Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 24 octobre 2016, après avoir conclu que la demanderesse n’était pas atteinte d’une invalidité grave à l’échéance de sa période minimale d’admissibilité (PMA), le 31 décembre 2015, ou avant cette date, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a statué qu’une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) ne lui était pas payable.

Question en litige

[2] Je dois déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[3] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission et la division d’appel accorde ou refuse cette permission.

[4] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[5] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[6] Pour décider s’il convient d’accorder la permission d’en appeler, il me faut déterminer s’il existe une cause défendable. À ce stade, la demanderesse n’a pas à prouver sa thèse; elle doit seulement démontrer que son appel a une chance raisonnable de succès, soit qu’elle dispose de « certains motifs défendables grâce auxquels l’appel proposé pourrait avoir gain de cause » — Osaj c. Canada (Procureur général), 2016 CF 115 (paragraphe 12). La Cour d’appel fédérale a déterminé que la question de savoir si une partie dispose d’une cause défendable en droit revient à se demander si cette partie a une chance raisonnable de succès d’un point de vue juridique — Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41; Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

Observations

[7] La demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur comme elle n’a pas tenu compte de l’ensemble de la preuve et des éléments portés à sa connaissance pour statuer qu’elle n’avait pas droit à une pension d’invalidité. Il y avait de nombreux rapports médicaux montrant que des médecins croyaient que la demanderesse était incapable de travailler en raison de son problème de santé.

[8] La demanderesse soutient que la division générale a erré en concluant à tort qu’elle n’avait pas suivi tous les traitements recommandés.

[9] La demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur du fait qu’elle n’a pas tenu compte de l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, et, plus précisément, parce que sa décision ne fait aucunement référence au « monde réel », et parce qu’elle n’a pas pris en considération son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents professionnels et son expérience de la vie.

Analyse

[10] Je constate que l’observation de la demanderesse, selon laquelle la division générale n’a pas tenu compte de l’ensemble de la preuve et des éléments portés à sa connaissance, constitue un moyen d’appel en vertu de l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS.

[11] Je constate que l’observation de la demanderesse, selon laquelle la division générale a erré en concluant qu’elle n’avait pas suivi tous les traitements suggérés, représente un moyen d’appel en vertu de l’alinéa 58(1)b) de la Loi sur le MEDS, à savoir une erreur de droit.

[12] Je constate que l’observation de la demanderesse, selon laquelle la division générale a commis une erreur du fait qu’elle n’a pas tenu compte de l’arrêt Villani, supra, est un moyen d’appel en vertu de l’alinéa 58(1)b) de la Loi sur le MEDS.

Erreur de droit — Respect des traitements suggérés

[13] Dans la section de la preuve, la division générale a fait référence au témoignage de la demanderesse, où elle avait fait part de ses antécédents. Elle a noté sa blessure initiale et le traitement qu’elle avait suivi. En plus de noter ses antécédents professionnels, elle a noté l'effet, tel que l’avait rapporté la demanderesse, de sa blessure, et a décrit ses limitations sur le plan physique et mental. Aux paragraphes 9 à 11 de sa décision, elle a pris note des médicaments et des différents traitements qu’elle avait décrits.

[14] La division générale a également fait référence aux rapports médicaux. Au paragraphe 12, dans la section de la preuve, elle met l’accent sur le docteur McEwan, un cardiologue qui avait traité la demanderesse lorsqu’elle avait d’abord subi sa blessure soudaine le 15 juillet 2013 et qui, après l’avoir examinée dans le cadre d’un suivi, le 23 septembre 2013, avait rapporté que sa fréquence cardiaque se trouvait dans les limites normales et qu’elle avait repris le travail. Elle a aussi noté que la docteure Miladinovic, sa médecin de famille, avait recommandé à la demanderesse de ne pas travailler avec des produits chimiques, le 5 septembre 2013.

[15] Au paragraphe 14 de sa décision, la division générale a mentionné les différents rayons X et les autres types d’imagerie effectués en 2013 et en 2014, ainsi que les indices de hernie discale à C6-7, de grave compression de la racine nerveuse C7 de gauche, et d’une compression modérée du côté ventral latéral de la moelle épinière, et une conclusion subséquente de radiculopathie chronique active de gauche à C7, sans indice de SCC ou de neuropathie cubitale. Elle a fait référence en détail aux conclusions et aux traitements de différents médecins, notamment des docteurs Santos, Awan, Al-Omar, Mainprize, Bari, Alotaibi, Chatterjee, Flannery et Schacter, et de sa médecin de famille, la docteure Miladinovic. Elle a également fait référence aux docteurs Antic et Savic, que la demanderesse avait consultés en Bosnie-Herzégovine.

[16] Au paragraphe 20 de sa décision, la division générale a noté que la docteure Miladinovic avait confié la demanderesse au docteur Mainprize, neurochirurgien, qui avait, le 25 mars 2014, recommandé une prise en charge conservatrice et expliqué que, même si une intervention chirurgicale était une option, la demanderesse avait décidé de ne pas subir une opération, comme une telle intervention présentait un risque de 5-6 %. Le 2 octobre 2014, la demanderesse avait consulté le docteur Bari, neurochirurgien, qui la suivait tous les trois mois depuis le début de 2014. Il était d’avis qu’une intervention chirurgicale n’était pas la meilleure solution à ce moment-là, comme un du 30 août 2014 avait révélé une amélioration de sa hernie discale et une diminution de la compression de la racine nerveuse (paragraphe 21).

[17] Dans le même ordre d’idées, le 22 janvier 2015, la demanderesse a consulté le docteur Alotaibi, neurochirurgien, qui pensait lui aussi qu’une opération n’était pas la meilleure solution, compte tenu de l’amélioration considérable de sa hernie discale, de ses réflexes normaux des deux côtés, et de l’absence d’une atrophie musculaire manifeste (paragraphe 22).

[18] Le 17 juin 2015, la demanderesse a également consulté en Bosnie-Herzégovine le docteur Antic, neurochirurgien. Le docteur Antic était d’avis qu’une intervention chirurgicale avait été indiquée (paragraphe 25). Le 14 octobre 2015, la demanderesse a également consulté le docteur Schater, neurochirurgien, qui lui a recommandé un programme d’exercices actif, un renforcement musculaire du tronc, du yoga, de l’acupuncture et des injections de cortisone (paragraphe 26). Un examen électrophysiologique mené le 11 juillet 2016 par le docteur Savic en Bosnie-Herzégovine avait révélé une lésion par compression chronique, proximale, de progression lente, modérément grave, axonale, pluriradiculaire et affectant le plus gravement C5-6 (paragraphe 27).

[19] La division générale a noté que la docteure Miladinovic avait rempli un rapport médical le 5 mai 2015 pour sa demande de pension d’invalidité du RPC. Elle a précisé que la demanderesse était incapable de travailler ou de se concentrer, ayant besoin d’aide pour ses activités quotidiennes. La docteure Miladinovic a également fait savoir, le 27 juillet 2016, que l’état de la demanderesse s’était détérioré depuis 2013. Elle était d’avis que la demanderesse avait respecté les méthodes de traitement recommandées et qu’elle était incapable de maintenir un emploi valable « à ce moment-là ».

[20] Dans son analyse de la preuve, la division générale a examiné les éléments de preuve. Elle en fait un résumé au paragraphe 36 de sa décision. Au paragraphe 37, la division générale a noté que la demanderesse s’était conformée au traitement recommandé, et qu’elle avait l’impression que le traitement conservateur n’était pas efficace et qu’il serait peut-être préférable dans son cas de recourir à l’opération. Elle a observé que la demanderesse avait consulté des médecins à l’étranger, estimant que le traitement au Canada n’avait pas porté fruit. On lui a dit qu’une opération avait été indiquée. Cependant, en date de l’audience, elle n’avait pas donné suite à ces recommandations, et demeurait insatisfaite de son traitement (paragraphe 38).

[21] J’estime que l’observation de la demanderesse, selon laquelle la division générale avait conclu qu’elle n’avait pas suivi les traitements suggérés, a une chance raisonnable de succès en appel. La décision, statuant qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité grave, semble fondée en partie sur la conclusion que la demanderesse n’avait pas voulu subir l’opération recommandée en Bosnie-Herzégovine.

[22] Au paragraphe 37 de sa décision, la division générale a écrit que les documents médicaux au dossier confirmaient que la demanderesse avait respecté le traitement médical qui avait été recommandé pour elle. Elle a ensuite précisé cette déclaration. Elle a spécifié que c’était la demanderesse qui croyait que le traitement conservateur n’avait pas été efficace et qu’une intervention chirurgicale pouvait être une option, même si les neurochirurgiens canadiens ne s’étaient pas prononcés en sa faveur. La demanderesse s’était rendue en Bosnie-Herzégovine pour des consultations et des examens, comme elle n’était pas satisfaite des options de traitement qu’elle avait suivies. La division générale a fait remarquer que l’opération, recommandée en Bosnie-Herzégovine, pourrait donner lieu à des options de traitement pour la demanderesse.

[23] La division générale a écrit ce qui suit au paragraphe 41 de sa décision :

[traduction]

[…] même si [la demanderesse] a suivi les traitements qui lui ont été recommandés au Canada, elle n’a pas épuisé toutes les méthodes de traitement comme elle n’a toujours pas eu de consultation ni subi d’opération comme il le lui avait été recommandé en Bosnie. Ainsi, même si elle a essayé de nombreuses méthodes de traitement, il semble que toutes les solutions de traitement n’aient pas été exploitées.

La division générale a noté que c’était la demanderesse qui avait voulu explorer cette option comme elle avait l’impression que les traitements au Canada ne fonctionnaient pas, et a fait remarquer qu’elle n’y avait pourtant pas donné suite. Elle avait reçu un rapport des médecins de la Bosnie-Herzégovine contenant une recommandation. La division générale a conclu que le fait que les médecins desquels émanait la recommandation résidaient à l’étranger ne donnait pas à la demanderesse une excuse pour ne pas suivre le traitement recommandé. La demanderesse avait exprimé son sentiment que les plans de traitement ne portaient pas fruit.

[24] L’arrêt Lalonde c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2002 CAF 211, a établi que le décideur doit chercher à savoir si le refus d’un traitement est déraisonnable et, si tel est le cas, déterminer l’incidence de ce refus sur l’état d’invalidité.

[25] La division générale n’a aucunement fait référence à Lalonde, et n’a jamais abordé la question de savoir s’il était raisonnable de ne pas subir l’opération comme option de traitement ni celle de l’incidence de ce refus. La division générale pourrait avoir ainsi commis une erreur de droit, et je conclus qu’il existe une cause défendable et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La cause Joseph v. Canada (Procureur général), 2017 CF 391, au paragraphe 43, reprend le paragraphe 20 de la cause Griffin c. Canada (Procureur général), 2016 CF 874, comme suit : [traduction] « […] la division d’appel devrait examiner le dossier et déterminer si la décision a omis de tenir compte correctement d’une partie de la preuve. »

[26] Dans l’arrêt Mette v. Canada (Procureur général), 2016 CAF 276, la Cour d’appel fédérale a déclaré que la division d’appel n’est pas tenue d’aborder tous les motifs d’appel invoqués par un demandeur. Dans cette affaire, le juge Dawson a affirmé, au sujet du paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS, que [traduction] « cette disposition ne nécessite pas de rejeter individuellement les motifs d’appel. » Comme j’ai conclu que la demanderesse dispose d’une chance raisonnable de succès en appel d’après son observation voulant que la division générale a commis une erreur de droit en concluant à tort qu’elle n’avait pas suivi tous les traitements recommandés, je ne me suis pas penché sur ses autres motifs d’appel.

Conclusion

[27] La demande est accueillie.

[28] La présente décision accordant la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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