Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler d’une décision de la division générale datée du 31 août 2016, dans laquelle on établissait que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada, car il a été conclu que son invalidité n’était pas « grave » à la fin de sa période minimale d’admissibilité, le 31 décembre 1997, ni durant la période calculée au prorata, soit du 1er janvier 2007 au 30 avril 2007. La demanderesse affirme que la division générale a erré en droit et a aussi fondé sa décision sur plusieurs conclusions de fait erronées.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Historique de l’instance

[3] La demanderesse a d’abord présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada en février 1995. Le défendeur a rejeté cette première demande. Un tribunal de révision du Régime de pensions du Canada a rejeté son appel à l’encontre de la décision du défendeur. La demanderesse n’a pas interjeté appel de la décision du tribunal de révision devant la Commission d’appel des pensions.

[4] La demanderesse a fait une deuxième demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada en mars 2000. Le défendeur a rejeté cette deuxième demande. La demanderesse n’a pas sollicité une décision de révision.

[5] La demanderesse a fait une troisième demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada en juillet 2012. Le défendeur a rejeté cette troisième demande. La demanderesse a interjeté appel à l’encontre de la décision du défendeur devant la division générale.

[6] La division générale a instruit l’affaire par téléconférence le 23 juin 2015. La demanderesse et sa fille ont témoigné. Le 24 juin 2015, la division générale a accueilli l’appel de la demanderesse et lui a accordé une pension d’invalidité, car il a été établi que la demanderesse souffrait d’une invalidité grave et prolongée en novembre 2003. Toutefois, la division générale a aussi déterminé que la période minimale d’admissibilité de la demanderesse avait pris fin le 31 décembre 1997, et que sa période calculée au prorata était du 1er janvier 2007 au 30 avril 2007. Le défendeur a porté cette décision en appel devant la division d’appel.

[7] Le 9 mai 2016, la division d’appel a accueilli l’appel du défendeur, comme il a été jugé que la division générale avait erré en droit quand elle a incorrectement appliqué les dispositions relatives au calcul au prorata de l’alinéa 42(2)b) du Régime de pensions du Canada. La division d’appel a déterminé que la demanderesse devait avoir été déclarée invalide au cours de la période calculée au prorata, c’est-à-dire entre le 1er janvier 2007 et le 30 avril 2007. La division d’appel a renvoyé l’affaire à la division générale pour un réexamen.

[8] La division générale a instruit l’appel par téléconférence. La demanderesse était représentée par son mandataire. Elle n’a pas pris part à la séance et n’a donc pas présenté de preuve orale.

Analyse

[9] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS) prévoit que seuls les moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] Pour accorder la permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs pour en appeler se rattachent au moins à l’un des moyens d’appel énumérés au paragraphe 58(1) de la LMEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale a confirmé cette approche dans la décision Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

a) Témoignage présenté lors de l’audience tenue devant la division générale en 2015

[11] La demanderesse soutient que la division générale a fondé sa décision sur plusieurs conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Par exemple, elle soutient que la division générale a ignoré la preuve verbale qu’elle a présentée lors de la première audience tenue devant la division générale le 23 juin 2015.

[12] Dans la décision du 24 juin 2015, la division générale a souligné de la façon suivante la preuve de la demanderesse par rapport à son emploi [traduction] :

[28] L’appelante a témoigné avoir toujours voulu travailler, et afin de demeurer employée, elle n’a pas mentionné sa condition à son employeur, la GRC de X. Elle a déclaré avoir cru que le poste de gardienne de prison de nuit conviendrait à ses déficiences et elle a commencé à travailler pour la GRC en mai 2007, sur appel, de façon occasionnelle. L’appelante a informé le Tribunal qu’elle travaillait en moyenne 10 heures par mois. Elle a déclaré qu’elle n’aurait pas pu travailler plus d’heures, comme elle ne répondait pas aux appels de son employeur au moins une fois par semaine, parce que son état de santé ne lui aurait pas permis de le faire. [...].

(Mis en évidence par la soussignée)

[13] La demanderesse soutient que la division générale aurait dû se référer à la preuve qu’elle a présentée à l’audience tenue en 2015, et s’appuyer sur celle-ci, plutôt que de la rejeter d’emblée comme une « preuve par ouï-dire ». En fait, il s’agit de la preuve présentée à la division générale par le frère de la demanderesse qui a été considérée comme une preuve par ouï-dire. La division générale n’a pas rejeté la preuve pour la simple raison qu’il s’agissait d’un ouï-dire, mais parce qu’on la voyait comme une information moins fiable que celle contenue dans le questionnaire joint à la demande de pension d’invalidité de la demanderesse.

[14] Au paragraphe 35, la division générale a écrit que le représentant de la demanderesse, son frère, [traduction] « a indiqué que [la demanderesse] laisserait sonner le téléphone sans répondre à l’appel pour éviter de travailler à la GRC quand elle ne se sentait pas bien ». La division générale a jugé que la preuve présentée par le frère était considérée comme une preuve par ouï-dire, car il n’est pas celui qui a observé ce comportement et qu’il n’était pas présent quand le téléphone sonnait. La division générale a indiqué avoir préféré l’information contenue dans le questionnaire. La division générale a accepté que la demanderesse avait rempli le questionnaire, puisque [traduction] « c’était entre les mains de [la demanderesse] ». La division générale a aussi jugé que l’enregistrement d’une conversation téléphonique qui a eu lieu le 14 septembre 2012 corroborait l’information qui se trouvait dans le questionnaire. L’enregistrement téléphonique démontre que la demanderesse aurait déclaré ne pas avoir refusé un seul quart de travail que l’employeur lui a offert. L’information du questionnaire et la présumée déclaration téléphonique de la demanderesse sont contraires au témoignage que celle-ci a livré en 2015 devant la division générale, alors qu’elle déclarait qu’elle ne répondait pas en raison de son état de santé quand son employeur la téléphonait pour le travail.

[15] La division générale avait accepté que la demanderesse n’avait pas refusé un seul quart de travail que l’employeur lui a offert, et a par conséquent conclu qu’elle était capable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. Clairement, cette preuve liée au degré d’empressement de la demanderesse d’accepter tout quart de travail était déterminante dans la décision de la division générale par rapport à la question de savoir si la demanderesse était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[16] Bien que la division générale ait correctement décrit la preuve du frère comme un ouï-dire, la demanderesse soutient que la division générale avait la responsabilité de tenir compte de l’ensemble de la preuve, dont le témoignage oral de la demanderesse lors de l’audience de 2015, et que si la division générale avait tenu compte de sa preuve orale de 2015, la conclusion aurait nécessairement été différente, en l’occurrence qu’elle était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[17] Je suis donc prête à statuer qu’il existe une cause défendable en ce qui concerne la question de savoir si la division générale devait tenir compte de la preuve d’une instance antérieure, soit de savoir si la preuve du passé était admissible dans le cadre d’une audience de novo. Mais, d’autres questions sont soulevées quant à savoir s’il appartenait à la demanderesse de présenter la preuve de son précédent témoignage et de s’y référer spécifiquement au cours de la présentation des observations, ou même si cette preuve était admissible, puisqu’il n’y a pas eu d’audience de novo.

b) Autres questions

Allégation d’erreur de droit – calcul au prorata

[18] La demanderesse a aussi soulevé d’autres questions. La demanderesse soutient que la division générale a erré en droit quand elle [traduction] « a refusé d’accepter une conclusion d’invalidité conformément aux dispositions de l’alinéa 44(2)b) pour absence d’événement déclencheur pendant sa période d’admissibilité ». La demanderesse soutient essentiellement que la division générale a erré en concluant que son invalidité devait être apparue entre le 1er janvier 2007 et le 30 avril 2007 pour qu’on la déclare invalide. La demanderesse soutient qu’il n’était pas nécessaire pour la division générale d’appliquer les dispositions sur le calcul au prorata, car elle était gravement invalide en date du 31 décembre 1997.

[19] Les dispositions sur le calcul au prorata sont concernées si un appelant n’est pas déclaré invalide avant l’échéance de sa période minimale d’admissibilité. Cependant, l’on doit conclure que l’invalidité de l’appelante, c’est-à-dire l’événement déclencheur, est apparue pendant la période calculée au prorata. Généralement, un tribunal déterminerait si un appelant était devenu invalide avant l’échéance de sa période minimale d’admissibilité auparavant de déterminer si les dispositions sur le calcul au prorata s’appliquent à son cas.

[20] En l’espèce, la division générale a jugé que puisque la demanderesse avait travaillé après le 31 décembre 1997, elle ne pouvait pas avoir été gravement invalide avant l’échéance de sa période minimale d’admissibilité. La division générale s’est prononcée sur ce fondement pour déterminer si l’invalidité de la demanderesse était apparue entre le 1er janvier 2017 [sic] et le 30 avril 2007, et donc qu’elle pouvait bénéficier des dispositions sur le calcul au prorata.

[21] Au paragraphe 44, la division générale a écrit ce qui suit [traduction] :

Il n’y avait pas de question réelle quant au fait que l’appelante souffrait d’une invalidité grave le 31 décembre 1997, ou avant. L’appelante a détenu plusieurs occupations après cette date...

[22] Certes, la demanderesse a travaillé après le 31 décembre 1997, mais l’historique de rémunération indique qu’elle a touché des revenus relativement modiques après cette date (bien que ses revenus aient été relativement modiques certaines années auparavant). La division générale a souligné que la demanderesse avait commencé à travailler en mai 2007 et a précisé que celle-ci ne pouvait plus travailler depuis septembre 2009. Toutefois, l’historique de rémunération indique que la demanderesse a seulement touché des revenus modiques après 1997. Il apparaît que la division générale a conclu que la demanderesse détenait nécessairement une occupation véritablement rémunératrice, du fait qu’elle était employée. Il pourrait s’agir d’une erreur de droit, si la division générale a déterminé que la demanderesse ne pouvait pas avoir été gravement invalide, pour la simple raison qu’elle était employée, sans examiner d’abord si l’emploi pouvait représenter une occupation véritablement rémunératrice. Je suis convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès par rapport à la question que la division générale pourrait avoir erré en droit en omettant de bien évaluer si la demanderesse aurait pu être déclarée gravement invalide avant l’échéance de sa période minimale d’admissibilité, le 31 décembre 1997.

Allégations de conclusions de fait erronées

[23] La demanderesse soutient que la division générale a fondé sa décision sur plusieurs conclusions de fait erronées, tirées sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, qui incluent les points suivants :

  1. En 1991, elle a été impliquée dans un accident de la route qui lui a causé plusieurs blessures, dont des crises d’épilepsie, des migraines, des étourdissements, des vertiges et un trouble cérébral non diagnostiqué. La demanderesse soutient que l’effet cumulatif de ces blessures aurait dû mener à la conclusion qu’elle était gravement invalide avant la fin de sa période minimale d’admissibilité.
  2. Son médecin de famille était d’avis que son état en l’an 2000 était demeuré en grande partie inchangé depuis son accident de la route, et elle a été déclarée invalide pour une période indéterminée.
  3. Elle s’est sentie obligée de travailler en raison de difficultés financières, mais travailler mettait sa vie en danger.
  4. Elle est tombée deux fois quand elle travaillait à la ludothèque en 2002 et en 2003.

[24] Le fait que la demanderesse ait subi des blessures lors d’un accident de la route en 1991, ou qu’elle soit tombée en 2002 et en 2003, n’est pas pertinent pour la question de savoir si elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée avant l’échéance de sa période minimale d’admissibilité, ou si elle avait développé une invalidité grave au cours de la période calculée au prorata. De façon similaire, il n’est pas pertinent de connaître l’élément déclencheur de ses crises d’épilepsie. La division générale était tenue d’examiner la question de savoir si la demanderesse était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, et aucun de ces points ne concernait cette question.

[25] La demanderesse soutient que l’effet cumulatif de ses blessures découlant de l’accident de la route a engendré une invalidité grave. Essentiellement, cette observation exige une nouvelle évaluation. Cependant, une révision ou un réexamen de la preuve ne correspond pas à l’un des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS. Comme la Cour fédérale l’a établi dans l’affaire Tracey, ce n’est pas le rôle de la division d’appel d’apprécier de nouveau la preuve ou de soupeser de nouveau les facteurs pris en considération par la division générale lorsqu’elle se prononce sur la question de savoir si la demanderesse est gravement invalide conformément au Régime de pensions du Canada.

[26] Le médecin de famille de la demanderesse a rédigé un avis médical daté du 2 juin 2000. Il a indiqué avoir examiné la demanderesse le 27 octobre 1997 dans le cadre d’une évaluation de suivi par rapport à des étourdissements constants. Il était d’avis que son état était [traduction] « sensiblement le même depuis son accident ». Il a conclu qu’elle était demeurée invalide en raison de problèmes d’équilibre et de maux de tête constants.

[27] Apparemment, la division générale a accepté que la demanderesse détenait une occupation véritablement rémunératrice après 1997, et n’a donc pas examiné la preuve médicale (dont l’avis médical du 2 juin 2000 du médecin de famille) dans de but de déterminer si la demanderesse était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice avant la fin de sa période minimale d’admissibilité. Pour ce motif, je suis convaincue de l’existence d’une cause défendable quant à la possibilité que la division générale n’ait pas correctement fait l’examen de la question de savoir si la demanderesse pouvait être jugée gravement invalide avant la fin de sa période minimale d’admissibilité.

[28] La demanderesse est retournée sur le marché du travail en 2002 et en 2003, puis à nouveau en 2007, 2008 et 2009. Elle soutient que ces efforts ont mis sa vie en danger. Toutefois, l’effet d’un emploi sur son état de santé ne concerne pas la question principale de déterminer si elle peut être jugée gravement invalide avant la fin de sa période minimale d’admissibilité ou au cours de la période calculée au prorata. Les efforts auraient pu être pertinents dans l’évaluation de la question de savoir si les efforts déployés pour trouver ou conserver un emploi ont été infructueux en raison de son état de santé, mais la question n’a pas été soulevée, et la division générale ne l’a pas abordée.

Conclusion

[29] Je suis prête à accorder la permission d’en appeler, bien que cette décision ne présume aucunement du succès de l’appel.

[30] Conformément au paragraphe 58(5) de la LMEDS, la demande de permission d’en appeler est ainsi assimilée à un avis d’appel. Dans les 45 jours suivant la date à laquelle la décision est rendue, les parties peuvent a) déposer des observations auprès de la division d’appel ou b) déposer un avis auprès de la division d’appel précisant qu’elles n’ont pas d’observations à présenter. Les parties peuvent présenter des observations concernant le mode d’audience à privilégier pour l’instruction de l’appel (c’est-à-dire par téléconférence, par vidéoconférence, en personne ou sur la base des observations écrites des parties), ainsi que des observations sur le fond de l’appel.

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