Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler relativement à la décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) le 3 février 2017. La division générale avait précédemment tenu une audience par vidéoconférence et conclu que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) parce que son invalidité n’était pas « grave » durant sa période minimale d’admissibilité (PMA) proratisée, laquelle prit fin le 31 décembre 2013 ou durant sa période proratisée entre le 1er janvier 2014 et le 30 avril 2014.

[2] Le 7 mars 2017, dans les délais prescrits, le représentant autorisé du demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel.

Droit applicable

[3] Selon les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission. La division d’appel accorde ou refuse cette permission d’en appeler.

[4] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[5] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la demande de permission d’en appeler est rejetée si la division d’appel est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[6] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’il existe un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1 1. La Cour d’appel fédérale a statué que la question de savoir si une affaire est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[7] Une demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond. C’est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel il devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, la demanderesse n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[8] La division d’appel doit décider si cet appel a une chance raisonnable de succès.

Observations

[9] Dans sa demande de permission d’en appeler, la demanderesse a soutenu que la division générale avait commis une erreur de droit et de fait, pour les raisons suivantes :

  1. Elle n’a pas appliqué les principes de l’arrêt Inclima c. CanadaNote de bas de page 3 en la pénalisant pour avoir refusé une offre de tâches modifiées que lui avait faite son employeur. En fait, comme les éléments de preuve l’indiquent, elle quitta son emploi après que son médecin ait déterminé plusieurs restrictions médicales.
  2. Elle fonda sa décision sur la conclusion voulant que la demanderesse n’ait pas exploré de manière raisonnable plusieurs modalités de traitement. En fait, la demanderesse suivit tous les conseils médicaux, arrêtant sa médication seulement parce qu’elle occasionnait des effets indésirables, comme indiqué dans les rapports médicaux présentés à la division générale.

[10] La demanderesse inclut aussi les documents suivants avec sa demande de permission d’en appeler :

  • Lettre datée du 7 août 2013, de S. S., gestionnaire des ressources humaines de Ceva Logistics Inc.;
  • Formulaire de consentement de divulguer des informations médicales à Ceva Logistics signé par la demanderesse le 29 août 2013;
  • Formulaire sur les exigences physiques rempli par Dr Julian Barrettara le 29 août 2013, pour Ceva Logistics;
  • Avis de mécontentement de l’employeur par S. S. de Ceva Logistics daté du 27 septembre 2013.

Analyse

Tentative de recherche de tâches de travail adaptées

[11] La demanderesse prétend que la division générale ignora ou dénatura les éléments de preuve qui démontraient les efforts qu’elle avait déployés pour remédier à ses handicaps et demeurer au travail. Elle déposa des documents corroborant son témoignage et attestant qu’elle n’avait pas refusé une offre de travail adapté, mais qu’elle avait plutôt été mise à pied par son employeur après que son médecin de famille ait déclaré qu’elle avait des limites physiques. La division générale la pénalisa pour une action qu’elle n’avait pas commise.

[12] À mon avis, la demanderesse n’a pas présenté de cause défendable pour ce motif. Je reconnais que la division générale fonda sa décision, du moins en partie, sur ce qu’elle conclut être un échec de la part de la demanderesse de remédier à ses handicaps en cherchant un emploi convenable :

[43] Lorsqu’il y a des preuves de capacité de travailler, une personne doit montrer que les efforts déployés pour obtenir et conserver un emploi ont été vains en raison de son état de santé (Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117). Le dernier emploi occupé par la demanderesse était celui de commis en PI, jusqu’à ce qu’elle soit impliquée dans un accident de la route en janvier 2012. Après la fin des prestations de son assureur, et lorsque la demanderesse s’informa s’il était possible de faire des tâches adaptées, son emploi a été supposément supprimé lorsqu’ils n’ont pu offrir de modifications. Depuis ce temps, il n’y a pas eu d’effort de la part de la demanderesse pour chercher un travail adapté ou aucune tentative de recyclage après sa mise à pied de chez Ceva en 2013. Bien que la demanderesse puisse ne pas être capable de retourner à temps plein dans son ancien rôle, qui impliquait l’utilisation prolongée d’un ordinateur assise à un bureau, elle n’a pas convaincu le Tribunal qu’à la fin de sa PMA elle était incapable de décrocher ou de détenir toute occupation véritablement rémunératrice à cause de son état de santé.

[13] Toutefois, ce passage indique que la division générale n’a pas « pénalisé » la demanderesse parce qu’elle a refusé une offre de tâches adaptées (la division générale accepta les éléments de preuve de la demanderesse qu’une telle offre n’a pas été faite), mais parce qu’elle n’a pas tenté de trouver un travail convenable après que son emploi chez Ceva soit terminé. La demanderesse a déposé des documents qui semblent confirmer son témoignage voulant que Ceva n’avait aucun travail qui aurait pu accommoder ses limites, mais ces éléments de preuve n’ont jamais été présentés à la division générale. Compte tenu des contraintes prévues au paragraphe 58(1), il ne m’est pas permis, comme membre de la division d’appel, de considérer de nouveaux éléments de preuve sur le fond. En l’occurrence, je ne vois pas comment les documents de Ceva auraient changé la justification de la division générale, puisque celle-ci jugea que la demanderesse n’avait pas fait suffisamment d’efforts pour chercher un emploi autre qu’un travail de bureau.

[14] Comme établi dans l’arrêt Simpson c. CanadaNote de bas de page 4, l’évaluation de l’importance des éléments de preuve est la responsabilité du juge de fait et la division d’appel ne substituera pas son appréciation de la valeur probante de la preuve à celle de la division générale, à moins de circonstances exceptionnelles. En l’espèce, après avoir considéré le témoignage de la demanderesse, la division générale conclut qu’elle avait fait peu ou aucun effort pour chercher un travail autre qu’avec son dernier employeur. Cette conclusion semble être solidement fondé sur les faits et je ne vois aucune erreur qui pourrait la qualifier d’abusive, d’arbitraire ou en désaccord avec les éléments au dossier. Par conséquent, je ne suis pas convaincu que ce moyen d’appel conférerait une chance raisonnable de succès à cet appel.

Refus de traitement

[15] La demanderesse soutient que la division générale a tiré une conclusion de fait qui n’était pas appuyée par la preuve portée à sa connaissance. Plus particulièrement, elle a conclu que la demanderesse avait déraisonnablement omis de se conformer aux conseils médicaux. Subsidiairement, la demanderesse soutient que la division générale a omis d’évaluer adéquatement la raison pour laquelle elle ne pouvait pas se conformer aux recommandations de ses médecins.

[16] Encore une fois, je ne constate pas de cause défendable fondée sur ce motif. Les choses auraient été différentes si la demanderesse avait été capable de montrer que la division générale ignora ou interpréta mal ses éléments de preuve voulant qu’elle ait fait des tentatives raisonnables de recouvrer sa santé et sa fonctionnalité. Toutefois, ses observations reconnaissent que la division générale a considéré cette preuve. Il semble que la préoccupation réelle de la demanderesse soit que la division générale n’a pas tiré, à partir de la preuve, les conclusions qu’elle aurait désirées. Les affaires comme Lalonde c. Canada et Bulger c. CanadaNote de bas de page 5 obligent les demandeurs de prestations d’invalidité du RPC à se conformer aux recommandations de traitement, mais elles prévoient également le juge des faits doit tenir compte du caractère raisonnable de toute non-conformité. Dans ce qui suit, la division générale accorda beaucoup d’attention aux traitements de la demanderesse et à déterminer si elle avait de bonnes raisons de refuser certains d’entre eux :

[38] La preuve présentée montre qu’il y a eu plusieurs recommandations de traitement qui n’ont pas toutes été suivies par la demanderesse. Même la physiothérapie reçue par la demanderesse a été irrégulière et très limitée selon Dr Barrettara et Dr Djuric. Pour ce qui est du léger syndrome du canal carpien de la demanderesse, une intervention chirurgicale ainsi qu’une contention nocturne et des injections de cortisone étaient recommandées; toutefois rien n’indique que ces mesures aient été prises. Au début de 2014, Dr Toma recommanda plusieurs essais de nouveaux médicaments ainsi que des infiltrations facettaires et de points gâchettes pour les douleurs de la demanderesse, et une fois de plus, ces options n’ont pas été essayées. Dr Toma recommanda aussi que la demanderesse consulte un chirurgien de l’épaule, ce qui n’aurait pas été fait. Il y a eu d’autres recommandations de consultations en gestion multidisciplinaire de la douleur et d’évaluations de capacité fonctionnelle de manière à mieux objectiver les limites de la demanderesse sans signe que celles-ci aient été suivies.

[39] Le Tribunal est au courant des diagnostics psychologiques faits par Dr Lowick après la date de fin de la PMA de la demanderesse. Jusqu’à maintenant, il n’y a eu qu’un suivi psychologique minimal qui s’est limité à quelques séances de thérapie. Selon la demanderesse, ces quelques séances de thérapie ont été considérées comme étant bénéfiques. Au moment de la PMA, il n’y avait pas eu d’intervention psychologique. La demanderesse ajouta qu’elle n’était pas certaine si elle avait essayé ou non des antidépresseurs ou des anxiolytiques à ce moment-là.

[40] La demanderesse affirma qu’elle craignait les options de traitement recommandées à cause des réactions négatives à certains médicaments qu’elle avait eues précédemment. La demanderesse a toutefois accepté d’essayer d’autres médicaments tels le Nucynta et le Torondol à la suite des multiples recommandations de traitement précédemment listées. Selon le dernier rapport de Dr Barrettara, elle prenait le médicament Eltroxin en 2016. Ensuite, il y a la question du suivi psychologique limité malgré les nombreuses recommandations qu’un soutien psychologique serait crucial dans le traitement global de la demanderesse. Compte tenu de la preuve médicale orale présentée, le Tribunal juge qu’à la date de fin de la PMA, le traitement de la demanderesse n’avait pas été complet tant sur le plan de ses symptômes physiques que psychologiques. Bien que de l’appréhension ait été exprimée parce que l’efficacité des traitements ne peut être garantie, le même ratio de risque et bénéfice s’applique pour les autres médicaments que la demanderesse a pris depuis ce temps-là. Une fois de plus, ses symptômes psychologiques auraient dû être évalués à la date de fin de sa PMA, et jusqu’à maintenant, ils ont reçu peu d’attention.

[17] Je ne vois rien qui suggère que ces conclusions s’écartent d’aucune manière de la preuve sous-jacente au dossier. En absence d’une erreur de fait flagrante, la division générale avait le droit de conclure que la demanderesse avait inexplicablement omis de suivre les recommandations de traitement. Pendant l’audience, la demanderesse a eu la chance de justifier sa réticence à prendre des médicaments, et elle témoigna que ceux-ci étaient soit inefficaces, soit causaient des effets indésirables. Toutefois, la division générale jugea cette explication déficiente, particulièrement à la lumière des recommandations de Dr Toma de février 2014. La demanderesse affirma qu’elle avait refusé les injections tronculaires parce qu’il n’y avait aucune garantie qu’elles seraient efficaces et qu’elle ne fit pas l’essai de la médication suggérée par son spécialiste de la douleur chronique à cause des expériences négatives qu’elle avait eues précédemment avec ses médicaments. D’après la division générale, ces explications ne sauraient se concilier avec sa volonté précédente d’explorer les antidouleurs.

[18] Il est important de reconnaître que le rôle de la division d’appel n’est pas d’être d’accord ou en désaccord avec les conclusions de fait de la division générale, mais plutôt d’évaluer la question de savoir si les conclusions, si essentielles, sont tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments au dossier. En l’espèce, dans un contexte où la division générale a offert des motifs compréhensibles et défendables pour faire abstraction de l’explication de la demanderesse concernant sa conduite, je ne constate aucune raison d’intervenir.

Conclusion

[19] Comme la demanderesse n’a invoqué aucun des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS qui conférerait à l’appel une chance raisonnable de succès, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

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