Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler d’une décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal), laquelle concluait qu’il était admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) à partir de septembre 2012.

Contexte

[2] Le demandeur a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC à trois occasions distinctes : le 21 janvier 2004, le 16 janvier 2009 et le 19 août 2013. Le défendeur a rejeté les deux premières demandes en première instance, et rien ne démontre dans ces deux cas que le demandeur a déjà demandé une révision avant les dates limites prévues. Dans le cadre de la troisième et plus récente demande, le défendeur a rejeté la demande de pension d’invalidité du demandeur à l’étape initiale et après révision. Le demandeur a ensuite interjeté appel de la décision découlant de la révision devant la division générale, qui a conclu dans une décision datée du 19 janvier 2017 qu’il était admissible à une pension d’invalidité du RPC parce qu’il était atteint d’une invalidité « grave et prolongée » pendant la période minimale d’admissibilité (PMA) ayant pris fin le 31 décembre 2012.

[3] La division générale a également conclu que la date de début d’invalidité était en octobre 2007, à savoir le moment où il a cessé de travailler en raison de son diagnostic de cancer de la prostate. En citant des dispositions du RPC qui limitaient les paiements rétroactifs de pension, la division générale a précisé que la date de début de l’invalidité était réputée être en mai 2012 et, la date du premier versement, en septembre 2012.

[4] Le 14 mars 2017, dans les délais prescrits, le représentant autorisé du demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel.

Droit applicable

Régime de pensions du Canada

[5] L’alinéa 42(2)b) du RPC énonce l’exigence à satisfaire pour qu’un demandeur soit déclaré invalide :

une personne est réputée être devenue ou avoir cessé d’être invalide à la date qui est déterminée, de la manière prescrite, être celle où elle est devenue ou a cessé d’être, selon le cas, invalide, mais en aucun cas une personne – notamment le cotisant visé au sous-alinéa 44(1)b)(ii) – n’est réputée être devenue invalide à une date antérieure de plus de quinze mois à la date de la présentation d’une demande à l’égard de laquelle la détermination a été faite.

[6] La disposition qui régit le versement de la pension d’invalidité se trouve à l’article 69 :

Sous réserve de l’article 62, lorsque le versement d’une pension d’invalidité est approuvé, la pension est payable pour chaque mois à compter du quatrième mois qui suit le mois où le requérant devient invalide sauf que lorsque le requérant a bénéficié d’une pension d’invalidité prévue par la présente loi ou par un régime provincial de pensions à un moment quelconque au cours des cinq années qui ont précédé le mois où a commencé l’invalidité au titre de laquelle le versement est approuvé :

a) la mention de « quinze mois » à l’alinéa 42(2)b) s’interprète comme une mention de « douze mois ».

b) la mention de « quinze mois » à l’alinéa 42(2)b) s’interprète comme une mention de « douze mois ».

[7] Une fois que l’intimé rend une décision initiale quant à une demande de pension d’invalidité, les requérants disposent d’un délai de 90 jours, au titre du paragraphe 81(1) du RPC, pour présenter une demande de révision. Conformément au paragraphe 81(2), l’intimé reconsidère sans délai la décision et doit dès lors aviser par écrit la personne qui a fait la demande de sa décision motivée, qu’il ait confirmé ou modifié la décision initiale.

[8] En vertu de l’article 82, une partie qui se croit lésée par une décision de l’intimé rendue en application de l’article 81 peut interjeter appel de cette décision devant la division générale du Tribunal.

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

[9] Selon les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission », et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[10] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[11] Conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier:
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[12] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’il existe un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. La Cour d’appel fédérale a déterminé qu’une cause défendable en droit revient à une cause ayant une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[13] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond. C’est un premier obstacle qu’un demandeur doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel il devra faire face à l’audience relative à l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[14] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[15] Dans un court mémoire joint à la demande de permission d’en appeler, le représentant du demandeur a présenté les observations suivantes :

  1. Au paragraphe 86 de la décision datée du 19 janvier 2017, la division générale a conclu que l’appelant était atteint d’une invalidité grave et sévère en octobre 2007, à savoir lorsqu’il a cessé de travailler en raison de son diagnostic de cancer de la prostate.
  2. La division générale a déclaré que, aux fins de paiement, une personne ne peut être réputée être devenue invalide à une date antérieure de plus de 15 mois à la date de la présentation de la demande de pension d’invalidité au demandeur. La division générale a conclu que, étant donné que la demande a été reçue en août 2013, le demandeur avait droit aux prestations d’invalidité à partir de mai 2012 seulement et que la date du premier versement était quatre mois plus tard.
  3. Au paragraphe 69c) de la décision, le défendeur a reconnu que le demandeur a présenté une demande de prestations d’invalidité du RPC pour la première fois en janvier 2004. La demande a été refusée. Le demandeur a présenté une nouvelle demande en janvier 2008, et celle-ci a également été rejetée. En mai 2013, le demandeur a demandé une révision, et le défendeur a refusé de le faire, car plus de quatre années avaient passé depuis le rejet de la demande de janvier 2009. Au lieu de consacrer beaucoup de temps et de ressources à contester la question de la limitation, le demandeur a présenté une nouvelle demande en août 2013.
  4. Le demandeur s’est représenté lui-même dans le cadre de ses demandes antérieures et il n’a pas pu obtenir les conseils juridiques d’un avocat en raison de son invalidité et de problèmes financiers. Le demandeur cherche à obtenir une ordonnance selon laquelle la décision rendue par la division générale le 19 janvier 2017 doit être modifiée afin de corriger la date de début réputée de l’invalidité de mai 2012 par octobre 2007.

Analyse

[16] La décision de savoir s’il faut accorder la permission d’en appeler repose sur la question de savoir si la troisième demande du demandeur peut être considérée comme un prolongement de la deuxième. Pour les raisons suivantes, je ne constate aucune cause défendable selon laquelle elle peut être considérée ainsi.

[17] La deuxième demande a été examinée et rejetée par le défendeur en première instance, le 13 février 2009, et elle n’a pas fait l’objet d’une demande de révision avant le 19 février 2013, soit bien après le délai de 90 jours prévu au paragraphe 81(1) du RPC. L’article 82 donne à penser qu’un appel devant la division générale est permis seulement si le défendeur a rendu une décision en réponse à une demande de révision, et le dossier démontre simplement que rien ne s’est produit à cet égard, et ce même s’il a été informé qu’il avait le droit de le faire. La décision de la division générale semble prendre pour acquis que la première et deuxième demandes sont des lettres mortes. Elle les mentionne seulement au passage.

[18] Je ne constate aucune erreur de fait ou de droit dans la conclusion de la division générale selon laquelle le processus de demande de 2009 a pris fin avec le refus du défendeur et l’omission du demandeur à demander une révision dans les délais prévus par la loi. Le demandeur laisse entendre qu’une demande ultérieure peut réinitialiser ou donner un nouveau souffle à une décision antérieure, mais, en fait, la demande a cessé d’être active dès que le demandeur a accepté le refus et qu’il n’a entrepris aucune autre démarche pour donner suite à sa demande. Le processus lancé en janvier 2009 s’est terminé en février 2009.

[19] Cette interprétation de la loi est appuyée par une décision de la Cour d’appel fédérale, Canada c. BannermanNote de bas de page 3, qui a établi qu’il n’existe aucun droit direct d’appel d’une décision initiale du ministre sans que cette décision ait au préalable été soumise pour révision et sans qu’une décision découlant de cette demande ait été obtenue. La présentation d’une demande de révision qui est faite en vertu du paragraphe 81(1) et le prononcé d’une décision, à la suite de la demande de révision, sont des conditions de l’existence d’un droit d’appel devant un tribunal de révision. Seule une décision rendue à la suite d’une demande de révision peut faire l’objet d’un appel devant le Tribunal, et une telle décision n’a jamais été rendue en l’espèce.

[20] Le demandeur a présenté une nouvelle demande de prestations d’invalidité du RPC en août 2013, et la division générale a finalement conclu qu’il était invalide. Les dispositions législatives, plus particulièrement l’alinéa 42(2)b) du RPC, prévoient que la date du début d’invalidité ne peut être antérieure de plus de quinze mois à la date de la présentation d’une demande. En l’espèce, il s’agit de mai 2012. Je n’ai trouvé aucune décision marquante qui permettrait le calcul rétroactif de la période d’invalidité du demandeur. En effet, la jurisprudence est claire à cet égard. Par exemple, dans la décision Canada c. GalayNote de bas de page 4, la Commission d’appel des pensions a conclu que l’expression « antérieure [...] à la date de la présentation d’une demande » à l’alinéa 42(2)b) renvoie au moment où le ministre a reçu la demande. Dans la décision Sarrazin c. CanadaNote de bas de page 5, la CAP a développé son analyse de la rétroactivité de l’alinéa 42(2)b) en déclarant qu’elle « restreint la période de rétroactivité à quinze mois au plus tard le dernier en date des jours suivants : i) la date d’approbation d’une demande de prestations d’invalidité ou ii) lorsque les modifications sont entrées en vigueur en juin 1992 ».

[21] De plus, dans l’arrêt Baines c. CanadaNote de bas de page 6, la Cour d’appel fédérale a été claire à ce sujet :

[...] lorsque la demande initiale de la demanderesse a été rejetée sept ans auparavant, le fait qu’une demande ultérieure ait été acceptée pour la même blessure ne permettait pas au tribunal d’antidater l’octroi de prestations au-delà du maximum légal de 15 mois à la date de la demande initiale. Le tribunal de révision n’avait pas l’autorité de rouvrir le dossier initial et la CAP ne pouvait examiner que les questions relevant de la compétence du tribunal de révision.

[22] La situation factuelle du demandeur est comparable à la décision Baines, ce qui réaffirme mon avis selon lequel la division générale n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a restreint le versement rétroactif des prestations d’invalidité aux 15 mois précédant immédiatement la date de la troisième demande et qu’elle a appliqué la période d’attente de quatre mois prévue à l’article 69 du RPC.

[23] La demanderesse laisse entendre qu’elle aurait dû bénéficier d’une réparation pour des motifs humanitaires, mais la division générale était tenue de suivre la loi à la lettre, tout comme je le suis. Si la demanderesse souhaite que j’exerce un principe d’équité et que je modifie simplement la décision de la division générale, je ne dispose pas du pouvoir discrétionnaire pour le faire et je ne peux qu’exercer le pouvoir accordé par la loi habilitante de la division d’appel. Un appui à cette position se retrouve dans Pincombe c. CanadaNote de bas de page 7, entre autres, qui prévoit qu’un tribunal administratif n’est pas une cour, mais un décideur prévu par la loi, et qu’il n’a pas la compétence d’accorder une quelconque forme de réparation équitable.

Conclusion

[24] Puisqu’aucun des motifs d’appel du demandeur ne soulevait de cause défendable, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

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