodes visées. Dans l’arrêt McDonald c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 37, la cour a déclaré ce qui suit au paragraphe 5 :

La façon dont il faut aborder la question de la capacité de former ou d’exprimer une intention au sens des paragraphes 60(8) et (9) du Régime est à présent bien établie. La Cour a indiqué que la Commission doit apprécier la capacité selon le sens ordinaire de ce terme (Sedrak c. Canada (Développement social), 2008 CAF 86 (CanLII), paragraphes 3 et 4). Elle doit tenir compte de la preuve médicale ainsi que des activités du demandeur pouvant renseigner sur sa capacité entre la date déclarée du début de l’incapacité et la date de la demande (Canada (Procureur général) c. Danielson, 2008 CAF 78, paragraphe 7; Canada (Procureur général) c. Kirkland, 2008 CAF 144, paragraphe 7).

[20] Le Tribunal souligne qu’il n’existe aucune preuve produite par un membre du corps médical selon laquelle la défunte appelante était atteinte d’incapacité. D’ailleurs, aucune déclaration d’incapacité n’a été produite par la médecin de famille ou des spécialistes traitants, et ce, malgré le fait que la succession a demandé et obtenu un délai supplémentaire afin d’obtenir la preuve médicale à l’appui de la cause. Dans un rapport daté du 26 avril 2015, l’oncologue a déclaré que la défunte appelante et son époux avaient prévu se rendre en terre sainte à la fin de son traitement. Le Tribunal comprend que cela pourrait être lié au pronostic et à la spiritualité de la défunte appelante, mais cela démontre qu’elle était capable de prendre des décisions relativement à des questions importantes. La Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit dans l’arrêt Sedrak (précité) : « la capacité de former l’intention de faire une demande de prestations n’est pas de nature différente de la capacité de former une intention relativement aux autres possibilités qui s’offrent au demandeur de prestations. » Comme l’a mentionné la cour, même si la défunte appelante était gravement malade en avril 2015 ou avant ce moment, cela ne signifie pas qu’elle était atteinte d’incapacité.

[21] Le Tribunal souligne que, en mai 2015, la défunte appelante a déclaré dans son questionnaire relatif aux prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada qu’elle était atteinte [traduction] « de pertes de mémoire » et qu’elle était [traduction] « incapable de se concentrer ». Aucune de ces limitations n’appuie une conclusion d’incapacité; elles donnent plutôt à penser à des symptômes ou à des effets secondaires, qui pourraient entraîner certaines limitations sans rendre la défunte appelante incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de prestations d’invalidité. Le dossier écrit confirme un grand nombre de consultations, de traitements et de procédures effectués par les membres du corps médical, ce qui appuie une conclusion favorable selon laquelle ils étaient au courant des capacités cognitives et de l’état de santé mentale de l’appelante pendant toute la période de traitement. Cependant, aucune preuve ne donne à penser que la défunte appelante n’a pas pris de décisions concernant son traitement ou ses soins de santé. Comme il a été souligné par l’intimé, une procuration n’était pas requise, et un tuteur ou un curateur public n’a pas été nommé afin de prendre des décisions de nature médicale en son nom. De plus, la défunte appelante a signé tous les documents pertinents concernant la demande de prestations d’invalidité d’avril 2015 et elle a seulement demandé des prestations rétroactives à partir de la date à laquelle elle a cessé de travailler en avril 2012, mais sa représentante, à l’appel devant le Tribunal, a demandé que les prestations soient rétroactives à la période de juin 2006 à 2008, puis encore une fois en avril 2012. Le Tribunal souligne que l’appelante est retournée occuper un emploi indépendant pendant six ou sept années de 2008 à avril 2012 sans qu’il y ait une preuve corroborant l’argument de la représentante selon laquelle l’appelante était atteinte d’incapacité de juin 2006 jusqu’à 2008, et ce, malgré le fait qu’elle subissait un traitement médical à ce moment-là.. Dans le même ordre d’idée, le fait selon lequel la défunte appelant était capable de retourner travailler en 2008 et de fonctionner démontre qu’elle n’était pas incapable de former ou d’exprimer une intention au sens de la définition du RPC.

[22] En raison du traitement continu offert par l’oncologue, le Tribunal est convaincu que le médecin connaissait l’état mental et physique de la défunte appelante pendant les périodes visées. La connaissance de l’état physique et mental est impérative pour examiner l’objectivité de la preuve. En l’espèce, le médecin n’a jamais confirmé ni même laissé entendre que la défunte appelante était incapable de former l’intention de présenter une demande de prestations après juin 2006 ou avril 2012.

[23] Le Tribunal souligne qu’aucun élément de preuve ne donne à penser que la défunte appelante était incapable de gérer ses affaires par elle-même de façon continue pendant les périodes visées. Elle n’a pas non plus été traitée par un psychiatre ou un thérapeute en raison de troubles ou de problèmes psychologiques ou de santé mentale. Dans son questionnaire relatif aux prestations d’invalidité du RPC signé par la défunte appelante le 26 mai 2015, il est déclaré qu’elle n’exploitait pas activement son agence (emploi) en raison de sa maladie, mais elle n’avait pas encore déterminé si elle allait continuer de toucher des redevances ou vendre sa liste de clients. Ce niveau de prise de décisions soutient grandement une conclusion selon laquelle l’appelante était capable de former ou d’exprimer une intention relativement à son emploi et selon laquelle elle était ainsi capable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de prestations d’invalidité du RPC conformément à la définition prévue au paragraphe 60(9) du RPC. La succession n’a pas établi que la défunte appelante était atteinte d’une incapacité [traduction] « de façon continue » à tout moment ultérieur à la période de juin 2006 à 2008, puis encore une fois à partir d’avril 2012. Le Tribunal souligne que le paragraphe 60(10) prévoit que la période d’incapacité est continue, ce qui n’était pas le cas, car la défunte appelante est retournée occuper son emploi en 2008.

[24] Selon les rapports médicaux et les capacités cognitives signalées de la défunte appelante, le Tribunal estime que celle-ci n’était pas incapable de façon continue de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de prestations d’invalidité du RPC en juin 2006 ou en avril 2012, ou après ces périodes, conformément aux paragraphes 60(9) et 60(10) du RPC.

Conclusion

[25] L’appel est rejeté.

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