Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] L’intimé a reçu la demande de l’appelant visant à ce que sa pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) soit maintenue après sa suspension en août 2014, rétroactivement à la date à laquelle il a été jugé apte à travailler en août 2011. L’appelant a soutenu qu’il était toujours invalide en raison de l’état de son dos. L’intimé a rejeté la demande initialement et, après réexamen, a maintenu sa décision de mettre fin à ses prestations. L’appelant a interjeté appel de la décision de réexamen devant le Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal »).

[2] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, l’appelant doit satisfaire aux exigences énoncées dans le RPC. Plus précisément, l’appelant doit être déclaré invalide au sens du RPC. En l’espèce, l’appelant a été déclaré invalide et a reçu une pension d’invalidité du RPC de janvier 1993 à octobre 2006, puis elle a été rétablie conformément au processus suivi par l’intimé de juillet 2008 à juillet 2011.

[3] Cet appel a été tranché sur la foi des documents et observations présentés pour les raisons suivantes :

  1. le membre a décidé qu’il n’était pas nécessaire de tenir une autre audience;
  2. ce mode d’audience offre les mesures d’adaptation requises par les parties ou les participants;
  3. les questions faisant l’objet de l’appel ne sont pas complexes;
  4. il manquait de l’information ou il était nécessaire d’obtenir des précisions;
  5. la crédibilité n’est pas une question prépondérante;
  6. cette façon de procéder est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[4] Le Tribunal a décidé que l’appelant n’était plus admissible à une pension d’invalidité du RPC à la fin de juillet 2011 pour les motifs énoncés ci-après.

Questions préliminaires

[5] Le Tribunal a écrit à l’intimé le 1er août 2016 pour lui demander un relevé à jour des cotisations de l’appelant. Le Tribunal a reçu ce document le 10 août 2017. (GD6-1)

Preuve

[6] L’appelant était âgé de 53 ans lorsque ses prestations d’invalidité ont cessé. Il a une douzième année et a exercé le métier de charpentier avant de devenir invalide. Il a subi une intervention chirurgicale au dos en février 1993, mais son médecin de l'époque a indiqué qu'il réagissait mal au traitement.

[7] L’appelant a obtenu une pension d’invalidité en 1993 en raison de ses douleurs au bas du dos et de raideurs aux deux jambes. Il travaillait alors comme charpentier. En 2002, on a découvert qu'il avait tenté de reprendre le travail en démarrant sa propre entreprise de perçage corporel, mais qu'il n'avait pas réussi et que ses prestations se poursuivaient. Il avait déclaré qu’il ne croyait pas que le travail autonome était considéré comme un retour au travail.

[8] Il a été référé en réadaptation professionnelle en 2003. Il a été question de recyclage comme technicien en informatique. L’appelant était intéressé à devenir camionneur, mais les médecins n’ont pas appuyé ce choix.

[9] En mars 2005, il est retourné en réadaptation professionnelle et a reçu du soutien pour se recycler comme réparateur d’ordinateurs. Il a suivi cette formation pendant un certain temps, puis il a abandonné. L’intimé a découvert que l’appelant avait suivi un cours de conduite de camion en janvier 2006, qu’il avait commencé à travailler en février 2006 et que son dossier de réadaptation professionnelle était fermé. Ses prestations ont cessé à la fin d’octobre 2006 en raison de son retour au travail réussi.

[10] L’appelant a demandé que ses prestations soient rétablies en août 2008 après avoir cessé de travailler en juin 2007 en raison d’une réapparition de ses douleurs au dos. Cette demande a été acceptée à compter du 1er juillet 2008. La lettre de rétablissement datée du 30 septembre 2008 indiquait que l’appelant devait informer l’intimé de tout retour au travail à temps plein, à temps partiel ou à l’essai. Il devait aussi l’informer si son état changeait. (GD2-168) Dans une autre interaction avec l’intimé, il a indiqué qu’il ne se souvenait pas d’avoir été informé qu’il ne pouvait gagner plus de 5 200 $.

[11] Un rapport sur le registre des gains reçu par l’intimé en août 2013 indiquait une rémunération de 15 666 $ en 2011 et de 7 854 $ en 2013 provenant de plusieurs employeurs différents. L’enquête de réévaluation révèle que l’appelant était retourné travailler comme camionneur et qu’il avait recouvré la capacité de travailler dans un secteur adapté à ses limitations. Ses prestations ont cessé d’être versées en raison du travail non déclaré en décembre 2014, la date de cessation effective étant établie au 1er août 2011. Le relevé des cotisations reçu par le Tribunal en août 2017 était essentiellement le même que l’autre relevé des cotisations au dossier, à l’exception des gains de 24 205 $ enregistrés en 2016. (GD6-1)

[12] L’intimé a envoyé une trousse de réévaluation par lettre à l’appelant en mai, juillet, août et septembre 2014. Il a déclaré dans une lettre datée du 15 septembre 2014 qu’il n’avait pas répondu ni rempli les formulaires parce qu’il n’avait pas repris le travail à temps plein et qu’il n’avait occupé que des emplois à temps partiel en raison de son problème de dos. Il a demandé et n’a pas donné la permission à l’intimé de communiquer avec ses employeurs, car ils n’étaient pas au courant de son état de santé et il craignait qu’on ne lui donne pas d’autre travail. Il a indiqué qu’il croyait comprendre que s’il retournait au travail, il aurait un délai de grâce d’un an pour recevoir des prestations. (GD2-139)

[13] L’appelant avait déménagé au Nouveau-Brunswick en 2008 pour être proche de sa famille. Lorsqu’ils ont parlé au personnel de l’intimé en août 2008, ils ont rappelé à l’appelant qu’il devait les informer d’un retour au travail. (GD2-562)

[14] L’intimé a écrit à l’appelant en septembre 2015 pour lui demander une liste de tous les professionnels de la santé consultés de 2011 à 2014 avec leurs adresses. Ils voulaient également qu’il confirme qu’il ne leur donnerait pas l’autorisation de communiquer avec ses employeurs. (GD2-135)

[15] L’intimé a écrit au médecin de l’appelant en septembre et en décembre 2015 pour lui demander des renseignements sur son état. La Dre Griffin a répondu en décembre 2015 que l’appelant comptait parmi ses patients depuis 2008. Elle a déclaré qu’il souffrait de douleurs chroniques au bas du dos, lesquelles étaient facilement exacerbées. Il se sentait plus fort en 2013 et avait commencé à travailler comme chauffeur de camion sur de courtes distances pendant des heures limitées. Elle a également mentionné qu’il n’était pas apte à travailler selon un horaire régulier. (GD2-125)

[16] La Dre Griffin a fourni certaines de ses notes cliniques tirées des visites de l’appelant. L’appelant l’avait informée en décembre 2011 qu’il n’avait pas travaillé pendant 6 mois et qu’il ne s’attendait pas à obtenir de travail pendant les mois d’hiver. La Dre Griffin a écrit en janvier 2016 que l’appelant avait été en mesure de travailler en 2013 comme camionneur avec des limitations quant aux heures de travail, car ses douleurs au dos pouvaient s’intensifier. Elle avait noté que l’appelant faisait quotidiennement des pompes et marchait 2,5 milles par jour en janvier 2013. Elle a également noté qu’il avait reçu un diagnostic de colite en 2015 qui a interrompu son travail, mais qu’il prévoyait reprendre le travail en 2015.

[17] Une note clinique établie en octobre 2013 indiquait que l’appelant était de retour au volant d’un nouveau camion et qu’il conduirait dans les provinces de l’Atlantique et sur la côte Est. Il utilisait de l’ibuprofène pour soulager la douleur au besoin, tel qu’il était indiqué dans cette note.

[18] L’appelant n’a pas travaillé en 2012. En 2013, il a travaillé en janvier sur un chasse-neige et de septembre à novembre pour une entreprise de camionnage. En 2014, il a travaillé sur appel pour une entreprise de camionnage de mai à septembre, date à laquelle il a cessé en raison d’une chirurgie à l’appendice.

Observations

[19] L’appelant a indiqué dans son avis d’appel qu’il continuait d’être admissible à une pension d’invalidité du RPC à la fin de juillet 2011 pour les raisons suivantes :

  1. Il était toujours handicapé et avait de la difficulté à rester au travail.
  2. Il consulte son médecin en mai 2016 pour des examens et croit que son état empire.
  3. Jusqu’à présent, il est irréaliste de penser qu’il pourra rembourser ses dettes.
  4. Il a mal interprété les règles et il a fallu 4 ans à l’intimé pour lui dire qu’il était dans le tort, même s’il avait produit une déclaration de revenus à temps chaque année.

[20] L’intimé a fait valoir par écrit que l’appelant n’était plus admissible à une pension d’invalidité du RPC à la fin de juillet 2011 pour les motifs suivants :

  1. L’appelant a démontré qu’il était apte à détenir une occupation véritablement rémunératrice à la fin de juillet 2011. L’intimé souligne qu’il lui incombe de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant n’est plus invalide au moment de la cessation des prestations.
  2. L’appelant avait été mis au courant de ses responsabilités en matière de rapports à maintes reprises au cours des années où il recevait des prestations d’invalidité, et ce par lettre, dans des bulletins annuels et lors de discussions avec le personnel de l’intimé.
  3. L’intimé n’a pas obtenu le consentement de l’appelant pour obtenir des renseignements de ses employeurs sur son rendement ou sa productivité au travail. Comme l’appelant a continué d’être appelé à travailler par des employeurs, il est raisonnable de présumer que ses employeurs étaient satisfaits de son travail.

Analyse

Critère relatif à l’admissibilité à une pension d’invalidité

[21] L’appelant doit prouver selon la prépondérance des probabilités, ou qu’il est plus probable qu’improbable, qu’il a continué de satisfaire à la définition d’une invalidité grave et prolongée au sens du RPC après juillet 2011.

[22] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les conditions d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à la pension d’invalidité, le demandeur doit :

  1. a) être âgé de moins de 65 ans;
  2. b) ne pas toucher de pension de retraite du RPC;
  3. c) être invalide;
  4. d) avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[23] L’alinéa 42(2)a) du RPC définit l’invalidité comme étant une invalidité physique ou mentale qui est grave et prolongée. Une personne est considérée comme ayant une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

[24] L’alinéa 70(1)a) du Règlement sur le RPC prescrit qu’une pension d’invalidité cesse d’être payable le mois au cours duquel le bénéficiaire cesse d’être invalide. Aux termes de l’alinéa 42(2)b), « une personne est réputée être devenue ou avoir cessé d’être invalide à la date déterminée de la manière prescrite [...] ».

[25] Le paragraphe 69(1) du Règlement sur le RPC prévoit ce qui suit :

« En vue de déterminer si un certain montant doit être payé ou doit continuer d’être payé comme prestation à l’égard d’une personne dont on a déterminé l’invalidité au sens de la Loi, le ministre peut requérir ladite personne, de temps à autre :

  1. de se soumettre à tout examen spécial;
  2. de fournir tout rapport, et;
  3. de fournir toute déclaration sur son emploi et ses gains, pour toute période, qu’il peut indiquer. »

[26] Le paragraphe 70(1) du Règlement sur le RPC prévoit ce qui suit :

« Lorsqu’une personne dont on a déterminé l’invalidité au sens de la Loi ne se conforme pas, sans raison valable, aux conditions posées par le ministre en vertu de l’article 69, elle peut être déclarée avoir cessé d’être invalide au moment que le ministre décidera, ce moment ne pouvant cependant être antérieur au jour où la personne ne s’est pas ainsi conformée. »

Invalidité grave

[27] Le critère relatif à la gravité doit être évalué dans un contexte réaliste (Villani c. Canada (P.G.), 2001 CAF 248). Ainsi, pour évaluer la gravité de l’invalidité d’une personne, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie.

[28] L’appelant était âgé de 53 ans lorsque ses prestations d’invalidité ont pris fin. Il parle et écrit en anglais. Il a reçu une formation en charpenterie et a suivi un cours de conduite de camion. Il a aussi participé à un programme de réparation et d'entretien d’ordinateurs, qu'il a abandonné. Il possédait l’expérience et les compétences nécessaires lorsqu’il a lancé sa propre entreprise, mais sans succès.

[29] Le Tribunal conclut que l’appelant a démontré qu’il possédait des compétences transférables et qu’il avait la capacité de se recycler dans de nombreux domaines différents. C’est son choix et non son incapacité qui l’a empêché de terminer son recyclage en réparation d’ordinateurs. L’application des caractéristiques personnelles énoncées dans Villani n'empêche pas l’appelant de travailler et il ne répond donc pas à la définition du mot « grave ».

[30] Dans Villani c. Canada, 2001 CAF 248, [2002] 1 C.F. 130, au paragraphe 50, la Cour d’appel fédérale met en contexte le « critère réaliste »; elle explique :

(50) Cette réaffirmation de la méthode à suivre pour définir l’invalidité ne signifie pas que quiconque éprouve des problèmes de santé et des difficultés à se trouver et à conserver un emploi a droit à une pension d’invalidité. Les requérants sont toujours tenus de démontrer qu’ils souffrent d’une « invalidité grave et prolongée » qui les rend « régulièrement incapables de détenir une occupation véritablement rémunératrice ». Une preuve médicale sera toujours nécessaire, de même qu’une preuve des efforts déployés pour se trouver un emploi et de l’existence des possibilités d’emploi.

[31] L’arrêt Warren c. (P.G.) Canada, 2008 CAF 377 confirme au Tribunal la nécessité d’une preuve médicale objective lorsqu’il déclare :

En l’espèce, la Commission n’a commis aucune erreur de droit en exigeant une preuve médicale objective à l’égard de l’invalidité du demandeur. Il est bien établi qu’un demandeur doit fournir quelques éléments de preuve objectifs de nature médicale (voir l’article 68 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada, C.R.C., ch. 385, et les décisions suivantes : Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117; Klabouch c. Canada (Développement social), 2008CAF 33; Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Angheloni, [2003] A.C.F. no 473 (QL).

[32] Les notes et la lettre du médecin de l’appelant indiquent que l’appelant avait la capacité de conduire un camion lorsqu’il faisait ce travail en respectant ses limitations. Elle n’a pas indiqué que l’appelant ne pouvait pas travailler du tout. Elle n’a pas mentionné son aptitude à accomplir d’autres types de travail. Plusieurs années après la cessation des prestations de l’appelant, il prenait des analgésiques en vente libre au besoin et non de façon régulière.

[33] Lorsqu’il y a des preuves de capacité de travail, une personne doit démontrer que ses efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé (Inclima c. Canada (P.G.), 2003 CAF 117).

[34] L’appelant a travaillé sur appel pour plusieurs entreprises de camionnage et aussi pour une entreprise de déneigement. Il n’a pas permis à l’intimé d’obtenir de l’information sur son rendement, ce qui donnerait des indications de la façon dont son état nuisait à sa capacité d’exercer ses fonctions. Le Tribunal conclut qu’il est raisonnable pour l’intimé de présumer que, comme on a demandé à plusieurs reprises à l’appelant de travailler, il n’avait aucun problème ni aucune difficulté à exécuter ses fonctions.

[35] Rien ne démontre que son état de santé l’a empêché d’obtenir ou de conserver un emploi. En fait, le relevé récent des cotisations montre que l’appelant a gagné 24 205 $ pour avoir travaillé pendant une partie de l’année 2016. Le Tribunal conclut qu’il s’agit d’une rémunération importante.

[36] L’appelant ne s’est pas conformé à son obligation de signaler tout changement dans son état ou à son statut à temps partiel, à temps plein ou à l’essai. Le Tribunal n’est pas convaincu par ses explications et accepte que l’intimé l’a informé de cette attente de bien des façons.

[37] Le Tribunal note que l’intimé souligne qu’il lui incombe de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant n’est plus invalide au moment de la cessation des prestations. Le Tribunal conclut qu’il souscrit aux observations de l’intimé.

[38] Le Tribunal a soigneusement examiné les rapports et documents médicaux, y compris la correspondance de l’appelant. Le Tribunal conclut que, selon la prépondérance des probabilités, il n’a pas été convaincu que l’appelant était atteint d’une invalidité grave au sens de la Loi. L’intimé a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant n’était plus invalide au moment de la cessation des prestations.

Invalidité prolongée

[39] Comme le Tribunal a conclu que l’invalidité n’était pas grave au moment de la cessation des prestations, il n’est pas nécessaire de tirer une conclusion sur le critère du caractère prolongé.

Conclusion

[40] L’appel est rejeté.

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