Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le défendeur a estampillé la demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) du demandeur le 25 mars 2014. Le défendeur a rejeté cette demande initialement et après révision. La décision de révision a été interjetée auprès du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal). Le 26 juillet 2016, la division générale du Tribunal a déterminé qu’une pension d’invalidité n’était pas payable en vertu du RPC. La division générale a jugé que le demandeur était atteint d’une invalidité grave et prolongée en décembre 2015. Le demandeur, par l’intermédiaire de son représentant, a présenté une demande de permission d’en appeler (demande) auprès de la division d’appel du Tribunal, laquelle a été reçue le 16 septembre 2016.

Question en litige

[2] Le membre doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[3] Selon les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission », et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[4] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS énonce que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. »

[5] Aux termes du paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Le processus d’évaluation de la question à savoir s’il faut accorder la permission d’en appeler est un processus préliminaire. L’examen exige une analyse des renseignements afin de déterminer s’il existe un argument qui confèrerait à l’appel une chance raisonnable de succès. Il s’agit du seuil inférieur à celui qui devra être franchi à l’audience relative à l’appel sur le fond. Le demandeur n’a pas à prouver sa thèse à l’étape de la demande de permission d’en appeler : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 1999 CanLII 8630 (CF). Dans l’arrêt Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63, la Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique.

Observations

[7] Le représentant du demandeur soutient que le membre de la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a déterminé que le demandeur était atteint d’une invalidité grave et prolongée en décembre 2015. Plus précisément, le représentant du demandeur cite le paragraphe 53 de la décision comme étant problématique. En l’espèce, le membre de la division générale a expliqué qu’elle s’est fiée sur le rapport du Dr John daté du 30 décembre 2015 dans lequel il a affirmé que les conditions du demandeur faisaient en sorte qu’il [traduction] « lui [était] extrêmement difficile d’exercer un emploi, même de type sédentaire, de façon régulière. » (GD7-3)

[8] Le représentant du demandeur soutient que ce n’était pas l’intention du Dr John de convaincre le Tribunal que décembre 2015 était la date de début. Dans un effort pour s’attaquer à la question, le représentant du demandeur a obtenu des renseignements supplémentaires du Dr John datés du 6 septembre 2016. Le représentant a présenté ce nouveau rapport pour qu’il soit examiné à la division d’appel.

Analyse

[9] La division d’appel doit d’abord déterminer si la nouvelle lettre du Dr John datée du 6 septembre 2016 devait être considérée. Ensuite, la division d’appel doit déterminer si la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance dans son interprétation de la preuve médicale au dossier.

[10] Le représentant du demandeur soutient que la date de début a été déterminée de manière erronée, et pour étayer cette position, il a obtenu une nouvelle lettre du Dr John datée du 6 septembre 2016 afin d’essayer d’expliquer comment la date du 30 décembre 2015 était incorrecte ([traduction] « lettre de clarification »). De toute évidence, cette [traduction] « lettre de clarification » n’était pas à la disposition de la division générale au moment de l’audience ou avant que la décision soit rendue.

[11] De nouveaux éléments de preuve ne peuvent pas être pris en compte par la division d’appel, car la division d’appel ne tient pas d’audience de novo. C’est le rôle de la division générale de réviser la preuve et de tirer des conclusions de fait. Le membre de la division générale était chargé d’apprécier la preuve, de déterminer les faits et de conclure la question selon une analyse impartiale du dossier et du témoignage de vive voix rendu à l’audience. Dans l’affaire Parchment v. Canada (Procureur général), 2017 CF 354 (CanLII), la Cour fédérale a encore une fois expliqué le rôle de la division d’appel au paragraphe 23 de la décision :

[traduction]
En examinant l’appel, la division d’appel a un mandat limité. Elle n’a pas le pouvoir de tenir une nouvelle audience pour la cause de monsieur Parchment. De plus, elle ne tient pas compte des nouveaux éléments de preuve. La compétence de la division d’appel est limitée à déterminer si la division générale a commis une erreur (alinéas 58(1)a) à 58(1)c) de la LMEDS) et si la division d’appel est convaincue qu’un appel a une chance raisonnable de succès (58(2) de la LMEDS). La division d’appel accorde la permission d’en appeler seulement si les critères des paragr. 58(1) et (2) sont respectés.

[12] De plus, dans l’affaire Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300, le juge Roussel a écrit que « [t]outefois, dans l’actuel cadre législatif, la présentation de nouveaux éléments de preuve ne constitue plus un motif d’appel indépendant (Belo-Alves, au paragraphe 108). »

[13] Cela a été énoncé de manière plus détaillée dans l’affaire Marcia c. Canada (Procureur général), 2016 CF 1367 (CanLII) où il a été déterminé que de nouveaux éléments de preuve ne constituaient pas un moyen d’appel. La Cour fédérale a affirmé ce qui suit au paragraphe 34 :

Il n’est pas possible de présenter une nouvelle preuve à la division d’appel, puisque la division doit se limiter aux moyens énumérés au paragraphe 58(1) et que l’appel ne constitue pas une audience de novo. Étant donné que la nouvelle preuve concernant la décision de la division générale présentée par Mme Marcia ne pouvait être admise, la division d’appel n’a pas commis d’erreur en la rejetant (Alves c Canada (Procureur général), 2014 CF 1100 (CanLII), au paragraphe 73).

[14] Récemment, dans l’affaire Glover v. Canada (Procureur général), 2017 CF 363 (CanLII), la Cour fédérale a fait référence à l’affaire Canada (Procureur général) c. O’keefe, 2016 CF 503 et a conclu que la division d’appel n’avait pas commis d’erreur en refusant de tenir compte de nouveaux éléments de preuve dans cette affaire, dans le contexte d’une demande de permission d’en appeler. Le rapport du Dr John daté du 6 septembre 2016 constitue un nouvel élément de preuve, et je ne peux pas l’accepter dans le contexte de cette demande de permission d’en appeler, et par conséquent, je ne l’ai pas considéré.

[15] Nous devons maintenant nous pencher sur la question à savoir si la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée en déterminant que la date de début était le 30 décembre 2015. Le membre de la division générale a révisé la preuve médicale au dossier et a écouté le témoignage du demandeur à l’audience. Lorsqu’elle a déterminé la date de début, le membre de la division générale a écrit ce qui suit aux paragraphes 52 et 53 de la décision :

[traduction]
[52] Le Tribunal a jugé le témoignage du demandeur comme étant crédible et honnête. Le Tribunal estime que l’appelant est atteint de douleur chronique au niveau du dos, des hanches et des genoux, douleur qu’il ressent de manière régulière depuis son accident en milieu de travail en octobre 2010. Le Tribunal estime que l’appelant a suivi tous les traitements recommandés, y compris une tentative de perte de poids. Malgré le fait que l’appelant ait suivi le plan de traitement, y compris de la physiothérapie et de la méditation, le Tribunal estime que l’appelant continue de ressentir de la douleur qui nuit à sa capacité de s’assoir, de se tenir debout ou de marcher pendant de longues périodes de temps.

[53] Le Tribunal estime que le témoignage de l’appelant est étayé par la preuve médicale, y compris celle des Drs Wang, Fung, Leung et John. Notamment, le Tribunal se fonde sur l’avis médical du Dr John en date du 30 décembre 2015, selon lequel l’appelant n’était même pas capable d’exercer un emploi sédentaire en raison de sa douleur. Le diagnostic qui se trouve dans la documentation médicale est que l’appelant est atteint de problèmes chroniques aux genoux, accompagnés d’arthrite dégénérative ainsi que d’une tendinite de la patte d’oie, de douleurs chroniques au dos et d’une combinaison de sténose spinale et de problèmes aux genoux et aux hanches. D’autres éléments de preuve médicale confirment que l’appelant est atteint d’arthrose au niveau de ses hanches et du genou.

[16] De plus, la date de début est également débattue dans la conclusion de la décision, soit aux paragraphes 64, 65 et 66 :

[traduction]
[64] Le Tribunal estime que malgré le traitement et les médicaments, l’on ne s’attend pas à ce que l’état de santé de l’appelant s’améliore, et le Dr Wand a affirmé en 2013 que l’appelante avait atteint son rétablissement maximal relativement à la chirurgie qu’il a subie au niveau de son fémur gauche. De plus, le Tribunal se fonde sur la conclusion du Dr Wang selon laquelle l’appelant avait une blessure sérieuse dont plusieurs patients ne se rétablissent jamais complètement. Le Tribunal se fonde sur la conclusion du Dr Leung selon laquelle il ne savait pas exactement à quel moment l’on pouvait s’attendre à ce que l’appelant se rétablisse à un point tel qu’il n’aurait pas de limitations lorsqu’il s’assoit, se tient debout et marche. Finalement, le Dr John a conclu que les conditions médicales de l’appelant l’empêchaient de travailler à partir de la fin de 2015.

[65] Compte tenu de la preuve médicale présentée au Tribunal ainsi que de la preuve fournie par l’appelant, le Tribunal estime que la condition de l’appelant dure pendant une période longue, continue et indéfinie à la date de fin de sa PMA. Par conséquent, le Tribunal estime que l’appelant est atteint d’une invalidité prolongée à la date de fin de sa PMA.

[...]
[66] Le Tribunal estime que l’appelant était atteint d’une invalidité grave et prolongée en décembre 2015, lorsque le Dr John a conclu que l’appelant était incapable d’exercer un emploi sédentaire. En vertu de l’article 69 du RPC, les versements commencent à compter du quatrième mois qui suit la date du début de l’invalidité. Les paiements commencent donc en avril 2016.

[17] Le rapport du 30 décembre 2015 provenant du Dr John se trouve à GD-7, et les paragraphes pertinents se lisent comme suit :

[traduction]
[Le demandeur] a des problèmes chroniques aux genoux ainsi que de l’arthrite dégénérative. Il est également atteint de tendinite de la patte d’oie. Il souffre également de douleur chronique au dos. La combinaison de sténose spinale, de problèmes de genoux et de problèmes de hanches fait en sorte qu’il lui est extrêmement difficile d’exercer un emploi, même de type sédentaire, de façon régulière.

[18] Dans un examen des rapports médicaux présentés précédemment, il y a un manque de commentaires sur l’incapacité totale du demandeur à conserver un emploi jusqu’au rapport du Dr John daté du 30 décembre 2015. À d’autres reprises, l’on fait référence à des tentatives de travail et il y a des commentaires au sujet des conditions du demandeur, mais le rapport du Dr John daté du 30 décembre 2015 est le premier rapport dans lequel un médecin est d’avis que le demandeur est incapable d’exercer un emploi même s’il s’agit d’un emploi sédentaire.

[19] Le représentant du demandeur soutient que même si le rapport est daté du 30 décembre 2015, le Dr John voulait plutôt indiquer que la date de début était en avril 2013. Au moment de l’audience, il y avait deux autres lettres pertinentes provenant d’un médecin et qui abordaient la capacité de travail du demandeur. Il s’agit des suivantes :

  1. a) La lettre du Dr Wang Marquardt Paralegal Service [service parajuridique Marquardt] datée du 21 juin 2013 explique que le demandeur ne peut pas recommencer à effectuer un travail exigeant sur le plan physique. Ce rapport ne se prononce pas sur le fait qu’il pourrait exercer d’autres types d’emploi. Il se lit comme suit :
    1. [traduction]
      Même si sa fracture du fémur est guérie, la nature de la blessure, la voie pénible vers le rétablissement et ses symptômes persistants aux hanches et aux genoux l’empêcheront de recommencer à effectuer un travail exigeant sur le plan physique. Si je me fonde sur mes interactions avec monsieur D. F., il m’a bien fait comprendre qu’il ne pouvait pas retourner exercer un emploi physique, et je l’appuie entièrement et lui recommande de ne pas retourner exercer des tâches exigeantes sur le plan physique. (GD2-76)
  2. b) La lettre du Dr Wang datée du 6 juillet 2013 à l’attention de Marquardt Paralegal Service explique que le demandeur ne peut pas retourner exercer son emploi précédent. Encore une fois, ce rapport ne se prononce pas sur le fait qu’il pourrait exercer d’autres types d’emploi. En fait, ce rapport explique que le Dr Wang avait parlé avec le demandeur au sujet d’un changement de carrière. Les extraits pertinents sont libellés ainsi :
    1. [traduction]
      Avec ses symptômes persistants aux hanches et aux genoux, le patient a clairement fait comprendre qu’il n’était pas en état de reprendre ses fonctions professionnelles antérieures, ce que je peux comprendre parfaitement. Je crois qu’il devrait éviter les activités provocatrices qui pourraient exercer des tensions sur sa hanche et son genou.
    2. Sa blessure subie le 19 octobre 2010 a contribué à son changement de carrière. Il s’agissait d’une blessure importante qui nécessitait un traitement chirurgical. Malgré le fait qu’il s’est rétabli, il continue de présenter des symptômes et ne peut pas reprendre son emploi précédent en raison des tâches physiques pénibles. (GD2-102)

[20] Aucune de ces deux lettres n’indique qu’avril 2013 était la véritable date de début de l’invalidité. En fait, dans la lettre du 6 juillet 2013, le Dr Wang fait référence à la possibilité d’un changement de carrière, ce qui indique que ce médecin était d’avis qu’il possédait encore une capacité de travail.

[21] Le rôle de la division générale est d’agir comme principal juge des faits. Le rôle de la division d’appel n’est pas de trancher à nouveau l’affaire.

[22] La lettre du Dr John datée du 6 septembre 2016 est un nouvel élément de preuve, et la division d’appel n’a pas la compétence pour accepter celle-ci.

[23] En ce qui a trait à l’allégation selon laquelle la division générale a commis une erreur en déterminant que la date de début était le 30 décembre 2015, après un examen du dossier, il est évident que le membre a mené une audience en bonne et due forme, qu’elle a apprécié la preuve dont elle était saisie, qu’elle a tiré des conclusions de fait raisonnables et qu’elle a déterminé le droit applicable.

Conclusion

[24] Le demandeur n’a soulevé aucun moyen d’appel qui confèrerait à l’appel une chance raisonnable de succès. La demande est rejetée.

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