Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler d’une décision rendue le 27 janvier 2017 par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal). La division générale a tenu une audience par téléconférence et conclu que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) parce qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité « grave » durant sa période minimale d’admissibilité (PMA), allant du 1er au 31 janvier 2012.

[2] Le 8 mars 2017, dans les délais fixés, le représentant autorisé de la demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel.

Droit applicable

Régime de pensions du Canada

[3] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à une telle pension, un requérant doit :

  1. a) avoir moins de 65 ans;
  2. b) ne pas toucher une pension de retraite du RPC;
  3. c) être invalide;
  4. d) avoir versé des cotisations valables au RPC pendant au moins la PMA.

[4] Le calcul de la PMA est important puisqu’une personne doit démontrer qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à l’échéance de sa PMA ou avant cette date.

[5] Conformément à l’alinéa 42(2)a) du RPC, une personne est considérée comme invalide si elle est atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

[6] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission, et la division d’appel accorde ou refuse cette permission.

[7] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[8] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il doit exister un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. La Cour d’appel fédérale a statué que la question de savoir si une affaire est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[10] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond. S’il s’agit d’un premier obstacle à surmonter pour un demandeur, cet obstacle est moins imposant que celui auquel il devra faire face lors de l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, la demanderesse n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[11] La division d’appel doit décider si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Observations

[12] Dans sa demande de permission d’en appeler, le représentant de la demanderesse soutient que le critère relatif à la gravité doit être évalué dans un contexte global. Il reproche à la division générale de ne pas avoir tenu compte de l’âge et du niveau d’instruction de la demanderesse — en plus de son état de santé — quand elle a conclu qu’elle n’était pas incapable de travailler.

[13] Le représentant soutient également que la demanderesse prend des analgésiques, lesquels ont des effets secondaires considérables, notamment de la fatigue et des étourdissements. Au paragraphe 33 de sa décision, la division générale a noté que le docteur Williamson avait certifié son crédit d’impôt pour personnes handicapées et noté des restrictions marquées pour ce qui était de marcher, de se nourrir et de se vêtir. De plus, des déclarations des membres de la famille de la demanderesse appuient sa prétention qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en date de mars 2011, et qu’elle l’est demeurée continuellement depuis.

[14] En plus des déclarations de ses enfants (toutes deux datées de mars 2017), la demanderesse a soumis ses antécédents pharmaceutiques, provenant de sa pharmacie et détaillant ses ordonnances de février 2011 à janvier 2017.

Analyse

[15] La demanderesse, en l’espèce, devait relever le défi de taille de démontrer que son invalidité était devenue « grave et prolongée », au sens de l’alinéa 42(2)a) du RPC, au cours de la période très restreinte du mois de janvier 2012. La demanderesse n’a pas contesté la façon dont le défendeur a appliqué la période au prorata pour déterminer sa période d’admissibilité ni l’approbation de la division générale à ce sujet. J’ai examiné le calcul ayant servi à déterminer la période au prorata et j’estime qu’aucune erreur n’a été commise sur le plan du droit ou de son application à la situation de la demanderesse.

Villani

[16] Même si la demanderesse n’a pas expressément mentionné VillaniNote de bas de page 3, il est évident qu’une composante importante de ses observations est le fait que la division générale n’aurait supposément pas appliqué les préceptes de cet arrêt de principe et tenu compte de ses antécédents et de sa situation personnelle pour évaluer ses détériorations. Cependant, la décision révèle que la division générale avait conscience de l’arrêt Villani mais qu’elle a jugé qu’il n’était pas nécessaire de l’appliquer en l’espèce :

[traduction]

[60] La Cour d’appel fédérale a établi que « [l]es requérants sont toujours tenus de démontrer qu’ils souffrent d’une “invalidité grave et prolongée” qui les rend “régulièrement incapables de détenir une occupation véritablement rémunératrice”. Une preuve médicale sera toujours nécessaire […]. » (Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248 [Villani],au par. 50). En l’espèce, rien ne permet de croire que l’appelante soit devenue invalide en janvier 2012. Elle n’a pas consulté son médecin de famille entre octobre 2011 et février 2012 pour autre chose que des affaires courantes. Il ne fait aucun doute qu’elle se serait rendue à sa clinique si son état s’était considérablement détérioré en janvier 2012. Cependant, aucun dossier ne révèle qu’elle y serait allée, ou qu’elle serait allée à une clinique sans rendez-vous ou à une urgence durant ce mois-là. Rien ne montre que des changements auraient été apportés à ses médicaments à ce moment-là.

[…]

[72] Comme l’appelante n’a pas démontré qu’elle est devenue invalide en janvier 2012, il n’est pas nécessaire d’appliquer le critère relatif au contexte « réaliste » énoncé dans Villani à la période à laquelle s’applique le calcul au prorata (Giannaros c. Canada (Ministre du Développement social), 2005 CAF 187, aux par. 14-16).

[17] Dans le reste de l’analyse, la division générale a cherché à déterminer si les problèmes médicaux de la demanderesse, dont elle avait reconnu faire partie la dépression et une douleur articulaire de longue date, avaient franchi le seuil de l’invalidité « grave » entre le 1er et le 31 janvier 2012. Je remarque que la division générale a prêté une attention particulière aux éléments de preuve médicale datant de cette courte période et de ses environs, et en particulier au rapport de physiatrie du 17 janvier 2012 du docteur Ballyk; elle a néanmoins constaté que l’état de la demanderesse n’avait pas progressé et que sa douleur ne s’était pas aggravée depuis le début de l’année.

[18] Pour écarter l’analyse conforme à Villani, la division générale s’est fondée sur l’affaire Giannaros c. CanadaNote de bas de page 4, où la Cour fédérale s’est penchée attentivement sur l’arrêt Villani, avant de conclure ce qui suit :

[14] Je traiterai maintenant de la dernière prétention de la demanderesse, laquelle est fondée sur l’arrêt rendu par la Cour dans Villani, précité. La demanderesse prétend plus particulièrement que la Commission a commis en erreur en ne tenant pas compte de ses caractéristiques personnelles, comme son âge, sa formation, ses connaissances linguistiques, sa capacité de se recycler, etc. À mon avis, cette prétention doit être rejetée dans les circonstances de l’espèce. Dans Villani, précité, la Cour a affirmé sans équivoque (au paragraphe 50) qu’un requérant doit toujours être en mesure de démontrer qu’il souffre d’une invalidité grave et prolongée qui l’empêche de travailler[.]

[19] Ici, la Cour a clairement fait savoir qu’il est inutile d’évaluer l’âge, la formation et les antécédents professionnels d’un demandeur dans le cadre de son employabilité s’il n’existe pas au moins certains éléments de preuve médicale donnant lieu de croire qu’il est d’abord atteint d’une invalidité grave. Selon moi, la division générale a correctement appliqué le principe tiré de Giannoros pour conclure que rien ne démontrait qu’une invalidité grave était apparue durant les 31 premiers jours de 2012. J’estime qu’il n’est pas nécessaire de toucher à une conclusion de la division générale dans un cas comme celui-ci où elle dûment exercé son pouvoir de juge des faits pour apprécier les éléments de preuve remontant à la période visée dont elle disposait et tirer une conclusion défendable.

[20] J’estime que ce motif ne confère aucune chance raisonnable de succès à l’appel.

Appréciation de certains éléments de preuve

[21] La demanderesse laisse entendre que la division générale n’a pas, en rejetant son appel, accordé une valeur suffisante à certains aspects de sa preuve, mais j’estime que ces motifs ne donnent pas lieu à une cause défendable :

  • La décision de la division générale contenait un résumé complet et détaillé des rapports médicaux importants, lesquels documentaient les efforts déployés par ses prestataires de soins pour trouver la combinaison de médicaments qui soulagerait sa douleur tout en minimisant les effets secondaires comme la fatigue et les étourdissements. Au paragraphe 60 de sa décision, la division générale a conclu explicitement que rien ne révélait de changement aux médicaments de la demanderesse qui témoignerait du fait qu’une invalidité grave serait apparue en janvier 2012.
  • Même si le docteur Williamson a certifié le crédit d’impôt pour personnes handicapées, la division générale a accordé un poids restreint au rapport qui l’accompagnait, pour des motifs défendables qu’elle a expliqués au paragraphe 67 de sa décision :
    1. [traduction]
      [67] En juin 2013, le docteur Williamson a rapporté que l’appelante éprouvait des difficultés importantes à marcher depuis 2012. Il n’a cependant pas précisé si ce problème était apparu en janvier 2012, et la preuve ne révèle pas que cela aurait été le cas. La preuve ne révèle pas non plus que l’appelante avait commencé à avoir de la difficulté à se nourrir et à se vêtir à ce moment-là.

[22] Si la demanderesse n’est pas nécessairement d’accord avec les conclusions de la division générale, un tribunal administratif est libre de passer en revue les faits pertinents, d’évaluer la qualité des éléments de preuve, d’en déterminer la valeur, et de décider, le cas échéant, ceux qu’il convient d’admettre ou d’écarter. Les tribunaux ont déjà traité de cette question, dans des causes où il avait été reproché à des tribunaux administratifs de ne pas avoir accordé suffisamment de poids à des éléments de preuve précis. Dans l’arrêt Simpson c. CanadaNote de bas de page 5, la demanderesse a fait mention d’un certain nombre de rapports médicaux que la Commission d’appel des pensions avait, à son avis, ignorés, mal compris ou mal interprétés, ou auxquels elle avait accordé trop de poids. En rejetant la demande de contrôle judiciaire, la Cour d’appel fédérale a statué que c’est au juge des faits qu’il revient d’apprécier la preuve orale comme écrite : « Ainsi, une cour qui entend un appel ou une demande de contrôle judiciaire ne peut pas en règle générale substituer son appréciation de la valeur probante de la preuve à celle du tribunal qui a tiré la conclusion de fait contestée. »

[23] De plus, les déclarations des membres de la famille de la demanderesse appuient sa prétention qu’elle est devenue atteinte d’une invalidité grave et prolongée en mars 2012 et qu’elle l’est de demeurée continuellement depuis.

Nouveaux documents

[24] La demande de permission d’en appeler était accompagnée de documents, notamment d’une ordonnance et de lettres des membres de la famille de la demanderesse, qui avaient seulement été préparées après que la décision de la division générale eut été rendue. Je souligne que la demanderesse a eu amplement le temps de recueillir des éléments de preuve pertinents durant la période de près de deux ans et demi qui s’est écoulée entre la présentation initiale de sa demande de pension d’invalidité, en juillet 2014, et l’audience devant la division générale.

[25] De toute façon, en raison des contraintes imposées par le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, la division d’appel n’instruit habituellement aucun argument sur le fond de l’invalidité et ne considère pas non plus des éléments de preuve qui ont été présentés à la division générale ou qui auraient pu l’être. Après la tenue d’une audience, très peu de raisons justifient d’avancer des renseignements nouveaux ou supplémentaires, bien qu’un demandeur peut présenter à la division générale une demande d’annulation ou de modification de sa décision. Cependant, dans un tel cas, le demandeur devrait se conformer aux exigences prévues à l’article 66 de la Loi sur le MEDS et aux articles 45 et 46 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, qui imposent des échéances strictes et exigent que le demandeur démontre que les faits nouveaux sont essentiels et qu’ils n’auraient pu être connus au moment de l’audience malgré l’exercice d’une diligence raisonnable.

Conclusion

[26] Comme la demanderesse n’a invoqué aucun des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS qui conférerait à l’appel une chance raisonnable de succès, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

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