Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le demandeur a subi des blessures à la suite d’un accident de motocross en 1991 et il s’est vu accorder une pension d’invalidité. À la suite d’une enquête menée par le défendeur en 2008, il a été conclu que le demandeur avait cessé d’être invalide le 31 janvier 1995, et la possibilité d’un remboursement a été évaluée.

[2] Le demandeur a interjeté appel de la décision du défendeur devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal), et une audience a été tenue par vidéoconférence le 16 août 2016. La division générale est d’accord avec la décision du défendeur selon laquelle le demandeur a cessé d’être invalide le 31 janvier 1995 au moyen de sa décision datée du 22 août 2016. Le demandeur souhaite obtenir la permission d’appeler relativement à une décision rendue par la division générale. Le demandeur a déposé une demande de permission d’en appeler (demande) auprès de la division d’appel du Tribunal le 29 novembre 2016.

Question en litige

[3] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Droit applicable

[4] Selon l’alinéa 70(1)a) du Régime de pensions du Canada (RPC), une pension d’invalidité cesse d’être payable avec le paiement qui concerne le mois au cours duquel le bénéficiaire cesse d’être invalide.

[5] Une personne est jugée invalide, conformément à l’alinéa 42(2)a) du RPC, si elle est considérée comme étant atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité est considérée comme étant « grave » si une personne est rendue régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, et l’invalidité est « prolongée » si elle est jugée comme durant pendant une période, longue, continue et indéfinie ou entraînant vraisemblablement le décès.

[6] Selon les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission », et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ». La décision relative à une demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience au fond et constitue un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais cet obstacle est inférieur à celui auquel il devra faire face à l’audience sur le fond relative à un appel.

[7] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ». Le demandeur doit établir qu’il existe un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel (Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 1999 CanLII 8630). La question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique (Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41; Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63)..

[8] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier:
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Observations

[9] Le demandeur soutient que la division générale a commis une erreur de droit, au titre de l’alinéa 58(1)b) de la Loi sur le MEDS, en interprétant mal ou en appliquant mal le critère juridique pour déterminer s’il s’agit d’une invalidité « grave » et en concluant à tort que le demandeur a conservé la capacité de détenir régulièrement un emploi.

[10] Le demandeur soutient que la division générale a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte des occupations véritablement rémunératrices que le demandeur était capable de détenir à la date à laquelle il a été réputé avoir cessé d’être invalide.

[11] Le demandeur a également déclaré que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, conformément à l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS, en concluant que le demandeur était capable de détenir une occupation [traduction] « adaptée à ses limitations » alors qu’il n’y avait aucune preuve médicale au dossier pour appuyer cette conclusion.

[12] Finalement, le demandeur a soutenu que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle, conformément à l’alinéa 58(1)a) de la Loi sur le MEDS, parce qu’elle a instruit l’affaire par vidéoconférence en l’absence du défendeur. Selon le demandeur, cela l’a privé de l’occasion de contre-interroger le défendeur en ce qui concerne plusieurs questions relatives à la preuve.

Analyse

La division générale a-t-elle mal appliqué le critère juridique visant à conclure que le demandeur avait cessé d’être atteint d’une invalidité « grave »?

[13] Conformément à l’alinéa 70(1)a) du RPC, une pension d’invalidité cesse d’être payable à un bénéficiaire avec le paiement qui concerne le mois au cours duquel il cesse d’être invalide. L’alinéa 42(2)a) du RPC prévoit qu’une personne n’est considérée comme invalide que si elle est déclarée atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Selon l’alinéa 42(2)a), une invalidité n’est « grave » que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle est déclarée durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

[14] Le demandeur a été admissible à une pension d’invalidité et se l’est vu accordé en 1991. La question en litige devant la division générale avait été de savoir si le demandeur a cessé d’être invalide au 31 janvier 1995. Il incombe au défendeur de démontrer que le demandeur a cessé d’être invalide. La division générale a conclu que le défendeur s’est acquitté de son fardeau de la preuve.

[15] Le demandeur soutient que la division générale a mal appliqué le critère visant à déclarer une invalidité « grave ». Le demandeur fonde cette déclaration sur plusieurs arguments, y compris celui que la division générale n’a pas souligné un pouvoir relativement au critère à appliquer pour déterminer si une personne est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Le demandeur fait également valoir que la conclusion de la division générale selon laquelle il conserve la capacité de travailler était seulement fondée sur l’adoption par la division générale des conclusions de l’évaluatrice médicale, qui a effectué une évaluation au nom du défendeur. Le demandeur est d’avis que la division générale aurait dû appliquer adéquatement le bon critère juridique pour déterminer l’inadmissibilité à une pension d’invalidité à la preuve factuelle versée au dossier. Le demandeur fait valoir qu’il n’a été « régulièrement » capable à aucun moment de détenir une « occupation véritablement rémunératrice » depuis 1991, comme il est démontré par son dossier d’emploi et les revenus touchés depuis ce moment-là. Finalement, le demandeur fait valoir que la division générale aurait dû souligner la preuve de Dr Norton, médecin du demandeur depuis 1991.

[16] J’estime que, au paragraphe 31, de la décision, la division générale déclare correctement que la question à trancher était celle de savoir si le demandeur a cessé d’être invalide. J’estime que la division générale a énoncé le bon critère relativement à une cessation de prestations de pension d’invalidité au paragraphe 30 de sa décision :

[traduction]

Selon le RPC, une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. C’est l’influence sur la capacité du demandeur à travailler, et non le diagnostic de sa maladie ou une blessure qui détermine la gravité de l’invalidité : Klabouch c. Canada (Développement social), 2008 CAF 33. De plus, la gravité de l’invalidité doit être évaluée dans un contexte réaliste (Villani c. Canada (P.G.), 2001 CAF 248). Cela signifie que pour déterminer si l’invalidité d’une personne est grave, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau de scolarité, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie.

[17] La déclaration du demandeur selon laquelle la division générale n’a pas souligné le pouvoir concernant le critère à appliquer est incorrecte.

[18] Il y a des documents versés au dossier qui confirment qu’une évaluatrice médicale a effectué une évaluation du dossier du demandeur au nom du défendeur et qu’elle était d’avis que le demandeur a cessé d’être invalide le 31 janvier 1995. Elle a fondé son avis sur le fait qu’il a été embauché par le British Columbia Injury Prevention Centre [Centre de prévention des blessures de la Colombie-Britannique] (BCIPC) et sur le fait qu’il a continué d’occuper cet emploi pendant plusieurs années. Une demande de prêt bancaire avait été remplie par le BCIPC au nom du demandeur selon laquelle le demandeur était payé de 40 000 $ à 50 000 $ selon le contrat qu’il avait conclu avec cette organisation.

[19] Même si le demandeur fait valoir que la division générale a simplement maintenu l’avis de l’évaluatrice médicale dans sa décision, je ne suis pas d’accord avec cette déclaration. La division générale souligne la demande de prêt bancaire au paragraphe 20 de la décision, mais je n’estime pas que la division générale s’est fondée sur cet élément de preuve pour rendre sa décision.

[20] J’ai examiné l’ensemble du dossier documentaire et j’ai également écouté l’enregistrement de l’audience devant la division générale. À l’audience, le demandeur a été questionné de manière approfondie sur ses antécédents en matière d’emploi et ses gains depuis son accident de motocross en 1991. Il a confirmé que, en 1995, il a été embauché sur une base contractuelle par le BCIPC et que, à ce moment-là, il suivait également à une formation et participait à des courses en fauteuil roulant en plus de fréquenter le collège à temps partiel. Il a obtenu un diplôme d’administration des affaires en 1996, mais il n’a jamais détenu un emploi dans ce domaine.

[21] Aux paragraphes 32 et 33, la division générale énonce les motifs de sa décision selon laquelle le demandeur a cessé d’être invalide en janvier 1995 en déclarant ce qui suit :

[traduction]

Il a été capable de suivre une formation et de bien performer dans le domaine de la course en fauteuil roulant, ce qui comprend le marathon de Boston et un championnat mondial. Il a commencé ces activités seulement six mois après l’accident de motocross. De plus, l’appelant a été embauché sur une base contractuelle par le Centre de prévention des blessures de la C.-B. en janvier 1995 et il a fait des présentations pour son employeur avec succès et il a fait une tournée des écoles afin de sensibiliser et motiver les élèves tout en fréquentant le collège et en participant à des courses. Il a également recruté des commanditaires pour son site Web afin de promouvoir et de mettre en valeur ses exploits et son art oratoire, et de l’aider à financer sa formation et sa carrière dans le domaine de la course. L’appelant a également géré sa carrière en athlétisme, ce qui comprend un horaire d’entraînement rigoureux dans deux pays ainsi qu’une présence et une participation à de nombreuses courses. Il possède des compétences en affaires qu’il souhaitait utiliser pour faire la promotion de sa carrière dans le domaine de l’athlétisme.

[22] Le demandeur fait valoir que la division générale a conclu à tort que, selon les exploits du demandeur dans le domaine de la course en fauteuil roulant ainsi que les compétences et les aptitudes qu’il a perfectionnées, il est redevenu régulièrement capable de détenir un emploi véritablement rémunérateur. Il souligne le fait qu’il a été incapable de conserver un emploi stable qui lui offre une véritable rémunération. Cependant, la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit au paragraphe 7 de l’arrêt Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Scott, 2003 CAF 34 :

[...] le critère pour déterminer si une invalidité est « grave » , ce qui est la question en litige en l’espèce, est défini dans la Loi comme étant le fait que cette invalidité rend la personne « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice [...] C’est l’invalidité, et non l’emploi, qui doit être « régulière » et l’emploi peut être toute « occupation véritablement rémunératrice ». [mis en évidence par la soussignée]

[23] Selon l’arrêt Bungay c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47, l’employabilité n’est pas un concept qui se prête à l’abstraction. Elle doit plutôt être évaluée eu égard à « toutes les circonstances ». Les circonstances sont divisées en deux catégories : i) les antécédents du requérant (âge, niveau d’instruction, aptitudes linguistiques, expérience de travail et expérience de vie); ii) les troubles médicaux du requérant.

[24] J’ai examiné l’enregistrement de l’audience devant la division générale ainsi que la preuve documentaire. À la lecture de la décision de la division générale, je souligne que la décision manque de détails relativement au témoignage rendu par le demandeur au cours de l’audience devant la division générale. Bien que les parties aient droit à des décisions qui illustrent l’examen de la preuve versée au dossier et des motifs énoncés concernant la façon dont les questions en litige ont été tranchées, je n’estime pas que la division générale a omis de tenir compte de la preuve, a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée ou a omis de fournir des motifs adéquats pour les conclusions qu’elle a tirées. Un manque de détails n’est pas un moyen d’appel prévu au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. De plus, un tribunal administratif n’est pas tenu de faire référence à tous les éléments de preuve dont il est saisi, et il peut être présumé qu’il a examiné l’ensemble de la preuve (Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82).

[25] La preuve présentée à la division générale démontrait clairement que le demandeur est jeune et instruit et que, bien qu’il ait besoin de mesures d’adaptation, le témoignage qu’il a donné devant la division générale est ainsi résumé :

  • En 1991, il a subi un accident de motocross et a commencé la course en fauteuil roulant six mois plus tard.
  • Entre 1991 et 1997, il s’est impliqué dans la course en fauteuil roulant et il a participé à des événements d’athlétisme au Canada et aux États-Unis. Il a participé à 20 marathons et il terminé premier à cinq occasions. Il a effectué le marathon de Boston à quatre reprises. En 1997, il a fait 25 cours en neuf mois.
  • Il vit sur la X X de Vancouver et il se déplace en avion ou en voiture pour participer aux courses. Il a fait des conférences au sujet des cours et il s’est rendu jusqu’en Atlanta et en Californie.
  • En 1995, il a signé un contrat afin de participer à des conférences au nom du BCIPC et il a voyagé dans l’ensemble de la province pendant les mois d’école. Ses présentations étaient d’une durée d’une heure, et il faisait une ou deux prestations certaines semaines, alors qu’il en faisait seulement deux par mois à l’occasion. Il était rémunéré de 100 $ à 200 $ par présentation.
  • Il est retourné aux études et il a obtenu un diplôme en affaires en 1996. Il a fréquenté l’école à temps partiel et il a généralement suivi deux ou trois cours par session parce qu’il pratiquait également la course et donnait des présentations à ce moment-là.
  • Son avis de cotisation pour 1996 faisait état de cotisations professionnelles versées, ce qu’il a attribué à quatre annonces télévisées qu’il a faites et un petit emploi de mannequinat et du travail à titre de [traduction] « figurant » dans plusieurs émissions de télévision. Il a décrit les années 1995 à 1997 comme étant une [traduction] « période intéressante et occupée ».
  • Son père est décédé de manière inattendue en 1997, et il a diminué les activités sportives en 1998 pour s’en tenir à la course en fauteuil roulant. Il a lié cette décision au décès de son père.
  • Il a commencé à travailler à temps partiel à titre de télévendeur en 2003, mais il a quitté cet emploi parce qu’il s’agissait d’une [traduction] « farce ». Il a décrit l’emploi comme étant désorganisé. Il travaillait principalement avec des étudiants, la technologie était médiocre, et les chaises étaient inconfortables. Il a également déclarait que les employeurs n’offraient pas de mesures d’adaptation.
  • Il a ensuite travaillé comme vendeur de voitures pour Jaguar. Il ne pouvait pas se rappeler s’il a quitté cet emploi ou si on lui a demandé de le quitter, mais il a décrit l’emploi comme étant [traduction] « frustrant pour tout le monde ». Il a déclaré que les clients étaient embrouillés lorsqu’ils le rencontraient parce qu’ils [traduction] « s’attendaient à être accueillis par une personne non handicapée ». Son fauteuil roulant laissait des tracs sur le plancher verni s’il pleuvait à l’extérieur, et l’environnement chez le concessionnaire était [traduction] « sournois » et « hypocrite ». Il trouvait également difficile d'amener les clients faire l’essai d’une voiture sans un accélérateur pour le pied gauche dans les voitures. Il avait réussi à vendre deux voitures lorsqu’il a été employé chez le concessionnaire et il ressentait une [traduction] « pression quant au rendement ».

[26] Il n’y avait aucune preuve selon laquelle le demandeur avait des problèmes à effectuer des activités quotidiennes, et aucune incidence sur sa capacité à mener sa vie sportive choisie aux échelles nationale et internationale n’a été soulignée. Ses exploits dans ce domaine ont été considérés par la division générale comme étant importants.

[27] La Cour d’appel fédérale a déclaré, dans l’arrêt Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Rice, 2002 CAF 47, que l’exigence relative à la gravité doit être examinée à la lumière des circonstances particulières du demandeur et que c’est la capacité de la personne à être employés qui est un facteur déterminant de la gravité selon le RPC. Même si la division générale a convenu que le demandeur souffrait d’une invalidité prolongée, elle était convaincue que la preuve appuyait l’allégation du défendeur selon laquelle le demandeur a cessé d’être invalide en janvier 1995. La division générale a conclu que la persévérance, les capacités et les compétences du demandeur ont été clairement démontrées au moyen de ses tournées de conférences, ses voyages à l’étranger pour s’entraîner, l’obtention de son diplôme collégial, son aptitude à recruter des commanditaires pour son site Web, et sa présence et sa participation à des courses d’envergures national et international. Il a été conclu qu’il avait exploré des possibilités d’emploi qui appuyaient principalement ses courses en fauteuil roulant et que ceux-ci étaient limités en ce qui concerne la possibilité de gains. La division générale n’a pas conclu que le niveau de revenu était un facteur déterminant de l’invalidité (M.D. c. Ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences, 13 juillet 2010, CP 26312, CAP). Au paragraphe 33, la division générale a conclu que, même si le demandeur a choisi de poursuivre des activités non rémunératrices, son niveau d’activité a démontré qu’il possédait la [traduction] « capacité » requise.

[28] Dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Hoffman, 2015 CF 1348, la Cour fédérale a déclaré ce qui suit : « Les motifs doivent être intelligibles et suffisamment détaillés et doivent justifier de façon logique la décision. Ils devraient répondre aux questions soulevées par l’affaire et aux arguments clés formulés par les parties. » J’estime que la division générale a fourni des motifs intelligibles qui sont suffisamment détaillés. Le demandeur a fait valoir que la division générale aurait dû tenir compte de la preuve de Dr Norton versée au dossier, mais j’ai déjà souligné que le diagnostic relatif à l’état de santé du demandeur ne détermine pas l’invalidité selon le RPC. Il s’agit d’un facteur. L’invalidité doit être évaluée à la lumière des circonstances particulières, et la division générale a fourni une preuve suffisante selon laquelle l’ensemble des circonstances particulières du demandeur en l’espèce a été pris en considération en plus de ses problèmes de santé.

[29] Je n’estime pas que la division générale a commis une erreur en appliquant le mauvais critère juridique pour déterminer l’existence d’une invalidité grave selon le RPC. La permission d’en appeler n’est pas accordée pour ce motif.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en ne tenant pas compte des occupations véritablement rémunératrices que le demandeur était capable de détenir?

[30] Le demandeur soutient que la division générale a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte d’occupations hypothétiques que le demandeur était capable de détenir. Il se fonde sur l’arrêt Villani dans laquelle la Cour d’appel fédérale a déclaré au paragraphe 38 qu’ « il s’ensuit que les occupations hypothétiques qu’un décideur doit prendre en compte ne peuvent être dissociées de la situation particulière du requérant, par exemple son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie ».

[31] Le demandeur fait valoir que le défendeur et la division générale étaient obligés de cerner les occupations hypothétiques que le demandeur était capable de détenir. Je ne suis pas d’accord. Dans l’arrêt Kiraly c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 66, le Tribunal a conclu que la demanderesse avait la capacité de travailler et qu’elle n’avait pas respecté son obligation juridique de chercher un emploi adapté à sa limitation. La demanderesse a présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision du Tribunal, mais la Cour a conclu que la décision du Tribunal était raisonnable. Dans l’arrêt Kiraly, la Cour d’appel fédérale a conclu que l’arrêt Villani n’appuie pas la thèse selon laquelle le défendeur ou le Tribunal est tenu de préciser les autres emplois que pourrait exercer la demanderesse.

[32] La permission d’en appeler n’est pas accordée pour ce motif selon laquelle la division générale n’a pas cerné d’occupations hypothétiques adaptées aux limitations du demandeur, car je n’estime pas que cet argument confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée?

[33] Le demandeur a fait valoir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance parce qu’elle a conclu que le demandeur a cessé d’être invalide le 31 janvier 1995. Le demandeur soutient que cette conclusion signifierait que, le 30 janvier 1995, le demandeur était invalide, mais que, le jour suivant, il ne l’était pas. Il n’y a eu aucun changement de l’état de santé du demandeur entre ces deux jours, alors, selon lui, la conclusion de la division générale doit être attribuée au fait que la division générale a simplement adopté l’avis de l’évaluatrice médicale selon lequel l’emploi contractuel au BCIPC était véritablement rémunérateur. Le demandeur soutient que l’évaluatrice médicale a eu tort de se fier sur une demande de prêt bancaire figurant au dossier selon lequel le demandeur avait touché des gains de 40 000 $ à 50 000 $ en étant employé par le BCIPC.

[34] L’argument du demandeur ne me convainc pas. J’ai déjà conclu que la division générale ne s’est pas fondée sur la demande de prêt bancaire pour tirer sa conclusion selon laquelle le demandeur a conservé sa capacité de travailler. La conclusion de la division générale était fondée sur la preuve versée au dossier et le témoignage de vive voix donné par le demandeur à l’audience. La division générale a conclu que la capacité à travailler du demandeur a été prouvée lorsqu’il a commencé son emploi chez BCIPC, conjointement avec la formation, la course et les études. La division générale a tenu compte de l’état de santé du demandeur et des circonstances particulières de celui-ci, et je ne constate pas qu’il s’agit d’une conclusion de fait erronée.

[35] Je n’estime pas que ce moyen d’appel confère à l’appel une chance raisonnable de succès et que, par conséquent, la permission d’en appeler n’est pas accordée pour ce motif.

La division générale a-t-elle omis d’observer un principe de justice naturelle?

[36] Le demandeur soutient que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle, conformément à l’alinéa 58(1)a) de la Loi sur le MEDS. Il fait valoir que, puisque le défendeur n’a pas assisté à l’audience devant la division générale, le demandeur a été privé de l’occasion de contre-interroger le défendeur relativement à plusieurs questions, y compris ce qui suit :

  1. les procédures internes du ministre pour déterminer si [le demandeur] a continué d’être atteint d’une invalidité grave et prolongée;
  2. les documents sur lesquels les employés du ministre se sont fondés pour déterminer l’admissibilité [du demandeur] aux prestations;
  3. la question de savoir si les employés du ministre connaissaient l’avis de Dr Norton;
  4. La question de savoir si les employés du ministre ont mal interprété la preuve pour rendre leur décision, comme la lettre du BCIPC à l’appui de la demande de prêt;
  5. la question de savoir si les employés du ministre auraient tiré une conclusion différente s’ils avaient disposé de renseignements supplémentaires;
  6. le fondement concernant le pouvoir du ministre à demander le remboursement de prestations.

[37] Le demandeur est d’avis que l’équité procédurale prévoit qu’une partie doit avoir l’occasion de présenter sa cause et de répondre à la cause contre lui dans le cadre de la contre-interrogation du témoignage. En privant le demandeur de cette possibilité, étant donné l’absence du défendeur à l’audience et la décision de la division générale de tenir l’audience comme prévu, le demandeur n’a pas eu la chance de présenter pleinement sa cause. Il déclare également que le besoin de contre-interroger le défendeur était appuyé par le fait que le Tribunal s’est fondé sur les conclusions de l’évaluatrice médicale du défendeur. Le demandeur cite l’arrêt Innisfil Township c. Vespra Township, [1981] 2 RCS 145, comme autorité de sa position :

C’est dans le cadre d’un processus de droit statutaire qu’il faut signaler que le contre‑interrogatoire constitue un élément essentiel du caractère contradictoire qui s’attache à notre système juridique, notamment, dans bien des cas, devant certains tribunaux administratifs depuis les origines. En réalité, le système contradictoire, fondé sur le contre-interrogatoire et le droit de réfuter la preuve apportée par la partie adverse, au civil et au criminel, est la structure procédurale autour de laquelle la common law elle-même s’est édifiée. Cela ne signifie pas que, parce que notre système judiciaire se fonde sur ces traditions et ces procédures, il faille que les tribunaux administratifs appliquent les mêmes techniques. En réalité, de nombreux tribunaux dans la société contemporaine n’empruntent pas la voie traditionnelle du système contradictoire. D’autre part, quand les droits d’une personne sont en jeu et que la loi lui accorde le droit à une audition complète, dont celle de la démonstration de ses droits, on s’attendrait à trouver dans la loi la négation catégorique du droit de cette personne de réfuter, par contre-interrogatoire, la preuve apportée contre elle. [mis en évidence par la soussignée]

[38] Je soulignerai dès le départ que le Tribunal n’a pas le pouvoir d’obliger les témoins à comparaître devant lui. Dans la mesure où l’ancienne Commission d’appel des pensions a conservé le pouvoir d’obliger les témoins à comparaître, le Tribunal n’avait pas ce pouvoir en 2013.

[39] La division générale a abordé l’omission du défendeur à assister à l’audience dans le contexte de la question relative à l’équité procédurale dans sa décision :

[traduction]

[5] De plus, la Cour suprême du Canada a statué que, même si les parties d’une instance devant un tribunal administratif ont droit à l’équité procédurale, cela n'exige pas nécessairement que toutes les affaires soient instruites et tranchées sur le fondement d’une audience en personne (voir Singh c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1986] 1 RCS 177; Baker c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, [1999] 2 RCS 817). L’équité procédurale prévoit que les parties à une affaire ont la possibilité de présenter intégralement leur cause et de connaître les arguments avancés contre lui.

[6] En l’espèce, l’appelant n’a pas convenu qu’il n’était pas capable de connaître et comprendre les arguments avancés contre lui. Il a eu pleinement l’occasion de présenter sa cause à l’écrit en remplissant des documents à l’intention du Tribunal et de vive voix à l’audience par vidéoconférence. L’appelant n’a pas été privé d’équité procédurale en raison de l’instruction de l’appel par vidéoconférence.

[40] Le Tribunal est d’avis que le demandeur était au courant des faits importants de la cause. En fait, il avait reçu l’ensemble du dossier de la preuve avant l’audience, et cela a été confirmé par le membre de la division générale au début de l’audience. Le demandeur a reçu les observations écrites du défendeur et a eu l’occasion d’aborder les arguments du défendeur au cours de l’audience, ce qui a été souligné par la division générale dans sa décision au paragraphe 28, dans lequel elle déclare ce qui suit : [traduction] « Il est également décevant que, étant donné l’absence du défendeur, celui-ci a empêché l’appelant d’être en mesure de le questionner. Cependant, il a répondu de vive voix aux observations du défendeur à l’audience. » Le demandeur connaissait donc la preuve du défendeur à l’appui de la cessation de la pension d’invalidité.

[41] En ce qui concerne l’argument du demandeur selon lequel le fait d’empêcher une partie d’avoir l’occasion de contre-interroger un agent administratif (en l’espèce le représentant du ministre) équivaut à priver une partie de l’équité procédurale, je ne suis pas d’accord. Je souligne que les principes de justice naturelle portent sur l’équité procédurale, ce qui comprend le fait d’aviser le demandeur de sa date d’audience et des arguments avancés contre lui, une période adéquate pour préparer sa cause et sa défense, et une décision ainsi que des motifs expliquant la façon dont l’affaire a été tranchée. Le demandeur était représenté, mais son représentant n’a pas assisté à l’audience devant la division générale. Malgré l’absence des représentants du demandeur ou du défendeur, celui-ci connaissant la preuve du défendeur avant sa comparution devant la division générale et il avait eu suffisamment de temps pour préparer sa cause. La division générale lui a permis de donner un témoignage de vive voix et de présenter ses arguments au sujet de toute l’affaire dont elle était saisie, et le demandeur a eu l’occasion de contredire la position du défendeur.

[42] Le demandeur a cité un certain nombre de questions qu’il aurait exploré selon lui s’il avait eu l’occasion de contre-interroger le défendeur. Sans cette occasion, il a non seulement été privé d’équité procédurale, mais il est également d’avis que la division générale a tiré la mauvaise conclusion.

[43] J’estime que cet argument ne se tient pas. Étant donné chaque question citée par le demandeur, je n’estime pas que les procédures internes du défendeur ont des répercussions sur le cadre juridique permettant d’établir l’invalidité selon le RPC ou sur le pouvoir décisionnel de la division générale ou les motifs de sa décision en l’espèce. Le demandeur soutient qu’il aurait contre-interrogé le défendeur au sujet des documents sur lequel il s’est fondé pour rendre sa décision, mais ces documents figuraient dans le dossier de preuve fourni aux deux parties. Le demandeur connaissait donc pleinement la preuve au dossier dont disposait la division générale. Le demandeur fait également valoir qu’il aurait contre-interrogé le défendeur relativement à la question de savoir si celui-ci était au courant de l’avis de Dr Norton. L’avis de celui-ci figurant dans la trousse de preuve, et, même si la division générale n’a pas renvoyé à l’avis dans la décision, il est de jurisprudence constante, en droit administratif, qu’un tribunal n’est pas tenu de mentionner chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés, mais qu’il est réputé avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve (Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82). De plus, la question de savoir si le défendeur connaissait l’avis de Dr Norton n’est pas pertinente dans le cadre de la décision de la division de la division générale. Dans le même ordre d’idées, je n’estime pas que la question de savoir si le défendeur a mal interprété la lettre concernant le prêt bancaire a une incidence sur la décision de la division générale, car celle-ci ne s’est pas fondée sur la lettre. Le demandeur a également déclaré que, en ayant l’occasion de contre-interroger le défendeur, il aurait pu le questionner relativement à la question de savoir s’il aurait tiré une conclusion différente en ayant des renseignements supplémentaires. Cependant, le demandeur n’a pas cerné les renseignements supplémentaires ou la disponibilité de ceux-ci. Finalement, le demandeur aurait contre-interrogé le défendeur relativement au pouvoir de demander un remboursement des prestations. Toutefois, il ne s’agit pas d’une question que doit examiner la division générale. La question en litige devant la division générale était celle de savoir si le demandeur avait cessé d’être invalide le 31 janvier 1995.

[44] L’article 21 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale prévoit que les audiences peuvent être tenues sous quatre formes : à l’écrit, par téléconférence, par vidéoconférence ou en personne. De plus, il revient à la division générale de décider du mode d’audience (Parchment v. Canada (Procureur général), 2017 CF 354). Aux termes de l’article 3 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, le Tribunal doit veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent. Je n’estime pas que l’argument du demandeur selon lequel la division générale aurait dû changer le mode d’audience pour lui permettre d’interroger le défendeur relativement aux questions susmentionnées a du poids. Le demandeur a ni fait valoir ni démontré que la division générale a mal exercé son pouvoir discrétionnaire.

[45] Je n’estime pas que l’argument selon lequel la division générale a manqué à un principe de justice raisonnable confère à l’appel une chance raisonnable de succès. La permission d’en appeler n’est pas accordée pour ce motif.

Conclusion

[46] La demande est rejetée.

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